à l’intérieur du temple noir

Comme je l’avais indiqué précédemment, j’avais l’intention d’aller voir d’un peu plus près le temple noir à la forme pyramidale et aux allures de vaisseau de science fiction, se trouvant à Higashi Azabu près de la Tour de Tokyo. Je profite de quelques heures de libre dans l’agenda du week-end pour m’en approcher. L’extérieur n’a pas une apparence très hospitalière et laisse libre cours à toute sorte de divagations sur ce qui peut se passer à l’intérieur. Je choisis de faire d’abord le tour de l’édifice dans les rues résidentielles qui le bordent, pour voir comment cet étrange et massif bâtiment se positionne dans l’environnement urbain alentour. Les longues parois rectilignes noires en escaliers sont impressionnantes et contrastent énormément avec le reste du quartier. Tout en haut de ces parois construisant une forme de pyramide, sont placés deux cercles qui semblent être le symbole des lieux, car on le revoit à un autre endroit du site. Les façades et le toit sont couverts de granite noir. L’entrée est inspirée des formes traditionnelles d’un temple bouddhiste, mais le gigantisme du bâtiment donne l’impression que cet édifice est inébranlable et qu’il peut faire face à toutes sortes d’intempéries. Ça doit être le choix du noir pour la quasi-totalité du bâtiment qui remplit ces lieux de mystères. Ces formes bizarres et les tons sombres font d’ailleurs penser à l’architecture de Seiichi Shirai, d’autant plus que l’immeuble NOA de cet architecte se trouve juste à côté. Le bâtiment a été construit par Takenaka Corporation et il date de 1975, une année après la construction du NOA building. Et quand on sait que Seiichi Shirai a été présenté au propriétaire du futur building NOA par Takenaka Corporation, on imagine qu’il y a du y avoir une influence même indirecte de Shirai sur le temple de Higashi Azabu.

J’hésite d’abord à entrer à l’intérieur bien qu’il n’y ait pas de barrière ni de signe d’interdiction. Le grand escalier, qui semble donner accès à l’intérieur du hall intérieur à la pyramide, est par contre fermé d’une chaîne. Depuis le rez-de-chaussée, on peut accéder à une place intérieure ouverte située juste en dessous du grand hall du temple. Une plaque explicative à l’intérieur indique que nous sommes ici au Reiyūkai Shakaden. Il s’agit du temple principal de la nouvelle religion bouddhiste Reiyūkai fondée en 1925, une secte inspirée du courant bouddhiste Nichiren. Elle fut créée quelques années après le grand tremblement de terre du Kantō en 1923 et la dépression économique qui en suivit. L’organisation possède 5 millions de membres dans le monde avec des ramifications dans plusieurs pays (même en France), et insiste beaucoup sur son objectif de contribuer au développement de la paix dans le monde. Je ne doute pas de la sincérité de cette organisation, mais je suis en général assez sceptique sur ces grands messages généralisants. Toujours est il qu’en lisant cela, j’hésite un peu moins à m’aventurer à l’intérieur. Il y a quand même un fort contraste entre la noirceur générale des lieux et les messages à priori hospitaliers que l’on peut lire.

La photographie de gauche montrant l’intérieur du hall du Shakaden provient du site guide Tokyo.com. La vue d’ensemble en haut à droite a été prise par moi-même depuis la tour de Tokyo. Le schéma en bas à droite montrant l’agencement des étages dans le batiment provient du blog ArchitectureTokyo.

Je décide de prendre un des ascenseurs au hasard pour voir à quoi ressemble l’intérieur. Après un vestibule, on rentre dans un espace gigantesque faisant la quasi totalité de l’intérieur de la pyramide. Je suis comme pris au cœur par la grandeur du lieu. Dans un style très différent, je pense à l’espace intérieur de la Cathédrale Sainte-Marie de Tokyo de Kenzo Tange. De la même manière, on a envie de retenir son souffle quand on rentre dans ces lieux sombres et vastes, mais en béton brut pour la cathédrale. Dans le grand hall du shakaden, quelques adeptes sont assis par-ci par-là sur les rangées de bancs destinés aux disciples. Tous ont un bandeau sur la poitrine et certains récitent des soutras seuls dans un coin du hall. Je marche doucement sans faire un bruit, bien que le plastique des semelles de mes chaussures trahissent ma présence. Je ne voudrais pas interrompre la prière de ces personnes et je ne voudrais surtout pas qu’on vienne me parler même amicalement. J’admire l’espace du hall et les parois en pente pendant plusieurs minutes dans la pénombre, depuis l’arrière du hall derrière les rangées de bancs. On ne voit pas le grand Bouddha en bois sculpté de 8 mètres, caché derrière une des parois. Dans une église ou une cathédrale catholique, je me serais permis de m’asseoir sur un des bancs pendant quelques instants pour m’imprégner de la grandeur du lieu, mais ici, je ne me sens pas autorisé à le faire. Des écriteaux indiquent pourtant qu’il est seulement interdit de faire du bruit et de prendre des photos, pas d’interdiction de s’asseoir sur les bancs pour les non adeptes. Disons plutôt que la noirceur générale de ce hall impressionne mais ne donne pas spécialement envie de s’y installer. Après ces quelques minutes de contemplation dans le silence, je ressors du hall par la porte opposée et me perds un peu en descendant au sous-sol et en tombant sur des portes fermées. Je n’ai croisé personne dans les couloirs du temple jusqu’à la sortie. En me renseignant un peu, j’apprends que ce temple dispose même d’un immense réservoir de 400 tonnes d’eau potable qui serait utilisée en cas d’urgence de type tremblement de terre.

4 commentaires

Laisser un commentaire