AAAMYYY / Option C

Comme c’est le cas pour la grande majorité des concerts auxquels j’ai assisté jusqu’à maintenant, j’avais réservé ma place pour le concert d’AAAMYYY depuis plus de trois mois. Si je ne me trompe pas, elle n’avait pas fait de concert en solo, en Oneman Live comme on dit, depuis celui au Billboard de Yokohama en Juillet 2023. Le concert auquel j’ai assisté prenait le nom Option C et se déroulait dans la salle Spotify O-East à Shibuya le Jeudi 7 Mars 2024 à partir de 19h. Je connaissais cette salle située dans les dédales de Dogenzaka, près du Club Asia, mais je n’y étais jamais entré. Elle a une capacité d’environ 1300 personnes debout et devait être à peu près pleine. Il s’agissait d’une date unique à Shibuya, et pas d’une tournée accompagnant la sortie d’un nouveau disque. Comme AAAMYYY n’a pas sorti de nouvel album ou EP depuis son dernier EP ECHO CHAMBER sorti en 2022, je ne savais pas trop à quoi m’attendre au niveau de la setlist. J’aime particulièrement les jours et les heures qui précèdent un concert, mélangeant une excitation certaine avec une petite pointe d’appréhension. Je ressens toujours le besoin de me préparer en réécoutant les albums et morceaux de l’artiste ou du groupe que je vais voir, histoire de bien s’imprégner de l’atmosphère avant le concert. AAAMYYY a sorti deux albums, son premier album Body sorti en 2019 et le deuxième album Annihilation sorti en 2021, et quatre EPs, Weekend EP sorti en 2017 et Maborosi EP sorti en 2018 (regroupés ensuite sous le nom Maborosi Weekend) puis Etcetra EP en 2018 et ECHO CHAMBER en 2022. J’ai réécouté son dernier EP ECHO CHAMBER et son premier Maborosi Weekend, et quelques morceaux de l’album Annihilation pour me remettre dans le bain. C’était une bonne pioche car elle a interprété sur scène tous les morceaux d’ECHO CHAMBER et quelques morceaux seulement de Maborosi Weekend et Annihilation. J’étais en fait assez loin de me douter que plus de la moitié des morceaux de la setlist du concert n’étaient pas présents sur ses propres albums, mais provenaient d’albums d’autres artistes avec qui elle avait collaboré jusqu’à maintenant. Je savais qu’AAAMYYY avait participé à beaucoup de morceaux d’autres artistes, sans tous les connaître. Un grand nombre de ces artistes étaient invités pour ce concert. AAAMYYY nous révèle pendant le concert que le concept est d’interpréter des morceaux avec plein d’invités. L’affiche nous les annonçait et je connaissais un certain nombre de ces noms d’invités.

Comme d’habitude, j’aime arriver à l’heure exacte d’ouverture, à 18h cette fois-ci. On attend patiemment que son numéro de billet soit appelé pour monter les marches et entrer les uns après les autres dans la salle. Tout est très bien organisé et même millimétré. Après avoir été appelé, je monte les escaliers en file indienne, m’empare d’une bière à l’entrée et me place au sixième rang dans la salle tout en longueur. Je regarde distraitement les personnes autour de moi, pour voir quel est le style général du public d’AAAMYYY. Il est plutôt urbain dans l’ensemble mais assez varié. La moyenne d’âge de l’audience est sans grande surprise inférieure à la mienne, assez équilibrée entre hommes et femmes. Beaucoup de personnes semblent être venues seules et je me rends compte que c’est en fait souvent le cas. Je me sens toujours bien dans l’enceinte d’une salle de concert. Mahl m’envoie un petit message pour me souhaiter un bon concert avant qu’il ne démarre. Je ne peux m’empêcher de laisser également un message à Nicolas, et à informer ma petite sœur qui assiste également assez souvent à des concerts et le partage ses impressions. À chaque concert, je me demande toujours si la bande sonore pour nous faire attendre est sélectionnée par l’artiste ou le groupe. J’y trouve toujours un ou deux morceaux qui attirent mon attention. Cette fois-ci, c’est Boss B*tch de l’américaine Doja Cat. De retour à la maison, je me mettrais d’ailleurs à écouter quelques morceaux de son dernier album Scarlet, notamment l’excellent Agora Hills. Ce morceau de Doja Cat et les quelques autres viennent assez bien accompagnés dans la playlist de mon iPod le dernier single yes, and? d’Ariana Grande qui est tout à fait remarquable. J’ai, tout comme mon fils, un faible pour la musique d’Ariana Grande et ce dernier single aux airs assumés d’hommage au Vogue de Madonna me ramène avec beaucoup de bonheur au tout début des années 90. Mais je m’égare un peu en attendant que le concert ne démarre.

Après une petite séquence vidéo où on la voit se présenter en anglais assise sur un fauteuil vintage, d’une manière très similaire au concert Annihilation Extra au Liquidroom d’Ebisu en Décembre 2021, AAAMYYY apparaît seule sur scène devant un très grand écran montrant des images pleines de formes et de couleurs. Elle est habillée d’une robe rouge au design recherché et porte des hautes bottes blanches pleines de ferrures. Elle fait clairement attention à son style et c’était la raison pour laquelle je me demandais d’abord quel pouvait être le style de l’audience qui vient la voir. Elle interprète d’abord trois morceaux du EP ECHO CHAMBER, That smile (あの笑み), Ikitemiruwa (生きてみるわ) et Ignition. J’espérais discrètement qu’Ano (あの) apparaisse de manière tout à fait inattendue sur scène mais ce n’était pas le cas. Elle n’était de toute façon pas annoncée sur l’affiche et est devenue depuis son single pour l’anime Chainsaw Man une figure très médiatisée. AAAMYYY est seule sur scène et je me rends compte après quelques minutes que ça m’est inhabituel de voir une artiste chantée sur scène sans les musiciens d’un groupe tout autour. Mais AAAMYYY utilise bien l’espace et ce relatif inconfort initial s’oublie assez vite, d’autant plus que les invités vont ensuite débarquer rapidement les uns après les autres. On s’aperçoit après quelques morceaux que le DJ et producteur Wataru MONJOE est là derrière ses platines pour assurer le set musical. Il n’est pas sur scène mais dans un petit espace ouvert placé sur la droite de la salle de concert. Je pensais d’abord qu’il s’agissait d’un espace pour VIP car il contient un large sofa, un autre fauteuil et une table avec des boissons semblant alcoolisées. Les platines se trouvent en fait à cet endroit derrière le sofa. MONJOE est bien là debout derrière les platines à mixer tout en regardant AAAMYYY chanter sur scène. Cette disposition est inhabituelle et très intéressante. Le premier morceau That smile (あの笑み) met d’entrée de jeu dans l’ambiance car il est assez agressif. AAAMYYY couvre à la fois ses propres paroles et celles d’ano, dont le « fuck » qui lui fait faire avec un sourire remarquable un double doigt d’honneur les mains levées dans les airs. Ce qui est intéressant avec AAAMYYY est qu’on la sent complètement à sa place et investie sur scène, mais elle n’est pas non plus un monstre de scène et une certaine fragilité se ressent. Je ressens en fait également ce genre de dualité dans sa musique. Elle enchaîne ensuite avec Ikitemiruwa (生きてみるわ) et Ignition qui est un des morceaux que je préfère sur ECHO CHAMBER, avec Hail (雨) qui suit juste après. Pour Hail, l’écran géant derrière elle montre des images de forêt extraites de la vidéo tournée à Hinode, dans la banlieue Ouest de Tokyo près de la ville d’Ōme. Le rappeur (sic)boy arrive sur scène en cours de morceau pour sa partie rappée. Hail est un des morceaux d’AAAMYYY que je préfère, tous albums et EPs confondus, et cette interprétation sur scène est très réussie, très fidèle à la version de l’album. J’avoue que j’avais une petite appréhension quant au rendu live du chant d’AAAMYYY mais ses interprétations étaient en tous points parfaites (presqu’un peu trop d’ailleurs). (sic)boy et AAAMYYY interprètent ensuite un duo un morceau intitulé Mizu Fūsen (水風船) qui est en fait inclus sur l’album Vanitas de (sic)boy. Comme je ne le connaissais pas, j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un nouveau morceau mais il date en fait de 2021. Il s’agit du premier morceau d’une série de collaborations qui nous amènera jusqu’à la fin du concert. Comme je le mentionnais un peu plus haut, elle nous indique au milieu du concert que le concept est d’être basé sur de nombreuses collaborations sur scène, ce qu’on avait assez vite deviné. Juste après (sic)boy, le rappeur KEIJU entre sur scène pour un excellent morceau intitulé run away, présent sur son EP heartbreak, sur lequel chante bien sûr AAAMYYY. Je ne connaissais pas très bien KEIJU à part pour son intervention sur le morceau Link Up sur l’album Queendom de la rappeuse originaire d’Okinawa Awich. Il a l’air d’ailleurs assez proche d’Awich car ils ont participé ensemble à une interprétation du morceau Remember sur la chaîne YouTube The First Take. J’aime beaucoup le morceau run away dès cette première écoute lors du concert. La chant immédiatement reconnaissable d’AAAMYYY nous donne à chaque fois l’impression qu’il s’agit d’un de ses propres morceaux, plutôt que celui de l’invité. On revient ensuite sur un de ses morceaux avec Tengu (天狗), le seul de l’album Annihilation interprété pendant ce concert. Le rappeur Zo Zhit (荘子it), du groupe Dos Monos, déboule comme une bombe sur scène en court de morceau. Son rap est très puissant et il est très mobile sur scène. Son omniprésence sur scène est d’autant plus remarquable qu’il a une bonne carrure et une longue chevelure blonde bougeant allègrement avec ses mouvements brusques et ses va-et-vient sur scène. Zo Zhit n’interprète que ce morceau avec AAAMYYY mais on retient son passage.

