Yayoi Kusama Museum

Le musée dédié à Kusama Yayoi (草間彌生) a ouvert ses portes en 2017. On le trouve dans le quartier de Bentenchō à Shinjuku. Je voulais le visiter depuis longtemps mais le fait d’avoir à faire une réservation préalable nous a fait patienter. On s’est dit qu’on allait attendre plusieurs mois après l’ouverture avant d’essayer de le visiter et les mois ont passé jusqu’à maintenant. La crise sanitaire nous a désormais habitué à réserver à l’avance tous nos déplacements dans des musées mais a eu tout de même comme conséquence une diminution de nos visites récentes. On se décide souvent le jour même et il est en général déjà trop tard. Pour ce musée de Kusama Yayoi, réserver le jour d’avant (même le soir d’avant) était suffisant pour obtenir quelques places. Il semble par contre difficile de réserver pour le jour même, en particulier un jour de week-end.

Le musée conçu par Kume Sekkei est tout en hauteur et est dans l’ensemble assez petit. On est loin d’y voir ici regroupée une rétrospective complète de l’artiste, qui a beaucoup créé et qui crée encore maintenant à l’âge de 92 ans. On trouve les sculptures végétales colorées de Kusama Yayoi un peu partout dans le pays. Une de ses créations les plus connues est la citrouille jaune à poix noirs posée sur une jetée abandonnée de l’île de Naoshima, et qui a d’ailleurs été emportée par les eaux lors d’un typhon le 9 Août 2021. Il en existe une similaire à Hakata dans la ville de Fukuoka. Les installations de Kusama Yayoi sont parfois éphémères. Nous avions vu des sculptures de formes rondes rouges à poix blancs en haut de Roppongi Hills pour la première exposition que nous avions vu de l’artiste. L’exposition s’appelait Kusamatrix et se déroulait en 2004. Des formes similaires étaient soudainement apparues quatre ans plus tard dans les jardins de Tokyo Mid-Town. Nous avions également aperçu des citrouilles blanches à poix rouges dans le grand hall du Department Store Ginza6 en Juin 2017. Cette même année, se déroulait une grande rétrospective de Kusama Yayoi au musée NACT à Nogizaka. Il y avait de très nombreuses peintures au format typique carré et des sculptures colorées de fleurs. Cette exposition intitulée My Eternal Soul (わが永遠の魂) nous faisait entrer dans le monde fantastique de Kusama Yayoi d’une bien belle façon. Il y a également un musée permanent montrant des œuvres de l’artiste à Matsumoto dans la préfecture de Gifu, sa ville de naissance, mais nous n’y sommes jamais allés.

J’étais très curieux de découvrir ce musée à Bentenchō non seulement pour les œuvres d’art qu’il contient mais également pour l’architecture du bâtiment en lui-même. On ne pouvait malheureusement pas prendre de photos aux deuxième et troisième étages, les principaux étages d’exposition du musée. C’est bien dommage car la qualité de l’espace intérieur est remarquable, surtout le troisième étage possédant un très haut plafond. Les murs blancs à l’extérieur le sont également à l’intérieur ce qui donne un espace lumineux même si les stores sont fermés. J’imagine que la lumière doit être éblouissante si on ouvre complètement ces rideaux. Les murs du bâtiment sont arrondis aux coins et on retrouve cette configuration à l’intérieur. Les marches de l’escalier sont collées sur ce mur comme des plaques. On peut continuer à apprécier les œuvres de l’artiste tout en grimpant les marchés de l’escalier. Le système de réservation limite beaucoup le nombre de personnes pouvant entrer simultanément à l’intérieur du musée, ce qui facilite grandement la visite, surtout pour l’espace d’art collaboratif au quatrième étage. Le visiteur pouvait coller des fleurs jaunes données à l’entrée à l’intérieur de cette pièce meublée. Nous n’étions pas les premiers et il était plutôt compliqué de trouver un espace libre pour coller une petite fleur supplémentaire. Ce type d’espace collaboratif est assez typique de l’art de Kusama Yayoi. Pendant la période olympique, il y en avait un similaire à l’intérieur d’un bâtiment administratif de Shibuya. L’exposition en cours se concentre sur les œuvres monochromes, noir et blanc ou à couleur unique (comme ces fleurs jaunes). L’exposition s’intitule ‘Midway Between Mystery and Symbol: Yayoi Kusama’s Monochrome’. Certaines des œuvres sont anciennes mais d’autres beaucoup plus récentes. La peinture carrée appelée ‘STAIRWAY TO HEAVEN’ qui sert de présentation pour l’exposition date de 2019. On passe un bien agréable moment dans ce petit musée avec l’impression d’échapper au réel pendant quelques instants. L’exposition est à sens unique, c’est à dire qu’on évolue de salle en salle en montant l’étroit escalier. Un ascenseur nous permet quand même de redescendre à un des étages pour redémarrer notre ascension, ce que nous avons fait. Le haut du building donne accès à une terrasse ouverte sur un ciel bleu s’accordant bien avec une fleur colorée posée là. J’essaie de la prendre dans tous les angles. Je sors l’iPhone de ma poche pour pouvoir prendre une photographie en contre-plongée. Dans ce musée, même l’ascenseur est une œuvre d’art. Les parois qui composent le caisson de l’ascenseur sont toutes couvertes de miroirs avec des poix rouges collés de manière aléatoire. Cette disposition nous pousse forcément à se prendre en photo en selfie par réflection sur les miroirs. La dimension ludique de l’art de Kusama Yayoi est omniprésente. La baie vitrée couverte de poix blancs au rez-de-chaussée à côté de l’entrée me pousse également à imaginer quelle photographie amusante on pourrait faire, en association avec la rue qu’on aperçoit derrière la vitre en transparence.

