KAIT Plaza par Junya Ishigami

Quel espace magnifique ! C’est la première impression qui m’est venu à l’esprit en entrant à l’intérieur de cette place couverte appelée KAIT Plaza et conçue par Junya Ishigami. Elle est située dans l’enceinte de l’université Kanagawa Institute of Technology (KAIT) et on ne peut donc la visiter qu’en faisant une réservation préalable pour une journée et une plage horaire données. Les jours d’ouverture au public et les places sont en fait assez limités et j’ai eu du mal à trouver une journée avec des places encore disponibles. L’occasion s’est présentée un jour de semaine ce qui m’a obligé à prendre une journée de congé. L’université est située dans la banlieue d’Atsugi, à 60kms du centre de Tokyo dans la préfecture de Kanagawa. Son accès n’est pas particulièrement compliqué mais il faut compter presque deux heures de transport pour s’y rendre. J’ai préféré le train à la voiture cette fois-ci. La ligne Odakyu m’amène de Shinjuku jusqu’à Hon-Atsugi. De là, il faut prendre un bus pendant une vingtaine de minutes jusqu’au campus de l’université. À noter qu’il y a deux campus et il faut donc éviter l’erreur grossière de se rendre au mauvais endroit. Ma visite était planifiée à 14h et j’arrive en avance. Les minutes sont longues avant de pouvoir entrer car il n’y a pas grand chose à voir dans cette banlieue quelconque principalement résidentielle. De l’extérieur, l’université ne laisse pas penser qu’on puisse y trouver une architecture aussi remarquable. La visite programmée donne en fait accès à deux bâtiments conçus par Shinya Ishigami. Le KAIT Workshop, que je montrerais dans un prochain billet, et le KAIT Plaza dont je montre quelques photographies ci-dessus. Les deux bâtiments sont placés l’un à côté de l’autre.

Je commence ma visite par KAIT Plaza. Sa taille basse nous laisse penser qu’il est enfoui dans le sol car il se trouve sur un terrain à deux mètres de dénivelé par rapport au reste du site du campus. De l’extérieur, le bâtiment se présente comme un large bloc blanc perforé de hauteur basse à moitié enfoui dans les herbes tout autour. Cet espace a été construit en 2020 et conserve toute sa blancheur. Il s’agit d’un espace semi-extérieur car les 59 ouvertures composant le toit du bâtiment sont ouvertes, sans vitrages. Le toit flottant métallique est porté par les quatre murs de la structure composé de 83 piliers ancrés dans les fondations. Le toit de 12mm d’épaisseur est incurvé et n’est porté par aucun pilier à l’intérieur. Cela donne un espace continu et on aurait l’impression par endroits que cet espace est infini car le sol et le toit finissent par se confondre. Le sol, également incliné comme une bassine, est couvert d’asphalte blanc perméable à l’eau qui permet l’infiltration et l’absorption des eaux de pluie. Cela permet de garder le sol sec. La hauteur du toit va de de 2.2m à 2.8m. Ce bâtiment n’a pas de fonction particulière car il n’est pas conçu comme une zone d’étude qu’on s’attendrait à trouver dans une université. Il s’agit plutôt d’un espace de relaxation pour les étudiants. Pendant la visite, deux étudiants étaient d’ailleurs allongés, endormis sur des tapis disponibles à l’entrée. J’aurais bien fait de même, mais je me suis contenté de m’asseoir pendant quelques instants sur le sol incurvé près d’un des murs en regardant vers le centre de la structure. Le jeu des lumières à travers les ouvertures est très délicat. Le ciel était couvert à mon passage et les inscriptions de la lumière sur le sol étaient diffuses. J’imagine qu’elles doivent être beaucoup plus marquées lorsque le ciel est très ensoleillé et sans nuages. Les jours de pluie doivent être particulièrement intéressants à observer depuis l’intérieur car l’eau doit tomber comme des cascades à travers chaque ouverture. Entrer dans cet espace relève de l’experience. Celle-ci est unique et c’est une émotion, une sorte de plénitude, qu’on voudrait faire durer. On ne peut passer que trente minutes à l’intérieur bien que je ne pense pas que le gardien à l’entrée contrôle vraiment les heures d’entrée et de sortie. On ne se lasse pas de marcher sous ce toit incurvé, en observant les formes géométriques des ouvertures et la lumière que les traversent. À certains endroits plus élevés près des murs, on parvient à saisir du regard la courbure extérieure du toit dans son ensemble. Je ne me lasse pas non plus de prendre cet espace en photo ce qui a rendu difficile le choix des photographies que j’allais montrer sur ce blog. J’en montre d’ailleurs quelques autres sur mon compte Instagram, mais je ne pense pas que les photographies arrivent réellement à retranscrire l’atmosphère des lieux. KAIT Plaza compte dans les plus belles architectures que j’ai pu voir et visiter. Le fait que son utilisation principale reste assez floue en fait même une œuvre d’art, et on y passe un moment privilégié qui vaut grandement le long déplacement. J’ai dû mal à franchir la porte de sortie, mais il faut également visiter l’autre bâtiment de Junya Ishigami sur ce même campus, le KAIT Workshop que je montrerais très certainement sur un prochain billet.

6 commentaires

  1. Quel lieu incroyable ! J’aime beaucoup la sixième photo avec la silhouette de la personne qui marche. En regardant longtemps ces photos m’est revenu en tête le célèbre poème de Baudelaire qui commence par ‘Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle …’ …’ C’est très curieux parce que je ne l’ai pourtant pas lu depuis plus d’une vingtaine d’années et suis moi-même étonné de m’en souvenir. J’ai l’impression que l’on ne s’y sent ni enfermé, ni vraiment libre. C’est tout à fait fascinant !

  2. Salut! merci pour cet ajout littéraire et poétique! Il me semble que ce n’est pas la première fois que tu ajoutes une référence littéraire en commentaire sur un de mes billets. Merci pour ça. C’est extrait d’un des poèmes Spleen des Fleurs du mal, si j’en crois mes recherches rapides. C’est vrai qu’il correspond bien à cette place couverte, mais il n’y a cependant absolument rien d’oppressant dans KAIT Plaza, certainement car les ouvertures sont assez larges. On a l’impression d’être dehors, mais on reste bien dans un lieu fermé. C’est en effet fascinant!

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