ヴァントロワ

Démarrons ce premier billet de l’année en souhaitant à toutes et à tous une très bonne et heureuse année 2023. Ça pourrait devenir une habitude de démarrer l’année avec quelques photos d’Enoshima, car nous y allons régulièrement à la toute fin de l’année pour profiter des dernières lumières sur le Mont Fuji. Il avait pourtant préféré cette fois-ci se cacher dernière un épais voile de nuages. Nous profiterons tout de même du soleil couchant sur l’océan pacifique tout en dégustant une pizza aux petits poissons shirasu dans un des restaurants sur les hauteurs d’Enoshima. On profitera également de la foule venue visiter l’île. Je n’utilise ces derniers temps que mon petit objectif fixe 40mm, et j’aime par conséquent prendre des photos plongées dans la foule comme sur les première et cinquième photographies. Ces photos à Enoshima datent du 30 Décembre tandis que les deux dernières ont été prises le 31 Décembre à Daikanyama et à Ebisu pour une dernière marche de l’année avant de se préparer pour le réveillon.

J’ai l’impression que la soirée du 31 Décembre 2022 a passé très vite en regardant comme tous les ans l’émission Kōhaku Uta Gassen (紅白歌合戦) sur NHK, peut-être parce qu’il n’y avait pas de points très marquants cette année. J’avais déjà vu les artistes qui m’intéressaient (King Gnu, Ado, Aimer…) dans d’autres émissions télévisées de fin d’année interpréter les mêmes morceaux qu’à Kōhaku donc l’effet de surprise était grandement atténué. Mon principal intérêt était de voir Vaundy sur scène en solo puis en groupe avec Aimer, Ikura de Yoasobi et Milet pour le morceau Omokage (おもかげ). J’ai beaucoup aimé la dynamique de leur interprétation groupée sur scène, et on avait vraiment l’impression qu’il et elles appréciaient pleinement le moment. Il faut dire que c’est un sacré quatuor et l’apport de la voix de Vaundy par rapport à la version originale de The First Take est un vrai plus. Ça m’a même donné envie d’aller voir Vaundy en live. J’ai aussi beaucoup aimé le morceau de Fujii Kaze (藤井風) intitulé Shinu no ga ii wa (死ぬのがいいわ) qui me disait vaguement quelque chose sans le connaître vraiment. Ce morceau n’est pourtant pas tiré de son dernier album, donc le choix pour Kōhaku me paraît étonnant. Il y avait quelques curiosités comme le super-groupe rock auto-proclamé The Last Rockstars composé de Yoshiki de X Japan, Miyavi, Hyde de L’Arc~en~Ciel et Sugizo de Luna Sea (et X Japan ces dernières années). Contrairement au quatuor mentionné ci-dessus, leur interprétation démontrait qu’on peut regrouper les plus grandes stars et pourtant créer une musique et interprétation insipide. En comparaison, le rock band old-school de Keisuke Kuwata (桑田佳祐) avec Motoharu Sano (佐野 元春), Masanori Sera (世良公則), Hisato Takenaka (竹中 尚人, aka Char) et Goro Noguchi (野口 五郎) était plus intéressant à regarder et écouter. Ce super-groupe temporaire que seul Kōhaku est en mesure de créer était accompagné par Yuko Hara (原 由子, épouse de Kuwata et clavier de Southern All Stars), Kohei Otomo (大友 康平) et Hama Okamoto (ハマ・オカモト, bassiste du groupe Okamoto’s). Je n’ai réalisé que récemment que Hama Okamoto, de son vrai nom Ikumi Hamada, est le fils du comédien Masatoshi Hamada du duo Downtown. Une autre curiosité était de voir Shinohara Ryōko (篠原涼子) sur scène (avec Tetsuya Komuro au piano) car j’avais oublié qu’elle chantait. On se demandait un peu la raison de sa présence soudaine, mais Kōhaku invite régulièrement des célébrités lors des années anniversaire de leur carrière musicale. C’était le cas de Shizuka Kudo (工藤静香) au chant accompagnée de sa fille Cocomi à la flute, mais cette musique là ne m’intéresse pas du tout. Et il y a des groupes ou artistes dont je ne suis particulièrement fan mais que j’aime voir sur scène comme Ryokuōshoku Shakai (緑黄色社会) dont c’était la première apparition à Kōhaku. J’aime beaucoup la voix de Haruko Nagaya, tout comme celle d’Aimyon (あいみょん) qui est habituée de toutes les émissions musicales de fin d’année. Elle chante cette fois-ci un morceau de son nouvel album et un plus ancien qui m’intéresse plus: Kimi ha Rock wo Kikanai (君はロックを聴かない). Comme l’année dernière, Yō Ōizumi (大泉洋) présentait l’émission, accompagné cette fois-ci de Kanna Hashimoto (橋本環奈) remplaçant Haruna Kawaguchi (川口春奈) qui présentait l’année dernière. Comme d’habitude, Yō Ōizumi en fait trop en imitant sans cesse le « Bravo » du footballer Nagatomo. Kanna Hashimoto m’agace aussi toujours un peu car elle n’a jamais le tract et je préfère quand on ressent l’esprit un peu solennelle que peut prendre cette émission. La comédie est bien présente mais par petites doses avec Akiyama qui me fait à chaque fois rire rien qu’en le voyant, cette fois-ci prenant les traits d’un faux producteur et d’un jeune supporteur un brin émotif. Et lorsqu’on approche du final, on attend toujours MISIA qui fait à chaque fois sensation avec ses robes volumineuses. Cette fois-ci, sa robe était rouge et MISIA portait des longues oreilles de lapin du plus bel effet. Sheena Ringo ou Tokyo Jihen n’étant pas présents cette année, l’émission ne m’a que moyennement intéressé dans son ensemble.