Petits moments d’architecture (10)

Je n’avais pas poursuivi cette série des petits moments d’architecture depuis longtemps. L’épisode 9 date de l’année dernière et j’ai démarré cette série en Janvier 2008. Je parle la plupart du temps d’architecture sur les billets de ce blog, donc ça ne semble pas vraiment nécessaire de le préciser dans le titre du billet. Je me permets tout de même de reprendre cette série avec un dixième épisode, tout simplement parce que les quelques photos ci-dessus ont été prises le même jour à seulement quelques dizaines de minutes d’intervalle alors que je roulais à vélo à toute vitesse (mais en faisant attention). Cette découverte en peu de temps, plus ou moins par hasard, de ces bâtiments remarquables m’a donné l’impression de voir un concentré d’architecture et j’ai voulu retranscrire cette impression dans ce billet. Le but de ma balade à vélo dans Tokyo était tout d’abord d’aller voir le grand stade olympique que l’on peut désormais approcher de près. J’y reviendrais un peu plus longuement dans deux prochains billets. Mon autre but était de retourner dans le quartier de Sugachō où se trouve l’escalier rouge du film d’animation Your Name. Mais cette fois-ci, je voulais plutôt aller voir les bureaux de l’atelier d’architecture Bow-Wow. House & Atelier Bow-Wow est encastré entre d’autres maisons et immeubles. On a du mal à l’apercevoir car seules deux allées étroites y donnent accès. On ne devine pas non plus depuis l’extérieur, l’espace ouvert composant l’intérieur. Ce petit immeuble date de 2005 et il correspond à l’année où j’ai commencé à m’intéresser à l’architecture tokyoïte. De l’atelier Bow-Wow, je retiens le petit livre jaune Made in Tokyo, dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog. Le titre de ce livre n’a rien à voir avec le nom de ce blog, car je l’ai nommé quelques années auparavant sans avoir connaissance de ce livre de l’Atelier Bow-Wow. Les deux photographies suivantes montrent une résidence aperçue par hasard dans les rues de Sendagaya. Je l’a connaissais pour l’avoir aperçu récemment en photo sur le site designboom. Cette forme non conventionnelle dans les étages se devine depuis la rue. Cette résidence de béton aux étages légèrement désaxés s’appelle ibis sendagaya et a été conçue par KOMPAS. Les deux dernières photographies nous montrent finalement un superbe bâtiment de béton nommé ARCA par Atsushi Kitagawara, dont j’ai déjà montré plusieurs œuvres architecturales. Ce bâtiment datant de 2009 comprend des espaces de bureaux. Les ouvertures de tailles diverses et aléatoires accrochent tout de suite le regard du passant. Certaines ouvertures sont élégamment accentuées par des matériaux métalliques. En apercevant ARCA depuis le bas d’une pente près du grand stade olympique, je ne peux m’empêcher de faire quelques efforts supplémentaires pour aller le prendre en photo, alors que je suis déjà en retard et qu’il me faut maintenant rentrer à vélo à toute vitesse (mais en faisant attention).