Sans vraiment de temps morts, le rappeur Ryohu entre sur scène pour un morceau intitulé The Moment sur son premier album Debut sorti en 2021. Je connais d’abord Ryohu pour son duo remarquable sur le morceau BLUEV du EP Maborosi Weekend d’AAAMYYY, mais j’aime aussi beaucoup son duo avec YONCE de Suchmos sur le single One Way dont j’avais déjà parlé sur ce blog. Ryohu a une vois très particulière et marquée, qui s’accorde bien avec celle d’AAAMYYY car elles sont très différentes et en quelque sorte complémentaires. Le morceau qui suit s’intitule Magic Miror sur l’album Circus (2022) de Ryohu. Ce morceau est également un des très beaux moments du concert car TENDRE se joint au groupe pour les chœurs. Ryohu, AAAMYYY et TENDRE se partagent à trois l’espace de la scène pour un climax qui aurait pu conclure la première partie du concert. Mais un duo avec TENDRE suit ensuite pour le morceau OXY de son album PRISMATICS (2022). On sent à chaque fois une grande proximité entre AAAMYYY et ses invités, mais c’est d’autant plus notable avec TENDRE. Il faut dire qu’il joue souvent dans son groupe et AAAMYYY participe également régulièrement aux concerts de TENDRE. On a l’impression de voir sur scène les membres d’une grande famille de musiciens, et elle transmet assez clairement ce sentiment au public. Je pense que ça tient du fait qu’elle est très naturelle. Elle est également tout à fait imprévisible, aux dires de TENDRE et ça ne m’étonne pas beaucoup.

Après le morceau OXY, AAAMYYY nous indique qu’elle va partir se changer pendant quelques minutes et qu’elle nous laisse donc seuls avec TENDRE. Il se déplace vers la petite zone VIP avec sofa ouverte sur la salle, en nous disant qu’AAAMYYY lui a demandé au dernier moment de faire le MC pendant qu’elle se change, ne lui laissant donc que très peu de temps pour se préparer. Mais TENDRE ne se démonte pas et assure la discussion avec Wataru MONJOE qui se trouvait déjà dans cette petite salle, puis avec Zo Zhit et le chanteur Sho Okamoto (オカモトショウ) du groupe OKAMOTO’S qui chantera plus tard pendant le set. Une des premières réactions de TENDRE au public est de nous demander si on est surpris qu’il n’y ait pas de groupe sur scène. Cette question m’amuse car c’était également ma première réaction. TENDRE est aussi sympathique qu’il a une belle voix en chantant, et je dirais même que ça se lit sur son visage. Le public s’amuse quand il nous dit que c’est très difficile de prévoir ce qui se passe dans le cerveau d’AAAMYYY, notamment ce côté imprévisible et en dehors des sentiers battus. La discussion tourne autour de la première fois où chaque invité a rencontré et joué avec AAAMYYY. Au cours de la discussion, Zo Zhit nous fait part du fait que sa petite fille est née récemment et fait même dire au public qu’elle est mignonne pour faire plaisir à sa mère qui est quelque part dans la salle. Il y a une ambiance bon-enfant qui règne et les invités assis sur le sofa se demandent même s’ils peuvent prendre un verre de whisky sur la table alors que le concert n’est pas encore terminé. Sho Okamoto s’abstient car il n’a pas encore chanté. Cette salle VIP prendra une certaine importance pendant la suite du concert, car certains des invités vont y rester assis pour suivre comme le reste du public la suite du concert.

Vêtue d’une robe blanche volumineuse par endroits, AAAMYYY vient rejoindre le petit groupe dans la salle VIP pour sonner la fin de la récréation. Elle interprète ensuite deux morceaux avec Sho Okamoto, LOOP et GLASS, présents sur l’album CULTICA (2020) de ce dernier. Sho Okamoto joue de la guitare acoustique sur scène et l’ambiance est très différente du début du concert. D’une atmosphère hip-hop au début, on passe sur la quasi totalité de la deuxième partie à une ambiance beaucoup plus rock. Je découvre ces deux morceaux de Sho Okamoto avec AAAMYYY, et j’aime particulièrement celui intitulé LOOP. Je ne le fais pas systématiquement après chaque concert, mais j’ai senti le besoin de créer cette fois-ci une playlist de tous les morceaux de la setlist du concert pour découvrir un peu plus tous les morceaux que je ne connaissais pas. Je connaissais par contre bien les deux morceaux qu’AAAMYYY chante ensuite avec Shin Sakiura (シン サキウラ) à savoir Kono mama Yume de (このまま夢で) de son album Note et le single NIGHT RUNNING. Ce sont deux excellents morceaux de Shin Sakiura qui semblent avoir été complètement conçus pour AAAMYYY, ce qui n’est pas étonnant car elle est la seule à chanter. Shin Sakiura joue de la guitare électrique sur scène, et le solo sur NIGHT RUNNING, qui n’existe pas sur la version studio, est tout à remarquable. Shin Sakiura est pour moi une de ces figures notables de la scène musicale japonaise car il compose beaucoup pour les autres, notamment pour AiNA The End et Miyuna. J’en avais déjà parlé dans un billet précédent. Le morceau qui suit, DAYZ est une collaboration avec Wataru MONJOE qui chante en plus de composer et jouer le morceau. J’adore la manière de chanter légèrement hors-ton d’AAAMYYY sur ce morceau en particulier. Cette interprétation est très chouette car elle interagit beaucoup avec MONJOE situé dans la salle VIP, toujours accompagné sur le sofa devant lui de TENDRE, Zo Zhit, Sho Okamoto et de Shin Sakiura qui vient juste de les rejoindre. Cela donne une ambiance très détendue et proche du public. C’est la première fois que j’assiste à un concert qui ressemble en à une réunion d’amis musiciens, tout en restant tout à fait professionnel sur scène. Enfin, sur DAYZ, l’alcool fait apparemment faire à MONJOE des loops supplémentaires de sampling qui n’étaient à priori par prévues et qui font réagir le public. Toujours composé par MONJOE, elle chante ensuite son dernier single Savior (救世主) dont j’ai parlé très récemment. J’aime beaucoup la dynamique de ce morceau. Je m’attendais à ce que MONJOE fasse également des loops et de décrochages sur Savior pour gentiment décontenancer AAAMYYY dans une forme d’itazura, mais il reste sage.

A ce moment du concert, la fin approche et AAAMYYY présente les deux groupes créatifs Classic 6 et Santa Naruse qui assurent les installations vidéos accompagnant le concert. Elles sont très belles, en général assez graphiques et abstraites mais quelques fois assez étranges. Une partie des vidéos montrent notamment un sofa avec un écran vidéo placé en son centre. On se demande la signification de ce sofa omniprésent, mais peut-être s’agit il seulement d’une invitation à prendre son temps pour apprécier la musique qu’on écoute. AAAMYYY fait ensuite une transition avec le morceau suivant BLUEV qu’elle annonce en Blue Valentine, avec Ryohu de retour sur scène. Elle indique qu’une des personnes d’un des deux groupes créatifs a participé à la vidéo de BLUEV, et c’est la raison pour laquelle ce morceau de son premier EP Maborosi Weekend est interprété ce soir. Je n’ai par contre pas bien compris de qui il s’agissait car le réalisateur de la vidéo, Sōchi Nakamura (中村壮志), n’est à priori pas membre d’un des deux groupes. Le groupe Zatta composé de deux musiciens (Keach Arimoto et Taishi Sato) ayant déjà accompagnés AAAMYYY lors de concerts entrent sur scène avec leurs guitares pour un morceau inédit dont on ne connaît pas le titre. Le morceau Come and Go de ECHO CHAMBER conclut finalement le set. AAAMYYY nous annonce qu’il n’y aura pas possibilité d’avoir des rappels car le management de la salle lui a indiqué que le temps imparti a déjà été utilisé pour la longue séquence pendant laquelle elle se changeait et on écoutait TENDRE et ses compères discuter. Tous les invités, et il sont nombreux, montent sur scène pour l’accompagner sur ce morceau Come and Go. Ryohu est accompagné par sa fille, qui était déjà sur scène avec lui sur BLUEV. Je n’ai pas pris de photos pendant le concert, et bien heureusement ça reste la norme au Japon bien que ça ne soit pas interdit, sauf pour cette partie finale où tous les invités étaient présents sur scène. Sur la dernière photo du billet, on peut voir de gauche à droite: KEIJU, (sic)boy, Ryohu et sa fille, un des deux musiciens de Zatta, Zo Zhit (荘子it), AAAMYYY, TENDRE, Sho Okamoto (オカモトショウ), l’autre musicien de Zatta, Shin Sakiura (シン サキウラ) et MONJOE. Les invités ont l’air d’être également assez proches entre eux et on note des collaborations comme celle de Ryohu avec Sho Okamoto sur un morceau intitulé Hanabi sur son album Circus. Après cette réunion finale qui a pris son temps, notamment pour faire une photographie d’ensemble avec toute la salle en arrière plan, il n’y avait en effet pas de rappels. Le total de 19 morceaux interprétés nous a amené à environ deux heures de concert. Ces deux heures ont passé bien vite et on peine à sortir de la salle car les images et les sons nous restent en tête. Le moment où on sort de la salle pour rejoindre la rue est toujours particulier, car on se dit que toute la foule anonyme marchant dans la rue a manqué quelque chose. Mais ce sentiment disparaît très vite lors qu’on revient à la réalité. On prend une petite photo de l’affiche du concert à l’entrée de la salle et on repart comme si de rien n’était dans les rues à la fois sombres et lumineuses de Shibuya, jusqu’au prochain concert. Ce prochain concert sera normalement Right Brain Left Brain (右脳左脳) de Tricot (pour la troisième fois) au mois de Mai. Le groupe sera accompagné de PEDRO en première partie (le groupe d’Ayuni D et d’Hisako Tabuchi). On y réfléchissant, je me dis qu’Ikkyu Nakajima de Tricot devrait bien s’entendre avec AAAMYYY. Elles se suivent au moins mutuellement sur Instagram. On rêverait à une collaboration, mais j’ai tout de même un peu de mal à imaginer ce que ça pourrait donner.

