an untilted life (2)

Après avoir monté les escaliers du sanctuaire d’Atago fraichement rénové, je me remémore trois autres morceaux que j’ai ajouté à ma playlist nommée ‘an untilted life’. Il y a d’abord un morceau rock intitulé Kūfukuna Dōbutsu no Tame no (空腹な動物のための), sous-titré en anglais Monkey Irony, du groupe Oisicle Melonpan (おいしくるメロンパン). Il s’agit d’un trio d’origine tokyoïte lancé à la fin de l’année 2015, alors que les trois membres étaient encore lycéens. Ils ont déjà sorti huit mini-albums, dont celui intitulé Eyes contenant le morceau qui a intégré la petite playlist sur mon iPod. Le groupe se compose de Nakashima (ナカシマ) au chant et à la guitare, Shōsetsu Minegishi (峯岸翔雪) à la basse et aux chœurs, et Shuntarō Hara (原駿太郎) à la batterie et aux chœurs. Le nom plutôt étrange du groupe a été trouvé par le chanteur Nakashima alors qu’il mangeait un excellent pain au melon (bien sûr), mais il aurait aussi décrété qu’il n’aime pas les pains au melon tant que ça. J’imagine qu’on a dû lui poser maintes fois des questions sur les origines du nom du groupe, et ça a peut-être fini par l’agacer. Précisons qu’il s’agit d’une pure supposition de ma part. Le morceau Monkey Irony est fait d’un rock alternatif aux accents pop avec des guitares puissantes et un refrain très marqué grâce à la voix affirmée du chanteur Nakashima. J’aime cette guitare qui avance par moments par à-coups car ça me fait un peu penser à Tricot. J’écoute ensuite un morceau d’un autre groupe que je connaissais pas, Flower Raft (花筏) de tiny yawn. Le groupe tiny yawn est principalement actif à Tokyo depuis 2017 et se compose de quatre membres: Megumi Takahashi au chant et claviers, Yuki Sugama à la guitare, Koji Yasuda à la basse et Kohei Takashima à la batterie. Je suis tout de suite sensible à la mélancolie rock qui se dégage du morceau. Les accords de guitare de Yuki Sugama nous saisissent immédiatement et la voix claire très légèrement rugueuse de Megumi Takahashi nous transporte, peut être quelque part dans les montagnes enneigés autour du Mont Fuji et de ses cinq lacs comme le suggère la vidéo. La mélodie du morceau est très belle et transmet des émotions auxquelles je suis réceptif. Le morceau Flower Raft est disponible sur le EP intitulé Padle Ship sorti en Mars 2024. Je termine par une dernière étape, cette fois-ci électronique, avec le groupe Tamanaramen (玉名ラーメン) dont j’ai déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog, notamment pour leur EP Hajimari (はじまり). Le single telepath composé et chanté par Pikam et Hana est sorti le 20 Décembre 2023. On y retrouve les particularités de Tamanaramen avec ses ambiances électroniques vaporeuses et les voix du duo légèrement chuchotantes et enfantines. Les morceaux de Tamanaramen sont à chaque fois teintés d’une once de mystère et j’ai toujours l’impression d’entrer dans un monde à part où tout le monde ne serait pas invité, comme si cette musique ne se révélait à nous que sous certaines conditions. Cette pointe d’imaginaire et d’irréel me plait à chaque fois beaucoup dans la musique de Tamanaramen.