le chat de Shinjuku et les mascottes olympiques

Je voulais voir le chat géant de Shinjuku depuis quelques semaines. Le principe n’est pas nouveau car on a deja vu ce type d’écrans courbés donnant un effet 3D saisissant dans d’autres pays. Celui-ci doit être le premier au Japon, à ma connaissance. Il est situé près de la gare de Shinjuku à la sortie Est, juste à côté du Studio Alta. Je n’étais pas le seul à attendre au croisement l’apparition du chat. Il apparaît quelques secondes seulement par intermittence avec d’autres programmes et des publicités. J’ai essayé de prendre une vidéo avec l’iPhone mais les images que j’ai obtenu avaient un tramage qui empêchait d’apprécier l’effet 3D. Ces quelques photographies de Shinjuku sont prises mercredi après-midi dans une chaleur étouffante. Les deux dernières photographies sont par contre prises le week-end dernier dans le parc de Koganei. Le grand avait une compétition de programmation de robots et son équipe (lui et son binôme) a remporté la deuxième place. Les mascottes olympiques sont situées devant le musée architectural en plein air Edo-Tokyo. Je ne l’ai jamais visité et nous n’avions pas assez de temps cette journée là. C’est un des nombreux endroits qu’il me reste à voir à Tokyo. Les Jeux Olympiques commencent enfin et on les regardera à la télévision comme tout le monde en essayant de faire abstraction de toutes les mauvaises nouvelles et les scandales qui sont répétés en boucle à la télévision et dans les News que je suis sur Twitter. Je suis quand même très curieux de voir ce que va donner la cérémonie d’ouverture.

色々ウォーク❸

Ma série de quatre épisodes continue mais change légèrement de titre car je m’écarte de Shibuya tout en restant dans le centre de Tokyo. Les deux premières photographies sont prises à Shinjuku, la même journée que ma visite au Tower Records près de la gare où se déroulait l’exposition de costumes de Tokyo mentionnée précédemment. L’exposition se terminait le 28 Juin donc j’imagine que les affiches que l’on pouvait voir à l’extérieur de l’immeuble Flags ont toutes été enlevées. Cette même journée ensoleillée, j’avais fait un tour à Kabukichō pour y voir l’exposition murale de photographies de Daido Moriyama. Sur le retour vers la station de Shinjuku, on fait face à l’immeuble tout en courbes Yunika et sa série d’écrans. A la sortie du DVD/Blu-ray de News Flash de Tokyo Jihen, des vidéos extraites du concert étaient montrées sur ces écrans à certains moments de la journée pendant quelques jours. Je n’avais pas eu le courage ni le temps d’aller voir aux heures de diffusion. Les deux photographies suivantes sont prises le soir à Aoyama un peu avant le couché de soleil. Les surfaces en ondulation sont celles du petit building Dear Jingu-mae rénové en 2014 par Amano Design Office. Le trait lumineux rouge sur le bâtiment de la photographie suivante m’intrigue beaucoup. On dirait un rayon de sabre laser du côté obscur de la force. Le mur noir sur lequel il est posé et le reflet sur la surface lisse perpendiculaire renforcent cette impression presque futuriste du lieu. La cinquième photographie est une vue des plus classiques de Tokyo qu’on est souvent tenté de prendre lorsqu’on lève un peu les yeux. La photographie de câbles électriques et transformateurs prise par Daido Moriyama sur le mur de Kabukichō est beaucoup plus impressionnante que ma photographie ci-dessus. Je me demande d’ailleurs s’il y a un site ou un compte Instagram répertoriant les arrangements électriques les plus compliqués et les poteaux électriques les plus beaux. Il y a bien des comptes Instagram répertoriant les conduits de ventilation des buildings tokyoïtes ou les maisons et immeubles envahis par la végétation. Ce sont des comptes que j’ai découvert récemment sur Instagram et que je suis distraitement depuis. Sur la dernière photographie de cette série, il s’agit de la zone de bureaux de Shinagawa Inter-city, vue depuis la passerelle reliant les deux parties principales du complexe. La passerelle passe au dessus du parc intérieur et on a l’impression de survoler une mer verte. On obtient un contraste intéressant entre les contours irréguliers de cette végétation dense et l’uniformité des buildings de verre qui limitent l’espace du parc. Je viens souvent à cet endroit mais ça faisait assez longtemps que je n’y avais pas pris de photos.

En écrivant mon billet sur l’émission spéciale de KanJam avec Tokyo Jihen, je m’étais demandé quels pouvaient être les liens entre Sheena Ringo et King Gnu, le groupe de Daiki Tsuneta. Parmi les liens identifiés, l’emission nous mentionnait le fait que Sheena avait assisté à un concert de Daiki Tsuneta à Tokyo, quelques années avant la formation de King Gnu. On sait également que Tokyo Jihen a déjà été invité à l’émission Music Station en même temps que King Gnu (le 25 Décembre 2020). On a également déjà vu une photo réunissant Sheena et Tsuneta, photo qui a dû être prise au moment de l’émission KanJam bien que j’ai le sentiment qu’elle soit plus ancienne. En cherchant un peu plus, je vois que Sheena Ringo et King Gnu ont participé au même album hommage au chanteur et compositeur Inoue Yōsui (井上陽水), figure importante de la scène musicale japonaise. Le morceau Shōnen Jidai (少年時代) de Inoue Yōsui est tellement connu qu’il est en quelque sorte entré dans l’inconscient collectif japonais. Utada Hikaru interprète d’ailleurs ce morceau sur la compilation hommage. A vrai dire, ce genre de morceaux ne m’intéresse pas beaucoup et l’interprétation qu’elle en fait est plutôt peu inspirée. Je préfère à la rigueur la version plus récente de Suis du groupe Yorushika pour le nouveau film d’animation Luca produit par Pixar. L’album hommage à Inoue Yōsui s’intitule Inoue Yōsui Tribute (井上陽水トリビュート) et est sorti en Novembre 2019. J’y sélectionne trois morceaux que j’aime beaucoup, dont Kazari Janai no yo Namida ha (飾りじゃないのよ涙は) interprété par King Gnu. Le morceau original fut écrit et composé par Inoue Yōsui pour la chanteuse Nakamori Akina (中森明菜) en 1984. Inoue interpréta également lui-même ce morceau sur un album de reprise sorti la même année. Ce morceau sortit également en single beaucoup plus tard en 2002. L’interprétation par Daiki Tsuneta et Satoru Iguchi est très personnelle et on reconnaît tout de suite l’approche musicale de King Gnu, ce qui me plait beaucoup.