Je note ci-dessous pour référence ultérieure la setlist du concert Option C de AAAMYYY au Spotify O-East de Shibuya le 7 Mars 2024:

1. That smile feat. ano (あの笑み feat. あの), du EP ECHO CHAMBER
2. Ikitemiruwa (生きてみるわ), du EP ECHO CHAMBER
3. Ignition, du EP ECHO CHAMBER
4. Hail feat. (sic)boy (雨 feat. (sic)boy), du EP ECHO CHAMBER
5. Mizu Fūsen feat. AAAMYYY&KM (水風船 feat. AAAMYYY&KM), de l’album Vanitas de (sic)boy
6. run away, de KEIJU en duo avec AAAMYYY sur son EP Heartbreak
7. Tengu feat. Zo Zhit (天狗 feat. 荘子it), de l’album Annihilation
8. The Moment, de Ryohu en duo avec AAAMYYY sur son album Debut
9. Magic Mirror feat. AAAMYYY TENDRE, de l’album Circus de Ryohu
10. OXY feat. AAAMYYY, de l’album PRISMATICS de TENDRE
Passage MC MONJOE BAR 🎤
11. LOOP feat. AAAMYYY, de l’album CULTICA de Sho Okamoto (オカモトショウ)
12. GLASS feat. AAAMYYY, de l’album CULTICA de Sho Okamoto (オカモトショウ)
13. Kono mama Yume de feat. AAAMYYY (このまま夢で feat. AAAMYYY), de l’album Note de Shin Sakiura (シン サキウラ)
14. NIGHT RUNNING feat. AAAMYYY, single de Shin Sakiura (シン サキウラ)
15. DAYZ AAAMYYYxMONJOE, single de MONJOE et AAAMYYY
16. Savior (救世主), single le plus récent
17. BLUEV feat. Ryohu, sur le EP MABOROSI WEEKEND
18. Morceau inédit avec Zatta
19. Come and Go feat. Gliiico, du EP ECHO CHAMBER

Les photographies de ce billet proviennent du compte Instagram d’AAAMYYY et ont été prises par le photographe Takao Iwasawa (岩澤高雄), à part la première et les deux dernières photographies prises par moi-même.

if i were an angel, 羊文学

Le concert du groupe rock alternatif Hitsuji Bungaku (羊文学) de leur tournée 2023 « if i were an angel, » était un vrai bonheur et je garde toujours en tête l’émotion des moments passés debout parmi la foule à écouter avec passion la musique du groupe. Je suis allé les voir le Mardi 3 Octobre 2023 dans la grande salle Zepp Haneda, qui se trouve à la station de Tenkubashi juste à côté de l’aéroport. Il s’agit d’une grande salle avec un étage couvrant une capacité d’environ 2,500 personnes et les deux dates de Tokyo étaient à guichet fermé. Cette tournée en 12 dates était nationale et la plus grande de leur carrière musicale, démarrant à Niigata le 2 septembre, en passant par Yokohama, Sapporo, Osaka, Sendai, Nagoya, Fukuoka, Hiroshima, Takamatsu pour terminer avec deux dates à Tokyo au Zepp Haneda. J’ai assisté à l’avant dernier concert de cette tournée, que la compositrice et interprète Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) surnommait elle-même la « Demi-Finale ». Le dernier concert de la tournée avait lieu le 4 Octobre mais était déjà complet au moment où les réservations ont été ouvertes. Cette date devait très certainement être réservée aux membres du fan club du groupe. J’avais acheté mon billet le 1er Juillet, donc trois mois avant le concert. Je m’étais même empressé à acheter un billet dans l’heure suivant l’ouverture de la billetterie. Malgré cela, mon billet me situait dans le bloc C, derrière les blocs B et A situés plus en avant près de la scène. En fait, le bloc définit l’ordre d’appel et d’entrée dans la salle. Une fois entré, rien ne nous empêche d’essayer de s’approcher au plus près de la scène. En ce qui me concerne, j’ai surtout cherché à trouver un point vers le milieu de la salle où je ne serais à priori pas trop gêné par les têtes qui dépassent devant moi dans la foule. Par rapport au dernier concert que j’ai été voir, celui de a子, la taille du Zepp est beaucoup plus impressionnante mais la visibilité reste bonne dans l’ensemble, car la salle est plus large que profonde. La taille de la salle est dans le même ordre de grandeur que celle de Toyosu Pit où j’avais été voir Tricot pour la première fois. J’ai eu beaucoup de temps pour me préparer mentalement à ce concert, enfin préparer musicalement plutôt, en vérifiant que j’avais bien écouté toute la discographie du groupe.

En écoutant les 20 morceaux joués pendant ce concert, on se rend compte de la qualité de la discographie de Hitsuji Bungaku car ils n’ont pas joué que leurs morceaux les plus récents et plus connus, mélangeant d’autres plus anciens qui sont tout aussi bons. Après seulement quelques années d’existence, cette discographie est déjà très importante et sans faiblesse. Ce concert était en fait une étape de transition car il ne s’agit pas de la tournée liée à la sortie de leur dernier album our hope, tournée pour laquelle je n’avais d’ailleurs pas réussi à acheter un billet, et le groupe n’a pas non plus de nouvel album sorti cette année. Hitsuji Bungaku a par contre joué deux de leurs singles récents à savoir FOOL et More than words, dont j’ai déjà parlé sur ces pages. L’excellent More than words apparaîtra en fait sur leur prochain album. Ils nous ont également fait le plaisir de jouer trois morceaux inédits de ce futur nouvel album: hosnestly, flower et un troisième dont on ne sait pas encore le titre. Dès la première écoute pendant ce concert, j’ai été surpris par la qualité et l’accroche. Pendant le passage de MC présentant rapidement deux des morceaux, Moeka nous disait qu’elle sentait elle-même une sorte de pression de ne pas faire moins bien que More than words. Le nouvel album s’annonce en tout cas très bien. Il faudra entendre la toute fin du concert pendant les rappels, pour qu’on nous annonce le titre et la date de sortie de ce nouvel album tant attendu. Il s’intitulera 12 hugs (like butterflies) et sortira le 6 Décembre 2023. Un point amusant est que Moeka, sur le coup de l’émotion peut-être, n’a d’abord pas réussi à nous dire d’une manière très claire le titre de cet album ce qui a obligé une personne du public à lui demander de répéter, ce qu’elle a fait après un sourire. Yurika donnait également une autre annonce, celle d’un prochain concert le 21 Avril 2024 dans la grande salle de 17,000 places de Yokohama Arena. Ce sera la plus grande salle de l’histoire du groupe. Comme le concert est situé quelques mois après la sortie de leur nouvel album, j’imagine qu’ils n’auront pas trop de soucis à remplir l’Arena. Ce concert s’appellera « III », représentant les trois membres du groupe et pas le kanji de la rivière comme le disait Yurika en plaisantant. J’étais en tout cas assez content que le groupe réserve l’exclusivité de ces annonces à l’avant dernier concert de la tournée plutôt qu’au dernier qui avait lieu le lendemain.

