un rond olympique rouge

Les drapeaux japonais sont de sortie pendant les tous premiers jours de l’année, comme pendant tout jour férié d’ailleurs. On les vois alignés dans les grandes rues et avenues comme celle de Omotesando ci-dessus. En voyant cet alignement, je pense tout de suite à la photographie prise par Masataka Nakano à Ginza pendant cette même période après le premier de l’An. Je ne suis pas sorti pour les drapeaux, mais pour voir l’état d’avancement de la construction du nouveau stade olympique conçu par Kengo Kuma, bien qu’on ne puisse pas encore l’approcher de près car il est toujours entouré de barrières blanches. Nous avons réussi à acheter des places dans le stade pour les épreuves olympiques d’athlétisme. Il y avait une loterie pour l’achat des places pour toutes les compétitions et nous avons eu la chance d’avoir été sélectionné pour un de nos choix, surtout dans ce stade. Les compétitions que l’on verra seront le soir au début du mois d’août. J’ai un peu peur que la chaleur et la foule nous étouffent, malgré les systèmes d’aération du stade. Autour du stade, je ne suis pas le seul à prendre des photos. Il y une foule éparse près du nouveau petit musée olympique et autour du stade. Tous essaient tant bien que mal de le prendre en photo par dessus les barrières. Je tente la même chose en prenant plusieurs photographies à l’aveugle en étirant les bras.

Au tout début du mois, j’ai eu la surprise de voir arriver dans notre boîte aux lettres, une enveloppe blanche frappée du logo rouge de forme ronde de Tokyo Jihen. Il y a un petit morceau de tissu couleur indigo à l’intérieur et un message de bonne année. Le message annonce d’ailleurs la réformation de Tokyo Jihen et me rappelle leur tournée 2020 東京事変 Live Tour 2O2O 『ニュースフラッシュ』 pour 13 dates dans plusieurs villes (Tokyo, Osaka, Sendai, Sapporo, Fukuoka, Nagoya et retour à Tokyo). Il y a deux semaines, je tente ma chance pour acheter des places de concert pour les dates à Tokyo. Là encore, il s’agit d’une loterie donc je ne sais pas encore si je pourrais assister au dit concert. En fait, je me suis inscrit au fan club de Sheena Ringo l’année dernière dans le but de pouvoir acheter des places. On verra début février si la chance me sourit cette fois-ci.

16•SIXTEEN•16歳になりました

Je loupe régulièrement le coche, Made in Tokyo vient d’avoir 16 ans il y a trois jours. Il a presque l’âge de la majorité. Il a au moins l’âge de la conduite accompagnée, en compagnie d’un adulte. C’est moi l’adulte qui accompagne mais je vais certainement bientôt le laisser se débrouiller seul. C’est le sentiment que j’ai en pensant à toutes ces années passées sur ce site. J’ai vu ce site grandir jusqu’à atteindre une certaine maturité, je pense. J’ai souvent peur qu’un problème technique vienne effacer toutes ces années d’écriture et de photographies. Je fais bien entendu des sauvegardes régulièrement, mais je viens en plus de terminer de sauver en format pdf toutes les pages du site, les unes après les autres. Le fait d’avoir ouvert les quelques 400 pages d’archives du site (soit environ 4500 billets en tout) pour les sauvegarder, m’a replongé dans les seize années de blogging et m’a fait constater des évolutions, notamment le fait que j’écris plus ces dernières années. Une chose cependant n’a pas changé, c’est le mélange des sujets, souvent dans un même billet, dicté purement par l’envie de parler de ce qui me plaît. Je parle assez peu des choses qui me déplaisent. Je passe volontairement assez peu de temps à critiquer ou à grogner sur des choses qui me déplaisent. Il y a bien sûr beaucoup de choses qui me déplaisent dans la vie quotidienne ou sur ce que je peux lire ou voir sur les réseaux sociaux, mais je préfère dépenser mon énergie et mon temps à aborder ce qui m’enthousiasme. Cette approche positive peut, je l’espère, apporter une inspiration aux visiteurs. Quand je reçois des messages en ce sens, parfois en dehors des commentaires de Made in Tokyo, j’en suis particulièrement heureux.