Le quatrième morceau de la compilation, qui suit celui de King Gnu, s’intitule Wine Red no Kokoro (ワインレッドの心) et est interprété par Sheena Ringo. Inoue Yōsui a écrit les paroles de ce morceau datant de 1983 mais la musique est composée par Tamaki Koji du groupe Anzen Chitai (安全地帯). Ce groupe qui accompagnait Inoue sur scène se fait connaître du grand public grâce à ce morceau. L’interprétation de Sheena Ringo est magnifique. Elle ne chante pas ces paroles à la légère et on sent que le ton de chaque mot est mesuré. J’aime beaucoup cette tension qui nous accroche à l’écoute. Ce morceau me refait penser à l’album de reprises Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~) qu’elle avait sorti en 2002 juste avant KSK. Je me souviens avoir été assez déconcerté par cet album quand je l’avais acheté à l’époque, certainement un peu déçu du fait que ce n’étaient pas des morceaux originaux qui le composaient. Il y a tout de même de nombreux excellents morceaux, comme Haiiro no Hitomi (灰色の瞳) ou Momen no Handkerchief (木綿のハンカチーフ), mais également des choix plus discutables. En fait, j’aime beaucoup quand Sheena Ringo reprend des morceaux du répertoire populaire japonais. La reprise du morceau Kurumaya-san (車屋さん) de Misora Hibari par Tokyo Jihen sur la tournée Dynamite! de 2005 reste pour moi une des meilleures reprises qu’elle ait faite. Comme l’album Utaite Myōri de 2002 était le premier volume et qu’il n’y a jamais eu de deuxième volume, je me demande si elle a en tête de sortir une nouvelle compilation de ce style. Je me suis mis à réécouter Utaite Myōri il y a quelques mois et je l’apprécie beaucoup plus qu’avant. Dans l’enquête du fan club Ringohan (celle de l’année dernière que je mentionne sans arrêt), la question était posée de suggérer un ou une artiste dont Sheena pourrait reprendre un morceau. J’avais suggéré Jun Togawa sans grande conviction car cette possibilité me paraît plutôt improbable, mais pas totalement impossible. La réalisatrice Mika Ninagawa du film Sakuran dont Sheena a écrit les musiques a déjà signé une compilation de morceaux de Jun Togawa (elle assurait la sélection des morceaux) et je vois donc là un lien qui ouvre des possibilités.

Pour revenir à la compilation Inoue Yōsui Tribute, le troisième morceau que j’apprécie beaucoup est une reprise de Higahi he Nishi he (東へ西へ), écrit par Inoue en 1972, et interprété par iri. Elle a une voix remarquable et laisse vraiment son empreinte sur ce morceau en lui donnant un rythme très accrocheur. Je suis toujours très curieux d’écouter ses nouveaux morceaux. Il se trouve qu’elle vient de sortir un nouveau single intitulé Uzu (渦), qui a l’air de bien fonctionner au niveau des ventes, si on en croit le classement Hot 100 de la radio J-Wave. Ce morceau est excellent et je l’écoute très régulièrement dans ma playlist personnelle. J’ai le sentiment qu’elle mériterait d’être un peu plus reconnue car on ne la voit pas beaucoup dans les émissions musicales télévisées, comme Music Station ou Music Day hier Samedi. Enfin, on pourrait aussi comprendre l’envie d’éviter le tourbillon des apparences médiatiques.

