this is not the end of a new beginning

Ces quelques photographies sont prises dans un espace relativement restreint de Jingumae, dans un bloc délimité par l’avenue Meiji, l’avenue Omotesando et l’avenue Aoyama un peu plus haut. Il y a une densité certaine dans ce bloc mélangeant résidences et commerces, parfois reminiscente d’un village. La rue piétonne très étroite et pleine de végétation sur la troisième photographie en est un bon exemple. Elle débouche pourtant sur la longue avenue Meiji après s’être faufilée entre deux hauts immeubles. Ces immeubles forment en quelque sorte une muraille protégeant un village. On dit que Tokyo est composé d’une multitude de villages et c’est tout à fait vrai sauf que cette impression s’estompe de plus en plus avec les années qui passent, au fur et à mesure que la standardisation urbaine prend le dessus. Il y a beaucoup de clichés sur la ville de Tokyo et ils sont pour la plupart vrais. Le souci est d’éviter de généraliser et de créer une nouvelle vérité globalisante à partir de quelques exemples. Je ne suis pas contre montrer des clichés en photos sur ce blog dans la mesure où je m’efforce à montrer autre chose. Mais loin de moi l’idée de vouloir montrer à tout prix un Tokyo différent que les autres ne montreraient pas. De toute façon, tout a déjà été montré en long et en large sur Tokyo. J’ai pourtant été intéressé par l’approche du numéro sur Tokyo du livre-magazine Gokan, créé par une équipe française vivant au Japon menée par David Michaud (que je ne connais qu’à travers son blog Lejapon.fr). Le livre est très bien documenté et fait intervenir plusieurs plumes. J’y ai appris certaines choses notamment historiques. Les photographies sont très belles sans pourtant essayer d’en mettre plein les yeux. Il y a une grande honnêteté dans l’approche qui m’a bien plu. Le livre n’a rien d’un guide mais partage de nombreux lieux plus ou moins populaires. Je suis en tout cas content que Zōshigaya (雑司ヶ谷) soit évoqué car j’en retiens une ambiance particulière que j’avais apprécié lors de mes quelques passages. J’ai trouvé ce numéro de Gokan sur Tokyo à la grande librairie Maruzen de l’immeuble Oazo à Marunouchi, il y a déjà plusieurs semaines. Je ne suis pas certain qu’il en reste encore.

Utaha (詩羽) est le nouveau visage et la nouvelle voix de Suiyoubi no Campanella (水曜日のカンパネラ, Wednesday Campanella) après le départ de KOM_I annoncé officiellement en Septembre 2021. Ce départ était apparemment un choix personnel et elle ne part pas en mauvais terme. Elle souhaitait plutôt poursuivre un nouveau chemin et elle a même passé le flambeau à Utaha lors d’une conversation retransmise sur Instagram. C’est bien dommage de voir KOM_I se séparer du groupe, mais je suis déjà convaincu par la prise de relais de la remplaçante Utaha. Un premier EP vient d’ailleurs juste de sortir le 27 Octobre. Il contient deux morceaux intitulés Alice (アリス) et Buckingham (バッキンガム). Buckingham ne nous dépayse pas beaucoup du style de Wednesday Campanella. Il n’y a pas de révolution dans l’air, mais plutôt le début d’un nouveau commencement qui j’espère ne se terminera pas rapidement. La ressemblance avec la manière de chanter de KOM_I semble tout d’abord un peu trop prononcée, mais on se laisse très vite embarquer par le phrasé de Utaha, qui n’a en fait pas grand chose à envier à celui de KOM_I. J’ai l’impression que ce morceau a été écrit exprès pour assurer la transition en douceur entre les deux chanteuses. C’est en tout cas un vrai plaisir de retrouver ce type de morceaux, dont l’esprit était tellement novateur à l’époque. Alice est un peu différent et m’a tout de suite accroché. Utaha a une voix plus juste et prononcée que Kom_I. On y perd peut-être un peu en originalité mais elle a une très belle voix qui annonce beaucoup de belles choses à venir. La composition musicale électronique de Hidefumi Kenmochi (ケンモチヒデフミ) reste très fidèle au style du groupe. Ces sons électro donnent un ensemble qui n’est pas forcément très délicat, mais qui se révèle très efficace et généreux. Ils sont peut être parfois un peu trop fournis, mais accrochent en même temps l’attention à tous moments. La voix franche de Utaha ne s’efface pas, ce qui fait que l’ensemble fonctionne bien. Ayant écouté et aimé tous les albums de Suiyoubi no Campanella sans exceptions, je suis content de retrouver cette formation en version Phase 2. Je reviens d’ailleurs régulièrement sur la musique du groupe et étonnamment souvent sur le dernier album Galapagos (ガラパゴス) de 2018. Il y a quelques morceaux que j’adore comme Melos (メロス), Kaguya Hime (かぐや姫) et l’avant-dernier morceau The Sand Castle (愛しいものたちへ) qui est très différent du reste des morceaux de la discographie du groupe. J’aurais d’ailleurs bien voulu que KOM_I poursuive la direction lancée sur ce dernier morceau. Peut-être continuera t’elle à chanter en solo?

