to the endless sea of light

Le but de ma promenade du Samedi matin était d’aller marcher jusqu’à Sangenjaya, mais je n’irais que jusqu’à Shinsen car je me laisse distraire en route par le paysage urbain comme toujours. Après toutes ces années à prendre des photographies dans les rues de Tokyo, je suis surpris moi-même de ne pas en avoir marre. J’ai même l’impression d’en avoir de plus en plus besoin. Un des intérêts principal pour moi de cette ville, outre son architecture chaotique, est la présence de terrains vallonés. Les pentes dans la ville font tout l’intérêt du paysage urbain et j’ai tendance à m’ennuyer quand le terrain est plat. La colline me donne envie d’aller découvrir le mystère qui se cache derrière. Lorsqu’on atteint un sommet, on a rarement une vue dégagée, mais plutôt une vue encombrée comme sur la deuxième photographie avec une multitude de couches superposées d’immeubles en toile de fond. Les maisons basses et les points de verdure à l’avant nous rappellent que nous sommes dans une zone résidentielle. Les pentes dans la ville m’assure que l’architecture et l’organisation urbaine seront compliquées et c’est ce que je recherche dans mes promenades continuelles quand le temps me le permet (au deux sens du terme). Je suis sûr que cette recherche de la complexité et densité urbaine a à voir avec ma peur du vide, tout comme le besoin d’écrire sans arrêts sur ces pages, comme d’autres ne peuvent pas laisser d’espaces blancs dans une conversation. En fait, je souhaitais passer par Shinsen, car je voulais revoir le passage à niveau de la première photographie car cet endroit est assez photogénique. Je l’ai même déjà vu utilisé pour des photos promotionnels de groupes de musique. J’attends que le train passe en sortant du tunnel. La robe de la dame vole un peu, poussée par le courant d’air. L’angle n’est pas idéal car le mur de la gare sur la droite me gène un peu. La dame avec la poussette me regardait un bref instant prendre des photos alors j’ai préféré rester un peu en retrait. En fait je voulais également pendre le restaurant coloré thaï sur la gauche en photo, mais je ne suis pas du genre à attendre sur place que la situation devienne idéale pour une photo. J’ai quand même un peu attendu que le train arrive en gare.

La musique de Smany sur son album Illuminate est pour moi une autre très belle découverte ces dernières semaines. Je suis en ce moment dans une phase d’écoute de musiques obscures (qui ne va pas s’arranger avec un des prochains billets, je préviens). La musique de Juri Toyoda, alias Smany, est très mélodique, sombre mais parsemée de points lumineux comme l’indique d’ailleurs le titre de l’album Illuminate. Les cordes du premier morceau de l’album dye the darkness me donne tout de suite des frissons, surtout lorsque le piano fait son apparition. Cette musique est vraiment très belle et la voix de Smany très présente, parfois prédominante et intimiste sur certains morceaux. Les morceaux prennent leur temps et sont très délicats. Il y a une mélancolie certaine qui se dégage de cette musique. Le morceau Blurry Moon est magnifique mélangeant une partition symphonique, des surimpressions électroniques que je qualifierais de spectrales, et la voix à la fois fragile et puissante de Smany. Ce titre correspond bien à l’image générale de l’album, une musique remplie d’obscurité mais éclairée par instants par la lumière éphémère de la lune. Avec le cinquième morceau intitulé usagi, j’ai même le sentiment que la la lumière lunaire est le thème central de cet album (les japonais voit une image de lapin dans la lune). Ce morceau usagi est peut être mon préféré, j’adore les distorsions sonores au début et ponctuant le morceau, la voix (encore) de Smany très proche de l’auditeur et son air de conte enfantin. Il y a quelques morceaux un peu plus inégaux mais qui ne nuisent pas à l’ambiance générale de l’album et viennent s’y fondre. Et il y a le morceau fall et, là encore, la puissance des cordes qui nous envahissent (il faut écouter assez fort aux écouteurs). La voix de Smany vient s’y noyer, parfois en murmures, mais ne perd pas pied. Le huitième morceau Himitsu en collaboration avec World’s End Girlfriend (dont j’avais déjà un peu parlé précédemment) est également remarquable et apporte quelques nouveaux rayons de lumière bienvenus. L’album se termine avec le bien nommé over qui a la particularité de se conclure sur des sons sons électroniques en distortion qui me rappellent un peu Aphex Twin. On n’atteint pas ici l’aspect incisif d’Aphex Twin, mais ce petit passage en fin d’album avec une coupure abrupte est très intéressante. Illuminate est sorti le 26 Septembre 2020 sur le label Virgin Babylon Records et est disponible sur Bandcamp. Je l’ai acheté le jour où Bandcamp levait son pourcentage au profit des artistes. C’est une opération que Bandcamp poursuit une fois par mois pendant la crise sanitaire, ce que ne font pas d’autres plateformes à ma connaissance. En commentaire sur la page de l’album, Smany indique qu’elle voulait décrire le vide à travers cet album (描きたかったのは’‘), mais un vide qui se remplit d’une lumière éphémère (作品を作り上げていく先に見えた景色は、儚くも美しい’‘でした。). Je ne ressens pourtant pas de vide dans cette musique mais je comprends qu’il nous parle principalement de la perception d’une lumière. Je la ressens très bien ici comme celle que j’essaie de percevoir à travers l’appareil photo.

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