白黒になる東京 (4)

Depuis la gare de Shinjuku, je marche maintenant vers Kabukichō en direction de la station de Seibu Shinjuku. Cette zone de Shinjuku a pris ce nom de Kabukichō car elle était initialement destinée à accueillir un théâtre kabuki après la seconde guerre mondiale. Ce théâtre, qui était censé s’appeler Kiku-za, n’a jamais vu le jour en raison de problèmes de financement, mais le nom de Kabukichō est resté. Des centres de divertissement se sont tout de même développés un peu plus tard, notamment un cinéma appelé Tokyu Milano-za construit en 1956 ainsi que d’autres établissements: un centre culturel, un théâtre et une patinoire. Le cinéma Tokyu Milano-za a fermé ses portes le 31 Décembre 2014. Le bâtiment a été rasé et va laisser place à une tour de 225 mètres actuellement en cours de construction. Je ne suis pas venu à Kabukichō pour voir ce nouveau building en construction qui va continuer à transformer l’image du quartier, mais plutôt pour aller voir la palissade de métal blanc qui l’entoure. Dans le cadre d’un projet intitulé Shinjuku Art Wall (新宿アートウォール・プロジェクト), une sélection de photographies de Daido Moriyama y sont affichées en grand format sur les murs Sud et Ouest. Certaines photographies sont assez connues comme celle avec des bas résille formant des motifs courbes, celle montrant des lèvres féminines prises en gros plan ou encore la photographie de câblages électriques compliqués accrochés sur un poteau. Je ne connaissais pas la plupart des autres photographies, notamment celles montrant des personnages de la série Evangelion comme Ayanami Rei. C’est une bonne idée d’utiliser ces surfaces autour des constructions pour montrer des photographies, illustrations ou autres œuvres d’art. J’ai l’impression que cette méthode d’exposition devient plus fréquente ces derniers temps. Je me souviens des palissades blanches autour du PARCO de Shibuya sur lesquelles Katsuhiro Ōtomo et Kosuke Kawamura s’étaient associés pour montrer des illustrations du manga Akira. Ce n’est pas le seul exemple d’art de rue éphémère que j’ai pu voir à Shibuya.

J’écoute souvent l’album éponyme de Millenium Parade mais je me rends compte que je n’en avais jamais parlé dans un billet à part entière, car je l’avais en fait évoqué dans des commentaires d’un ancien billet lorsque je commençais à écouter l’album en Mars 2021 un mois après sa sortie. Je l’écoute de plus en plus maintenant car c’est un album qui se révèle petit à petit. Millenium Parade (abrévié en Mirepa ミレパ) est un projet musical mené par Daiki Tsuneta, fondateur de King Gnu avec Satoru Iguchi. Alors que King Gnu a une approche rock plutôt mélodique, Millenium Parade prend une approche plus éclectique mélangeant les styles entre rock, passages plus symphoniques, des moments électroniques ou jazz et d’autres de hip-hop. J’aime beaucoup King Gnu et c’est le groupe qui réconcilie tout le monde à la maison. Je m’étais procuré sur iTunes leurs deux derniers albums, à savoir celui intitulé Sympa sorti en Janvier 2019 et leur dernier intitulé Ceremony sorti en Janvier 2020. Ceremony comprend le single Hakujitsu (白日) qui a grandement contribué à la notoriété du groupe, notamment pour la voix rare de Satoru Iguchi. Iguchi et Tsuneta sont proches car ils viennent tous les deux de la même université des Beaux Arts de Tokyo, Département Musique. Iguchi ne fait cependant pas partie de Millenium Parade mais est tout de même invité sur deux morceaux à la fin de l’album dont le morceau Familia qui le conclut. Ce morceau reste très proche de l’esprit musical de King Gnu. Daiki Tsuneta est également membre fondateur de Perimetron qui est un collectif composé de vidéastes, d’illustrateurs graphistes et de musiciens. Perimetron ressemble à une troupe d’artistes très proches partageant une même vision créative. Ce groupe réalise les vidéos de King Gnu et de Millenium Parade. Dans son ensemble, King Gnu est à mon avis plus axé mainstream que Millenium Parade qui se présente plutôt comme un concept musical. Daiki Tsuneta y compose les musiques et invite différents artistes pour les interprétations vocales et instrumentales, comme les voix féminines de l’interprète Ermhoi sur quelques morceaux comme 2992 ou Lost and Found ou encore Friday Night Plans sur le morceau Trepanation. Leurs interprétations vocales sont superbes d’ailleurs. Tsuneta chante également sur plusieurs morceaux. Les paroles sont presque toutes en anglais bien que les membres du groupe et les invités soient tous des artistes japonais, mais parfois d’origines diverses. Millenium Parade est très intéressant musicalement dans un esprit rock se mélangeant avec une approche symphonique, parfois jazz, mais gardant quelque chose d’assez chaotique. C’est d’ailleurs une image que Tsuneta recherche, car il évoque lui-même le Tokyo Chaotic Sound comme tendance principale de leur art. Il y a d’ailleurs un morceau intitulé Tokyo Choatic!!! qui se trouve être une interlude musicale. Il y a beaucoup de courtes transitions musicales dans cet album, contribuant à son approche conceptuelle. Ces transitions façonnent d’ailleurs l’ambiance générale qui se dégage de l’album. Plusieurs d’entre elles évoquent le folklore japonais, comme le tout premier morceau intitulé Hyakki Yagyō (百鬼夜行) qui fait référence à la parade nocturne des 100 démons yōkai arpentant tous les ans les rues durant les nuits d’été et provoquant la mort à ceux qui ont le malheur de croiser leur procession. Hyakki Yagyō était également le thème de la tournée de Sheena Ringo en 2015 (椎名林檎と彼奴等がゆく 百鬼夜行2015), dont j’ai le Blu-ray sans l’avoir vu car je fais durer le plaisir. Ce trait d’union m’interpelle forcément un peu. Une autre interlude de Millenium Parade s’appelle Matsuri no ato et vient reprendre des fragments du morceau suivant 2992, constituant ainsi une sorte d’introduction. Ce genre de liaisons est très intéressante. Millenium Parade s’est surtout fait connaître par le morceau Fly with Me, qui est le thème d’ouverture de la série Ghost in The Shell: SAC_2045. La vidéo animée de style futuriste par Perimetron est superbe, sans forcément reprendre le style GITS. En fait le désordre urbain me rappelle plus le manga et l’anime Tekkonkinkreet. Il se trouve que Daiki Tsuneta est fan de GITS et s’en inspire apparemment dans son approche artistique. J’adore également GITS et les autres manga cultes de Masamune Shirow (Appleseed ou Orion par exemple). La vidéo de Veil par exemple, semble être complètement influencée par l’univers de GITS avec ces tubes reliant des corps cybernétiques. Veil est un des singles du groupe mais n’est bizarrement par présent sur l’album Millenium Parade. J’aime beaucoup l’approche artistique « complète » de cet album où le même collectif autour de Daiki Tsuneta compose les musiques des morceaux, les interprète, tourne les vidéos et illustre les pochettes de leurs albums. Ça donne une certaine consistance de style et quelque chose de très puissant qui m’intéresse beaucoup.