from sky (သုံး)

Ce troisième et dernier épisode nous fait sauter de l’avion pour atterrir une nouvelle fois dans le centre très occupé (quoique moins que d’habitude) de Shibuya, aux pieds de la statue de métal argenté de Hajime Sorayama derrière le Department Store PARCO. Elle nous accueille bien entendu d’un rayon laser lumineux forçant le chemin dans les nuages. On ne peut être qu’happé par cette lumière qui nous accompagne doucement jusqu’au sol. On se laisse ensuite ricocher jusqu’en bas des rues de Udagawacho, que je vais d’ailleurs souvent observer. Le grand mur de graffiti à l’arrière était déjà complètement rempli de dessins, mais un autre graffeur s’est apparemment permis de laisser son empreinte abusive en y dessinant des grands papillons gris sur toute la longueur du mur. Depuis que la tour Abema TV s’est construite à proximité de cette rue, je ne laisse plus beaucoup d’années de vie à ce quartier, avant qu’il ne subisse les vagues de la standardisation urbaine. Dans le quartier, il reste un vieil immeuble noir de quelques étages avec un disquaire spécialisé dans le hip-hop au rez-de-chaussée. Je regarde toujours les façades extérieures de cet immeuble pour voir si les illustrations murales ont été modifiées. Cette fois-ci, un groupe de personnages de cartoon aux têtes de rappeurs gangsta y est représenté. La qualité graphique de l’illustration est assez décevante par rapport à ce qu’on peut parfois y voir, ce qui facilitera d’autant plus son remplacement.

