once upon the street (2)

Continuons tranquillement avec le noir et blanc appliqué sur les rues de Tokyo. Je l’applique également sur le bleu et le blanc du ciel et des nuages, ainsi que sur mon iPhone transformé en iPod sur la première photographie du billet. J’amène toujours ma musique avec moi en toute circonstance, et il est extrêmement rare que je n’amène pas mon iPod dans mes déplacements. L’autocollant, acheté dans la petite boutique spécialisée B-side Label sur Cat Street à Harajuku, avec une fille jouant de la guitare accompagnée d’un petit chat noir, correspond assez bien au rock japonais que j’écoute souvent. Je n’ai pas beaucoup hésité dans le choix de cet autocollant pour couvrir le dos de mon iPod. Le béton de la deuxième photographie est celui du Collezione à Omotesando par Tadao Ando. Les bambous de la troisième photographie sont plantés le long du musée de Nezu par Kengo Kuma. Sur les affiches publicitaires des abris bus, Haruna Kawaguchi (川口 春奈) montre parfois son visage à la demande d’une marque de cosmétique dont elle doit certainement être l’ambassadrice. Je l’avais déjà prise en photo en couleur alors il fallait bien que je la prenne aussi en photo en noir et blanc, ici près de Sangubashi, sauf que la mise au point est plutôt dirigée vers les deux vieilles dames qui marchent au fond. Le mur délabré de la photographie suivante affichait autrefois une illustration géante de visages de clowns inquiétants. J’en montrais une photo dans mon premier photobook dans la série The Young Face. Il n’en reste désormais que des morceaux illisibles car le mur n’a jamais été vraiment nettoyé ou repeint. Et les nuages noirs chargés de pluie (雨雲), je les vois depuis mon balcon juste avant de prendre la route à pieds pour une autre destination urbaine.

Les magasins Disk Union passent toujours en fond sonore des albums plus ou moins récents, mais en général plutôt anciens. Je n’y prête pas souvent attention, mais ce jour là dans le magasin Disk Union de Shinjuku, le son d’une guitare menaçante accompagnée d’une voix féminine à la fois posée et puissante a tout de suite attiré mon attention. L’ambiance rock me plait beaucoup et vient soudainement interrompre mes recherches de disques dans le magasin. Je ne reconnais pas cette voix, mais j’utilise immédiatement l’application Shazam sur mon iPhone pour savoir qui chante sur ce morceau. Il en ressort le titre Nureta Yurikago (濡れた揺籠) de la compositrice et interprète Cocco (こっこ) sur un album intitulé Kamui Uta (カムイウタ) de 1998. Je connais le nom de cette artiste originaire d’Okinawa depuis de nombreuses années, mais je n’avais jamais prêté attention ni même écouté sa musique. Ce morceau que j’écoute avec une attention certaine au deuxième étage du Disk Union de Shinjuku ne correspond pas à l’image à priori et non renseignée que j’avais de cette artiste. Le morceau qui suit sur cet album et que le magasin passe maintenant en fond sonore est beaucoup moins tendu et m’intéresse moins musicalement. Je vois le CD de Kamui Uta dans l’étagère classée à Ko (こ), juste à côté des albums de GO!GO!7188 que j’étais venu acheter cette fois-ci. J’hésite quelques instants en me disant que je devrais écouter un peu sur YouTube avant d’acheter un album. Je n’achèterais finalement pas cet album et l’idée me sortit de tête pendant plusieurs semaines.