Right Brain / Left Brain

Une fois n’est pas coutume, la salle de concert où je vais ce soir n’est pas située à Shibuya mais dans le quartier de Negishi près d’Ueno. Il s’agit d’une salle nommée Tokyo Kinema Club (東京キネマ倶楽部). La station la plus proche est celle d’Uguisudani sur la ligne Yamanote mais je préfère descendre à la station précédente, celle d’Ueno, pour profiter d’une petite promenade dans le calme du parc avant les effluves de guitares qui vont assaillir mes oreilles. Le concert que je vais voir ce soir, le Vendredi 10 Mai 2024, est celui du groupe rock Tricot mené par Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) au chant et à la guitare, avec Motifour Kida (キダ モティフォ) à la guitare et aux chœurs, Hiromi Hirohiro (ヒロミ・ヒロヒロ) à la basse et aux chœurs et Yusuke Yoshida (吉田雄介) à la batterie. Le nom donné à ce concert est Unō Sanō (右脳左脳), Right Brain Left Brain, qui est également le titre d’un des morceaux du groupe sur l’album Makkuro (真っ黒), un de leurs meilleurs albums bien que les albums de Tricot soient difficiles à départager. C’est en fait la troisième fois que je vais voir Tricot en concert. Il faut dire que le groupe se produit assez souvent, même lorsqu’il n’y a aucune sortie d’album ou de single prévue, ce qui était le cas cette fois-ci. Les deux fois précédentes, la première à Toyosu et la deuxième au Liquidroom d’Ebisu, étaient des concerts liés directement à la sortie d’un nouvel album de groupe. J’ai presque inconsciemment pris le rythme de voir sur scène Tricot une fois par an, ce qui me convient très bien tant j’aime la musique du groupe et leur énergie contagieuse lors des concerts. J’ai par contre eu un peu de mal à avoir une place cette fois-ci, n’étant pas membre du fan club. J’en n’ai pas pu avoir de place à la première loterie mais j’ai heureusement été plus chanceux à la deuxième loterie. Ma place était par conséquent plutôt en fond de salle, mais la configuration de celle-ci en largeur et le fait qu’on n’était pas serré comme des sardines malgré que le concert affichait complet, me donnait tout de même une bonne vue sur la scène. Il y a toujours un peu de stratégie à avoir au moment d’entrer en salle, car il faut trouver une position avec devant soi des têtes plus basses que la sienne et un emplacement plutôt vers la droite pour se trouver du côté d’Ikkyu. Une des raisons de la difficulté relative d’avoir des billets était la présence d’une première partie. La mini-tournée Unō Sanō se déroule en fait en deux dates, une ce soir à Tokyo avec le groupe PEDRO en première partie, et une autre date à Osaka avec les rappeuses de Chelmico. J’aime assez le hip-hop cool de Chelmico, mais je ne suis pas mécontent de voir PEDRO à Tokyo et c’est en fait l’annonce de cette première partie qui m’a donné envie de voir les deux groupes PEDRO + Tricot en concert. Vu le nombre important de personnes portant un t-shirt de PEDRO dans le public, on peut comprendre assez rapidement pourquoi les places sont vite parties. Je pense que le rock de Tricot et celui de PEDRO sont un bon match, donc le public a dû s’y retrouver. C’était mon cas. J’ai déjà parlé plusieurs fois du groupe PEDRO sur ce blog. Il s’agit d’un groupe japonais, malgré ce que le nom pourrait laisser penser, composé d’Ayuni D (アユニ・D) au chant et à la basse, d’Hisako Tabuchi (田渕ひさ子) à la guitare et de Yumao (ゆーまお) à la batterie. PEDRO est officiellement le projet solo d’Ayuni qui évoluait dans le groupe d’idoles alternatives BiSH jusqu’à leur dissolution en 2023. Je parle aussi très souvent de la guitariste Hisako Tabuchi sur ce blog. Elle était bien sûr guitariste du groupe Number Girl (ナンバーガール) mené par Shutoku Mukai (向井秀徳), mais faisait également partie d’autres groupes comme bloodthirsty butchers (ブラッドサースティ・ブッチャーズ). Elle joue encore maintenant dans le groupe Toddle (トドル) que je ne connais que de nom. Hisako Tabuchi a aussi joué occasionnellement avec Sheena Ringo, que ça soit au tout début de sa carrière sur Σ en 2000 ou beaucoup plus récemment sur le single Watashi ha Neko no Me (私は猫の目) de 2023. Elle a également joué dans des groupes éphémères de Sheena Ringo, notamment Hatsuiku Status (発育ステータス) pour la tournée Gokiritsu Japon (御起立ジャポン) en Juin et Juillet 2000, et le groupe Elopers qui accompagnait Sheena Ringo et Atsushi Sakurai (櫻井敦司) de Buck-Tick sur le morceau Kakeochisha (駆け落ち者) de l’album Sandokushi (三毒史) sorti en 2019. Mentionner ici le concert Gokiritsu Japon me ramène quelques années en arrière alors que je m’étais donné comme mission d’écrire un rapport sur ce blog de tous les concerts de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. Cette mission est achevée et on reconnaîtra peut-être un jour la qualité de ce travail! Tout ceci pour dire que c’est avec une certaine émotion que je vois et écoute Hisako sur scène ce soir, d’autant plus que son jeu de guitare est irréprochable. J’étais également impatient de voir sur scène Ayuni D, de son vrai nom Ayuko Itō (伊藤亜佑子), car je la suis dans le groupe BiSH depuis ses débuts (elle est arrivée en cours de route en 2016) et sur son projet PEDRO depuis le premier album. Je n’ai certes pas suivi très assidûment tous les albums de PEDRO, au mieux quelques singles de chaque album, et je m’attendais donc à faire des découvertes. La composition du groupe est intéressante car Ayuni est encore jeune à 24, tandis qu’Hisako a le double de son âge (48 ans) et est une vétérante reconnue de la scène rock japonaise. C’était d’ailleurs amusant de voir la guitariste Motifour Kida de Tricot, qui pourrait très bien elle-même devenir une grande figure dans le petit monde des guitaristes japonais, vouer une admiration pour Hisako Tabuchi. Motifour portait même pendant le concert de Tricot, le T-shirt de PEDRO qu’Hisako portait également pendant leur prestation sur scène. Une photo sur Twitter immortalise cette rencontre de guitaristes de haut vol. Bref, tout ceci m’enthousiasme énormément. Un autre petit détail amusant est que le batteur de Tricot, Yusuke Yoshida, est apparemment fan de BiSH et d’Ayuni D comme le révèle Ikkyu lors d’un passage de MC du concert. Ikkyu mentionne également qu’elle ne s’attendait pas à une réponse positive lorsque son groupe a proposé à PEDRO de faire leur première partie à Tokyo. Ikkyu mentionne également avoir été agréablement surprise de recevoir un petit message (en DM sur un réseau social non nommé) d’Ayuni le jour d’avant le concert pour souhaiter que tout se passe bien. La formation d’idole, même alternative, doit certainement former à ce genre de choses entre les personnes. Ikkyu n’avait apparemment pas l’habitude de recevoir ce genre de petit message plein de bonnes intentions, car le monde du rock est forcément impitoyable. Elle a en tout cas beaucoup apprécié car c’est devenu un sujet récurrent des passages MC du concert.