Le concert a duré environ deux heures et mélangeait des morceaux de tous les albums et EPs de leur discographie, en plus des morceaux récents mentionnés ci-dessus. Le concert a commencé par le morceau intitulé Ending (エンディング) qui est le premier de leur premier album Dear Youths (若者たちへ). Le groupe était d’abord caché par un écran opaque sur lequel était diffusé des images mouvantes étranges représentant parfois des visages. Il s’agissait d’une création de l’artiste contemporain Yuma Kishi (岸裕真) qui crée des images irréelles à partir de photographies ou de peintures réelles en utilisant l’intelligence artificielle. Dans un esprit similaire, il a notamment réalisé une vidéo pour Hatis Noit pour le morceau Angelus Novus du superbe album Aura dont j’ai déjà parlé ici. Je trouve que ces images projetées sur scène correspondent à celles d’anges comme indiqué dans le titre de la tournée, sauf que cette représentation n’est pas binaire. Elle est sans arrêts changeante comme si elle reflétait les multiples émotions et sentiments humains. On retrouve ensuite ces images d’anges changeant de manière fantastique à la fin du concert juste avant les rappels, pendant le superbe morceau Ghost. Les images de cet ange fantôme sont cette fois-ci basées sur des photographies de la modèle Mai Matsumoto, si on en croit la description sur le compte Instagram de l’artiste. Ce morceau Ghost n’est pas le plus dynamique du groupe car il se base plutôt sur une progression sonore lente et profonde. Ce choix pour un dernier morceau de concert me fait dire qu’ils sont très sûr de leur art, sans essayer de créer un coup d’éclat final avant les rappels. Cet aspect là m’a beaucoup plu et a captivé le public, comme tout le reste du concert d’ailleurs.

Les morceaux se sont bien sûr enchaînés sans qu’on se rende compte du temps qui passe et les deux heures ont passés bien vite. Il y a eu plusieurs passages de MC adressés à la foule. Pratiquement plus personne ne porte de masque dans le public et il n’y a plus depuis longtemps de restriction pour parler (ou crier dans certains cas). Les cris de la foule étaient par conséquent plus nombreux et présents que dans les concerts précédents. J’étais en fait très curieux de voir comment le groupe allait se comporter sur scène, car ses racines sont vraiment ancrées dans le rock indépendant et alternatif avec une bonne dose de mélancolie, mais un certain nombre de morceaux récents sont très dynamiques et accrocheurs. Moeka et la bassiste Yurika Kasai (河西ゆりか) sont relativement statiques sur scène mais se laissent aussi assez souvent emporter par leur morceau. J’ai beaucoup aimé la manière par laquelle Yurika se déchaînait sur sa basse sur certaines fins de morceaux, comme celui intitulé Inori (祈り) du EP Zawameki (ざわめき), qui se concluaient par un feu d’artifice de guitares. Tout comme sur les albums, je suis impressionné en live pour la puissance sonore de la guitare électrique de Moeka Shiotsuka. Le fait qu’ils ne soient qu’un trio n’affecte en rien la force musicale de l’ensemble car chacun des membres est complètement investi dans la musique qu’ils produisent sur scène, sans compromis. Le jeu de batterie de Hiroa Fukuda (フクダヒロア) me plait aussi beaucoup, car on ressent physiquement chacun de ses coups de percussions. Cette force musicale est d’autant plus renforcée par la voix très présente de Moeka et l’addition très fréquente des chœurs de Yurika. Toutes ses sonorités, la palette étendue de la voix de Moeka, les chœurs de Yurika, donnent une atmosphère très riche et dense, qui sait être bruyante mais est avant tout émotionnelle. Et j’aime énormément la voix de Moeka Shiotsuka. On la surnomme également Heidi (ハイジ). Je ne connais pas la raison exacte de ce surnom mais il me semble correspondre assez bien à l’accent particulier qu’elle met parfois sur ses paroles en chantant. Les trois membres de Hitsuji Bungaku ont entre 26 et 27 ans mais je trouve que le groupe a déjà atteint une grande maturité, qui n’empêche pas non plus certains moments de folie. En fait, sur scène, on ressent le groupe comme restant naturel. L’émotion de Moeka est palpable lorsqu’elle nous dit, dès le début du concert, que c’est l’avant dernier de cette tournée, ou quand son visage s’éclaire de joie et qu’elle encourage de mouvements de bras le public déjà bien acquis à la cause du groupe. Il y a un respect que je ressens personnellement très bien et qui me fait d’autant plus apprécier ce groupe. Le batteur Fukuda qui ne parle pas beaucoup derrière ses très longs cheveux noirs qui lui cassent la plus grande partie du visage et du corps, indique d’ailleurs que le groupe continuera à jouer leur rock sans trembler (ブレずにカッコよくロックを) dans le sens où il et elles resteront imperturbables dans leur direction musicale.

Il y avait beaucoup de moments mémorables dans ce concert, notamment lors des singles emportant la foule comme Ningen datta (人間だった), OOPARTS ou Hikaru Toki (光るとき). J’ai beaucoup aimé Tengoku (天国) car il faisait intervenir le public par des appels et réponses faits de mouvements de bras. C’était le seul réel morceau dans ce style volontairement interactif. J’ai beaucoup apprécié le fait qu’ils jouent le morceau 1999 dans les rappels car il s’agit du morceau par lequel j’ai découvert le groupe et parce que cette année là, correspondant à mon arrivée à Tokyo, est forcément pour moi particulière. A part les inédits, il y avait un seul morceau que je ne connaissais pas tiré du EP your love et intitulé Yoru wo Koete (夜を越えて). Je m’en voudrais presque de ne pas l’avoir connu avant le concert car c’est vraiment un morceau sublime que j’écoute maintenant beaucoup, tout comme le reste de leur discographie dont j’ai un peu de mal à me détacher. Les quatre premières photographies du billet ont été prises par moi-même, tandis que les autres sont des photographies montrées par le groupe sur leurs comptes Twitter ou Instagram et prises principalement par les photographes Asami Nobuoka et Daiki Miura. La photographie de l’affiche de cette tournée a été prise par le photographe Nico Perez, basé à Tokyo. Il a souvent pris le groupe en photo et a réalisé la photographie qui accompagnera la sortie du futur album. En fait, j’aime tant cette photo de tournée en noir et blanc que je n’ai pas résisté à l’envie d’acheter le T-shirt, en version noire comme le porte Moeka en photo ci-dessus.

Pour référence, ci-dessous est la set list de la tournée 2023 « if i were an angel, » à Zepp Haneda le Mardi 3 Octobre 2023:

1. Ending (エンディング), de l’album Dear Youths (若者たちへ)
2. more than words, single du futur album 12 hugs (like butterflies)
3. Ningen datta (人間だった), du EP Zawameki (ざわめき)
4. FOOL, single
5. honestly, nouveau morceau du futur album 12 hugs (like butterflies)
6. flower, nouveau morceau du futur album 12 hugs (like butterflies)
7. Inori (祈り), du EP Zawameki (ざわめき)
8. hopi, de l’album our hope
9. Mayoiga (マヨイガ), de l’album our hope
10. Titre non dévoilé, nouveau morceau du futur album 12 hugs (like butterflies)
11. Tengoku (天国), de l’album Dear Youths (若者たちへ)
12. Party ha Sugu soko (パーティーはすぐそこ), de l’album our hope
13. Eien no Blue (永遠のブルー), single
14. OOPARTS, de l’album our hope
15. Hikaru Toki (光るとき), de l’album our hope
16. Yoru wo Koete (夜を越えて), du EP your love
17. ghost, de l’album POWERS
18. (Rappel) Odoranai (踊らない), du EP Tunnel wo Nuketara (トンネルを抜けたら)
19. (Rappel) 1999, de l’album POWERS
20. (Rappel) Aimai de ii yo (あいまいでいいよ), de l’album POWERS

𝓯𝓮𝓮𝓭 𝓶𝔂 𝓫𝓸𝓭𝔂

a子 fait partie des artistes que je voulais absolument voir en live. J’écoute sa musique depuis la découverte de son premier EP MISTY Existence (潜在的MISTY) sorti en Septembre 2020. Elle a en fait démarré à part entière ses activités de compositrice et interprète sous le nom a子 cette même année. Sa carrière est donc toute jeune, mais elle est particulièrement active avec la sortie de deux EPs et 14 singles. Son deuxième EP ANTI BLUE est sorti en Janvier 2021 sous le label créatif indépendant londog qu’elle a créé. Je pense avoir déjà parlé sur ce blog de la grande majorité des singles de l’artiste tant j’aime son approche musicale, résolument rock indé mais oscillant de plus en plus vers un côté pop qui lui va très bien. L’approche du live donne bien entendu une tonalité plus rock à l’ensemble de ses morceaux. Le concert se déroulait le Mercredi 28 Juin 2023 dans la salle WWW à Shibuya, juste à côté du Department Store PARCO. Cette salle se trouve au sous-sol de l’ancien cinéma RISE. Je connaissais en fait déjà la salle WWWX du même bâtiment car s’y déroulait récemment le concert final de For Tracy Hyde. J’aime beaucoup l’ambiance underground de ces deux salles. La salle WWW où se produisait a子 et son groupe doit être un peu plus petite que la salle WWWX à l’étage, mais elle a l’avantage d’être en escalier. J’avais acheté mon billet dès l’ouverture des ventes au début du mois d’Avril, ce qui était bien vu car toutes les places ont été vendues en trois jours. a子 n’est pas encore connue du grand public, mais je comprends tout à fait le besoin de ceux qui apprécient sa musique et son chant de ressentir en live l’atmosphère émotionnelle de ses morceaux. C’était tout à fait mon cas. On voit également pointer ces derniers temps une reconnaissance certaine d’autres artistes. Chiaki Satō (佐藤千亜妃) a, par exemple, invité a子 à chanter en duo sur le morceau melt into YOU de son EP Time Leap. Il faut dire que Chiaki Satō apprécie la musique de a子 car elle avait cité le morceau The Sun (太陽) parmi ses des dix morceaux préférés de l’année 2022 lors de l’émission télévisée KanJam (関ジャム) de fin Janvier 2023. Cette collaboration et reconnaissance a dû étendre son auditoire. Ceci me rappelle d’ailleurs que ce morceau The Sun, que j’aime aussi énormément, fait intervenir Neko Saito (斎藤ネコ) au violon.