Le billet de Daniel sur son blog me donne envie de ressortir de mes étagères le livre de Nicolas Bouvier, “Le vide et le plein”, sous-titré “Carnets du Japon 1964-1970”. Il se trouvait là, devant les autres livres de ma petite bibliothèque comme s’il avait compris que c’était son tour. J’ai un meilleur souvenir de l’autre livre de Nicolas Bouvier que je possède, “Chronique japonaise”, peut être parce que j’avais lu celui-ci alors que j’étais encore étudiant en France et que le Japon paraissait encore très loin. J’ai acheté “Le vide et le plein” à Tokyo, dans la librairie Kinokuniya près du Department Store Takashimaya de Shinjuku, si mes souvenirs sont exacts. Je ne le lis pas d’une traite mais par petits morceaux, ce qui fonctionne bien car il s’agit d’extraits de son journal de bord. Dès le début, on ressent une sorte d’aigreur que l’auteur communique par petites bribes au fur et à mesure de ses réflexions, mais il touche et voit toujours juste. Je pense que cette aigreur m’avait rebuté à ma première lecture il y a plusieurs années. Je ne me souviens plus si je l’avais lu en entier à l’époque, mais j’y trouve un nouvel attrait en le lisant aujourd’hui. Il y a deux parties principales dans ces carnets, la chronique de Kyoto et celle de Tokyo. Je suis plus sensible à la deuxième partie où Nicolas Bouvier vivait à Tokyo comme si elle correspondait à un Japon que je reconnais, par rapport à la première partie à Kyoto qui me semble plus lointaine. En lisant cette partie sur Tokyo, je me surprends à poser des post-it sur certains morceaux de textes pour y revenir plus tard. Au détour des petits textes nous narrant des situations particulières, il y insère parfois des piques par des formules finales bien trouvées: “Leur drapeau leur bouche le ciel”, à propos de certaines personnes à faible ouverture d’esprit. J’ai l’impression quand même qu’il nous manque parfois un peu de contexte pour bien comprendre ce qu’il nous écrit, notamment la rudesse de certaines piques, par exemple celle où il évoque les critiques photographiques ne comprenant rien à la photographie (qu’il pratique). Il faut rappeler que ce sont des carnets et que les textes sont en général très courts. Mais certains passages trouvent une grande résonance lorsque l’on pratique le Japon depuis plusieurs années. A propos des ses voyages dans le Japon, il résume: “Fatigue, exaltation, solitude, ennui, conversations toujours pareilles dans lesquelles une sorte de lassitude vous embarque”. J’ai personnellement une hantise de ces conversations avec des inconnus qui se limitent aux lieux communs, d’autant plus quand l’interlocuteur parle quelques mots de français et croit nous faire plaisir en les déroulant les uns après les autres. Je vois souvent venir ces conversations et je détourne le chemin pour les éviter, mais je me laisse parfois piéger. En y repensant maintenant, c’est peut être une des raisons pour laquelle j’aime mettre des écouteurs dans les oreilles. Mais, Bouvier voit d’autant plus juste quand il imagine, un peu plus tard dans ses carnets, une conversation qu’il aurait pu avoir dans un “bistrot de chez nous”: “On sait bien ce que c’est: personne n’écoute, et pourtant on parle. C’est un aveu d’impuissance, mais c’est aussi une litanie qui évoque et célèbre la véritable conversation qu’on voudrait tant avoir, qu’on n’a pas et qu’un jour on aura peut être. En attendant, on se chauffe.” Les interlocuteurs de cette véritable conversation sont rares ici, mais même s’ils sont potentiellement plus nombreux ‘au pays’, c’est la véritable conversation elle-même qui reste rare. Certains textes me font également sourire comme ce passage où Bouvier prétend reprendre le texte d’une journaliste japonaise à l’occasion de l’anniversaire de l’empereur et “[..] raconte que cet homme digne et sympathique fut bien soulagé de ne plus être un dieu – on le comprend [..]”. Un autre passage évoque brièvement la sur-information: “A force d’information l’esprit perd sa structure; on n’a plus le temps de mettre un peu d’ordre là-dedans, ni même de savoir si l’on aime et si l’estomac supporte”. Rappelons que ce journal date des années 60 et qu’on n’en était pas encore à la société de sur-information actuelle. Mais le passage que je préfère est plus poétique. En relisant le texte de Daniel sur son blog, alors que je suis en train d’écrire le mien ici, je me rends compte, que ce texte titré « Matelas » lui a également tapé dans l’oeil. Je me permets de le restituer également ci-dessous, parce que j’aurais très certainement envie de le relire:

L’agrément qu’il y a à dormir sur le tatami, c’est d’avoir ainsi le dos collé au sol, de faire corps avec la terre et – quand le calme et le silence de la nuit le permettent – de sentir et de partager la vaste rotation dans laquelle elle vous entraîne. Les couvertures tirées jusqu’au menton, les mains à plat le long du corps on fend l’espace comme un boulet chauffé au rouge. On pense aux autres corps célestes, aux orbites qui s’infléchissent et qui divergent, aux attractions, aux répulsions, aux lentes figures qui se tracent à des vitesses inconcevables. Dans cette salle de bal obscure qu’est devenue la nuit, la natte, la maison, le quartier et les douze millions de dormeurs qui l’entourent pivotent avec un ensemble admirable pendant que je me pose la question de ma place à moi là-dedans, qui reste à débattre. Le sommeil vient avant la réponse.

