un arbre au milieu de la route

Il y a parfois à Tokyo des décisions d’urbanisme qui ne consistent pas à tout raser pour remplacer par des buildings flambant neufs, mais à conserver des particularités locales. Je ne sais pas quelle est la raison exacte qui a poussé à conserver cet arbre planté au milieu de la route, mais voir ce genre de choses me rassure. Me rassure sur quoi, je n’en suis pas très sûr, mais provoque en tout cas en moi une petite étincelle de satisfaction. Un arbre au milieu d’une route, c’est comme une note qui n’est pas dans le ton dans un morceau de musique. Cela peut choquer au premier abord, mais on finit par concentrer toute notre attention et notre intérêt sur cette note là. J’aime les dissonances en musique et je les aime aussi dans l’urbanisme tokyoïte. Ce n’est pas la première fois que je vois ce genre de situation où la végétation a pris le dessus et vient de manière malicieuse bloquer la circulation automobile. Les fantômes de la dernière photographie de ce billet sont dessinés sur un mur d’un café près de la gare de Gakugeidaigaku. Je prends cette photo juste avant les premières gouttes d’une pluie forte qui me fera me replier vers l’intérieur couvert de la gare. Les quartiers entre les gares de Gakugeidaigaku (学芸大学駅), Toritsudaigaku (都立大学駅) et plus loin Midorigaoka (緑が丘駅) et Ōokayama (大岡山駅) sont principalement résidentiels et je les ai assez peu parcouru. Je soupçonne qu’on doit trouver de l’architecture intéressante parmi ces rues. Il ne me reste plus qu’à y marcher pour le découvrir. Plusieurs photographies de ce billet jouent sur le détachement des couleurs, qui viennent se mettre en avant par rapport au reste de la composition photographique. J’aime beaucoup le contraste entre le neutre du gris et l’explosion soudaine de couleurs qui vient naître au dessus.

Je suis comme obsédé par le nouvel album de Cero intitulé eo, au point où j’ai du mal à ne pas l’écouter. Et plus j’écoute cet album, plus il pénètre dans les méandres les plus profonds de mon cerveau. Quelle beauté de bout en bout, tout le long de ses 11 morceaux! Cet album doit être mon préféré de l’année, jusqu’à maintenant du moins. Il mélange d’une manière quasi parfaite les expérimentations sonores, les instrumentations électroniques et celles avec des formations plus classiques (violons, cuivres, entre autres), les moments plus pop et accrocheurs, les dissonances ou plutôt les associations de tons inhabituels. Et que dire du chant de Shōhei Takagi (高城晶平), tout en nuances, en retenues puis en envolées. La beauté de ses morceaux vient également de l’accompagnement aux chœurs des deux autres membres du groupe, qui vient apporter une sublime profondeur aux morceaux, comme s’ils évoluaient en trois dimensions dans nos oreilles et dans notre tête lorsqu’on les écoute. En plus du chant, Shōhei Takagi joue également de la guitare et de la flûte. Yu Arauchi (荒内佑) est aux claviers et au sampling, mais assure également les chœurs avec Tsubasa Hashimoto (橋本翼) jouant de la guitare. Mais les instruments sont nombreux et la production vraiment impeccable. C’est en fait le premier album que j’écoute de Cero. Je les avais gardé en tête depuis leur album précédent Poly Life Multi Soul, mais on dit que ce dernier album eo est un départ ou plutôt une évolution particulièrement inspirée de leur musique précédente, qui avait eu un succès certain, si mes souvenirs sont bons. Il faudra que j’écoute cet album précédent, mais je suis pour l’instant embarqué dans celui-ci. En fait, à la toute première écoute, j’ai tout de suite été impressionné par le premier morceau Epigraph (エピグラフ) et j’ai espéré, au fur et à mesure de la première écoute, avec un peu d’apprehension, que les autres morceaux seraient dans la même veine. Et ils le sont, l’album ne faiblit pas car même si un morceau comme Evening News (イブニング・ニュース) apporte une pointe de répit cérébral, le morceau qui suit aux ambiances plus pop intitulé fdh est d’une accroche imparable et d’un bonheur absolu. L’agencement des morceaux fonctionne particulièrement bien sur cet album, car la relative évidence de ce morceau fdh (エフ・ディー・エフ) vient se confronter aux atypiques composition et chant sur le morceau suivant, Sleepra (スリプラ), sans pourtant se désinscrire du style musical de l’ensemble. Cela donne une œuvre profonde et réfléchie, qui devrait à mon avis faire date. Et dans mon emballement, je vérifie s’ils ont des dates de concerts prévus. Il y a bien une date en Juillet à Shinjuku mais les réservations semblent être malheureusement déjà terminées. Cette unique date à Tokyo affiche en fait complet. L’album est disponible à l’écoute dans sa totalité sur le compte de YouTube du groupe, et je l’ai acheté sur iTunes après la première écoute.