Le concert de a子 du 28 Juin 2023 s’intitule FEED MY BODY et il s’agit en fait de son premier concert seule (初ワンマンライブ), c’est à dire en dehors des festivals invitant plusieurs groupes. Ayant acheté ma place en Avril, j’avais presque trois mois pour me préparer. L’ambiance et la taille du concert sont bien différentes du dernier que j’avais vu en Mai, celui de Sheena Ringo, mais sachant que a子 est également fan de Sheena Ringo, j’ai trouvé une certaine logique dans ces dates successives. Le concert démarre à 20h pour une ouverture des portes à 19h. J’arrive juste à l’heure pour l’ouverture, mais on a déjà commencé à appeler les numéros de billets dans l’ordre. Mon numéro est le 300, donc j’ai un peu de temps avant qu’on m’appelle. J’observe en attendant la foule qui constituera le public, car je suis à chaque concert très curieux de voir à quoi ressemble le public des artistes que j’apprécie. La moyenne d’âge semble plus basse que les concerts que j’ai pu voir jusqu’à maintenant, peut-être principalement dans la vingtaine et petite trentaine. Mais je suis de toute façon très mauvais pour donner des âges aux gens. Je ne serais par exemple pas dire quel âge a a子, peut-être autour de 25 ans. Je pense qu’elle doit être un peu plus âgée que ses musiciens, d’après les interviews que j’avais pu écouter à ses débuts. Mais j’ai à peine le temps d’attendre que mon numéro est déjà appelé. On descend ensuite tous méthodiquement en file indienne vers le sous-sol. Tout est très cordial et bien organisé. Une bière prise au passage au bar et me voilà à l’intérieur de la salle. On pouvait en fait assez facilement se placer sur le plateau devant la scène et je me trouve donc en cinquième rangée sur le côté gauche. La salle au sol en escalier est haute de plafond au niveau de la scène. Cela donne un bel espace, bien qu’un peu étroit en largeur. Il ne reste plus qu’à attendre patiemment le début du concert. J’aime particulièrement ce moment d’attente avant le début d’un concert, en écoutant les morceaux sélectionnés en bande sonore de fond. Il y a, à chaque fois, un ou deux morceaux qui m’interpellent et que je cherche aussitôt sur Shazam pour m’en souvenir. Cette fois-ci, les morceaux Tailwhip de Men I trust (rock indé) et Outside d’Oleg Byonic (électro ambient) ont attirés mon attention. Je me demande toujours si les playlists d’avant concert sont sélectionnées par l’artiste qui se produira ensuite. J’y ai en tout cas à chaque fois écouté des choses intéressantes, bien que je pense que la plupart des personnes dans le public ne prête pas grande attention à cette bande sonore. Mais les lumières s’éteignent déjà juste à l’heure, vers 20h. L’artiste et son groupe ne se font pas étendre.

Les quelques photos ci-dessous sont extraites du compte Instagram Akolondog et ont été prises par le photographe Goku Noguchi (野口悟空). Je me permets de les reproduire ici pour donner une image plus précise de l’atmosphère visuelle du concert dans la salle WWW de Shibuya.

Les membres du groupe entrent d’abord sur scène et se placent derrière leurs instruments, suivis par a子 qui entre la dernière, comme il se doit. a子 sur scène ou dans les vidéos a toujours des tenues originales conçues par la styliste Yuki Yoshida et ses cheveux sont plus rouges que jamais. Je reconnais tout de suite les musiciens que j’ai pu voir jusqu’à maintenant dans les vidéos YouTube ou lors des mini-live sur Instagram. a子 assure bien entendu le chant sur tous les morceaux mais joue également de la guitare électrique par intermittence. Elle est accompagnée par deux autres guitaristes. Masumi Saito est le lead guitariste du groupe et intervient aussi sur quelques morceaux en interlude avec un phrasé rappé particulièrement percutant. Jun Shirakawa (白川詢) accompagne également en deuxième guitare. Gaku Usui (臼井岳) est à la basse, Eiji Nakamura (中村エイジ) aux claviers et Manyo (満陽) à la batterie. Derrière le groupe, un grand écran affichait par moment des illustrations et des motifs accompagnant les morceaux. Aux membres du groupe, viennent s’ajouter deux ingénieurs du son placés sur la droite de la scène (on a plutôt l’habitude de les voir en fond de salle) et un photographe mobile nommé Goku Noguchi (野口悟空) filmant et photographiant le concert. Les photographies prises en tête de billets sont les miennes, tandis que les suivantes sont empruntées au photographe Goku Noguchi. Cela fait beaucoup de monde sur scène ou aux alentours. Le concert dans sa totalité était extrêmement professionnel et millimétré, ce qui est une belle réussite sachant qu’il s’agissait de son tout premier live seule. Ils ont joué en tout 17 morceaux, ce qui correspond à peu près à toute sa discographie, si l’on compte les deux EPs 潜在的MISTY et ANTI BLUE et les nombreux singles. On a un peu de mal à croire qu’elle n’ait pas encore sorti d’album, mais ça ne semble pas être sa priorité car elle aurait suffisamment de singles pour en compiler un. a子 enchaîne les morceaux assez rapidement avec parfois aucun temps mort, ce qui nous laisse à peine le temps d’applaudir. On la sent très concentrée tandis que la guitariste Masumi Saito, en coupe rasta à sa gauche, est beaucoup plus décontracté et souriant. La voix de a子 est particulière, proche du chuchotement, mais j’ai été très surpris par sa puissance en live, jusqu’à saturé la sono sur un ou deux morceaux. Elle a une gamme vocale plus étendue que ce qu’on pourrait croire. Écouter la playlist défiler dans nos oreilles me fait dire que sa discographie est jusqu’à maintenant sans erreur. Il y a certes une assez grande consistance de style, et les morceaux s’enchainent dans une continuité des plus agréables. J’aurais même un peu de mal à dire quels sont les morceaux que je préfère car ils ont tous, à leur manière, une accroche qui me plait beaucoup. Une chose est sûre, les morceaux de son premier EP étaient beaucoup plus sombres que les derniers singles, mais elle mélange le tout dans la set list. Je n’ai pas pris soin de noter cette set list du concert, mais j’en ai récupéré une sur Twitter et je la note ci-dessous pour référence. Un des morceaux de son premier EP était particulièrement prenant. On sentait qu’elle était complètement investie dans son chant au point où ses mains en tremblaient. Un grand nombre de morceaux de sa discographie contiennent des petits passages instrumentaux à la limite de l’experimental, qui rendaient particulièrement bien en live car ils laissaient carte blanche aux musiciens. Les solos et arrangements de guitare de Masumi Saito fonctionnaient très bien, d’autant plus quand il y ajoutait quelques phrases semi parlées et rappées. La manière dont il emporte la foule sur l’avant dernier morceau le rend assez mémorable. Il s’agissait en fait d’un nouveau morceau dont le titre n’a pas été annoncé. Il n’y a eu qu’un seul passage de MC vers la fin du concert. a子 revient en quelques messages adressés au public sur sa carrière musicale et ensuite sur le fait qu’on doit penser d’elle qu’elle a bien grandi et évolué. La surprise qu’elle nous révèle ensuite est que ce concert à Shibuya WWW sera suivi pour une tournée de deux dates intitulée l’m crazy now, over you, à Osaka et à Tokyo, certes plus tard dans l’année car les dates sont fixées au 16 Décembre pour Osaka Umeda et au 26 Décembre 2023 pour Tokyo Shibuya. Elle semble extrêmement fière de nous montrer l’affiche de cette future tournée. Le concert à Tokyo se déroulera au Shibuya Club Quattro. La salle est plus grande que WWW donc il s’agit d’une belle avancée progressive. Viendra un jour où elle remplira des salles encore plus grandes comme celle du Liquid Room à Ebisu ou une salle Zepp de Tokyo. À propos justement de Zepp, le prochain concert auquel j’assisterais sera celui de Hitsuji Bungaku (羊文学) en Octobre 2023 au Zepp Haneda (羊文学 Tour 2023 “if i were an angel,”). J’ai manqué le précédent car j’avais été trop lent sur les réservations. J’ai cette fois-ci acheté mon billet dans l’heure suivant l’ouverture de la billetterie. Il est clair que voir et écouter des concerts comme celui de a子 me motivent pour en voir d’autres.