Dans les rayons télévision du magasin d’électronique Biccamera de Shibuya, je me laisse surprendre par une dame portant un petit carnet en mains. Derrière elle, un homme de grande taille porte une caméra vidéo. Elle m’aborde poliment entre deux écrans 55 pouces pour me demander si je serais d’accord pour répondre à quelques questions. Le sujet de cette interview spontanée est la manière dont les étrangers vivant à Tokyo évacuent le stress de cette difficile situation actuelle du coronavirus. Il s’agit apparemment d’interviews rapides pour une émission de télévision dont le nom m’a échappé. Je décline aimablement la proposition et ils n’insistent pas tout en me remerciant de l’attention. En fait, je connaissais déjà cette dame car elle m’avait déjà abordé et interviewé l’année dernière alors que je marchais seul près du carrefour de Shibuya. Lors de cette précédente interview ciblant également les étrangers (touristes ou résidents), elle m’avait demandé si je connaissais et si j’écoutais de la musique japonaise et si oui, quelles étaient mes artistes préférés. J’avais parlé de Sheena Ringo et de la première fois où j’avais entendu sa musique dans ces mêmes rues de Shibuya. Si mes souvenirs sont corrects, c’était le single Koko de Kiss shite de son premier album Muzai Moratorium, qui était diffusé sur les hauts parleurs accrochés aux lampadaires des rues de Shibuya autour de Center Gai. Elle m’avait demandé de donner un ou plusieurs titres et de fredonner si je le pouvais, ce que j’étais bien incapable de faire spontanément. Cette interview était destinée à l’émission Music Station de Tv Asahi. On m’avait fait signer un papier à la fin de cette courte interview pour les droits à l’image. Il n’y avait bien sûr aucune certitude que mon interview serait retenue au final et elle ne l’a pas été. J’avais regardé l’émission d’un air inquiet de peur de me voir, mais je me suis vite rendu compte que mon intervention était un peu en décalage avec ce qui était attendu. Les étrangers qui sont passés à la télévision étaient soit amateurs de musique d’anime, citant des morceaux comme celui de Radwimps pour Kimi no na ha (Your Name), ou amateurs un peu excentrique de musique d’idoles dans le genre AKB48 ou Nogizaka46. Malgré la popularité de Sheena Ringo au Japon, mon choix ne correspondait certainement pas à ce qu’on attendait d’un étranger. Avant de décliner cette deuxième interview, j’ai d’abord penser pendant un quart de seconde à cette première interview. Que répondre à la question de ce que je fais pour évacuer le stress du coronavirus? J’aurais pu dire que j’ai tendance à faire beaucoup plus de blagues à la maison mais j’aurais été bien en mal de donner des exemples. J’aurais pu dire que j’écoute beaucoup de musiques japonaises alternatives que mon interlocutrice ne connaîtrait peut être pas. J’aurais pu expliquer que j’aime marcher pendant mes heures libres en dehors des obligations de la vie quotidienne, pour prendre des photos d’architecture. Alors que je réfléchissais à tout cela pendant ce quart de seconde, je me suis rendu compte que mes occupations n’avaient rien de très intéressantes ou fantaisistes, qu’elles ne seront pas à même de surprendre l’auditoire et qu’elles ne seront certainement pas retenues malgré les efforts que je pourrais consacrer à les expliciter. J’aurais peut être eu une chance de passer dans cette émission si pour combattre le stress du coronavirus, je faisais par exemple des exercices à la maison en dansant en tenue de cosplay. J’exagère un peu le trait mais comment expliquer que l’on vit tout simplement une vie normale et qu’on a aucun moyen magique d’évacuer ce stress. On vit avec, tout simplement, comme tout le monde, qu’on soit étranger ou japonais.

Depuis Have it my way dont je parlais il y a plusieurs mois déjà, je garde une oreille attentive aux nouveaux morceaux du groupe EMPiRE de l’agence Wack. Un nouvel EP tout ‘simplement’ intitulé Super Cool vient juste de sortir. Bien que je sois certain de ne pas m’engager à écouter et apprécier l’ensemble du EP car la musique de EMPiRE prend souvent des tournures un peu trop EDM pour moi, je tente tout de même l’écoute morceau après morceau. Le premier, This is EMPiRE SOUNDS, a une construction assez simple (du moins au niveau des paroles) mais me plait bien pour son immédiateté et son accroche contagieuse. Je sais que le groupe a le potentiel d’arriver au niveau de BiSH (qui fonctionne très bien dans les charts japonais en ce moment) et j’ai le sentiment que le producteur Junnosuke Watanabe va les pousser comme les prochaines figures de proue de l’agence. Le quatrième morceau du EP intitulé I don’t cry anymore est une excellente surprise, beaucoup moins rythmé que ce qu’on peut s’attendre du groupe mais plus prenant à l’écoute. J’aime beaucoup la part d’émotion qui se dégage du morceau surtout quand Mayu, qui a écrit les textes de ce morceau, chante les paroles du titre avec des véritables larmes aux yeux comme le témoigne la vidéo. J’apprécie cette tournure plus personnelle de leur musique, en espérant qu’elles se tournent un peu plus vers cette direction, ce dont je doute quand même un peu.