J’indiquais dans mon billet précédent que je réécoutais tous mes disques de Sheena Ringo en attendant la sortie de Sandokushi. Bien que j’ai toute ma musique sur iTunes, je ne résiste pas à l’envie de ressortir des tiroirs tous les CDs et DVDs que je possède de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. Il y a également quelques Singles (les derniers) et compilations comme Reimport 2 que j’ai seulement en digital. A part les DVD/Blu-ray de concerts Ringo Expo, qui m’intéressent moins en général, et les compilations de morceaux déjà sortis sur d’autres albums, il ne doit pas me manquer grand chose. J’ai a peu près tout réécouté dans le désordre chronologique à part pour Tokyo Jihen, où je ne sais pour quelle raison, je souhaite toujours les écouter du premier Kyōiku (教育) sorti en 2004 au dernier Color bars sorti en 2012. J’aime bien faire des comparaisons entre Sheena Ringo et Jun Togawa, car elles ont toutes les deux des personnalités musicales fortes en créant un univers musical qui leur est propre et qui inspire les jeunes générations d’artistes. Elles évoluent cependant à des périodes différentes, Sheena Ringo commençant sa carrière plus d’une dizaine d’années après celle de Jun Togawa. Tout comme Jun Togawa avec Yapoos, Sheena Ringo a commencé sa carrière en solo pour ensuite évoluer au sein d’un groupe, Tokyo Jihen. Je remarque quelques similitudes entre Yapoos et Tokyo Jihen, notamment le fait qu’ils aient tous les deux sorti six albums sachant que le sixième est pareillement un mini-album de quelques titres seulement. C’est assez inhabituel pour un ou une artiste de commencer en solo et ensuite vouloir évoluer au sein d’une formation, je ne peux m’empêcher d’imaginer ici une influence. Réécouter toute la discographie de Sheena Ringo me rappelle que c’est l’artiste musicale japonaise que je préfère d’assez loin. Même s’il y a des albums plus inégaux ou des morceaux que j’aime moins, la qualité de son œuvre est indéniable. Je suis maintenant prêt pour écouter la suite, très certainement demain.

Et pendant ce temps là, alors que j’écris ces quelques lignes, des hélicoptères font du bruit en survolant le centre de Tokyo, tel un Buzz l’Éclair, à l’occasion de la venue d’un président américain.

En face B derrière la gare

Bien que j’avais l’impression d’avoir exploré les rues de Shimo Kitazawa de long en large, il y a encore des recoins que je ne connais pas. Pendant que Zoa passe deux heures à son école du samedi à Kitazawa, je profite en général de ces « vacances de 2 heures » pour marcher jusqu’à Shimo Kitazawa. Les vacances de 2 heures, c’est en référence à cette chanson 二時間だけのバカンス de Utada Hikaru et Sheena Ringo, pour ceux qui suivent attentivement les billets de ce blog, et qui n’ont pas abandonné en chemin. Pour rejoindre le centre de Shimo Kitazawa, je dois d’abord traverser des rues résidentielles en passant en général devant une salle de boxe le long de la voie ferrée. Il faut passer par un raccourci étroit coincé entre cette salle de boxe et les grillages délimitant la voie ferrée, pour arriver ensuite rapidement devant deux vieux théâtres (nommés 711 et Suzunari) encore actifs malgré l’apparente vétusté du bâtiment. Il y a toujours des petits attroupements de personnes devant les théâtres, témoignant de leurs activités.

A quelques pas seulement des deux théatres, sur une rue en courbe, se trouve un magasin de disques Disk Union. J’y passe systématiquement quelques minutes, histoire de voir s’il n’y a pas des disques que je recherche. Je remonte ensuite vers le centre de Shimo Kitazawa, vers la gare. A travers les nombreuses photographies de Shimo Kitazawa que je montre dans les billets précédents, j’ai l’impression d’avoir documenté pleinement mon parcours habituel, parmi la foule pleine de jeunesse de ce quartier. Pourtant, mes pas dans ce quartier que je commence à bien connaitre cherchent à bifurquer, à trouver des nouveaux terrains que je n’aurais pas encore foulés. Mon objectif est comme toujours de trouver de l’architecture remarquable dans ces rues, mais Shimo Kitazawa est assez pauvre en intérêt côté architecture. Le terrain est plus adapté à la photographie de rues, ce qui me fait sans cesse y revenir. Je pensais avoir déjà fait pleinement le tour de la station de train, mais au delà des terrains en construction, je découvre d’autres rues que je n’avais jamais emprunté. Une particularité de Shimo Kitazawa est la présence de nombreuses boutiques fourre-tout, de nombreux magasins d’occasion, parfois organisés dans des espaces communs comme des marchés à l’intérieur de bâtiments. Dans ces marchés, des séries de petits boutiques sont collées les unes aux autres et sont desservies par une allée étroite et encombrée, ce qui forme un drôle de bazar.