La courte émission qui suit sur NHK, Yuku Toshi Kuru Toshi (ゆく年くる年), juste avant les douze coups de minuit, avait la particularité d’être présentée depuis le grand sanctuaire Tsurugaoka Hachimangu à Kamakura. Ce sanctuaire a une valeur toute particulière pour nous car nous nous y sommes mariés il y a presque 20 ans. Nous n’y sommes par contre pas retournés depuis quelques années, et voir ces images sur NHK m’a vraiment donné envie d’y aller bientôt. Un jour peut être, il sera enregistré au patrimoine mondial de l’UNESCO. Je sais que la demande est faite régulièrement pour le classer mais ça n’a pas encore été réalisé. Minuit annonce un passage au sanctuaire d’Hikawa. Un verre d’amazake et de shiruko nous y attendent. J’aime ce moment passé dans le froid à boire cette boisson qui nous réchauffe un peu. Les soirées du premier de l’an sont toujours très programmées, mais nous n’allons à Hikawa que depuis peu. La première visite au sanctuaire le lendemain matin pour le hatsumode se passe plutôt au sanctuaire Konnō Hachimangu (金王八幡宮) de Shibuya (où se trouvait autrefois le château). Le premier jour de l’année, je me pose toujours la question du premier morceau que je vais écouter. C’est une reflexion un peu vaine car ne conditionne rien du tout pour le reste de l’année, mais je ne sais pour quelle raison j’y accorde une certaine importance. Je commence donc avec le dernier morceau de Miyuna, Aiai dana (愛愛だな), qui doit être le plus pop qu’elle ait créé jusqu’à maintenant et c’est un morceau qui me met immédiatement de bonne humeur.

Ces derniers jours, j’écoute quelques morceaux de Capsule sur leur dernier album Metro Pulse sorti le 14 Décembre 2022: Virtual Freedom, Give me a ride et Start. J’avais déjà parlé de deux autres morceaux sortis précédemment en single, Hikari no Disco et Future Wave. Les trois nouveaux morceaux que j’écoute maintenant sont tout à fait dans le même esprit électronique rétro-futuriste. A défaut d’être nuancée, la musique de Yasutaka Nakata sur ces morceaux est terriblement efficace, avec une atmosphère assez similaire à ce qu’il a pu composer pour Ado sur Shinjidai, son single au succès énorme. Toshiko Koshijima n’a pas tout à fait les mêmes capacités vocales qu’Ado, mais sa voix constitue à part entière l’empreinte musicale de Capsule. Parfois j’ai du mal à me rappeler que Koshijima et Nakata sont des personnes humaines et pas des représentations androïdes. La couverture du nouvel album les montrant en personnages fait de polygones des années 90 aide à brouiller un peu plus les pistes. Je n’avais jusque là pas d’intérêt particulier pour Capsule à part quelques morceaux passés comme Jumper sur l’album More! More! More! (2008) ou Sugarless Girl sur l’album du même nom (2007) qui m’avaient pourtant beaucoup plu à l’époque.