J’y repense soudainement car le souvenir un peu flou du morceau Nureta Yurikago refait surface, et il me prend l’envie d’en savoir un peu plus sur cette artiste. J’adore lire les fiches Wikipedia et celle de Cocco m’apprend avec beaucoup de surprise qu’elle a joué le rôle principal du film intitulé KOTOKO du réalisateur Shinya Tsukamoto (塚本晋也) sorti en 2012. J’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog de Shinya Tsukamoto pour certains de ses films, complètement décalés et même cinglés et dérangeants, en particulier Tetsuo: The Iron Man (鉄男), son premier film sorti en 1989 et Tokyo Fist, film de 1995. Shinya Tsukamoto est également acteur et joua un second rôle dans Ichi The Killer (殺し屋1), film de Takashi Miike (三池崇史) datant de 2001 dont j’ai déjà parlé. Tous ces films ont une violence à la limite du surréalisme. Je n’ai pourtant pas résisté à l’idée de voir KOTOKO sur Amazon Prime, et ce fut un choc (comme à chaque fois pour les films de Tsukamoto). Cocco y joue une mère célibataire atteinte d’une maladie mentale qui lui fait parfois voir les gens en double en s’imaginant qu’on lui veut du mal à elle et à son petit garçon. Ces crises de folie passagères lui font perdre le sens de la réalité et elle en vient à se mutiler pour se prouver qu’elle est bien vivante. Son instabilité mentale fait qu’on la sépare de son garçon qui sera confié à sa sœur vivant loin à Okinawa. Kotoko aime chanter, et ce sont les seuls moments de réconfort qu’elle éprouve en dehors des quelques visites qu’elle fait à Okinawa pour voir son garçon. Tanaka, un écrivain joué par Shinya Tsukamoto, entend son chant dans le bus l’amenant à l’aéroport, ce qui provoque en lui une addiction. Kotoko le repousse mais il s’acharne. Une relation destructrice en naîtra. La violence du film est dure mais n’est pas absente d’une certaine forme d’humour (il faut être réceptif quand même). Le jeu d’actrice de Cocco est fabuleux, complètement convaincante dans son rôle au point où on arrive à toucher du doigt son trouble et à comprendre son cheminement mental. Je suis resté accroché au film jusqu’à la scène finale particulièrement touchante. Voir ce film m’a fait complètement changer d’à priori sur cette compositrice et interprète, également actrice donc.

Et je suis donc parti ce samedi en fin de matinée au Disk Union de Shinjuku pour acheter deux de ses albums: Kamui Uta (カムイウタ) et Rapunzel (ラプンツェル), après avoir écouté quelques morceaux sur YouTube tout en marchant. Les cris soudains de Cocco au milieu de Kemono Michi (けもの道), le premier morceau de l’album Rapunzel sorti en 2000, et sur Ratai (裸体), le huitième morceau de Kamui Uta font tout d’un coup écho au premières minutes du film KOTOKO. J’ai lu que le réalisateur Shinya Tsukamoto était inspiré par les morceaux et les paroles écrites par Cocco, Satoko Makishi (真喜志智子) de son vrai nom, et qu’il avait dans l’idée de tourner un film avec elle depuis longtemps.

Les morceaux de Cocco sur ces deux albums n’ont pas pour moi de sensibilité mélancolique et j’ai bizarrement un peu de mal à les situer dans mon échelle émotionnelle d’appréciation car sa voix d’inspiration pop rock est assez différente des chanteuses que j’apprécie habituellement. Et c’est en fait cela qui m’intéresse énormément dans la musique de Cocco, car sa sensibilité reste pour moi assez mystérieuse. Il y a une densité émotionnelle forte dans ses morceaux, parfois viscérale que j’étais loin de soupçonner. Il y a un grand nombre de morceaux à l’approche rock qui ont forcément ma préférence car ils sont très bien construit musicalement et riches et guitares mais aussi des moments de pauses beaucoup plus calmes ressemblant parfois à des comptines. En fait, il y a deux types de morceaux, certains rock portant des guitares assez agressives et se terminant parfois sur une cacophonie sonore, et d’autres beaucoup plus pop qui me ramènent directement aux ambiances de la J-Pop du début des années 2000. Je ressens une certaine nostalgie en écoutant ces morceaux là en particulier. Le morceau Tsuyoku Hakanai Monotachi (強く儚い者たち) est un bon exemple de ce type de morceaux, un brin passé mais très attachant car son chant et la mélodie sont très accrocheurs. Les guitares très présentes reprenant aussitôt après, comme sur Anata he no Tsuki (あなたへの月) donnent un ensemble qui peut paraître parfois assez hétérogène. La chanson presque enfantine My Dear Pig par exemple contraste complètement avec le menaçant morceau Ratai (裸体) qui est un de mes préférés de l’album Kamui Uta avec Kemono Michi sur Rapunzel. Mais il y a de nombreux morceaux très prenants comme ces deux là. Cocco chante principalement en japonais sur ces deux albums mais il y a quelques morceaux chantés en anglais avec un accent parfait, Rose Letter par exemple. Je ne connais pas la raison pour laquelle elle parle aussi bien anglais, mais je sais au moins qu’elle est partie plus tard, après ces premiers albums, vivre en Angleterre dans la deuxième partie des années 2000. Bref, je me trouve soudainement accaparé par ces deux albums. J’aime beaucoup découvrir des nouvelles musiques dans le froid de l’hiver. Ça me réchauffe le cœur, en quelque sorte.

