君ならきっと大丈夫さ

L’étroit building de neuf étages sur les deux premières photographies se nomme Jimbochō SFI (神保町SFI) et se trouve comme son nom l’indique dans le quartier de Jimbochō. Il a été conçu par Nikken Sekkei en collaboration avec la société SEO Inc. établie en 1935 à Takaoka dans la préfecture de Toyama et spécialisée dans la fabrication de chaînes métalliques qui conduisent l’eau de pluie des toits vers un bassin au sol. On peut voir régulièrement ce genre de « rain chains » dans les temples ou dans certaines architectures plus modernes comme sur le Co-Op Kyosai Plaza, également conçu par Nikken Sekkei, à Kitasando. C’est un building que j’aime régulièrement prendre en photo. Sur le building Jimbochō SFI, SEO Inc. a conçu la façade très particulière composée d’une multitude de cylindres dans le but d’améliorer la performance environnementale du bâtiment. Cette façade dessinée pour conserver l’énergie se nomme Envi-lope01. Cette membrane ou enveloppe, posée au dessus de la surface du bâtiment se compose de cylindres de 180mm de diamètre de trois formats différents reliés entre eux sur une même ligne verticale par deux câbles métalliques permettant d’ajuster l’orientation des cylindres notamment dans les parties courbes du building. La profondeur des cylindres vient contrôler l’intensité lumineuse à laquelle est soumise le bâtiment en bloquant les champs lumineux obliques et en réduisant ainsi la température totale du building, tout en préservant sa ventilation frontale. J’ai pris ces quelques photographies à Jimbochō alors que j’espérais y voir courir les marathoniens de Tokyo pour le marathon du 3 Mars 2024. Je suis malheureusement arrivé un peu trop tard et la course était déjà terminée à cet endroit. J’ai donc marché à toute vitesse, sans rattraper les coureurs, jusqu’à la station de Tokyo pour y voir quelques athlètes terminer leur course. Je me dis tous les ans en regardant le marathon que je devrais me donner un an pour m’entrainer et participer à celui de l’année prochaine, mais une réflexion rapide me dit que je n’aurais jamais la volonté nécessaire pour ce genre de choses.

J’écoute en ce moment quelques morceaux de rock indé du groupe Yonige (よにげ) dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog. Yonige est originaire d’Osaka et a été formé par Arisa Ushimaru (牛丸ありさ), qui chante et est guitariste, et par Gokkin (ごっきん) qui joue de la basse et assure les chœurs. Le groupe se compose actuellement de quatre membres. De leur nouvel album Empire sorti en Janvier 2024, j’écoute trois morceaux dont deux possèdent déjà une vidéo officielle: Kamisama to Boku (神様と僕) et walk walk. Le troisième morceau que j’écoute est le premier de l’album: Super Express. Le rock de Yonige est sans artifice avec un brin de mélancolie, mais n’exclut pas un certain humour retranscri à travers les vidéos. Les vidéos accompagnant Kamisama to Boku et walk walk sont en fait liées. La première pour Kamisama to Boku démarre par la mise en scène d’une réunion avec le manager du groupe qui leur demande de faire plus énergique et entrainant pour pouvoir espérer attirer les foules et avoir un gros succès. On ressent que le monologue interminable du manager est insupportable pour le groupe, mais tous acquiescent sans rien dire en attendant que ça passe. On leur confie un sous-fifre incompétent qui sera en charge de la vidéo du nouveau morceau. Le budget étant limité, le groupe se retrouve à tout faire par eux même, porter les instruments jusqu’au lieu de tournage improvisé, puis se filmer ensuite soi-même. A ce moment là démarre la vidéo de walk walk, avec pleins de petits désagréments qui compliquent la vie du groupe. Malgré tout cela, tout le monde reste serein. On retrouve en quelque sorte cette sérénité dans la musique de Yonige, mais les morceaux sont pourtant très accrocheurs. Arisa Ushimaru n’hésite pas a poussé sa voix et les guitares sont très présentes. J’adore ce son rock indé qu’elles maitrisent extrêmement bien sans pourtant révolutionner le genre, mais le rock indé n’entend pas apporter des révolutions, simplement faire des bons morceaux et c’est bien suffisant.