Une émission musicale du soir sur NHK attire mon attention car elle interview le groupe rock japonais Ellegarden que je connais de nom depuis longtemps, sans n’avoir jamais eu l’intention d’écouter. Ils viennent de sortir un nouvel album intitulé The End of Yesterday le 21 Décembre 2022, après un long hiatus. Le premier morceau de l’album Mountain Top passe dans l’émission et ce son rock me ramène soudainement 30 années en arrière me rappelant le rock FM américain très populaire dans les années 90, comme Blink-182 sur lequel Ellegarden aurait entre autres modelé son identité sonore. A part Weezer, je n’étais pas à cette époque particulièrement amateur de rock californien et je préférais le Nord de la côte Ouest américaine du côté de Seattle. Mais pour reprendre une phrase du paragraphe ci-dessus qui s’applique également très bien à Ellegarden: à défaut d’être nuancée, la musique de Ellegarden est terriblement efficace. Et écouter ce morceau Mountain Top me rajeunit de quelques décennies, donc je suis preneur. Comme le chanteur Takeshi Hosomi chante parfaitement en anglais, on a un peu de mal à imaginer qu’ils ne proviennent pas des plages ensoleillées californiennes, mais plutôt de celles de Chiba. Et pour continuer un peu, j’écoute également Strawberry Margarita qui enfonce un peu plus le clou dans l’esprit teenage rock, jusque dans la légèreté des paroles. Mais, ça reste un sacré plaisir quasiment impulsif d’écouter ces deux morceaux.

Pour revenir vers des sons plus electro-jazzy, on me conseille dans les commentaires d’un billet précédent de revenir vers Kiki vivi lily que j’avais découvert par son morceau New Day (feat. Sweet William) sur son album Tasty sorti en 2021. J’écoute deux morceaux Blue in Green et Pink Jewelry Dream d’un album intitulé Over the rainbow qui est une collaboration de Kiki vivi lily avec Sukisha (aka Hiroyuki Ikezawa). Sur ces morceaux, j’aime beaucoup la manière dont l’ambiance musicale vient s’installer tranquillement sans forcer, notamment dans les répétitions sur Blue in Green. La voix légèrement voilée de Kiki vivi lily a quelque chose d’un peu nonchalant qui vient joliment contraster avec la rythmique apportée par Sukisha. Cette association fonctionne très bien, notamment sur le refrain de Pink Jewelry Dream.

Pour continuer avec mes écoutes musicales, je fais volontairement une faute de quart (c’est de saison même si je n’ai pas skié depuis longtemps) en écoutant deux morceaux de Tommy february6 qui finissent par me fasciner. Tommy february6 est un projet solo de Tomoko Kawase (Tommy étant son surnom), chanteuse du groupe The Brilliant Green qui avait connu son heure de gloire à la fin des années 90 et au début 2000. Si mes souvenirs sont bons, j’avais même acheté le CD de leur album Terra 2001 sorti en 1999 mais je pense bien l’avoir revendu. J’ai un très clair souvenir du premier single de Tommy february6, Everyday at the bus stop, librement inspiré de pop américaine volontairement kitsch. Ce morceau passait souvent sur Space Shower TV en 2001, et comme je ne regardais pratiquement que cette chaine à cette période là, j’avais fini par être entrainé de force dans cette musique entêtante (en traînant des pieds mais en tendant l’oreille). Les hasards de Twitter me font écouter un autre morceau de Tommy february6 intitulé je t’aime ★ je t’aime, sorti le 6 février 2003 (le jour de son anniversaire donc). Le kitsch est toujours omniprésent mais me rappelle maintenant plutôt la variété française des années 80 (mais je n’arrive pas à savoir quoi, juste une vague impression). Je n’aurais certainement pas dû écouter cette chanson une première fois car je ne peux m’empêcher de la réécouter. Ça veut peut être dire que le morceau est réussi?