En continuant à lire sa page Wikipedia, je découvre que le réalisateur Hirokazu Kore-Eda a réalisé un documentaire à son sujet en 2008 intitulé Daijōbu de Aru Yōni: Cocco Owaranai Tabi (大丈夫であるように – Cocco 終らない) que je ne trouve malheureusement pas sur Netflix ou Amazon Prime. Et cinq ans après KOTOKO, Cocco a joué dans un autre film intitulé A Bride for Rip Van Winkle (リップヴァンウィンクルの花嫁) réalisé en 2016 par un certain Shunji Iwai (岩井俊二) dont j’ai déjà parlé très récemment pour son film de 2001 All About Lily Chou-Chou (リリイ・シュシュのすべて). En fait, en voyant les scènes de KOTOKO tournées à Okinawa, je me suis dis que je regardais beaucoup de films avec des scènes tournées là bas en ce moment (une partie clé de Lily Chiu-Chou est tourné à Okinawa). Je regarde maintenant sur Netflix ce film de 2016 de Shunji Iwai dans lequel Cocco joue un rôle secondaire important pour le déroulement de l’intrigue. Pendant presque trois heures, le film A Bride for Rip Van Winkle nous fait suivre la vie de Nanami Minagawa (interprétée par Haru Kuroki), jeune femme apathique, professeur d’école à mi-temps et adepte d’un réseau social qui lui fait rencontrer son futur mari. Elle a peu d’ami et pour son mariage, elle demande les services d’un personnage mystérieux également rencontré sur le même réseau social pour organiser la location d’invités qui joueront le rôle d’amis pour combler le déséquilibre avec le nombre d’invités de son futur mari. Cet homme mystérieux appelé Yukimasu Amuro (interprété par Go Ayano) est plein de resource et est toujours prêt à venir en aide à Nanami mais ses intentions sont troubles et on ne sait jamais s’il est bienveillant ou manipulateur. Le mariage de Nanami ne se passe malheureusement pas comme elle le voudrait. Elle se trouve ensuite embarquée à jouer elle même le rôle d’invités factices dans un mariage. Elle y rencontre le personnage fantasque Mashiro Satonaka (interprétée par Cocco), une actrice qui va changer sa vie. Le film se divise assez clairement en deux parties et Cocco n’intervient que dans la deuxième partie. Le film est assez long mais on se laisse entraîner dans cette histoire sans savoir où elle va nous amener. Le jeu de Go Ayano, d’Haru Kuroki et de Cocco est remarquable. J’aime particulièrement le personnage d’Amuro joué par Go Ayano, car il est maître de toutes situations et j’adore sa manière complètement convaincante de parler. Un petit détail que j’ai beaucoup aimé est la rencontre de Nanami et de Mashiro dans un bar karaoke de Kabukichō (ou quelque part ailleurs à Shinjuku). Le morceau que Nanami chante dans ce karaoke est Bokutachi no Shippai (ぼくたちの失敗) de Morita Dōji (森田童子) sur son deuxième album Mother Sky (マザー・スカイ) sorti en 1976. J’avais déjà parlé ici de Morita Dōji sur ce blog pour un album ultérieur intitulé Boy, mais j’ai aussi Mother Sky dans la discothèque personnelle de mon petit iPhone transformé en iPod.