Le concert se déroule au Tokyo Kinema Club, qui est un endroit assez particulier. Il s’agissait initialement d’un grand cabaret construit il y a plus de 40 ans. C’est un endroit où les clients pouvaient discuter avec des hôtesses tout en buvant de l’alcool et payant au final une addition rondelette. Après avoir fermé ses portes, la salle du cabaret est restée non utilisée pendant plusieurs années pour ensuite devenir une salle de spectacle. Elle a conservé son décor de style Showa, avec réception luxueuse d’une autre époque, et son velours sur les meubles. La salle se trouve au cinquième étage du bâtiment et est surmontée de balcons circulaires qui n’étaient pas accessibles. Il était interdit de prendre des photos à l’intérieur mais je me suis, comme d’autres, quand même permis d’en prendre une de la scène. Pour l’appel des numéros de billets avant l’entrée méthodique dans la salle, on nous avait fait attendre dans une pièce au rez-de-chaussée ressemblant à un garage en construction. Les fils électriques dépassaient des murs de béton et le sol carrelé était en grande partie défoncé. Bref, cet endroit fait pleinement partie de l’expérience particulière du concert. L’acoustique dans la salle était heureusement très bonne. La première partie du concert commence sans délai à 19h. Je suis surpris de la ponctualité. PEDRO entre sur scène sous la musique du morceau Kaeru (還る) de leur album récent Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに). Une grande majorité des morceaux interprétés ce soir proviennent de cet album et je ne reconnais que deux morceaux dans le set: Shunkashūtō (春夏秋冬) dont j’avais déjà parlé dans un précédent billet et Roman (浪漫) d’un album du même nom sorti en 2020. J’aime beaucoup l’énergie que dégage le groupe sur scène. Les riffs de guitares d’Hisako sont impeccables et accrocheurs. Ayuni se laisse emporter par le flot musical et on la voit souvent pencher la tête en arrière comme si elle se noyait dans sa musique. Je le mentionnais régulièrement lorsque j’évoquais la musique de PEDRO et même de BiSH, la voix particulière d’Ayuni, assez aiguë et imparfaite par moment, peut surprendre, mais c’est cette particularité qui fait un des intérêts et charme de ce groupe surtout quand cette voix se mélange à des mouvements de guitare parfaitement exécutés. Je trouve le public très présent lors de la représentation de PEDRO. Il y a très certainement des fans acharnés. C’est à mon avis un signe que les restes de la crise sanitaire ont complètement disparus. La plupart des morceaux du set me plaisent dès la première écoute live, ce qui me décidera donc à écouter un peu plus tard ce dernier album en entier. Le riff de guitare sur le morceau Kiyoku, Tadashiku (清く、正しく) est par exemple un véritable bonheur en live. La voix d’Ayuni sur Omomuku mama ni (赴くままに) est superbe d’intensité. Le morceau Senshin (洗心) qui se trouve au centre du set de 11 morceaux est peut-être le morceau que je préfère, car je trouve les paroles assez touchantes. Ayuni est toujours très humble dans son approche de la musique, indiquant vouloir faire de son mieux mais admettant qu’elle doit toujours s’améliorer. C’est d’ailleurs assez amusant de la voir sur scène, un peu maladroite hors des morceaux mais complètement imprégnée dès que la musique démarre. Il n’y a qu’un seul passage de MC adressé au public et Ayuni est la seule à parler. Elle sent le besoin de se présenter et d’indiquer qu’elle chantait auparavant dans le groupe BiSH, ce que tout le monde dans la salle doit déjà savoir. C’est dommage qu’Hisako Tabuchi ne prenne pas la parole, mais ceci s’explique sans doute du fait que PEDRO est avant tout un projet solo d’Ayuni D. Ça peut paraître étrange vue la carrière extensive d’Hisako, mais on ressent aucun déséquilibre dans la formation qui a tout de même déjà sorti cinq albums et deux EPs. Je n’imaginais pas à l’écoute du premier album THUMB SUCKER (サム・サッカー) de 2019 que ce projet durerait aussi longtemps et arriverait à trouver aussi bien ses marques. Avec BiSH, Ayuni D a quand même passé de nombreuses fois à la télévision, incluant Kōhaku sur NHK (la 72ème édition), ce qui me fait penser qu’elle doit être la personnalité présente à ce concert la plus connue du grand public. Vers la fin du set, PEDRO revient vers des morceaux de l’album précédent Gojitsu Aratamete Ukagaimashita (後日改めて伺いました), à savoir Mahō (魔法) et Sutte , Haite (吸って、吐いて). Je ne connaissais même pas l’existence de cet album, il faudra le découvrir. Le set de PEDRO est assez long mais passe très vite. Une pause d’une vingtaine de minutes permet de changer les instruments pour le set suivant de Tricot.

