歪む蜃気楼

Ce soir, je sors sur le balcon sous l’air frais du début du printemps. En regardant loin devant moi, un peu plus loin encore au delà de ma vision, je plonge dans la foule qui se presse vers la gare avant 8h. Comme tous les soirs, le flot humain est flou et mouvant. Ses mouvements laissent des empreintes indélébiles sur les immeubles. On ne peut dissocier les rues de la ville de ces mouvements qui l’érodent et la façonnent petit à petit dans la douceur d’un effleurement. La ville est d’une violence douce qu’on voudrait éviter mais qui nous attire sans cesse comme un courant marin de profondeur. Nos pieds perdent l’équilibre et on s’y engouffre en apnée sans se débattre. Sortir du grand carrefour est une bouffée d’air, mais je n’ai de cesse d’y revenir une fois encore, pour laisser moi aussi mon empreinte indélébile sur les immeubles. Si l’on fixe longuement les murs de la ville, peut être pourrait on accéder à leur mémoire?

Images extraites de la vidéo de Onaji Yoru (同じ夜) par DAOKO sur son album Thank You Blue sorti en 2017.

Onaji Yoru (同じ夜). Je ne soupçonnais pas que DAOKO (ダヲコ) avait dans sa discographie un morceau aussi beau. Sur son premier album The End, AiNA utilisait ces mots Onaji Yoru dans le dernier morceau intitulé Suika (スイカ), et je n’ai pu m’empêcher d’y voir une référence au morceau Onaji Yoru de Muzai Moratorium. Une recherche rapide sur YouTube me fait découvrir un autre morceau utilisant ce même titre par DAOKO sur son album Thank You Blue sorti en 2017. L’approche artistique de DAOKO m’intéresse mais je ne trouve dans sa discographie qu’assez peu de morceaux que j’apprécie vraiment. Onaji Yoru est très différent du reste de l’album et beaucoup plus profond et mélancolique. Je ressens un besoin irrésistible de le réécouter encore et encore, car il m’aide à développer ces images ci-dessus d’un mirage déformé et à écrire ce texte qui les accompagne. Onaji Yoru me donne également l’envie de rechercher dans la discographie de DAOKO d’autres morceaux que je pourrais apprécier tout autant. Dans un style très différent, Nice Trip sur son album Shiteki Ryokō (私的旅行) me transporte vers des chaleurs insulaires bienvenues pour affronter les dernières vagues de froid avant le début du printemps. Le morceau Music (ミュージック) sur son album éponyme sorti en 2015 vient compléter cette mini playlist que j’écoute en boucle en sortant de la gare de métro.

8 commentaires

  1. Bonjour Frédéric,
    Avais-tu remarqué que c’est Perimetron qui a réalisé le clip de DAOKO ? Je n’ai pas beaucoup d’info sur ce collectif si ce n’est qu’il est en parti piloté par un des deux leaders de King Gnu…je pense que c’est un sujet à creuser. Si a l’occasion du tombe sur des infos intéressantes, je suis preneur !

  2. Salut Nicolas, Oh! Non, je n’avais pas remarqué. Superbe ! La coïncidence est très intéressante car je suis justement en train de commencer l’écoute du premier album du groupe Millenium Parade (abrévié en Mirepa ミレパ) mené par Daiki Tsuneta, fondateur de King Gnu avec Satoru Iguchi et membre de ce collectif Perimetron. Je ne suis pas sûr que Satoru Iguchi de King Gnu fasse partie de Perimetron, j’ai l’impression que non, mais il est invité sur Millenium Parade. Perimetron est un collectif composé de vidéastes, d’illustrateurs graphistes et de musiciens. Ils m’ont l’air d’être un groupe de personnes très proches partageant une même vision créative. Tsuneta et Iguchi viennent de la même université des Beaux Arts de Tokyo, Département Musique. J’aime beaucoup King Gnu, qui est le groupe qui réconcilie tout le monde à la maison. Et Millenium Parade est très intéressant musicalement, dans un esprit rock mais se mélangeant avec une approche très mélodique voire symphonique, et un côté jazz, mais gardant quelque chose d’assez chaotique. C’est une image que Tsuneta recherche comme je le lisais dans une interview que je te conseille (en anglais). Il évoque le Tokyo Chaotic Sound comme tendance principale de leur art. J’aime beaucoup cette approche « complète » où le collectif compose les musiques des morceaux, les interprète, tourne les vidéos et illustre les pochettes de leurs albums. Ça donne une certaine consistance de style et maintenant que tu le dis le morceau de DAOKO a un peu ce même type d’images. Je trouvais la vidéo très belle pour les images urbaines de Tokyo vue en détachement, contrastant avec la proximité des images du visage de DAOKO.