Vous allez peut-être vous inquiétez du fait que je n’ai pas encore évoqué Tokyo Jihen sur ce billet alors que c’était le cas sur presque tous les billets précédents (enfin j’évoque bien Sheena Ringo un peu plus haut). Dans un souci de continuer à tester l’endurance des lecteurs de Made in Tokyo, dont le nombre est en conséquence en baisse en ce moment, je vais quand même évoquer une nouvelle fois Tokyo Jihen ici. En fait, il m’est revenu en tête d’écrire au sujet de Millenium Parade et de Daiki Tsuneta car il était invité avec le batteur de King Gnu, Yū Seki, à l’émission KanJam Kanzen Nen-SHOW (関ジャム 完全燃SHOW) en deux parties les Dimanche soir 13 et 20 Juin 2021 sur TV Asahi. L’émission est présentée par le groupe d’idoles masculines KanJani8 (関ジャニ∞), originaire du Kansai comme leur nom le suggère. Vu qu’ils sont incapables de chanter correctement, je me suis toujours demandé pour quelle raison ils s’étaient retrouvés à animer une émission musicale qui peut être par moment assez pointue. On voit d’ailleurs régulièrement qu’ils sont un peu dépassés par les discussions qui ont lieu pendant l’émission, et c’est d’ailleurs également assez régulièrement mon cas pour être très honnête. Il s’avère tout de même qu’il s’agit d’une des émissions musicales les plus intéressantes de la télévision japonaise, avec celles de la NHK dans un style certes plus formel. Les émissions de KanJam du 13 et 20 Juin ont en fait été hijackées par Tokyo Jihen remplaçant KanJani8 dans le rôle d’animateurs et les reléguant au rôle de spectateurs. L’émission avait même changé de nom pour devenir HenJam Shinra Ban-Show (変ジャム 森羅万SHOW). La mise en scène était amusante car les membres de Tokyo Jihen prétendaient être d’autres personnes liées aux membres du groupe, des frères ou des cousins. Sheena Ringo, qui présentait l’émission avec Ichiyō Izawa, prétendait être Shiina Tekuno (椎名てく乃), cousine de Sheena Ringo qui se trouve être présentatrice de profession. Izawa Ichiyō se présentait en tant que Izawa Amaō (伊澤甘王), cousin au deuxième degré de Ichiyō et journaliste. Je pense qu’on lui a donné le nom de Amaō car on sait qu’il aime les choses sucrées depuis l’épisode de Hanakin Night qui lui était consacré. Kameda Seiji devenait Kameda Seizo, petit frère de Seiji et responsable dans une entreprise. Ukigumo se présentait sous le nom de Yamigumo (闇雲), son frère jumeau et ingénieur de profession. Finalement, Hata Toshiki devenait Hatahata Toshiki (鰰(はたはた)都市紀), chercheur en poisson d’eau de mer et parent de Hata Toshiki. Cette mise en scène très compliquée provoqua bien entendu la surprise des autres personnes sur le plateau. Ce qui était amusant, c’est que Sheena prenait un malin plaisir à ne pas répondre lorsque l’on lui demandait le sens de cette plaisanterie. On ressentait assez clairement que toute cette mise en scène avait été imaginée par Sheena Ringo, certainement pour alléger le stress de ce genre d’émissions, mais on voyait que les autres membres du groupe avaient du mal à se tenir à leurs rôles imposés. Je pense que le chaos qui est en résultait était volontaire et donnait quelque chose d’assez particulier à suivre. Dans cette mise en scène, les membres de Tokyo Jihen devaient parler d’eux-mêmes à la troisième personne, n’étant que les cousins ou petits frères des véritables membres du groupe. On pouvait remarquer que Kameda avait tout de suite du mal à se tenir à cette mise en scène et Sheena le reprenait sous les sourires de tous. C’est une drôle d’idée complètement décalée.