Le passage de MC pendant lequel a子 remercie le public est suivi de deux derniers morceaux, puis le groupe quitte la scène et les lumières s’allument avec une musique de fond. Le public se met tout de même à applaudir pour réclamer des rappels. Je trouve personnellement que c’est étonnant que les lumières se soient rallumées, car ce n’est en général pas le cas pendant cette petite période d’attente avant qu’un groupe revienne sur scène. Je me dis aussi qu’elle a joué tous ses morceaux et me demande ce qu’elle pourrait sortir de son chapeau pour des rappels. a子 refait rapidement surface sur la scène devant le micro, pour s’excuser car il n’y aura pas de rappels. Elle promet même qu’elle en préparera pour la tournée d’Osaka et Tokyo. Elle ressort ensuite de la scène en sautillant. Au final, elle a tout de même joué 17 morceaux pour environ une heure et demi de concert. Je le dirais certainement à chaque fois mais ressentir avec la force du live des morceaux qu’on a tant de fois écouté provoque un sentiment très spécial de satisfaction. Et je suis d’autant plus content d’assister à ce concert, qu’il s’agissait de son premier. J’espère qu’elle proposera des extraits vidéo du concert sur YouTube, ou même un DVD. On pouvait en fait prendre des photos ou des vidéos pendant le concert, mais peu de personnes heureusement le faisait. Les meilleurs souvenirs sont dans notre mémoire.

Pour référence ultérieure, je note ici la set list du concert Feed My Body de a子 dans la salle WWW à Shibuya le 28 Juin 2023:

1. Drip (どろり), tiré du 2nd EP ANTI BLUE
2. Jealousy (ジェラシー)
3. Sinister (シニスター)
4. somewhere, tiré du 2nd EP ANTI BLUE
5. u want (情緒), tiré du 2nd EP ANTI BLUE
6. Angel (天使), tiré du 2nd EP ANTI BLUE
7. As I landed on Mars, tiré du 2nd EP ANTI BLUE
8. CHAOS, tiré du 1er EP 潜在的MISTY
9. Hai (肺), tiré du 1er EP 潜在的MISTY
10. Resist (暴く春)
11. Love is Always (愛はいつも)
12. Suihō (水泡), tiré du 1er EP 潜在的MISTY
13. bye, tiré du 2nd EP ANTI BLUE
Passage MC 🎤
14. The Sun (太陽)
15. All to Myself (あたしの全部を愛せない)
16. New Song
17. hot in the night (熱帯夜), tiré du 1er EP 潜在的MISTY

諸行無常~其ノ四~

Au moment où j’ai écrit mon long rapport en trois parties sur le concert du 9 Mai 2023 au Tokyo International Forum de la tournée nationale Sheena Ringo to Aitsura to Shiru Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常), des photos officielles n’avaient pas encore été publiées. Les sites spécialisés Natalie et Barks ont récemment publié leurs rapports de concert avec un grand nombre de photographies. Je me sens donc obligé d’en faire une sélection et de les montrer ici, car ces photos viennent évidemment complémenter mon texte et parce que je veux garder une trace de ces images fascinantes. On sait que ce concert sera retransmis sur la chaîne câblée WowWow en Septembre 2023 et on peut donc espérer qu’un DVD/Blu-ray sera ensuite disponible peu de temps après cela. Je ne vais pas répéter ici tout ce que j’ai déjà écrit dans le billet précédent mais certaines photographies méritent des commentaires, comme celle ci-dessus qui ouvrait le concert, une image de croix qui rappelle beaucoup l’église Church of Light conçue par Tadao Ando.

Sheena Ringo change bien entendu plusieurs fois de tenues de scène mais la voir avec des dreadlocks doit être une première. En fond de scène, le symbole rouge rond avec des rayons me rappelle celui utilisé pour la tournée Tōtaikai (党大会) en 2013 dans l’unique salle Orchard Hall du Bunkamura à Shibuya. Il disparaît puis réapparaît plusieurs fois pendant le concert comme un fil rouge. Ce lien avec la tournée Tōtaikai me fait maintenant comprendre pourquoi cette présente tournée Shogyōmujō passe par la salle Orchard Hall. Un autre point intéressant est que WowWow diffusera deux autres concerts de Sheena Ringo avant Shogyōmujō, le concert de la tournée Tōtaikai de 2013 et de la tournée Hyakkiyakō (百鬼夜行) de 2015. Ces trois concerts semblent donc liés. J’avais également vu un lien entre Hyakkiyakō et Shogyōmujō à travers le morceau Kamisama, Hotokesama (神様、仏様).

La photographie ci-dessus a été prise pendant le morceau Hashire wa Number (走れゎナンバー). On reconnaît les voitures qui passent en fond d’écran.

Une des surprises de ce concert était la présence en vidéo grand format de DAOKO pour le morceau Ishiki (意識 ~Conciously~) dans sa version remixée par MONDO GROSSO, le projet de Shinichi Osawa. Il était lui-même dans la salle comme spectateur pour la finale, le 10 Mai 2023.

Sheena Ringo est seule sur scène au piano pour le morceau Onaji Yoru (同じ夜) tiré de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム). C’était un des très beaux moments du concert pour une version de ce morceau complètement remaniée.

Keisuke Torigoe (鳥越啓介) à la basse (toutes sortes de basse) est un grand habitué des concerts de Sheena Ringo et des sessions d’enregistrement.

Le soleil rouge refait son apparition. Sheena à des gants dans les mains, ce qui nous rappelle la prestation du morceau Blue ID (青のID) de Tokyo Jihen à l’émission Music Station du 25 Décembre 2020. Si je ne me trompe pas, les photos ci-dessus sont prises au moment du morceau Jinsei ha Yume Darake (人生は夢だらけ).

Yoshiaki Sato (佐藤芳明) à l’accordéon et Shun Ishiwaka (石若駿) aux percussions. Shun Ishiwaka fait partie du groupe Millenium Parade de Daiki Tsuneta. La collaboration récente de Millenium Parade et Sheena Ringo sur le single WORK nous fait comprendre les raisons de sa présence sur cette tournée, pour le meilleur.

Yukio Nagoshi (名越由貴夫) à la guitare électrique. C’est également un des musiciens habitués des tournées de Sheena Ringo.

Masaki Hayashi (林正樹) aux claviers devant des extraits vidéo de Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚) et Sheena Ringo dans un pyjama bleu qu’elle gardera pour quelques morceaux dont la reprise de Eternal Flame des Bangles.

Cette coiffure-chapeau en a intrigué beaucoup. On y voit un chat Maneki Neko au milieu d’autres objets traditionnels. Voir maintenant de près cette étrange et remarquable coiffure me rappelle vraiment beaucoup certaines décorations de sanctuaire comme celle du sanctuaire Ōtori que je mentionnais dans mon précédent billet, vues dans le quartier de Yoshiwara. Sheena saisit la guitare, une Gibson RD, sur le morceau NIPPON à la toute fin du concert avant les rappels.

Après le passage de MC, Sheena Ringo et son groupe interprètent les deux derniers morceaux pendant les rappels. Les danseuses SIS apparaissent ensuite à l’écran devant une console Nintendo Famicom. La cassette insérée, après avoir soufflé sur le circuit imprimé pour enlever la poussière, révélera la séquence finale en animation et en sons 8bits.

諸行無常~其ノ参~


Et le concert de la tournée nationale Sheena Ringo to Aitsura to Shiru Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常) commence finalement un peu après 19h. Je ne vais pas passé tous les morceaux en revue car il y en a beaucoup. La liste du set se compose en tout de 28 morceaux pour pratiquement 2 heures en comptant les rappels et le passage de MC adressé au public. Les 28 morceaux proviennent d’albums variés avec un plus grand nombre tiré des trois derniers albums Sandokushi (三毒史), Hi Izuru Tokoro (日出処) et Sanmon Gossip (三文ゴシップ). Il n’y avait par contre pratiquement pas de morceaux des trois premiers albums, mais plusieurs de Tokyo Jihen. Je ne suis pas vraiment étonné de voir un grand nombre de morceaux provenant de Sandokushi car cet album sorti en 2019 n’avait pas reçu de tournée à l’époque. Un certain nombre de morceaux de cet album étant sortis bien avant l’album en lui-même, comme Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭) et Kamisama, Hotokesama (神様、仏様), ils ont en fait déjà été joués dans des concerts précédents. Il n’était pas étonnant de ne pas voir Mukai Shutoku (向井秀徳) sur scène. Comme sur d’autres concerts, on n’entendra que sa voix sur le morceau Kamisama, Hotokesama. Il est par contre un peu plus étonnant de ne pas voir Ukigumo sur scène pour Nagaku Mijikai Matsuri, car on avait pris l’habitude de le voir aux côtés de Ringo sur ce morceau. Mais Ukigumo, tout comme Masayuki Hiizumi, ne faisaient malheureusement pas partie de la troupe sur cette tournée. Comme je le mentionnais déjà dans un précédent billet, la configuration de cette tournée était relativement limitée par rapport aux tournées de la série Expo. Elle était plutôt axée rock même si Ringo n’a pris en mains que peu de temps sa guitare, notamment sur le morceau NIPPON à la toute fin du concert. Ce morceau est un classique qui fonctionne mieux en concert que sur CD car il emporte à chaque fois la foule. Le côté rock vient notamment de la présence de Yukio Nagoshi (名越由貴夫) à la guitare électrique. Par rapport à Ukigumo qui est plus sautillant dans son jeu, la guitare de Nagoshi est plus lourde et n’hésite pas à envahir l’espace de distorsions. Outre Nagoshi, on retrouve d’autres habitués sur scène, en particulier Keisuke Torigoe (鳥越啓介) à la basse. Masaki Hayashi (林正樹) aux claviers est aussi un habitué car il a déjà participé à la tournée Tōtaikai (党大会) en 2013 dans l’unique salle Orchard Hall du Bunkamura à Shibuya. Yoshiaki Sato (佐藤芳明) à l’accordéon a quant à lui déjà participé à la tournée Ringo Expo’14. La surprise vient de la présence de Shun Ishiwaka (石若駿) aux percussions, un musicien jazz et premier batteur de King Gnu, avant l’actuel batteur Yū Seki. Shun Ishiwaka est aussi le batteur de Millenium Parade. Sa présence sur scène confirme en quelque sorte les liens artistiques entre Sheena Ringo et Daiki Tsuneta qui se concrétiseront sur le morceau WORK. J’ai lu que Shun Ishiwaka était plutôt un musicien jazz, mais il doit être polyvalent car j’ai été surpris par la puissance de son jeu, qui apporte une pêche énorme aux morceaux. Je dirais que c’est une excellente idée de l’avoir invité sur cette tournée. Ce groupe de musiciens réunis pour cette tournée prend le nom de code « MANGAPHONICS ».