    En fait, Millenium Parade a écrit le thème d’ouverture de la série Ghost in The Shell: SAC_2045, morceau s’appellant Fly with Me. La vidéo animée de style futuriste par Perimetron est superbe, sans forcément reprendre le style GITS. En fait le désordre urbain me rappelle plus le manga et l’anime Tekkonkinkreet. Il se trouve que Daiki Tsuneta est fan de GITS et s’en inspire dans son approche artistique apparemment. J’adore également GITS et les autres manga cultes de Masamune Shirow (Appleseed ou Orion par exemple). La vidéo de Veil par exemple, semble être complètement influencée par l’univers de GITS avec ces tubes reliant des corps cybernétiques. Un morceau comme FAMILIA qui est le morceau qui passe dans les émissions musicales à la télévision ici en ce moment est plutôt dans le style de King Gnu avec Satoru Iguchi au chant. Artistiquement, c’est très puissant et ça m’intéresse beaucoup. A creuser, je vais de toute façon écouter le reste de leur album. Merci d’avoir amené cette piste, qui me convainc un peu plus.

    Et tiens pour compléter, il y a également cet article donnant une mini rétrospective des formations de Daiki Tsuneta.

  3. Salut Frédéric,
    je commence à cerner un peu plus le projet de Daiki Tsuneta. J’ai lu l’interview et je suis à 100% convaincu par la démarche d’artiste total. Reste à être convaincu par l’essentiel – sa musique – et pour le moment je ne te cache pas que je suis encore un peu réservé. Finalement plusieurs écoutes de King Gnu ne m’ont pas encore totalement convaincu,. J’y retourne tous les 6 mois depuis 2 ans environ, mais je ne peux pas dire que j’y adhère vraiment (et pourtant j’aimerais !). Affaire à suivre pour ma part, sans doute en passant par l’album de Millenium Parade que je n’ai pas encore écouté.

    Sinon pour en revenir au clip de Daoko, en le regardant avec ma compagne, on a d’abord pensé qu’il avait été réalisé par Yamada Tomokazu. Ce sont les gros plans sur le visage qui nous ont rappelé le clip magnifique de Sakanaction  » ナイロンの糸 « . Quelques clics plus tard, je découvre sur sont site que Yamada est aussi derrière la caméra pour le clip « メロス » de Wednesday no campanella…Bref, on ne sera pas surpris le jour où il travaillera vraiment avec Daoko !!

  4. Sinon j’en oublierai presque de te remercier pour les liens que tu as rapportés dans ta réponse. Je les ai tous trouvés intéressants, et finalement cette ambiance cyberpunk est un argument de plus pour me pousser à m’intéresser à Perimetron/Millenium Parade/Daiki Tsuneta, en grand amateur de Blade Runner que je suis.

  5. Bonjour Nicolas,
    Et merci pour tes commentaires très intéressants car ils me donnent des pistes pour continuer mes découvertes musicales. Je n’ai jamais vraiment regardé qui étaient les réalisateurs des vidéos des morceaux que j’aime, mais tu me donnes l’idée de regarder d’un peu plus près de ce côté là, car des liens stylistiques peuvent se faire. Je veux dire que le fait que des groupes ou artistes différents choisissent un même réalisateur de vidéo peut indiquer une aspiration artistique similaire.

    Ce nom Tomokazu Yamada m’était familier sans que je me souvienne précisément d’où j’avais vu ce nom. Dans ces cas là, je fais une recherche sur mon propre blog pour voir si j’en avais déjà parlé. Et oui, il avait fait une exposition de photographies appelée Beyond the City dans les rues de Shibuya l’année dernière. Il documentait en photographies un Shibuya en pleine destruction et reconstruction, en faisant intervenir des artistes sur certaines de ses photos, notamment KOM_I et Kid Fresino. Je comprends maintenant qu’il a choisi ses artistes en particulier parce qu’il a réalisé pas mal de leurs vidéos. J’en parlais dans un billet précédent, mais j’ai connu et écouté l’album de Kid Fresino après avoir vu la vidéo de Coincidence, où il marche dans les rues de Shinjuku enneigé. En fait, Tomokazu Yamada a réalisé la plupart des vidéos de Kid Fresino, comme Arcades ou un autre morceau 720 que je ne connaissais pas. Ces vidéos sont très « urbaines ». Je ne savais que Suiyoubi no Campanella avait autant de vidéos réalisées par Tomokazu Yamada. La vidéo de Melos est très belle, j’en revois donc d’autres du coup, comme Tsuchinoko que je trouve très « urbaine » également (la ville est très présente dans ses vidéos), un peu comme la vidéo de DAOKO pour Onaji Yoru, donc je peux comprendre les similitudes que tu y vois.

    Tiens, en vérifiant le nom du réalisateur sur une vidéo qui m’a impressionné dernièrement, celle du morceau Niji de AiNA The End, je me rends compte qu’elle est réalisée par Perimetron. Et en regardant un autre morceau de DAOKO, ShibuyaK qui est le premier de ses morceaux que j’ai écouté en pensant qu’il serait peut-être de Tomokazu Yamada, je me rends compte qu’il est réalisé par Yuichi Kodama, qui a réalisé beaucoup de vidéos de Tokyo Jihen et de Sheena Ringo dont il est le compagnon (pas sûr qu’ils soient mariés). Comme quoi, il y a des liens intéressants qui se dressent…

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