Yonige et leur dernier album Empire étaient d’ailleurs mis en avant au Tsutaya de Daikanyama, aux rayons musiques à l’étage d’un des trois bâtiments du grand magasin multimédia. On y vend d’ailleurs de moins en moins de CDs, toujours au profit des vinyles. Je devrais passer plus régulièrement devant ces panneaux d’affichage, pour voir quelles sont les recommandations du moment. Je me souviens y avoir vu afficher une présentation de l’album Windswept Adan (アダンの風) d’Aoba Ichiko (青葉市子), bien avant que je l’écoute pour la première fois (rien que le fait d’évoquer cet album me donne envie d’écouter le morceau Porcelain). Les affichages du Tsutaya montre la vidéo de Kamisama to Boku (神様と僕), dont est extrait la vidéo ci-dessus, et les dates de la tournée du groupe. Je ne connais pas encore assez bien la musique de Yonige pour être tenté de les voir live, mais un morceau comme walk walk doit certainement très bien donner en concert.

Toujours dans le même Tsutaya de Daikanyama, j’ai l’impression que l’espace consacré aux expositions artistiques a augmenté progressivement au fur et à mesure des années, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. L’exposition ILLUSTRATION 2024, qui avait lieu du 23 Février au 17 Mars 2024 commémorait le dixième anniversaire de la série de livres ILLUSTRATION, qui est un catalogue annuel représentant l’état actuel de l’illustration au Japon. A cette occasion, étaient exposées quelques illustrations de sept artistes sélectionnés présents dans la dernière édition du livre ILLUSTRATION. Il s’agissait d’une toute petite exposition mais j’ai eu le plaisir d’y voir deux illustrations de NAKAKI PANTZ (ナカキパンツ), les deux visages féminins ci-dessus. Son style graphique est immédiatement reconnaissable. Je vois qu’elle continue à dessiner les pochettes pour les musiciens de MAISONDes et, dernièrement, on peut également voir ses illustrations sur une publicité Nissin Cup Noodles. Nissin s’est associé depuis longtemps avec des artistes graphiques de renom ou en devenir. Une des campagnes les plus connues était celle intitulé Freedom par Katsuhiro Ōtomo. Ces publicités sont assez souvent décalées et j’avais déjà évoqué tout cela dans un billet précédent. Parmi les sept artistes présentés, on trouve également l’illustratrice AKI AKANE (秋赤音) que j’avais déjà évoqué ici pour avoir vu une de ses expositions chez le libraire Komiyama Tokyo à Jimbochō. En repassant d’ailleurs par Jimbochō, je suis monté aux étages de cette librairie et j’ai constaté qu’on y montrait toujours des illustrations d’AKI AKANE. J’ai hésité à acheter son livre d’illustrations, car je ne pense pas apprécier la totalité de ses dessins, mais l’approche très pop de l’illustration montrée sur la photo de droite ci-dessus est vraiment magnifique. J’aime aussi beaucoup son approche graphique sur l’illustration de gauche, utilisant des ossements comme ornements vestimentaires.

色々ウォーク➓

Les deux premières photographies font suite au billet précédent de cette série estivale car elles sont prises à Nihonbashi à quelques mètres des installations d’art contemporain d’Olympic Agora. Sur la deuxième photo, la statue de la déesse de la sincérité Magokoro dans le grand hall du grand magasin Mitsukoshi de Nihonbashi m’impressionne toujours autant. Elle est tellement détaillée, colorée et grandiose que je la trouve difficile à prendre en photo. C’est particulièrement étonnant de trouver ce genre de statue dans un grand magasin mais cet immeuble historique de Mitsukoshi est dans son ensemble tout aussi grandiose. La statue Magokoro a été créée par le maître artisan Gengen Sato et son élaboration a pris dix années. Elle a été placée dans le grand hall du Mitsukoshi Nihonbashi en 1960 à l’occasion du cinquantième anniversaire du grand magasin. Les photographies qui suivent sont prises dans des quartiers résidentiels d’Azabu où la nature prend parfois d’assaut les immenses demeures. Au milieu de tout cela, se dresse Europa House, le siège de la Commission Européenne au Japon. J’en montre un morceau de façade sur la quatrième photo et j’en avais déjà parlé dans un billet de Juillet 2012, un an après la construction de ce complexe. Je me souviens à l’époque avoir été surpris d’apprendre que ce bâtiment était conçu par la filiale ingénierie et architecture des Aéroports de Paris (ADPI). ADPI a d’ailleurs également conçu l’actuelle ambassade de France à Tokyo, par très loin d’ailleurs d’Europa House. Le dernier bâtiment de la série avec un bloc noir en position légèrement décalée m’intrigue beaucoup mais je n’en connais malheureusement pas l’architecte. Je ne sais pas non plus s’il s’agit de bureaux ou d’une résidence privée, ou peut-être les deux à la fois comme c’est souvent le cas.