En parlant de BiSH, le groupe sort également un nouvel EP intitulé Letters, qui est désigné comme leur 3.5ème album mais qui ressemble quand même plus à un EP ou à un mini-album. Je pense que ma série photographique en trois épisodes ‘from sky’ doit être inconsciemment inspirée par la vidéo du morceau titre Letters, car on voit la caméra partir du ciel pour pointer à différents endroits de Shibuya montrant chaque membre du groupe positionné sur les toits d’immeubles. La caméra qui zoome sur BiSH n’est pas positionnée sur un hélicoptère ou un avion, mais tout en haut de la tour Shibuya Scramble Square, où on retrouve AiNA à un moment du morceau. Le morceau en lui-même est relativement classique avec un démarrage symphonique qu’il me semble avoir déjà entendu, et dont on aurait pu se passer pour démarrer directement sur les parties chantées. J’aime bien ce morceau en particulier mais je trouve le EP/mini-album dans son ensemble un peu trop conventionnel, sans les excès rock voire punk (au sens japonais du terme) des albums précédents. On a l’impression que le groupe se positionne maintenant pour le mainstream et évite les écarts que le plus grand nombre aurait dû mal à apprécier. J’essaierais certainement d’écouter le reste de l’album un peu plus tard.

how to repeat Tokyo endlessly (λ)

Les cinq photographies de ce nouvel épisode de ma série sur Tokyo en répétition sont toutes prises dans un espace très limité sur l’avenue Aoyama, autour de l’université des Nations Unis, notamment à la grande librairie Aoyama Book Center se trouvant à proximité. Elle est située au sous-sol, un peu à l’écart de l’avenue et n’est donc pas évidente à trouver, malgré sa grande taille. Comme ça faisait des années que je n’y étais pas allé, j’en avais même oublié son existence. je pense y revenir un peu plus souvent vu le très grand nombre de livres de photographie et d’architecture que l’on peut y trouver. Sur une des vitrines de la librairie, on y montre des photographies de Yoshiyuki Okuyama à l’occasion de la sortie d’un recueil de photographies appelé Girl. Le nom de ce photographe me dit quelque chose quand je l’aperçois sur cette vitrine. Ces photographies très granuleuses et à peine déchiffrables que je vois sur la vitrine m’attirent beaucoup. Elles me donnent soudainement l’envie de photographier différemment, comme cette tentative de ‘double photographie’ à travers le filtre de l’iPhone. J’essaie en quelque sorte de matérialiser une crainte qui me gagne soudainement, celle que les smartphones finiront un jour par produire une qualité photographique supérieure à celle des appareils reflex. L’ultra-instantané des smartphones, permettant à la fois de prendre une photo et de la publier immédiatement sur les réseaux sociaux, enlève tout temps de reflexion car il faut avant tout publier avant les autres. Cette étape d’immédiateté réduit le temps d’une réflexion salutaire, et c’est personnellement cette étape de réflexion que je préfère dans mon approche photographique et de blogging.

En entrant à l’intérieur de la librairie, on peut découvrir plusieurs photobooks de Yoshiyuki Okuyama et notamment un que je reconnais pour avoir gardé une photographie découpée et collée sur une des pages d’un de mes bloc-notes papier. J’avais donc reconnu le nom de Okuyama en raison de cette photographie conservée dans mon bloc-notes. J’aime beaucoup son style, jouant parfois avec l’absurde ou les altérations d’images. On peut voir un grand nombre de ses photographies sur son site internet, certaines sont commerciales, par exemple des couvertures d’albums comme ceux de Quruli ou Never Young Beach. On peut également voir sur le site des extraits des photobooks dont celui bizarrement intitulé Bacon Ice Cream qui m’a l’air d’être un des plus intéressants.