Daikan 1

Je ne vois pas beaucoup d’intérêt dans Instagram sauf quand il me fait découvrir des nouveaux lieux, des nouvelles architectures intéressantes à Tokyo ou des expositions à aller explorer. Après une exposition à Hong Kong et Melbourne, l’artiste Shohei Ōtomo annonce sur Instagram une exposition soudaine au Tsutaya T-site de Daikanyama. Je me précipite donc le lendemain, un samedi matin, pour aller voir de mes propres yeux ses illustrations à l’encre, notamment Heisei Mary, dont il nous montrait dernièrement les étapes de création sur son compte Instagram. Les posters de l’oeuvre étaient malheureusement déjà en rupture de stock, mais je ne pense pas que Mari m’aurait de toute façon autorisé à l’afficher dans le salon ou au dessus de l’ordinateur. Cette figure féminine est intéressante car elle est tatouée de divers dessins représentant des images de la culture populaire japonaise et américaine. On reconnaît les personnages de Street Fighter, Dragon Ball, Death Note, Godzilla, Sailor Moon, Evangelion ou encore Kitty Chan et Pokémon du côté japonais. Du côté américain, Dark Vador se dresse à côté du Joker, de personnages de Matrix, de Harry Potter et du Pirate des Caraïbes, à côté des tours du World Trade Center en feu. Les ambiances sont mélangées car la reine des neiges côtoie la princesse Peach de l’univers Nintendo, Nausicaa de Hayao Miyazaki et les petites fleurs colorées de Takashi Murakami. Une colombe blanche, signe de paix au milieu de ces cohabitations improbables, surplombe une explosion nucléaire semblable à celle que l’on voit dans Akira de Katsuhiro Ōtomo, le père de Shohei. Il y a beaucoup de talent dans cette famille. L’exposition est malheureusement assez limitée car on ne peut y voir que quelques œuvres, notamment les figures détournées de policiers et le spectre dont je parlais déjà dans un billet précédent. J’aurais aimé en voir plus et pouvoir acheter un art book de ses œuvres, mais il n’existe pas encore. Shohei Ōtomo reste pour moi un artiste à suivre de près.

Je reprends ensuite la route dans les rues de Daikanyama en gardant un œil sur l’occupation végétale au sol et l’occupation graphique sur les murs. Cette fois-ci, deux stickers m’intriguent sur un poteau électrique, notamment un étrange casque de couleur rose inspiré de Neon Genesis Evangelion. Un lien mentionné sur le sticker pointe vers le compte Instagram d’un artiste tatoueur taïwanais appelé Che-Wei. Alors que Shohei Ōtomo dessine des tatouages de personnages du monde de l’animation sur le corps imaginaire de Heisei Mary, Che-Wei tatoue des personnages assez similaires dérivés du manga sur des personnes réelles et nous montre les résultats sur son compte Instagram. Les couleurs sont très vives et le rendu de certains tatouages est assez impressionnant. Je suis très loin d’être spécialiste ou d’avoir un quelconque intérêt pour le tatouage, mais ceux-ci m’ont l’air d’être très évolués. Après je me pose quand même toujours la question des regrets éventuels, à posteriori, d’avoir gravé un pikachu sur le bras pour toute la vie, même si celui-ci est extrêmement bien exécuté.

Je n’avais vu jusqu’à maintenant qu’un seul film de Shinya Tsukamoto, Tokyo Fist. Le film était sorti en 1995 mais je ne l’ai vu que bien après, il y a 16 ans en DVD. Ce film m’avait laissé une forte impression, mais ce n’était pour sûr pas un film facile d’approche. Je me décide maintenant à regarder un autre film de Tsukamoto, grâce aux hasards des recherches Netflix. J’étais assez surpris d’y trouver un des ses premiers films, Tetsuo: The iron man (鉄男), sorti en 1989. Tetsuo est un film à part qui ne ressemble à aucun autre, singulier et décalé. Le film en noir et blanc nous raconte l’histoire d’un salary man qui voit soudainement grandir en lui des morceaux de métal. La raison reste inexpliquée et le scénario n’est pas d’une compréhension immédiate, mais on comprend tout de même une relation psychique avec un autre homme, fétichiste du métal (si on veut bien imaginer ce que ça peut bien vouloir dire) qui le poursuit inlassablement, au fur et à mesure que le salary man développe sa transformation progressive et irrémédiable en homme-machine. Le film est conceptuel et expérimental, et n’est clairement pas adressé à un large public. L’ambiance s’apparente aux films de style cyberpunk, mais sans les effets spéciaux numériques actuels, car tous les effets spéciaux sont mis en images de manière artisanale. La manière de filmer les scènes rapides dans les rues de banlieue tokyoïte en une succession d’images coupées et séquencées, ajoutent à l’étrangeté générale de cet objet cinématographique. Le film n’est pas facile, il faut accepter une violence certaine des images, mais je suis resté scotché à l’écran pendant les 67 minutes du film. Je pense que, comme pour Tokyo Fist, Tsukamoto traite dans Tetsuo le sujet de l’aliénation humaine face à la sur-urbanisation. En pensant au titre du film, je ne peux m’empêcher de repenser au Tetsuo du manga Akira de Ōtomo sorti quelques années auparavant en 1982. De la même manière, les personnages perdent leur forme humaine et se transforment en monstre d’une manière grotesque. La différence est que le Tetsuo de Akira prenait des formes organiques tandis que le salary man du film Tetsuo voit des pièces métalliques sortir de son corps. Quoiqu’on en pense, le film ne laisse pas indifférent et je dirais même qu’il s’agit d’un chef d’oeuvre, à la fois inquiétant, effrayant et choquant, mais complètement passionnant à regarder.