9 commentaires

  1. Salut Frédéric,
    et bien, ton enthousiasme fait plaisir à voir ! J’ai hâte de trouver du temps pour écouter cet album !

  2. Pour revenir au sujet du billet, ça m’a fait remonter un vieux souvenir. En quelques clics j’ai réussi à retrouver l’endroit : 〒161-0033 東京都新宿区下落合2丁目17−9. Ce que je ne soupçonnais pas à l’époque où je « fréquentais » cet arbre (je garais mon vélo régulièrement en face) c’est que c’est un site historique. Voici quelques infos : https://bunkakanko-annai.city.shinjuku.lg.jp/shosai3/?id=D010
    Malheureusement, je n’avais pas cette curiosité à l’époque (ça ne serait pas arrivé si j’avais connu « Made in Tokyo » plutôt !) sinon j’aurai regardé cet arbre avec encore plus d’intérêt (malgré tout il m’a laissé un vrai souvenir car je m’en rappelle 7 ans plus tard).

  3. Salut Nicolas, content d’entendre que tu as commencé à écouter cet album de cero. Tu me diras ton avis quand tu l’auras écouté en entier. Rien de pressé ceci étant dit.

    Beau travail de recherche sur cet arbre. Intéressant! Tu me fais regretter de ne pas avoir noter l’adresse exacte de mon arbre, car il doit également y avoir une explication logique pour l’avoir conservé. Ce qui m’étonnera toujours, c’est qu’on est capable à Tokyo de détruire des bâtiments significatifs pour l’histoire de l’architecture japonaise (Nakagin capsule hôtel de Kisho Kurokawa, par exemple), mais on bloquera sur le déracinement d’un arbre. L’échelle de valeur est assez intéressante, même si on ne peut bien sûr pas généraliser sur seulement quelques exemples. Il y aurait en tout cas certainement matière à faire un inventaire des arbres posés en pleine rue.

  4. salut Frédéric,
    Visiblement les Japonais accordent plus d’importance aux créations de la nature qu’aux créations humaines. L’arbre est la manifestation la plus imposante du règne végétale (en apparence, car il y a des champignons qui ont leur mycélium très étendue), à cet égard, c’est difficile de rester insensible. J’imagine que dans une jungle urbaine telle que Tokyo, un bel arbre c’est une connexion bienvenue avec la nature (qu’il ait une valeur historique ou non). En tout cas je suis content que les Japonais s’adaptent à la nature même à une échelle aussi petite. Georges Brassens avait bien compris toute l’importance que peut prendre un arbre dans la vie d’un individu (tu dois connaitre sa fameuse chanson) et je peux en témoigner car j’ai assisté à la disparition de nombreux arbres dans ma vie, ça m’a toujours fait un peu de peine.

  5. Salut Nicolas, je suis également très sensible à ces initiatives de préservation des arbres, au fait de préserver une histoire qui est bien plus longue que la nôtre. Ce genre d’ »accident » rend également le paysage urbain intéressant et attachant. Je pense que les arbres sont un peu comme les sanctuaires, on doit avoir beaucoup de difficultés à se décider à en supprimer car ça pourrait porter malheur. C’est tout à fait vrai pour les sanctuaires et c’est pour cela qu’on en trouve parfois perdus et presqu’inaccessibles entre deux immeubles (un lien intéressant à ce sujet). Je ne sais pas si le sentiment est le même pour les arbres, mais personnellement, ça me donne cette même impression. Quant à Brassens, il s’agit peut-être d’Auprès de mon arbre (je vivrais heureux)?

  6. Salut Frédéric,
    Merci pour le lien que j’ai visité et que j’ai trouvé intéressant. Ton parallèle avec les sanctuaires est intéressant également et j’imagine facilement que personne n’aime prendre la décision de les supprimer. Du coup je me demandais s’il existait en France un équivalent à ces sanctuaires. En milieu urbain je n’en ai pas l’impression mais à la campagne, il m’arrivait de me repérer grâce aux calvaires que l’on peut trouver deci delà sur les chemin du bocage normand.

  7. j’ai oublié de te répondre pour Brassens, mais c’est tout à fait ça.

  8. Salut Nicolas, oui les calvaires sont peut-être ce qui se rapproche le plus de sanctuaires japonais. On en trouve également un peu partout, parfois cachés au milieu de la nature dans les campagnes. Il y a beaucoup aussi où j’ai grandi en France.

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