Un peu plus loin dans la librairie, un magazine grand format est posé à plat avec une très belle photographie de Kiko Mizuhara. Je ne connais pas ce magazine appelé Sneeze. Cette photo de couverture est prise par le photographe japonais Takashi Homma. Je ne possède aucun livre de photographies de Takashi Homma, mais je garde toujours en tête un de ses photobooks intitulé Tokyo and my daughter dans lequel il mélange des photographies de Tokyo et notamment d’architecture, et d’autres photographies beaucoup plus intimes, de sa fille. Ce mélange des genres m’avait inspiré sur quelques billets en mai et juin 2011, comme ceux intitulés sun/moon, from an empty road 1 et 2, fixed, なん階立て et ルーフまで行ける. Sur le modèle de Takashi Homma, je tentais de mélanger également des photographies de mon fils avec des scènes de rues ou d’architecture. J’ai en fait déjà feuilleté ce livre Tokyo and my daughter plusieurs fois dans des librairies, et je le garde toujours en tête comme modèle, car j’aime aussi beaucoup mélanger les genres. Je devrais certainement l’acheter un jour.

○○○と言えば

Le building Tokyu de la station de Shibuya montre en ce moment sur sa façade une étrange photographie en noir et blanc d’un visage marqué du mot « wack » avec un sigle ressemblant à celui de MacDonald à l’envers. Il s’agit en fait d’une affiche promotionnelle pour l’agence Wack fondée par Junnosuke Watanabe spécialisée dans les idoles alternatives, notamment, dans les plus connues, BiS et le groupe sœur BiSH. On peut dire un peu sarcastiquement que la signification du nom en anglais de cette agence ainsi que l’utilisation d’un sigle proche de celui d’une chaîne de fast food donnent une bonne idée de la qualité générale de la production musicale de cette agence. Pour être tout à fait honnête, j’avais quand même apprécié un morceau du groupe BiSH l’année dernière, mais je constate tout de même que l’imagerie accompagnant les groupes n’est pas toujours du meilleur goût. J’aime par contre assez cette affiche géante dominant le carrefour de Shibuya, accompagnée d’un barcode nous amenant sur les pages du site internet de Wack. Les autres photographies du billet se déroulent également en plein centre de Shibuya au milieu de la foule qui traverse sans cesse le carrefour, dans un flot continu qui n’en finit pas de couler entre les deux rives.

Quand Burial sort un nouvel EP, je me précipite en général pour l’acheter sur iTunes ou Bandcamp, car je sais à quoi m’attendre. Je sais que l’ambiance y sera sombre et underground, assez désespérée mais surtout très forte émotionnellement. Le son est immédiatement reconnaissable, comme s’il était joué au troisième sous-sol d’un club mal éclairé. Cette musique est pleine d’aspérités. Les voix répétitives nous parlent ici d’un amour contrarié. Les paroles « I want you, why don’t you want me / You can’t lie, I see it in your eyes » se répètent sans cesse et constituent la trame principale du premier morceau intitulé Claustro. Le deuxième morceau State Forest revient vers l’ambient pur que l’on avait découvert pour la première fois sur le EP Subtemple / Beachfires. Ce morceau semble être la suite des morceaux précédents tant l’ambiance est ressemblante. Ce morceau ne se compose que de nappes sonores semblant prendre écho dans une bâtisse monumentale comme une cathédrale. Il n’y aucune percussion et de ce fait la construction du morceau reste très floue. Le premier morceau Claustro s’inscrit également directement dans la lignée des EPs précédents, ne serait ce que pour les craquements sonores et les incursions de voix délimitant les parties à l’intérieur d’un même morceau. Malgré cette grande continuité de style, Burial introduit tout de même des nouveautés au compte-gouttes, comme la partie finale de Claustro se transformant soudainement en euro-dance. En fait, Burial peut s’aventurer vers d’autres domaines musicaux, à la limite du démodé par moment, mais ces incursions sont toujours très mesurées et parfaitement intégrées à l’ensemble. De ce fait, ces changements inattendus de style ne font que renforcer la qualité d’ensemble du morceau. Les morceaux de Burial ressemblent un peu à des prises de sons directes dans les rues ou dans les clubs. C’est un peu comme s’il capturait ces sons tels qu’on les entend à différents endroits, pour ensuite les mélanger habilement pour constituer une ambiance hybride.