Et pour terminer ces découvertes de fin et de début d’année, je reviens vers le groupe rock indé japonais For Tracy Hyde qui vient également de sortir un nouvel album le 14 Décembre 2022. Son titre est Hotel Insomnia et l’album est composé de 13 morceaux. Je n’en écoute que trois pour le moment, qui doivent correspondre aux singles car des vidéos sont disponibles sur YouTube: Friends, Milkshake et Subway Station Revelation. Le style Dream Pop riche en distorsions de guitares ne diffèrent pas de ce qu’on pouvait connaître du groupe sur ses précédents albums et c’est une très bonne chose. For Tracy Hyde est pour moi une des valeurs sûres du rock indé japonais, à défaut d’apporter des sons originaux à la scène rock japonaise. Un morceau comme Friends en est un très bon exemple, très bien construit et fluide. Je me souviens avoir eu un peu de mal à apprécier la voix d’Eureka sur les premiers albums, mais je n’ai pas du tout cette impression sur ces quelques morceaux, au point où elle devient la véritable marque stylistique du groupe au delà même des compositions shoegaze toujours impeccables d’Azusa Suga. Friends prend des accents plutôt pop tandis que Milkshake est beaucoup plus proche du shoegaze. Chaque album de For Tracy Hyde me rappelle que le rock est toujours très présent au Japon, ce qui n’est pas pour me déplaire. Mais alors que j’écris ces quelques lignes, on apprend par le compte Twitter du groupe que cet album sera le dernier et que For Tracy Hyde se séparera après tout juste 10 ans d’existence, à l’issue d’un dernier concert en Mars 2023 dans une salle de Shibuya. C’est bien dommage d’apprendre cet arrêt d’activité du groupe et la raison exacte n’est pas donnée. J’imagine qu’Azusa Suga continuera ses autres projets menés en parallèle de For Tracy Hyde, à savoir son autre groupe AprilBlue et ses contributions de morceaux au groupe d’idoles alternatives RAY. Ce sont deux formations que j’ai déjà évoqué plusieurs fois sur Made in Tokyo. Mais continuons un peu plus la découverte de ce nouvel album avec le premier morceau Undulate et le troisième Kodiak qui sont particulièrement intéressants. A suivre mais ces cinq morceaux sont en tout cas excellents, certainement les meilleurs du groupe.

KAIT Workshop par Junya Ishigami

Après avoir visité le plus longtemps possible la place semi-couverte KAIT Plaza, je me dirige ensuite vers l’autre bâtiment conçu par Junya Ishigami (石上純也) sur le même campus de l’université Kanagawa Institute of Technology (KAIT). Cet autre bâtiment appelé KAIT Workshop (KAIT 工房) est un immense bloc de 2000㎡ de surface et de 5m de hauteur entièrement entouré de verre et sans aucuns murs intérieurs. Le toit est porté par 305 piliers dont 42 plus épais supportant directement le poids de la structure. Cela donne un espace intérieur très ouvert propice à la collaboration entre les étudiants. Dans ce grand atelier, on y crée principalement des objets à base de bois. Des tables et des bureaux sont placées de manière apparemment aléatoire dans cet espace ouvert et libre. La plupart du mobilier est en bois sauf quelques tables basses et chaises de couleur blanche, tout comme les piliers et le plafond dont la surface métallique est couverte d’une peinture urethane blanche.

Ces petites chaises blanches, la finesse délicate de bâtiment, l’extrême transparence utilisant les vitrages et les petits pots de plantes végétales posées aléatoirement dans cet espace me font tout de suite penser à l’architecture de Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa de SANAA. Ce n’est pas une surprise de lire que Junya Ishigami, après avoir obtenu son master en architecture à l’Ecole des Beaux Arts en 2000, a passé quatre ans de 2000 à 2004 aux côtés de Kazuyo Sejima dans l’agence SANAA. On ressent tout de suite cette influence dans l’architecture du KAIT Workshop, conçu en 2008, quatre après avoir établi sa propre agence junya.ishigami+associates. On peut marcher librement dans le bâtiment mais il est indiqué qu’il ne faut pas prendre les étudiants en photo. Ils étaient assez peu nombreux à mon passage. L’endroit est calme et légèrement doux, comme dans une véranda. Des hauts parleurs au milieu du bloc de verre et de fer joue une musique diffuse. On se sent bien dans cet espace. J’envie les étudiants. Ce genre d’endroits sans limites visibles doit pousser à être créatif.