Je garde toujours une oreille curieuse pour les compositions rock indé du groupe Yonige composé d’Arisa Ushimaru et Gokkin. Elle viennent de sortir un nouveau mini-album de six titres intitulé Sanzen Sekai (三千世界). J’ai pris l’habitude ces derniers temps de faire des écoutes sélectives en me procurant d’abord sur iTunes que les morceaux qui me paraissent à priori les plus attirants, pour continuer ensuite petit à petit avec d’autres morceaux lorsque le style m’intéresse. Le single de ce mini-album, le premier morceau intitulé Taigan no Kanojo (対岸の彼女) est excellent. C’est un morceau rock à la composition vraiment accrocheuse, qui me fait penser une fois de plus que les filles savent mieux faire du rock que les groupes masculins, ou du moins savent trouver un point d’équilibre idéal entre une certaine mélancolie et une énergie revigorante. La vidéo du morceau dure 11 minutes et ressemble un court métrage. Le morceau en lui-même ne démarre qu’à mi-chemin. Un peu comme le morceau Kenzen na Asa (健全な朝) sur leur album précédent Kenzen na Shakai (健全な社会) dont je parlais auparavant, il y a une certaine impression de solitude urbaine qui se dégage des vidéos du groupe. Sur le mini-album Sanzen Sekai, j’écoute également deux autres morceaux Saimin Ryōhō (催眠療法) et 27 Sai (27歳) qui n’ont pas l’énergie du premier morceau mais cette même atmosphère rock mélancolique que j’aime beaucoup.

la pluie sur le béton de l’autoroute

La saison des pluies me donne à chaque fois des sentiments contradictoires. J’aime la regarder tomber et entendre ses sons tôt le matin depuis l’intérieur de l’appartement en ouvrant une fenêtre. Mais je déteste le fait qu’elle nous bloque à la maison sans une possibilité d’aller marcher dehors et prendre des photos. Je pourrais certainement aller prendre des photos de parapluies dans le centre de Shibuya ou de Shinjuku, comme certains le font très/trop bien, mais je ne maîtrise pas encore très bien la prise de photo tout en portant le parapluie d’une main. Le parapluie finit toujours par s’inviter dans le cadre à un moment ou à un autre. Les moments après la pluie sont par contre très photogéniques, et la végétation dans Tokyo donne des couleurs beaucoup plus denses qu’à l’habitude. La végétation dans Tokyo est un des sujets les plus intéressants à prendre en photo, avec l’infrastructure bétonnée des autoroutes, bien sûr. Celle que je montre ci-dessus est l’infrastructure autoroutière de Nishi Shinjuku au niveau de la jonction de Shinjuku, aux pieds des trois tours du fameux Shinjuku Park Tower de Kenzo Tange, où se trouve l’hôtel Park Hyatt dans lequel se déroule l’action du film Lost in Translation (2003) de Sofia Coppola. De retour à la maison, j’ai regardé le film pour une énième fois dans la nuit et au matin. Je pense que c’est l’ambiance musicale qui m’incite à le regarder encore, car elle entre bien en adéquation avec les sentiments qui se dégagent du film, au delà même de l’histoire, je veux dire la mélancolie continuelle des deux personnages principaux du film, Bob Harris et Charlotte. Cette ville peut exacerber le sentiment de solitude et le film le montre bien, mais aussi, au fur du temps, créer un lien dont on ne peut se défaire facilement. Le film prend le parti de ne placer aucune musique japonaise (à part « Kaze so Atsumete » de Happy End), je me demande si une musique ‘étrangère’ aurait modifié l’atmosphère du film. L’infrastructure placée au pied de l’hôtel de Lost in Translation est à la fois massive et élégante par ses courbes qui prennent tout l’espace. Je m’arrête même pour admirer la forme des piliers soutenant deux voies sur la deuxième photographie. Le ciel n’est pas dégagé pour donner assez de lumière mais apporte tout de même le contraste. La pluie pointe son nez et il est temps d’écouter deux morceaux du groupe Yonige qui s’accordent si bien avec cette mélancolie pluvieuse. J’écoute les deux premiers morceaux de leur dernier album Kenzen na Shakai (健全な社会) sorti cette année, à savoir le premier morceau 11月24日 (November 24th) et le deuxième 健全な朝 (Kenzen na Asa). Dès les premières notes du premier morceau, l’ambiance me rappelle celle du rock indé de Kinoko Teikoku sur leurs premiers albums. Yonige est un jeune duo féminin de 25 ans, originaire d’Osaka et composé d’Arisa Ushimaru et Gokkin. La musique sur ces deux morceaux s’accorde bien avec cette saison des pluies qui n’en finit pas.