Ce temps de préparation semble assez long car le public avait été réchauffé par la prestation de PEDRO et la tension tombe un peu. La chaleur est par contre bien présente et une personne aura même un malaise au début du set de Tricot. Le groupe joue 13 morceaux incluant un rappel. Il n’y a malheureusement aucun nouveau morceau, mais une sélection provenant des albums existants avec une plus grande proportion venant de l’album Makkuro (真っ黒). Par rapport à PEDRO, je suis en terrain connu avec Tricot car j’ai tous les albums et déjà entendus certains morceaux plusieurs fois en live. C’est par exemple le cas du morceau Himitsu (秘密) de l’album Makkuro, qui est un grand classique des concerts de Tricot et un des morceaux les plus remarquables du groupe. La playlist du concert a cette fois-ci été entièrement pensée par la bassiste Hiromi. C’est un privilège qui lui est donné cette fois-ci, car elle va bientôt faire une pause en attente d’un heureux événement. Elle l’avait en fait déjà annoncé sur les réseaux sociaux quelques jours auparavant et il n’y avait pas de grande surprise dans le public. Ça a été l’occasion de la féliciter en direct. Pendant tout le set, je n’ai pu m’empêcher d’être un peu perturbé par la question de savoir si c’est bien bon pour son futur bébé d’entendre des sons aussi forts, car les sets des deux groupes sont particulièrement riches en guitares et les batteurs nous font ressentir leurs percussions jusqu’à notre colonne vertébrale. Ikkyu pose finalement la question à Hiromi qui n’a pas l’air de trop s’inquiéter car elle part en pause assez tôt. Son dernier concert sera celui d’Osaka pour cette tournée. Tricot ne s’arrêtera pas pour autant, et Hiromi indiquait devant les questions insistantes d’Ikkyu qu’elle reviendra après son congé maternité. Ikkyu nous fait ensuite part de son idée saugrenue d’engager Ayuni D comme bassiste pour Tricot pendant la période d’absence d’Hiromi. Les membres de Tricot semblent tout à fait satisfait de ce remplacement à l’amiable, et déclarent que c’est un marché conclu, sans en avoir parlé au préalable avec l’intéressée. Ce petit passage fait bien rire le public, car Ikkyu imagine déjà tout haut le mécontentement possible d’Ayuni face à cette décision prise à son insu. Tout ceci n’est bien sûr qu’une plaisanterie. Les échanges de musiciens dans le petit monde du rock sont relativement fréquents et je viens d’apprendre juste après le concert que Yusuke Yoshida de Tricot sera derrière la batterie du prochain concert de DAOKO au mois de Juin 2024. Ça sera normalement le prochain concert que j’irais voir et ça sera amusant de voir Yoshida kun accompagné DAOKO plutôt qu’Ikkyu. J’imagine que cette « infidélité » était d’un commun accord entre les deux, qui sont à priori des bonnes amies si on en croit les réseaux sociaux. Le set commence par le morceau Noradrenaline de l’album A N D, qui se trouve être le premier morceau du premier album de Tricot que j’ai écouté. De l’album Makkuro, Tricot interprète forcément le morceau Unō Sanō (右脳左脳), car c’est le titre du concert. J’aime beaucoup ce morceau notamment pour l’ambiance de sa vidéo que se déroule en partie sur une passerelle pour piétons à Ebisu que je connais très bien pour l’avoir souvent prise en photo. L’ambiance est fidèle aux précédents concerts du groupe auxquels j’ai pu assister. Je trouve qu’elles se sont un peu plus amusées dans les introductions et certains morceaux étaient l’occasion de partir vers des étendues bruitistes, qui sont restées tout de même assez bien maîtrisées. La guitariste Motifour Kida aime toujours se déplacer au moins une fois du côté d’Ikkyu pour essayer de l’embêter et lui piquer la vedette. Mais la véritable vedette de ce concert est Hiromi, qui parle même pendant un des passages de MC. Ikkyu s’étonne de cette intervention et nous fait part du fait que c’est chose rare qu’Hiromi s’adresse au public. C’est peut-être même la première fois. C’est vrai que je n’ai pas le souvenir de l’avoir entendu parler en concert. Tout comme Yusuke Yoshida, elle est relativement discrète, surtout par rapport à Ikkyu et Kida qui mènent souvent la discussion. Le groupe couvre étonnamment assez peu de morceaux des derniers albums car un seul est tiré du dernier Fudeki (不出来), le morceau titre justement, et aucun de l’album d’avant Jōdeki (上出来). J’étais surpris de ne pas voir Ochansensu-Su (おちゃんせんすぅす) de l’album THE dans la setlist car c’est aussi un grand classique qui permet au groupe de s’amuser en le triturant à l’excès. L’excellent WARP de l’album 10 faisait par contre partie du concert, tout comme Naka (なか) de l’album Makkuro. Ces morceaux ont la particularité d’avoir des passages rappés par Ikkyu, ce qui me fait d’ailleurs penser que la combinaison avec Chelmico pour la date d’Osaka n’est pas du tout incongrue. Il y a parfois cet esprit hip-hop dans les morceaux de Tricot, ce qui sort clairement le groupe de son étiquette de groupe de math rock. Je sentais Tricot jouer sans pression, même si on ne voit jamais aucune pression transparaître d’Ikkyu qui a l’air toujours très cool en toute occasion. C’est peut-être une impression que j’ai en raison de sa manière de parler un peu nonchalante. Je ne serais pas loin de croire qu’elle est originaire de Nagano, mais en fait non, elle est originaire de la préfecture de Shiga. Comme pour PEDRO, le public est très engagé et il me semble un peu plus vocal que d’habitude. Ça fait plaisir de ressentir cette ambiance. Je pense que Tricot aime d’ailleurs partager l’affiche de cette manière. Ça sera également le cas pour leur prochain concert au Liquidroom qui aura lieu en Septembre 2024, à priori sans Hiromi.