Je continue avec un autre film difficile (décidément), mais dans un tout autre style que Tetsuo même s’il y a un point commun, la présence de Shinya Tsukamoto mais en tant qu’acteur. En fait, je voulais voir un film de Takashi Miike et je me suis mis à chercher ce qui était disponible sur Netflix. Je tombe sur Ichi The Killer (殺し屋1) sorti en 2001. Il s’agit d’un film de yakuza ultra-violent, et même parfois difficile à regarder mais pas de la même manière que The Forest of Love de Sion Sono, dont je parlais auparavant, car la violence ici n’est pas psychologique mais visuelle. Takashi Miike sait s’arrêter avant que la scène devienne insoutenable. Le personnage principal est un chef de gang appelé Kakihara du clan Anjo, excellemment joué par Tadanobu Asano, à la recherche de son patron qui a mystérieusement et soudainement disparu avec la caisse. On soupçonne d’abord un kidnapping par le clan rival, mais il s’avère qu’un mystérieux tueur appelé Ichi est derrière tout cela. On découvre assez vite que Ichi est un être faible psychologiquement, manipulé par un homme de l’ombre aux apparences inoffensives pour éliminer les membres des syndicats du crime en les montant les uns contre les autres. Le film s’en sort grâce à son humour pince-sans-rire, surtout celui de Kakihara, personnage sadomasochiste aux tenues exubérantes, aux cheveux teints en blond et au visage balafré. Le film ‘pince’ fort tout de même, jusqu’à la torture parfois. L’acteur fétiche de Kitano, Susumu Terajima, jouant le yakuza Suzuki doit en savoir quelque chose. Là encore, le film n’est pas pour les âmes sensibles et était même controversé à sa sortie pour ses scènes de violence souvent grotesques. Mais le scénario est habile et le jeu des acteurs très bons, dans l’excès et l’irréalisme par moment car rappelons que le film est tiré d’un manga (de Hideo Yamamoto). Je ne suis pas particulièrement amateur de films violents, mais j’aime les films de genre qui ne laissent pas indifférent. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce film montrant des yakuza avec toutes leurs attitudes excessives, ne laisse pas indifférent. En regardant le film, je me suis même dit que c’est le genre de films qui doit plaire à Quentin Tarantino. Les scènes du film se passent dans leur totalité dans le quartier chaud de Kabukichō et derrière Nishi Shinjuku, car on aperçoit souvent le bâtiment de la mairie au loin. Nishi Shinjuku me rappelle le roman déjanté de Ryu Murakami, Les Bébés de la Consigne Automatique. Takashi Miike a d’ailleurs déjà réalisé un film d’après un roman de Ryu Murakami, Audition. Je lis dans une interview de Miike sur le site consacré au cinéma japonais Midnight Eye qu’un projet pour adapter Les Bébés de la Consigne Automatique avait été lancé mais abandonné faute de financement. Peut-être que ce projet pourrait prendre un jour vie grâce à Netflix, quand on voit comment cette plateforme devient un dernier recours pour développer certains films pour lesquels les producteurs classiques restent frileux (l’excellent Irishman de Martin Scorsese par exemple). Midnight Eye est un site de référence sur le cinéma japonais mais est malheureusement devenu inactif, même si on peut toujours consulter les archives. On y trouve de nombreuses critiques de films et des interviews. Les critiques couvrent d’ailleurs beaucoup de films non conventionnels, dont ceux de Takashi Miike, mais Ichi The Killer n’y est bizarrement pas revu. Ce film me donne d’ailleurs envie de revoir les films de Hong Kong de John Woo, ceux avant sa carrière américaine comme The Killer et Hard Boiled avec son acteur fétiche Chow-Yun Fat ou encore Bullet in The Head avec Tony Leung. Et quand je pense à Tony Leung, me revient l’envie de revoir Chungking Express de Wong Kar-Wai, puis Fallen Angels du même réalisateur. Il faut que je me refasse un cycle sur le cinéma de Hong Kong des années 90.