Photographies extraites des pages Instragram et Twitter de DAOKO.

Le concert commence par Anoyo no Mon (あの世の門) qui se trouve être le dernier morceau de l’album Sandokushi, ce qui me fait penser à un passage de relais. La mise en scène est très intéressante. On ne voit pas Sheena sur la scène qui reste sombre mais marquée par deux larges lignes lumineuses se croisant et formant une croix. L’image qui en résulte me fait beaucoup penser à l’église Church of Light conçue par Tadao Ando et construite dans la banlieue d’Osaka. Je n’en ai vu qu’une reconstitution en taille réelle lors de l’exposition TADAO ANDO : ENDEAVORS qui avait lieu en 2017 au musée NACT. Cette nouvelle référence à l’architecture dans l’univers de Sheena Ringo, après l’utilisation du New Sky Building de Yōji Watanabe sur une photo promotionnelle pour l’album Music de Tokyo Jihen, m’interpelle forcément beaucoup. La set list incluait également deux morceaux de l’album de remixes Hyakuyakunochō (百薬の長), à savoir JL005 Bin de (JL005便で ~Flight JL005~) remixé par Yoshinori Sunahara (砂原良徳) et Ishiki (意識 ~Conciously~) de l’album KSK en version remixée par MONDO GROSSO avec DAOKO pour une partie du chant. Il m’avait bien effleuré l’esprit que DAOKO puisse être sur scène, mais ça me paraissait tout de même assez improbable pour un seul morceau. A ma grande surprise, on la voyait bien sur scène mais sur l’écran géant uniquement au moment de son passage rappé sur ce morceau. Ce moment était particulièrement réussi car elle apparaissait en grand en tenue noire avec des oreilles de chat comme enfermée dans une petite boîte grise avec un seul néon biscornu au dessus de la tête. Sa présence occupait toute la hauteur de l’écran géant et l’effet était vraiment très réussi. La composition musicale était bien basée sur le remix de Shinichi Osawa de MONDO GROSSO, mais il m’a paru beaucoup plus agressif et basé sur le son des guitares plutôt que sur des sons électroniques. En comparaison, le remix de JL005 Bin De était plus fidèle à ce qu’on peut entendre sur l’album de remixes. La voix de Sheena Ringo était bien entendu impressionnante. L’effet est très différent de ce qu’on peut entendre des concerts en DVD et Blu-ray. C’est bien entendu la force du live, mais ça m’étonnera toujours de l’entendre pousser autant sa voix sur autant de morceaux à la suite, car les morceaux s’enchaînent assez rapidement les uns après les autres. Jinsei ha Yume Darake (人生は夢だらけ) est bien entendu un incontournable et c’est toujours une démonstration vocale qui mettra tout le monde d’accord.

Illustrations dessinées par Bibi (ビビ) des costumes de Sheena Ringo pendant la tournée Sheena Ringo to Aitsura to Shiru Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常).

Sheena Ringo a bien entendu changé plusieurs fois de costumes mais il est difficile de les décrire précisément car les images dans ma mémoire se mélangent déjà. Il est d’autant plus difficile de les décrire qu’il n’y a pas encore de photos officielles publiées pour ce concert. Un fan nommé Bibi (ビビ), qui a assisté à un des concerts et qui partage souvent ses illustrations sur Twitter, donne sa version illustrée des costumes. Je me permets de les montrer ci-dessus car ces dessins sont toujours très réussis et collent bien à la réalité. Les costumes sont toujours très classes, mais celui qui m’a le plus intrigué est l’avant dernier pour son chapeau très élaboré. On y reconnaît un chat, peut-être, et d’autres objets. En voyant cette coiffure, je pense à une illustration de Shohei Ōtomo que j’avais évoqué sur un précédent billet, montrant une chanteuse en kimono portant ce genre de coiffure pleine d’objets. Dans ce billet, je pensais d’ailleurs que cette illustration me faisait un peu penser à Sheena Ringo. Cette coiffure me rappelle assez vaguement certaines décorations de sanctuaire regroupant divers objets de manière compacte, comme sur l’avant-dernière photographie de ce billet prise à Yoshiwara, l’ancien quartier des courtisanes de haut rang appelées Oiran à l’époque Edo (que l’on peut voir dans le film Sakuran). Pendant une période plus calme du concert, on voit Sheena habillée d’une sorte de pyjama bleuté. Une porte est posée sur scène. Elle me rappelle la Dokodemo Door de Doraemon, la porte qui nous amène vers des endroits lointains et inattendus lorsqu’on la traverse. Elle chante pendant ce moment là une reprise du standard Eternal Flame des Bangles. Ce morceau a été écrit en 1988 par Susanna Hoffs. Ce choix n’a rien de vraiment étonnant car on sait que Sheena Ringo s’était inspirée de certaines paroles de morceaux de Susanna Hoffs pour des démos, comme LAY DOWN et Rinne Highlight (輪廻ハイライト). Elle ont aussi toutes deux repris le morceau Unconditional Love de Cindy Lauper. J’en parlais en détail dans mon billet sur les démos de Sheena Ringo à ses débuts. Sheena Ringo reprend également sur ce concert trois morceaux qu’elle a écrit pour d’autres artistes. Il y a bien sûr le récent Seishin no Tsuzuki (青春の続き) qu’elle a écrit pour Takahata Mitsuki (高畑充希), mais il y a également deux morceaux écrits pour Megumi Hayashibara (林原めぐみ): Ware ha Kuchinashi (我れは梔子) et Inochi no Ibuki (命の息吹き). Ces deux morceaux m’avaient échappé à l’époque et je les redécouvre en live lors de son concert. Ce sont des très beaux morceaux et d’excellentes surprises. Il est clair que la voix de Sheena Ringo leur apporte une autre dimension. Ce sont des bons candidats pour un troisième volet de la série d’auto-reprises, Reimport (逆輸入). Mais en attendant, je me mets depuis le concert à écouter ces deux morceaux de Megumi Hayashibara, et ils me plaisent vraiment beaucoup.

Un autre très beau moment du concert est l’interpretation du morceau Onaji Yoru (同じ夜) de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム), seule au piano. Elle nous disait dans les émissions radio Etsuraku Patrol au tout début de sa carrière toute l’importance que ce morceau avait pour elle. Savoir cette importance donne une dimension pleine d’émotion à cette interprétation d’autant plus qu’elle est seule sur scène au piano. Ce morceau n’a été ajouté sur la set list qu’à partir du concert d’Osaka, remplaçant la reprise de Wine Red no Kokoro (ワインレッドの心) du chanteur et compositeur Inoue Yōsui (井上陽水) qu’elle avait interprété sur un album hommage. Je ne connais pas les raisons de ce changement mais je ne suis pas mécontent d’avoir assisté à cette interprétation d’Onaji Yoru. C’est un morceau sur lequel j’ai déjà écrit plusieurs fois, notamment lorsque je pensais y voir une allusion sur des morceaux d’autres artistes. DAOKO (encore elle) a par exemple utilisé ce titre pour un de ses très beaux morceaux que j’évoquais dans un billet. Je ne suis pas très surpris d’entendre le morceau de Tokyo Jihen, Hotoke Dake Toho (仏だけ徒歩), parce qu’il est relativement récent et parce qu’elle l’a écrit. Par contre, je trouve qu’il y a plus de morceaux de Tokyo Jihen que ce qu’on a l’habitude d’entendre dans ses tournées solo. Mais il faut bien dire que Ryokushu (緑酒), de l’album Music (音楽), a eu un succès certain et il doit être difficile à éviter. C’est certes un peu dommage que tout le groupe Tokyo Jihen ne soit pas présent ensemble pour l’interpréter devant nous. L’ambiance visuelle du concert était superbe. Lorsqu’il n’y avait pas l’écran géant, le fond de la scène était orné d’un immense soleil rouge avec des rayons ressemblant à un éventail. Ce symbole ressemble beaucoup à celui de la tournée Tōtaikai (党大会) mais placé dans le sens inverse. Suivant les morceaux, les écrans montraient des scènes liées aux vidéos des morceaux comme les pistes d’atterrissage et tableaux de bords d’avion (avec toujours les jeux de morpions) pour JL005 Bin De, les routes qui se croisent sur Hashire wa Number (走れゎナンバー). Le seul morceau qui n’est pas chanté est Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚). Des extraits de la vidéo sont montrés sur le grand écran pendant que Sheena change de costume. La scène est particulièrement dense pendant tout le concert et Sheena est très active, du moins par rapport à d’autres concerts précédents. Une de ses tenues comprend même des gants de boxe et on la voit faire quelques mouvements. J’aime aussi beaucoup quand elle fait sur scène les mouvements de fantômes avec les bras en l’air sur Kamisama, Hotokesama (神様、仏様). Je me rends d’ailleurs compte que ce terme de l’impermanence, Shogyōmujō (諸行無常), était déjà présent dans les paroles de ce morceau. Kamisama, Hotokesama est en fait important dans sa discographie car il avait également donné la thématique de la parade des monstres Hyakkiyakō (百鬼夜行) à la tournée de 2015. Le thème des religions est aussi assez présent dans son univers, quelle que soit l’origine d’ailleurs, et ça nous ramène à l’image de l’église de lumière de Tadao Ando qui démarrait la représentation. Elle avait évoqué cet intérêt pour les religions en interview il y a quelques années.