Pour le morceau de rappel, Hiromi donne au public un choix de trois morceaux qu’on choisira grâce au volume sonore des applaudissements. Plusieurs crient bien sûr qu’ils veulent écouter les trois morceaux à la suite. Ce sera finalement le morceau Melon Soda (メロンソーダ) de l’album 3 qui conclura le set de Tricot. Une petite photo de famille sera ensuite prise avec Tricot et Ayuni D de PEDRO. Au final, le concert s’achève vers 9:30, ce qui fait un peu plus de deux heures de live, en comptant l’entracte, pour un total de 24 morceaux joués. Pour un peu plus de 5000 Yens la place, c’est quand même assez avantageux. Tous les concerts auxquels j’assiste sont dans ces prix à part celui de Sheena Ringo qui était au double. Les lumières se rallument après les remerciements et on nous demande gentiment de ne pas prendre de photos de la scène, ce qui est plutôt étonnant. J’ai toujours un peu de mal à vouloir sortir. Une fois dehors, les oreilles sonnent. Plus de deux heures de guitares et de batterie virulentes laissent un petit souvenir qu’on gardera en tête pendant plusieurs heures. Je ne commence pas l’écriture de ce billet dans la foulée, mais je me surprends moi-même d’avoir autant le courage d’écrire sur les concerts que je vais voir. C’est en quelque sorte mon message de remerciements aux groupes.

A part les photos du début du billet, les autres sont glanées sur les compte Twitter de PEDRO et de Tricot. Ci-dessous les setlists de deux groupes pour référence ultérieures:

Unō Sanō (右脳左脳) – 10 Mai 2024 – PEDRO Setlist:

1. (intro) Kaeru (還る) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
2. Shunkashūtō (春夏秋冬) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
3. Green Heights (グリーンハイツ) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
4. Music (音楽) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
5. Roman (浪漫) de l’album Roman (浪漫)
6. Senshin (洗心) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
7. Omomuku mama ni (赴くままに) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
8. Kiyoku, Tadashiku (清く、正しく) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
9. Mahō (魔法) de l’album Gojitsu Aratamete Ukagaimashita (後日改めて伺いました)
10. Sutte , Haite (吸って、吐いて) de l’album Gojitsu Aratamete Ukagaimashita (後日改めて伺いました)
11. Yosei (余生) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)

Unō Sanō (右脳左脳) – 10 Mai 2024 – Tricot Setlist:

1. Noradrenaline de l’album A N D
2. Omotenashi (おもてなし) de l’album T H E
3. Himitsu (秘密) de l’album Makkuro (真っ黒)
4. Anamein (アナメイン) du mini-album Bakuretsu Toriko-san (爆裂トリコさん)
5. Echo (エコー) de l’album 3
6. WARP de l’album 10
7. E de l’album A N D
8. Unō Sanō (右脳左脳) de l’album Makkuro (真っ黒)
9. Naka (なか) de l’album Makkuro (真っ黒)
10. Boom ni Notte (ブームに乗って) de l’album Makkuro (真っ黒)
11. Shokutaku (食卓) de l’album A N D
12. Fudeki (不出来) de l’album Fudeki (不出来)
13. (Rappels) Melon Soda (メロンソーダ) de l’album 3

an untilted life (1)

Le titre de ce billet est en fait le nom donné à une petite playlist sur mon iPod contenant principalement des morceaux d’artistes ou de groupes que je ne connaissais pas jusqu’à maintenant et que je découvre avec un enthousiasme certain. Il n’y a pas de faute d’orthographe dans le titre. Ceux qui savent sauront d’où vient cette écriture trompeuse. Je découvre d’abord le morceau Shirase (しらせ) de la compositrice et interprète Kiwako Ashimine (安次嶺希和子) grâce à la photographe Mana Hiraki (平木希奈) qui prend la photo servant de couverture à ce single. Cette photographe que je suis sur Twitter et Instagram me fait régulièrement découvrir de nouveaux et nouvelles artistes à travers ses photographies et vidéos, et je lui ai fait part de mon remerciement sur Twitter auquel elle m’a gentiment répondu en français comme la dernière fois. Kiwako Ashimine est compositrice et interprète originaire d’Okinawa. On est tout de suite captivé par sa voix et la qualité de l’ambiance musicale teintée d’une certaine dose de mystère. C’est un très beau morceau envoûtant. J’écoute ensuite le morceau Moon d’un jeune groupe appelé Shokudo Girl (食堂ガール) composé de cinq membres, étudiants à l’Université nationale de Yokohama. Le rock de ce morceau a un côté expérimental et imprévisible qui me plait vraiment beaucoup. Ce morceau est disponible sur leur premier album intitulé Fall in sorti en Mars 2023. C’est peut-être dû au fait qu’ils chantent en anglais mais la liberté de composition de ce morceau me rappelle les musiques rock occidentales que j’écoutais intensément au début des années 2010 après les avoir découvertes sur le podcast des Inrocks (malheureusement disparu depuis très longtemps), comme le morceau Euphony des niçois Quadricolor. Hakushi Hasegawa (長谷川白紙) n’est pas un nouveau venu de la scène indépendante japonaise, même s’il n’a que 25 ans, mais je ne le découvre vraiment que maintenant avec un single intitulé Boy’s Texture qui apparaîtra sur son prochain album Mahōgakkō (魔法学校) prévu pour le 24 Juillet 2024. Ce morceau est un ovni musical, aussi beau qu’étrange. Il est difficile à définir car s’y mélangent une composition plutôt classique de guitare sur laquelle viennent s’ajouter la voix éthérée d’Hakushi Hasegawa, un rythme électronique et diverses sonorités extérieures et interjections toutes plus bizarres les unes que les autres, ce qui rend ce morceau très habité. Les trois morceaux de cette petite sélection sont tous de très belles découvertes qui ouvrent de nouvelles portes et me font dire que les inspirations musicales du moment sont sans limites.