En sortant du bâtiment, il faut regarder les grandes baies vitrées. Elles reflètent par endroits les arbres plantés tout autour et ces images viennent se confondre avec les véritables plantes posées à l’intérieur. La multitude de piliers à l’intérieur font d’ailleurs également penser à des troncs d’arbres dans une forêt. Ces images contribuent à rendre floues les limites entre l’espace intérieur et extérieur. Il me faut malheureusement bientôt prendre le bus du retour vers la station de Hon-Atsugi. J’attends à l’arrêt de bus interne à l’université tout comme les autres étudiants, après avoir déposé à l’entrée la carte d’accès temporaire. J’ai vu de bien belles choses aujourd’hui qui valait bien ce long déplacement.

KAIT Plaza par Junya Ishigami

Quel espace magnifique ! C’est la première impression qui m’est venu à l’esprit en entrant à l’intérieur de cette place couverte appelée KAIT Plaza et conçue par Junya Ishigami. Elle est située dans l’enceinte de l’université Kanagawa Institute of Technology (KAIT) et on ne peut donc la visiter qu’en faisant une réservation préalable pour une journée et une plage horaire données. Les jours d’ouverture au public et les places sont en fait assez limités et j’ai eu du mal à trouver une journée avec des places encore disponibles. L’occasion s’est présentée un jour de semaine ce qui m’a obligé à prendre une journée de congé. L’université est située dans la banlieue d’Atsugi, à 60kms du centre de Tokyo dans la préfecture de Kanagawa. Son accès n’est pas particulièrement compliqué mais il faut compter presque deux heures de transport pour s’y rendre. J’ai préféré le train à la voiture cette fois-ci. La ligne Odakyu m’amène de Shinjuku jusqu’à Hon-Atsugi. De là, il faut prendre un bus pendant une vingtaine de minutes jusqu’au campus de l’université. À noter qu’il y a deux campus et il faut donc éviter l’erreur grossière de se rendre au mauvais endroit. Ma visite était planifiée à 14h et j’arrive en avance. Les minutes sont longues avant de pouvoir entrer car il n’y a pas grand chose à voir dans cette banlieue quelconque principalement résidentielle. De l’extérieur, l’université ne laisse pas penser qu’on puisse y trouver une architecture aussi remarquable. La visite programmée donne en fait accès à deux bâtiments conçus par Shinya Ishigami. Le KAIT Workshop, que je montrerais dans un prochain billet, et le KAIT Plaza dont je montre quelques photographies ci-dessus. Les deux bâtiments sont placés l’un à côté de l’autre.

Je commence ma visite par KAIT Plaza. Sa taille basse nous laisse penser qu’il est enfoui dans le sol car il se trouve sur un terrain à deux mètres de dénivelé par rapport au reste du site du campus. De l’extérieur, le bâtiment se présente comme un large bloc blanc perforé de hauteur basse à moitié enfoui dans les herbes tout autour. Cet espace a été construit en 2020 et conserve toute sa blancheur. Il s’agit d’un espace semi-extérieur car les 59 ouvertures composant le toit du bâtiment sont ouvertes, sans vitrages. Le toit flottant métallique est porté par les quatre murs de la structure composé de 83 piliers ancrés dans les fondations. Le toit de 12mm d’épaisseur est incurvé et n’est porté par aucun pilier à l’intérieur. Cela donne un espace continu et on aurait l’impression par endroits que cet espace est infini car le sol et le toit finissent par se confondre. Le sol, également incliné comme une bassine, est couvert d’asphalte blanc perméable à l’eau qui permet l’infiltration et l’absorption des eaux de pluie. Cela permet de garder le sol sec. La hauteur du toit va de de 2.2m à 2.8m. Ce bâtiment n’a pas de fonction particulière car il n’est pas conçu comme une zone d’étude qu’on s’attendrait à trouver dans une université. Il s’agit plutôt d’un espace de relaxation pour les étudiants. Pendant la visite, deux étudiants étaient d’ailleurs allongés, endormis sur des tapis disponibles à l’entrée. J’aurais bien fait de même, mais je me suis contenté de m’asseoir pendant quelques instants sur le sol incurvé près d’un des murs en regardant vers le centre de la structure. Le jeu des lumières à travers les ouvertures est très délicat. Le ciel était couvert à mon passage et les inscriptions de la lumière sur le sol étaient diffuses. J’imagine qu’elles doivent être beaucoup plus marquées lorsque le ciel est très ensoleillé et sans nuages. Les jours de pluie doivent être particulièrement intéressants à observer depuis l’intérieur car l’eau doit tomber comme des cascades à travers chaque ouverture. Entrer dans cet espace relève de l’experience. Celle-ci est unique et c’est une émotion, une sorte de plénitude, qu’on voudrait faire durer. On ne peut passer que trente minutes à l’intérieur bien que je ne pense pas que le gardien à l’entrée contrôle vraiment les heures d’entrée et de sortie. On ne se lasse pas de marcher sous ce toit incurvé, en observant les formes géométriques des ouvertures et la lumière que les traversent. À certains endroits plus élevés près des murs, on parvient à saisir du regard la courbure extérieure du toit dans son ensemble. Je ne me lasse pas non plus de prendre cet espace en photo ce qui a rendu difficile le choix des photographies que j’allais montrer sur ce blog. J’en montre d’ailleurs quelques autres sur mon compte Instagram, mais je ne pense pas que les photographies arrivent réellement à retranscrire l’atmosphère des lieux. KAIT Plaza compte dans les plus belles architectures que j’ai pu voir et visiter. Le fait que son utilisation principale reste assez floue en fait même une œuvre d’art, et on y passe un moment privilégié qui vaut grandement le long déplacement. J’ai dû mal à franchir la porte de sortie, mais il faut également visiter l’autre bâtiment de Junya Ishigami sur ce même campus, le KAIT Workshop que je montrerais très certainement sur un prochain billet.