L’autre surprise de l’émission était donc de voir Daiki Tsuneta invité avec le batteur de King Gnu, Yū Seki, à cette émission. Je me souviens que lors d’une enquête du fan club Ringohan, Sheena Ringo demandait qu’on lui suggère des artistes avec lesquels elle pourrait collaborer musicalement et j’avais proposé King Gnu. Ça me fait donc plaisir de voir une partie du groupe invité même s’il ne s’agit pas d’une participation commune à l’élaboration d’un morceau de musique. Ce sera peut être pour une autre fois, mais l’émission avait au moins le mérite d’indiquer qu’il y a des points communs entre Sheena Ringo et King Gnu. C’est en fait Sheena qui a invité Daiki Tsuneta dans l’émission et il explique lui-même qu’il ne pouvait pas refuser. Il se trouve que Sheena a assisté à un de ses premiers concerts à Tokyo il y a quelques années et qu’il se sentait donc obligé d’accepter cette invitation pour cette émission. Le ton de l’émission était volontairement piquant donc on ne sait pas trop dans quelle mesure il s’agit d’humour ou de réalité. Mes souvenirs de Tsuneta dans des émissions de télévision étaient qu’il avait une attitude un peu hautaine (je ne me souviens en fait que d’une seule émission où King Gnu était interviewé, donc mon impression est peut être fausse) mais il avait ici l’air très humble, très souriant et même un peu gêné pendant cette émission qu’on lui fasse des compliments, comme s’il y avait une relation de Kohai à Senpai entre Tokyo Jihen et King Gnu. Daiki Tsuneta dit beaucoup de bonnes choses sur Tokyo Jihen. C’est amusant de voir Sheena l’écouter avec un sourire en coin en baissant la tête. On comprend tout de suite que les commentaires élogieux de Tsuneta sur le groupe lui plaisent beaucoup. Il insiste aussi beaucoup sur le jeu de basse de Kameda et les distorsions (歪み) qu’il y introduit. L’émission prend en exemple son solo de basse sur OSCA qui remplace très bien un solo de guitare. En même temps, Sheena nous dit que la basse de Kameda vient parfois empiéter sur sa plage vocale et qu’il est parfois difficile pour elle de chanter sur un morceau quand le son de la basse devient trop présent. Cette remarque un peu piquante là encore mais volontairement humoristique fait rire toute l’assemblée. Et Ukigumo de commenter qu’avec la basse de Kameda, on n’a même plus besoin de guitare. Le sujet des distorsions occupent un bon moment de la seconde partie de l’émission car Tsuneta apprécie beaucoup cet aspect du groupe et entend même des distorsions dans la batterie de Toshiki Hata.

Outre King Gnu, Chan Mari (ちゃんMARI) du groupe Gesu no Kiwami Otome (ゲスの極み乙女) et le producteur Akimitsu Honma, membre régulier de l’émission, intervenaient également. Chan Mari nous dit d’entrée de jeu être fan de Tokyo Jihen, avec une pointe d’émotion dans la voix. Elle est au clavier dans son groupe et insiste beaucoup dans l’émission sur les talents de composition de Izawa, en prenant comme exemple les solos sur le morceau Osorubeki Otonatachi (恐るべき大人達) en version live sur la tournée Discovery, sur le morceau Aka no Dōmei (赤の同盟) sur le dernier album Music ou sur Himitsu (秘密). Le producteur Akimitsu Honma note que la particularité de Tokyo Jihen est que chaque membre du groupe est capable de composer des morceaux en plus d’être musicien, ce qui est un fait rare. Il remarque certains rapprochements entre l’approche musicale de Tokyo Jihen et celle de King Gnu. Je suis assez d’accord avec cela dans le sens où ces deux groupes ne se sentent pas limité dans leurs approches musicales et sont en mesure de s’approprier différents styles en les adaptant à leurs propres atmosphères. Je ressens également une même sophistication et profondeur dans les sons qu’ils produisent, un certain perfectionnisme. Dans l’émission, en plus de cette capacité à composer, on évoque également le fait que la plupart des membres du groupe ont de multiples capacités en plus de jouer de leurs instruments d’origine, notamment celle de chanter pour Izawa et Ukigumo et de jouer de la guitare en plus des claviers pour Izawa.