chasing the plankton car

L’événement dont je parlais dans mon précédent billet et auquel je voulais assister est le passage de la voiture Plankton de Millenium Parade à certains endroits de Tokyo. Rappelons que Millenium Parade est le projet parallèle à King Gnu de Daiki Tsuneta (常田大希). Ce groupe à la structure évolutive n’a sorti qu’un seul album éponyme en Février 2021, à l’ambiance d’ailleurs remarquable, et deux singles à succès, U avec Kaho Nakamura (中村佳穂) pour la bande originale du film d’animation Ryū to Sobakasu no Hime (竜とそばかすの姫) et plus récemment le single W●RK avec Sheena Ringo. A l’occasion de leur nouveau single intitulé Goldenweek qui sort le 10 Mai 2024, Millenium Parade avait prévu de faire circuler leur voiture taggé appelé Plankton dans différents lieux de Tokyo, les Samedi 4 Mai et Dimanche 5 Mai 2024. Cette voiture Plankton est d’abord apparue en version digitale dans la vidéo du morceau du même titre de l’album Millenium Parade, et a été ensuite réellement construite et montrée lors de l’exposition GNU-MILLEPARK dirigée par Perimetron au Ginza Sony Park du 21 Octobre 2020 au 31 Mars 2021. Je n’avais à l’époque vu que l’extérieur et une petite partie intérieure de l’exposition, et j’en parlais dans un billet. Plankton est devenue un des symboles de Millenium Parade et fait en quelques sortes figure de messagère avant la sortie de nouvelles musiques.

Le passage de Plankton dans les rues de Tokyo n’était annoncé que peu de temps avant sur les réseaux sociaux et j’avais donc lu que la voiture était passée le Samedi à Shibuya Dogenzaka à 11:30, puis à Nishi-Shinjuku, Higashi-Ikebukuro, Sotokanda, Asakusa Kaminarimon, Roppongi pour retourner finalement à Dogenzaka à 18h. Les quelques images que l’on pouvait voir montraient la voiture rouge tractée par une dépanneuse devant une foule qui était venu exprès pour voir son passage. La voiture s’arrêtait apparemment à certains endroits pour une distribution d’autocollants par des personnes masquées. Cette parade était tellement intrigante que j’ai eu envie de la voir le jour suivant, le Dimanche donc. Le programme donné sur Twitter indiquait un départ à 11:00 à Sotokanda, mais il a changé en cours de route pour un démarrage à Nishi-Shinjuku. La voiture devait passer le Dimanche par un nombre plus important de lieux mais s’est en fait limitée à Nishi-Shinjuku à 12:00 et Shibuya Maruyamachō à 14:00. Je pense que les lieux de rencontre ont été limités le deuxième jour en raison du succès du premier jour. La foule engendrée dans les rues et dans des espaces qui ne sont pas forcément conçus pour accueillir autant de personnes a certainement posé problème aux autorités. Daiki Tsuneta n’imaginait peut-être pas que le succès de King Gnu (rappelons qu’ils remplissent des dômes) déteindrait autant sur son projet parallèle, d’autant plus qu’il n’était à priori pas présent dans la voiture de Millenium Parade. J’apprends vers 10h30 du matin que Plankton ne passera pas à Sotokanda vers où je me dirige. Il me faut maintenant prendre le train pour rejoindre Nishi-Shinjuku avant midi. La ligne de train Chuo relie heureusement de manière directe la station proche d’Ochanomizu à celle de Shinjuku. J’y arrive vers 11:30 sans aucune indication de l’endroit où va passer Plankton. J’imagine que des espaces vastes sont nécessaires et j’essaie de les trouver devant la grande mairie de Tokyo dans le centre de Nishi-Shinjuku ou dans les grandes avenues près du parc Chuo. Mais je n’y trouve aucun regroupement de personnes. L’heure approche et Twitter m’indique qu’un regroupement s’est finalement formé devant le croisement du Department Store Lumine 1 près de la sortie Sud de la gare de Shinjuku. Après quelques minutes, sous une chaleur pesante pour la saison, je me rends compte en effet qu’un grand nombre de fans s’y sont regroupés au bord des rambardes de sécurité le long de l’avenue. Tout le monde semble attendre que la voiture passe sans savoir où regarder. Je me place à un endroit stratégique près du passage piéton. Les rangées de personnes grossissent progressivement plus on approche de midi. Et la voiture rouge tractée finit par montrer le bout de son nez soulevé en l’air. Elle prend son temps au croisement, roule doucement, passe devant les fans photographiant à tout-va mais ne s’arrête pas. Elle parade devant la sortie Sud de la station en amenant avec elle une partie de la foule, dont je fais partie, qui croyait qu’elle allait s’arrêter un peu plus loin pour distribuer les fameux autocollants du groupe. Elle disparaît ensuite sous une confusion certaine. On s’est tous fait berner. La voiture ne s’est pas arrêté. Les plus futés ont déjà compris qu’elle allait faire un tour de la station et revenir. Les gens se sont placés en rangés, de manière très organisée pour attendre le nouveau passage de la parade. Je comprends que l’attente va être pénible et je ne suis pas prêt à attendre sous cette chaleur pour un malheureux autocollant. Ce qui m’intéresse le plus dans cet événement en mode guérilla est la manière dont la foule réagit.