la fraicheur du soleil du soir

Regarder les photographies que j’ai pris de la cascade Yūhi no Taki (夕日の滝) m’apporte un peu de fraicheur en ces journées d’été où il est difficile de sortir dehors pendant de longues heures en plein après midi. Ça ne m’empêche pourtant pas de sortir, même à petites doses, et les photographies s’accumulent en conséquence. La cascade Yūhi no Taki se trouve dans la préfecture de Kanagawa, dans le région de Minami Ashigara (南足柄), au dessus d’Odawara. Il faut à peu près 1 heure et demi pour s’y rendre en voiture (en comptant une heure de plus pour le retour en plein week-end). On dit que cet endroit est le lieu de naissance de Kintarō (金太郎), un héros du folklore japonais. Kintarō est un enfant ayant des forces surnaturelles, ami des animaux, vivant dans la montagne d’Ashigara. Kintarō aurait pris son premier bain sous cette cascade. La cascade fait 23m de hauteur pour 5m de largeur. Elle est plus belle en vrai que les photos qu’on avait pu voir avant de partir ne nous le laissait présager. On peut s’approcher au bord en sautant de cailloux en cailloux et mettre les pieds dans l’eau, ce que j’ai rapidement fait. L’eau est très fraîche ce qui refroidit tout le corps. C’est une sensation agréable. Nous sommes ici à l’ombre, entourés de la forêt tout autour de nous. On s’assoit pendant de longues minutes à regarder l’eau tomber inlassablement, sur un des nombreux rochers entourant le bassin naturel au pied de la cascade. Des particules d’eau viennent gentiment nous éclabousser mais nous ne demandons que cela pour nous rafraîchir. La forêt qui entoure la cascade est très verte, notamment le petit chemin recouvert de mousses Koke profitant très certainement de l’humidité continuelle des lieux. Il y a un campement de vacances à quelques dizaines de mètres de la cascade et quelques vacanciers y sont installés. Un père de famille tente de s’approcher de la cascade pour que l’eau lui tombe sur la tête, sous le regard de son garçon qui approche timidement. J’ai dû mal à imaginer la puissance de l’eau tombant à pic sur 23m, mais j’imagine qu’il n’est pas rare de voir des gens essayer de s’en approcher. Le premier dimanche de Juillet a lieu chaque année une cérémonie shintô appelée Yūhi no Taki Biraki (夕日の滝びらき). Je ne sais pas si elle contient un passage sous la cascade pour ceux qui souhaiteraient tenter l’expérience. Sur les deux premières photographies du billet, j’ai tenté un temps d’exposition très court laissant seulement apparaître quelques traces de lumière. Autant j’ai un souci du cadrage en photographie, autant je ne m’intéresse pas assez à tous les autres paramètres de mon appareil photo. Il faudrait que je tente de prendre quelques photographies de ville de cette manière, en fonction bien sûr de la lumière présente.