Mais pour l’instant et pour changer de style en allégeant un peu l’ambiance, je regarde le film River’s Edge (リバーズ・エッジ) d’un réalisateur originaire de Kumamoto que je ne connaissais pas, Isao Yukisada. Le film, également disponible sur Netflix, est également basé sur un manga du même nom de Kyoko Okazaki. Je ne connaissais pas non plus les deux acteurs principaux à savoir Fumi Nikaidō jouant le rôle de Haruna Wakakusa et Ryō Yoshizawa dans le rôle de Ichiro Yamada. Ils sont tous les deux lycéens dans une banlieue quelconque près d’une rivière, dans la deuxième moitié des années 90, cette période où on n’avait pas encore de téléphone portable et de smartphone. J’ai d’ailleurs tendance à penser que les films sont plus intéressants sans smartphone, car ces objets ont souvent le pouvoir de simplifier les intrigues, en supprimant la possibilité du hasard et les situations de personnages seuls livrés à eux même. L’histoire de River’s Edge est en fait assez noire et certaines scènes sont assez crues. Les personnages sont des lycéens un peu paumés, à la recherche de repères dans leur vie. On ne peut pas dire que le film se base sur une histoire forte ou un scénario compliqué. L’interêt du film tient plus dans le jeu des acteurs et actrices, essayant de faire la part des choses entre amour et amitié. Les rapports entre les personnages sont d’ailleurs volontairement ambigus. On ressent l’amour non déclaré, qui n’est peut être qu’un très fort lien d’amitié, entre Wakakusa et Yamada, mais on apprend très vite que c’est une situation compliquée car Yamada est homosexuel et qu’il subit les harcèlements répétés et les coups d’une bande de garçons menés par le copain de Wakakusa, un grand garçon assez beau gosse aux cheveux longs appelé Kannonzaki. A ce trio, vient s’ajouter une autre lycéenne appelée Kozue Yoshizawa, modèle aux cheveux courts, poussée par ses parents dans cette voie mais qui ne croit pas en elle. Les liens qui relient Yoshizawa à Wakakusa jouent aussi beaucoup sur l’ambiguïté. Les histoires personnelles de ces lycéens et lycéennes se relient au bord de la rivière autour d’un secret macabre, mais je n’en dirais pas plus. Le film est interrompu par des interviews des personnages dans le film, comme s’il s’agissait d’interrogatoires menés par un conseiller psychologique. Ces scènes restent indépendantes du reste de l’histoire et on se demande quelle est la finalité de cet aparté. Au final, le film fonctionne grace à ses personnages et on finit par s’accrocher à cette histoire dont on ne sait pas trop où elle nous mène.

Tokyo Fist

Tokyo Fist – Tsukamoto Shinya – japan, 1995.
One japanese movie which left a strong print in my head. While watching it, I’ve been often chocked by the violence of the images, but it deserves a message.

The ambition of Tsukamoto is to present an extremist alternative to the current japanese society. By taking Tokyo as a symbol of this power that crushes men and souls, making them ravel like zombies between gigantic, secular buildings, He’s attacking, his own way, this violent liberal society by proposing a counter-current ever more violent, but definitively more human: the pain. Thanks to pain, one takes again conscience of his body, body which has tendency to become not more than a support for the brain without another interest than to be used to move it from one place to another. But it goes further in its expose: not only one takes again conscience of his body by the pain (brought here by boxing), but also of his soul which was no longer reflecting the deep identity of the individual. (via Cinemasie.com, part translated in english).

The movie is not entertainement, and is a highly personal view on the interaction of human beings and the city of Tokyo. I like this in a movie where the director is not compromizing to express what he wants.