Plankton passe une nouvelle fois devant la foule mais ne s’arrête toujours pas. Je décide donc de changer de point de vue en me plaçant sur la passerelle piétonne reliant le Department Store NeWoman à Lumine 1. Un petit groupe de personnes a eu la même idée que moi, mais il y a beaucoup moins de monde qu’au niveau de la rue. Je me dis que c’est quand même fou qu’autant de personnes se réunissent pour le passage d’une voiture déglinguée et quelques autocollants certes collectors. Ce point de vue me permet en tout cas de saisir en vue plongeante le troisième passage de Plankton, mais elle ne s’arrête toujours pas. Une dame d’un certain âge voyant cette foule de loin depuis la passerelle interroge ma voisine sur ce qui se passe. Elle essaie tant bien que mal de lui expliquer mais on la sent un peu embêtée. C’est un groupe Johnny’s qui va passer demande la dame? Pas tout à fait. Je n’atteindrais finalement pas le quatrième passage, car j’ai fait le plein de photographies et le temps vient à me manquer.

Un peu plus tard dans la journée, Zoa qui rentre à la maison me montre des photos qu’il a pris de Plankton dans le centre de Shibuya. Il y était avec des copains car l’un d’entre eux est fan de King Gnu et voulait absolument voir passer la voiture. A nous deux, on a assez bien couvert l’événement sans pourtant en avoir parler avant. Je savais que Zoa était à Shibuya avec ses copains ce dimanche après-midi et j’ai même hésité à l’appeler pour lui demander de prendre des photos. La télépathie a en fait fonctionné. C’est en tout cas une coïncidence amusante.

Daiki Tsuneta montre au compte-goutte des photos et vidéos de la journée de Samedi et de Dimanche sur son compte Instagram. La foule devant la porte Kaminarimon à Asakusa semble très importante pour le premier jour. Les photographies prises à Dogenzaka donnent l’impression d’une marée humaine. On dirait que Millenium Parade a bien réussi son coup de théâtre. Dommage que je n’ai pu attraper un petit autocollant comme souvenir mais il me reste des photographies. Et des interrogations sur mon propre niveau d’otakuisme. Le single dont cet événement de rue faisait la promotion sort finalement quelques jours plus tard, le 10 Mai 2024. Ce nouveau single intitulé Goldenweek est bon mais le teasing avait forcément poussé mes attentes au plus haut point. Le morceau chanté entièrement en anglais n’est clairement pas aussi percutant que W●RK, mais j’apprécie beaucoup son ambiance progressive. Il est à vrai dire assez actuel, proche de la pop internationale et perd un peu de l’originalité particulière et chaotique du premier album. Le morceau n’en reste pas moins très bien construit et accrocheur, même si je le trouve un peu trop calibré pour l’international.

monsters deep inside

Le dimanche 5 Mai vers 9h30 du matin, je prends le train de la ligne Yamanote en direction de Kanda. Ma destination est Sotokanda (外神田) à quelques centaines de mètres de la station d’Akihabara se trouvant de l’autre côté de la grande avenue Chuo-Dori (中央通り). Je ne connais pas l’emplacement exact mais un événement doit s’y dérouler à 11h. Ayant largement assez de temps devant moi, je me décide à quitter la ligne Yamanote au niveau de la gare de Tokyo en sautant du train (au sens figuré), pour continuer ensuite à pieds jusqu’à Sotokanda. Je suis en fait descendu à la gare de Tokyo car j’avais également dans l’idée d’aller voir dans un des immeubles de Marunouchi une petite exposition qui se terminera dans les deux prochains jours. C’est une matinée qui s’annonce chargée mais j’aime particulièrement marcher dans Tokyo avec un ou plusieurs objectifs précis en tête. Je n’ai pas parcouru les rues de la gare de Tokyo jusqu’à Akihabara depuis longtemps et je choisis volontairement un chemin que je n’ai pas encore emprunté. On quitte d’abord rapidement les hauts immeubles de Marunouchi pour pénétrer à l’intérieur de Kanda après avoir traversé une passerelle piétonne prise en sandwich entre deux portions d’autoroutes. Après avoir traversé cette passerelle, j’aperçois la station service ENEOS de Nihonbashi Hongokucho (日本橋本石町) qui a la particularité d’avoir d’étranges panneaux solaires accrochés à une structure de tubes en acier. La structure semble précaire et provisoire mais je pense qu’elle au contraire là depuis longtemps. Je l’ai en fait déjà aperçu, très certainement en prenant le train dont la voie surélevée passe juste à côté. Sur la même rue, mon regard s’accroche à un bâtiment jaune de quelques étages. Il s’agit d’un établissement scolaire Benesse (ベネッセ 学童クラブ内神田) conçu par Taisei Design. L’aspect ludique de la façade avec des hublots de tailles variées est bien adapté pour un centre d’éducation pour enfants. Je rentre ensuite dans le quartier d’Akihabara en traversant la rivière Kanda par le pont Shohei (昌平橋). Je ne peux m’empêcher de prendre en photo un des trains de la ligne Sobu filant vers la station d’Ochanomizu. Ce point de vue est particulièrement photogénique car la ligne de train vient traverser la rivière Kanda sur un pont métallique qui semble bien léger. On sait qu’on approche d’Akihabara lorsqu’on aperçoit des voitures de sport Itasha (痛車) dessinées de personnages de manga. Les panneaux publicitaires de manga, jeux vidéos et autres maid café se font denses et bruyants dans les rues centrales d’Akihabara. Avant de rejoindre les rues de Sotokanda, je me rends compte que l’évènement que je devais y voir a changé de lieu et d’heure. Je ne suis pas venu pour rien car la promenade urbaine était agréable. Je n’ai par contre pas manqué l’exposition que je voulais absolument voir à Marunouchi.