Shinichi Osawa a également assisté au concert du Tokyo International Forum et il nous dit que ce concert était merveilleux (昨日行っコンサートとてもとても素晴らしかった。). Il nous dit aussi que c’est peut-être la première fois qu’il voit un tel talent d’expression et qu’il ressent le génie de créer une vision d’un univers unique (生で観てこんなにも圧倒的な表現の才能や、独自の世界観を創る天才性を感じたの初めてかも。). La création d’un univers singulier est en effet très à propos, et je pense même qu’il s’étend aux fans qui jouent également une partie de la partition de cet univers. Le nouveau morceau Watashi ha Neko no Me (私は猫の目) montrait la danseuse Bambi Naka en video sur le grand écran. J’ai hâte de le réécouter car tout passe vraiment très vite pendant le concert et mes souvenirs se font un peu distants. Je me demande même si ma présence dans la salle n’était pas qu’un rêve. Outre Bambi Naka, les deux sœurs danseuses SIS, que l’on connaît depuis l’époque de l’album Music de Tokyo Jihen, ont également fait des apparitions pendant le concert, en particulier dans la séquence finale après les deux morceaux de rappels Bokoku Jōcho (母国情緒) et Ariamaru Tomi (ありあまる富). Cette séquence finale montre SIS devant une console Nintendo Famicom, une cassette à la main. La séquence fait sourire car l’une d’entre elles souffle sur le circuit électronique de la cassette avant de l’insérer dans le lecteur comme pour enlever une poussière éventuelle. C’est évidemment un clin d’œil à Ringo qui faisait exactement la même chose dans une des vidéos de la série Hanakin Night Beyond (東京事変の花金ナイト -ビヨンド-) de 2021, qui n’est malheureusement plus visible sur YouTube. Le générique de fin qui suit est une animation 8bits reprenant la musique de Sid to Hakuchūmu (シドと白昼夢) de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム). Le single toogood (いとをかし) était également retranscrit en version 8bits sur l’album de remixes mais il était interprété en version normale lors de ce concert. Ce générique utilisant les sons 8bits de la Famicom a un côté rétro que l’on retrouve également dans les lunettes 3D cartonnées qui accompagnent l’achat du drapeau. On pouvait utiliser ces lunettes sur le morceau Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭) et elles transformaient certaines lumières sur scène en des symboles Ying Yang tournoyant. Cela donnait l’impression d’être dans un rêve car ces lumières étaient légèrement floues. On peut se demander d’où peut bien venir cette idée d’utiliser des lunettes 3D d’un autre temps (mais qui fonctionnent très bien, ceci étant dit). J’ai lu quelque part que le réalisateur du concert (avec sa compagnie Vivision) et compagnon de Sheena Ringo, Yuichi Kodama (児玉裕一), aurait tiré cette idée du film Retour vers le futur. Dans les deux premiers films de la série, un des sbires de Biff Tannen porte en effet ces lunettes en permanence. Yuichi Kodama aime tellement les films Retour vers le futur qu’il possède lui-même et conduit une DeLorean, une DMC-12 de la DeLorean Motor Company (DMC). Il ne doit pas passer inaperçu. Et je comprends maintenant d’où vient la DeLorean que l’on pouvait apercevoir dans la vidéo de Hotoke Dake Toho (仏だけ徒歩).

Le concert a passé bien vite. Sheena Ringo ne s’est adressé qu’une seule fois au public au moment des rappels. Son message est comme toujours plein d’humilité alors qu’elle met à chaque fois en scène des représentations fantastiques. Elle nous dit avoir réfléchi à ces dernières années difficiles dans le choix des morceaux du concert. Elle fait également un commentaire sur la durée du concert de 90mins, et une personne du public lui souffle d’étendre jusqu’à 2h. On y était pratiquement en fait, car je suis sorti de la salle vers 21h. Je n’avais d’ailleurs pas très envie de sortir de cette salle, pour essayer de conserver en tête les images que je venais de voir et les sons que je venais d’écouter avec beaucoup d’attention. J’ai maintenant hâte de voir le blu-ray car le concert du 10 Mai a été enregistré en vidéo. Il y a certainement des choses qui m’ont échapper et que la vidéo me rappellera. Je ressors de la salle et du Hall A en prenant mon temps jusqu’à mon vélo stationné près de la gare de Yurakuchō. Le chemin du retour à vélo, avec le superbe morceau TOKYO en tête, me fait passer près de la tour de Tokyo que je ne résiste pas à prendre en photo. Écrire tout le récit de ce concert sera un moyen pour moi de m’en souvenir dans les moindres détails, même ceux qui peuvent paraître inutiles pour le visiteur de Made in Tokyo. (Fin).

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la set list de la tournée Aitsura to Shiru Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常) pour la date du 9 Mai 2023:

1. Anoyo no Mon (あの世の門), de l’album Sandokushi (三毒史)
2. Ware ha Kuchinashi (我れは梔子), morceau écrit par SR pour Megumi Hayashibara (林原めぐみ) sur le EP Usurahi Shinjū (薄ら氷心中)
3. Donzoko Made (どん底まで), de l’album Sandokushi (三毒史)
4. Karisome Otome (カリソメ乙女) de l’album Sanmon Gossip (三文ゴシップ)
5. Hashire wa Number (走れゎナンバー), de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
6. JL005 Bin de (JL005便で ~Flight JL005~), version remixée par Yoshinori Sunahara (砂原良徳) de l’album de remixes Hyakuyakunochō (百薬の長)
7. Seishin no Tsuzuki (青春の続き), single écrit par SR pour Takahata Mitsuki (高畑充希)
8. Sake to Geko (酒と下戸), de l’album Variety (娯楽) de Tokyo Jihen
9. Ishiki (意識 ~Conciously~), version remixée par MONDO GROSSO avec DAOKO de l’album de remixes Hyakuyakunochō (百薬の長)
10. Kamisama, Hotokesama (神様、仏様), avec la voix de Mukai Shutoku (向井秀徳), de l’album Sandokushi (三毒史)
11. TOKYO, de l’album Sandokushi (三毒史)
12. Tengoku he Yōkoso (天国へようこそ), de l’album Daihakken (大発見) de Tokyo Jihen
13. Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚), de l’album Sandokushi (三毒史)(vidéo pendant le changement de costume)
14. Onaji Yoru (同じ夜) avec SR seule au piano, de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
15. Jinsei ha Yume Darake (人生は夢だらけ) de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
16. Hotoke Dake Toho (仏だけ徒歩), single de Tokyo Jihen inclu dans le Best Album Sōgō (総合)
17. Watashi ha Neko no Me (私は猫の目), nouveau morceau qui sortira en single le 24 Mai 2023
18. Kōzen no Himitsu (公然の秘密), du Best Album Newton to Ringo (ニュートンの林檎)
19. Onna no Ko ha Daredemo (女の子は誰でも) du 5ème album Daihakken (大発見) de Tokyo Jihen
20. Eternal Flame, reprise du morceau de The Bangles (1988), écrit par Susanna Hoffs
21. Irohanihoheto (いろはにほへと), de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
22. Inochi no Ibuki (命の息吹き), morceau écrit par SR pour Megumi Hayashibara (林原めぐみ) sur le EP Imawa no Shinigami (今際の死神)
23. toogood (いとをかし), single sorti en Avril 2022
24. Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭), avec la voix d’Ukigumo (浮雲), de l’album Sandokushi (三毒史)
25. Ryokushu (緑酒), de l’album Music (音楽) de Tokyo Jihen
26. NIPPON, de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)

Rappels (アンコール) et passage de MC
27. Bokoku Jōcho (母国情緒), de l’album Kyōiku (教育) de Tokyo Jihen
28. Ariamaru Tomi (ありあまる富), de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
29. Vidéo de crédits de fin: Shogyōmujō wo Te ni Ireta! dans le style Famicom de Nintendo (しょぎょうむじょうをてにいれた!ファミリーコンピュータ風)reprenant le morceau Sid to Hakuchūmu (シドと白昼夢) de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)