L’émission aborde ensuite le fait que le groupe développe sans cesse des nouvelles versions de leurs morceaux, ce qui rend d’ailleurs les concerts intéressants car les morceaux varient souvent par rapport à ce qu’on connaît des albums. Sheena évoque une fois de plus son souci de plaire au public en proposant des interprétations nouvelles plutôt que de répéter des versions que le public connait déjà. A ce sujet, Ukigumo ne fait jamais deux fois les mêmes solos de guitare. On nous le démontre dans l’émission en prenant différents exemples en concert du morceau Killer Tune pour lequel le solo est à chaque fois diffèrent. Ukigumo nous dit que changer à chaque fois permet de ne jamais se tromper car il n’est pas nécessaire de reproduire exactement la même partition à chaque interprétation. Mais ça veut surtout dire qu’il a une excellente capacité d’improvisation ce qui désoriente d’ailleurs un peu les autres membres du groupe. En studio d’enregistrement, il improvise souvent une partition qui se trouve être meilleure que ce qui était écrit à l’origine. Le problème est qu’il ne se souvient parfois pas après coup ce qu’il a improvisé et il faut lui faire réécouter la bande de son propre passage de guitare pour qu’il puisse le reproduire à l’identique en se copiant lui-même. On lui pose la question si le changement perpétuel de version peut être dû au fait qu’il ne retient pas la partition originale et il nous confirme avec une moitié de sourire qu’il y a également un peu de cela. Sur Ukigumo, Tsuneta nous dit qu’il est un génie de la guitare car son approche musicale n’est jamais standard ou normale, et qu’il est respecté par les jeunes guitaristes.

Chan MARI évoque un peu plus tard la multiplicité des voix de Sheena, ce que j’aime aussi énormément et Akimitsu Honma parle aussi de génie pour le chant de Sheena. Il y a beaucoup de superlatifs dans cette émission, ce qui peut paraitre un peu trop. Mais ce qui est avant tout intéressant, c’est le déroulement chaotique de l’émission, comme une distorsion de la réalité, qui nous pousse à sourire. Par exemple, Yū Seki de King Gnu nous explique qu’il a été invité par Hata Toshiki dans cette émission mais lui-même n’a pas l’air très au courant. Sheena répond toujours à moitié aux questions et quand ça l’arrange. A une question de l’acteur, invité régulier de l’émission, Arata Furuta, elle nous dit qu’elle n’est pas Sheena Ringo (puisqu’elle est le personnage de Tekuno) et qu’elle n’est donc pas en mesure de répondre précisément. Elle change même rapidement de sujet en posant une question à Daiki Tsuneta. Cette mise en scène est en fait un moyen pratique pour ne pas répondre aux questions ennuyeuses. Arata Furuta lui demandait si la raison pour laquelle elle avait arrêté sa carrière solo était bien pour faire partie d’un groupe. C’est une question à laquelle elle a dû répondre tellement de fois qu’elle expédie la réponse en passant rapidement à autre chose. Un peu plus tard dans l’émission, Ukigumo nous révèle qu’on l’oblige à porter des vêtements bizarres, comme le costume d’indien qu’il a porté récemment pendant l’émission Music Station pour le morceau Ryokushu (緑酒), et que parfois c’est dur à vivre. L’éclat de rire de Tsuneta quand Ukigumo nous annonce cela fait plaisir à voir. Là encore, on ne sait pas trop si cette complainte est véritable, mais j’imagine bien Sheena obliger gentiment tout le monde à porter ces tenues de scènes, sans que personne ne soit en mesure de refuser tout en se disant que ça ne doit pas être une si mauvaise idée que cela. L’émission décortique également plusieurs morceaux mais je trouve les explications plus floues et moins convaincantes. En tout cas, j’ai appris pas mal de nouvelles choses sur le groupe, et des petites anecdotes. Le respect mutuel entre les membres du groupe, et entre Tokyo Jihen et King Gnu, transparaissait véritablement dans cette émission, et m’a d’autant plus donné envie de revenir vers les albums de Millenium Parade et de King Gnu, en alternance avec Music de Tokyo Jihen que j’écoute toujours beaucoup sans m’en lasser.