La grande librairie Maruzen installée à plusieurs étages de l’immeuble Oazo de Marunouchi propose régulièrement des expositions intéressantes. J’y ai déjà vu les illustrations de Nakaki Pantz et j’ai manqué de peu celles de Takato Yamamoto. Cette fois-ci, on y montrait des illustrations de Zashiki Warashi (ざしきわらし), qui est un illustrateur né en 1987 à Fukuoka. Zashiki Warashi a fait un grand nombre d’expositions solo et travaille régulièrement sur des commissions. On sait peu de choses sur cet illustrateur et c’est d’ailleurs à peu près tout ce que j’ai pu découvrir à son sujet. Je ne suis même pas certain de savoir s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Le nom utilisé par l’artiste ne m’aide pas beaucoup dans mes recherches car zashiki warashi (座敷童) fait plutôt référence à un type de créature surnaturelle japonaise, dite yōkai, qui est un esprit de la maison. On dit que l’arrivée d’un zashiki warashi dans une maison apporterait la bonne fortune tandis que son départ serait synonyme de déclin. L’exposition d’illustrations de Zashiki Warashi avait une durée assez courte, ne se déroulant que sur quelques jours jusqu’au 7 Mai 2024. Ses illustrations sont très pop colorées se composant de portraits de jeunes filles qui pourraient sortir d’un shōjo manga (少女漫画). Le détail qui m’intéresse beaucoup dans ses portraits, outre les expressions charmantes des protagonistes, est l’emploi d’objets technologiques futuristes proches du cyberpunk. Chaque personnage porte un ou plusieurs objets atypiques, ressemblant parfois à des casques audio ou autres protections. En voyant ces jeunes filles dessinées, je ne peux m’empêcher de penser qu’elles pourraient très bien être les petites sœurs de Kaneda dans le manga Akira. On y retrouve ce même attrait du cyberpunk, des couleurs vives (le rouge bien sûr pour Kaneda) et un certain esprit effronté qui transparaît dans les expressions de ces visages. L’exposition prenait pour titre Dandelion qui est également le titre du nouveau livre d’illustrations de Zashiki Warashi que j’ai bien sûr acheté. Avec toutes les couleurs de Dandelion dans mon sac, je reprends la route pour le nouveau point de rendez-vous de l’événement que j’étais venu voir.

Et musicalement parlant, je reviens vers le groupe rock alternatif à tendance math rock, Cö Shu Nie, avec leur premier album intitulé Pure, sorti en Décembre 2019 après une série de mini-albums sur labels indépendants. Je tombe tout à fait par hasard sur cet album dans les rayons du Disk Union de Shimo-Kitazawa et je n’hésite pas longtemps à m’en emparer. De cet album, je connaissais en fait déjà deux morceaux, asphyxia et Zettai Zetsumei (絶体絶命), qui sont deux des singles de l’album. J’en avais déjà parlé dans un précédent billet. Le morceau asphyxia est aussi beau qu’imprévisible et l’imprévisibilité qualifie très bien l’ensemble de cet album. Le troisième single de l’album, Bullet, en est un autre bon exemple même si je ne le trouve pas aussi bon que les deux autres singles. Il faut avoir une oreille attentive et ne pas être trop fatiguée pour apprécier cet album, car ça virevolte dans tous les sens, avec une dextérité qui parait aux premiers abords un peu déconcertante. Les sons incorporants guitares et claviers sont denses et compliqués. J’ai le sentiment que chaque écoute fait travailler mon cerveau pour le faire aller dans des endroits qu’il n’avait pas encore exploré. Un morceau comme le quatrième, scapegoat, peut d’abord paraitre excessif pour ces accords déséquilibrés mais devient après plusieurs écoutes un des plus intéressants de l’album. Les percussions de Ryōsuke Fujita (藤田亮介) y sont très présentes. Ce batteur ne sera présent dans le groupe que de 2018 à 2021, et Cö Shu Nie fonctionne actuellement avec deux membres permanents, à savoir Miku Nakamura (中村未来) au chant, guitare, claviers et Shunsuke Matsumoto (松本駿介) à la guitare basse. J’aime beaucoup la voix de Miku qui lui autorise des tonalités très variées. J’aime aussi beaucoup quand le groupe se pose un peu avec des morceaux plus lents comme iB, inertia ou gray qui conclut brillamment l’album. Dans l’ensemble, l’album démarre très puissamment et décélère progressivement jusqu’au final, avec au centre de l’album, un morceau au refrain assez étrange intitulé Psycho Pool ≒ Lego Pool (サイコプール≒レゴプール). Pure est assez unique, possédant une élégance et une interprétation de la beauté toute particulière. Il faut écouter avant tout le morceau asphyxia pour savoir si on peut accrocher à la musique de Cö Shu Nie, car il s’agit du morceau le plus beau et le plus inspiré que je connaisse du groupe. A vrai dire, j’ai un peu de mal à comprendre comment on peut avoir l’idée de composer un morceau aussi distordu et déséquilibré, qui atteint pourtant une beauté à la fois pure, monstrueuse et transcendante. Le CD de l’album contenait à l’intérieur un mediator de guitare marqué du nom du groupe. Est ce qu’on me suggérait de manière subliminale de racheter une guitare (même si je ne sais jouer aucuns airs connus)?