Il y a quelques mois de cela, on m’a contacté pour me demander si une de mes photographies pouvait être utilisée pour le numéro 29 du magazine Gradhiva publié par le musée du Quai Branly. Il s’agit en fait d’une composition photographique que j’avais créé il y a plusieurs années représentant une figure féminine dont le visage était caché pour une structure de nuages. Il s’agit de la deuxième photographie sur le billet Structure and clouds publié en avril 2011. J’ai bien volontiers accepté d’autoriser ma photographie à être publiée sur une des pages du magazine, et j’ai demandé, comme à chaque fois qu’on me demande une photographie pour une publication, de m’envoyer un exemplaire du numéro en question, ce à quoi on m’a répondu positivement. Le numéro 29 intitulé Estrangemental de cette revue d’anthropologie et d’histoire des arts est sorti à la fin du mois de mai et depuis, je surveille ma boîte aux lettres. Mais la revue n’arrive toujours dans notre boîte aux lettres. La revue s’est peut être perdue en route? Du moins, elle ne s’est pas perdue en route pour un artiste japonais ayant lui aussi contribué à la revue en fournissant quelques photographies de sa création. Il fournit certes beaucoup plus de photographies que moi, donc je me dis qu’il a peut être reçu son exemplaire en priorité. Toujours est-il que, pour chaque publication de mes photographies dans le passé sur d’autres magazines ou livres, on m’a toujours systématiquement envoyé un exemplaire. Est ce que le musée du Quai Branly n’est pas en mesure de bien gérer la distribution pour les contributeurs au magazine ? Je décide donc de recontacter la personne qui m’avait fait la demande de la photographie et on m’indique qu’il y a certainement eu un problème car d’autres artistes au Japon ont reçu leurs exemplaires. J’avais en effet noté ce problème. Une semaine plus tard, ne voyant toujours rien arriver dans ma boîte aux lettres, je recontacte la personne, sans réponse de sa part après plusieurs jours. Je ne suis étonnamment pas surpris et c’est bien dommage car j’ai quand même fait l’effort de fournir gracieusement dans un court délai une de mes photographies qui apparaîtra au final dans un magazine payant (20 Euros pour la version papier et 4 Euros par article). Si par le plus grand des hasards, quelqu’un allait faire un tour du côté du musée du Quai Branly, je serais très curieux qu’on m’envoie une photographie des pages où se trouve la photographie en question, histoire de voir ce que ça donne dans le magazine. Ceci étant dit, j’espère que je me trompe et je ne désespère pas de recevoir un exemplaire chez moi dans les jours qui viennent. Mon espoir s’amenuise pourtant de jour en jour.

Comme je n’aime pas beaucoup terminer un billet sur une note négative, je voudrais mentionner le morceau Killer Tune Kills Me du groupe japonais Kirinji avec en invitée au chant YonYon. L’ambiance y est très clairement neo City Pop (le genre City Pop étant populaire au Japon dans les années 80), avec comme particularité la présence de cette chanteuse YonYon qui doit être coréenne vu les quelques paroles chantées dans cette langue et les passages en japonais avec un léger accent. J’adore tout simplement ce morceau, je pense que ça doit être dû à certaines sonorités musicales qui m’attirent dans ce morceau. Toujours est-il que je l’écoute en boucle et j’ai toujours un peu de mal à arrêter de l’écouter. Je ne suis pas fan de City Pop, loin de là, mais certains morceaux opèrent chez moi comme un phénomène d’addiction. Je me demande si j’y vois là une nostalgie inconsciente. Bien que le morceau vient tout juste de sortir, je dois y trouver une certaine familiarité.

revenir vers le futur

La timeline de mes billets est un peu discontinue en ce moment car je ne veux pas montrer qu’une continuité de photographies de sakura, alors j’alterne avec un peu d’architecture. Je reviens à Ōokayama sur le campus du Tokyo Institute of Technology. A proximité de la bibliothèque en apesanteur que je montrais dans un billet précédent, se trouve un autre bâtiment assez emblématique, le Centennial Hall of the Tokyo Institute of Technology par l’architecte Kazuo Shinohara. Ce bâtiment futuriste date de 1987. Il a été construit pour célébrer le centenaire de l’institution. C’est un bâtiment iconique très particulier, dont le design est sensé exprimer l’anarchie progressive que l’architecte a pu voir à l’ouvrage dans la manière par laquelle la ville de Tokyo s’est développée. Ce building, situé à l’entrée du campus et facilement visible depuis la gare, est utilisé comme musée de la technologie et comporte également des salles de séminaires et de conférence. La particularité du building est bien sûr cet immense demi-cylindre d’acier de 44 mètres de long, posé au dernier étage. D’un côté, le demi-cylindre pointe sur la station de train de Ōokayama, qui est aussi assez particulière. Cette station est en même temps un hôpital. Ce Tokyu Hospital at the Ōokayama station date de 2007 et est conçu par les mêmes architectes que Tokyo Institute of Technology Library, à savoir Yasuda Koichi Laboratory + Yasuda Atelier. La particularité du bâtiment est qu’il est conçu pour être envahi par la végétation. Je ne suis pas certain que cette idée initiale soit bien mise à l’oeuvre car en regardant cet hôpital après plus de 10 années d’existence, la végétation n’a pas beaucoup progressé sur les façades. J’imagine que l’entretien de ce genre de revêtement de surface vivant n’est pas simple à assurer. Dans les rues de Tokyo, on voit parfois des maisons ou des petits immeubles volontairement ou involontairement recouverts de morceaux de nature donnant l’effet d’un petit bosquet en pleine ville.

La librairie Kinokuniya au rez-de-chaussée du Department Store Seibu de Shibuya, comprend un petit espace d’exposition, souvent dédié à l’univers du manga. Je ne visite pas souvent cet espace, mais je suis attiré cette fois-ci par les images de Neon Genesis Evangelion, série animée que je suivais il y a longtemps en France, sur je ne sais quelle chaine satellite (il me semble, ma mémoire me fait défaut). C’est avec un certain plaisir que je retrouve affiché Ayanami Rei 綾波レイ et quelques autres personnages de Evangelion. De la série Evangelion, j’aimais cette histoire futuriste et mystique, les relations compliquées des personnages, le design élancé des robots Eva, le graphisme des personnages et des lieux et surtout l’urbanisme modulable de la ville réagissant aux menaces extérieures. Alors que j’avais un intérêt pour les manga quand je vivais en France, il a complètement disparu à mon arrivée à Tokyo. A l’époque, avant d’arriver à Tokyo, je pensais que l’imagerie manga serait beaucoup plus présente dans la vie quotidienne japonaise, mais c’était loin d’être le cas. Cela change maintenant avec la volonté du pays de montrer le “Cool Japan”. Après mon arrivée à Tokyo, je me suis assez vite désintéressé de l’univers manga. J’ai tout de même découvert plus tard, par hasard, des séries qui m’ont interpellé comme Knights of Sidonia (シドニアの騎士), reprenant une histoire assez similaire à Evangelion. J’aimais beaucoup l’espace urbain compliqué de la ville montrée dans cette série. J’ai un faible pour les représentations futuristes de ville. J’ai un très vague souvenir d’un film d’animation de la série Macross où on voyait les personnages évoluer dans un espace urbain compact, dans l’espace. Des morceaux d’images imprécises me reviennent en tête. Il faudrait un jour que je trouve le courage d’écrire ici sur la représentation de la ville dans quelques manga emblématiques. Ces derniers temps, je me mets à relire quelques manga. Après la lecture de Dōmu de Katsuhiro Ōtomo, je viens de terminer les 11 volumes de Mother Sarah du même Ōtomo associé à Takumi Nagayasu. Je me mets maintenant à lire le manga cyberpunk Ghost in the Shell 1.5 Human Error Processor de Masamune Shirow. J’adore Ghost in the Shell, mais je n’avais jamais eu la présence d’esprit de lire les volumes 1.5 et 2. J’essaie de corriger ces quelques manquements culturels.