Je continue ma découverte méthodique des albums de Sheena Ringo 椎名裕美子 et Tokyo Jihen 東京事変. Je ne sais pas s’il y a réellement une méthode, mais je cherche maintenant à combler les vides entre les albums que j’ai déjà depuis quelques années et ceux que j’ai découvert plus récemment. Commençons par Adult 大人 de Tokyo Jihen, sorti en Janvier 2006. C’est le deuxième album du groupe après Kyōiku 教育 sorti deux ans auparavant. Il marque un certain virage stylistique en s’élargissant vers des tendances plus jazz. Alors que le premier album était une vraie continuation des trois premiers albums de Sheena Ringo (au point où on pouvait difficilement faire une différence), ce deuxième album marque un départ vers de nouvelles inspirations qui seront maintenues et amplifiées dans les albums qui suivent. On garde tout de même cette ambiance alternative rock sur de très nombreux morceaux de cet album, mais surtout dans l’esprit général de l’oeuvre. L’arrivée de nouveaux membres du groupe, comme Ukigumo, explique certainement l’évolution du style. Sous le nom Watashi to Hōden 私と放電 (Me and the Electric Discharge), on découvre une compilation des faces B des singles de Sheena Ringo, depuis ces débuts en 1998 jusqu’à l’année 2008 où cette compilation est sortie, pour les dix ans anniversaire de sa carrière. Ces morceaux n’étaient bien entendu pas présents sur les albums studio, mais étonnamment, j’avais l’impression d’en connaitre déjà beaucoup. Certains des morceaux sont en fait repris des trois mini-disques format 8cm (format qui a disparu depuis longtemps) de Sr/ZCS 絶頂集 (Zetchōshū) à la pochette en forme de boîte de médicaments, ou du DVD de concerts Gokiritsu Japon 御起立ジャポン (sous le nom de groupe Hatsuiku Status 発育ステータス) que je m’étais procuré à l’époque, en Juillet 2000. Les morceaux des faces B compilés sur Watashi to Hōden sont en fait aussi bons que ceux des albums studio, ce qui me fait considérer ce double CDs comme un album à par entière.

終わらせないで

Le gymnase olympique de Yoyogi 国立代々木競技場 par Kenzo Tange est très certainement une des oeuvres architecturales les plus élégantes de Tokyo. Alors que nous remontons à pieds une rue longeant la voie ferrée depuis le centre de Shibuya jusqu’à la gare de Harajuku, on peut voir la pointe de l’édifice. Une foule éparse s’alignait devant le mur de l’enceinte du gymnase, comme des oiseaux sur un muret. Le gymnase sera normalement utilisé pour les Jeux Olympiques de 2020 après ceux de l’été 1964 pour lesquelles il a été conçu, comme un faire-valoir du savoir-faire architectural japonais. Il a d’ailleurs été remis à neuf et repris ses couleurs ces dernières années. Outre les événements sportifs, il est également utilisé pour divers spectacles. Ce jour là, la foule se réunissait pour celui d’une idole japonaise dont je ne retiendrais pas le nom.

Le mur suivant est celui de la façade du Musée National des Beaux-Arts de l’Occident 国立西洋美術館 par Le Corbusier, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis juillet 2016, tout comme 16 autres œuvres architecturales de Le Corbusier. Bien que je sois passé maintes fois devant, en traversant le parc de Ueno, je ne suis jamais entré à l’intérieur du bâtiment. Ce jour là également, nous passons devant ce musée depuis la gare de Ueno pour rejoindre le Musée national de la nature et des sciences, juste à côté, pour y voir l’exposition consacrée à Lascaux. J’ai déjà pris ce bâtiment de Le Corbusier en photographie plusieurs fois, mais c’est peut être cette photographie ci-dessus que je préfère, avec ces deux parties bien distinctes. La composition de cette photo se rapproche de celle au dessus du gymnase de Tange, avec une même ligne horizontale murale.

Il y a une certaine mode en ce moment du retour au disque vinyle (et même, mais en plus anecdotique, un retour à la cassette audio). En ce qui me concerne, le vinyle n’étant pas vraiment de ma génération, je me retourne plutôt vers le Compact Disc depuis quelques temps. En fait, je me suis rendu compte que le prix des morceaux dé-matérialisés étaient vraiment excessifs. Des morceaux à 250 Yens ou un album à 2,100 Yens sur iTunes, alors qu’on peut trouver un CD, d’occasion certes, pour 400 ou 600 Yens. Bien sûr, on ne trouvera que difficilement un album récent dans un magasin de disques d’occasion, auquel cas, je me retourne vers le dé-matérialisé d’iTunes, mais avec une pointe d’hésitation.



The King of Limbs by Radiohead

Mais surtout, et c’est peut être générationnel, j’aime avoir et voir ce qui accompagne le CD, le livret avec photos et/ou dessins, le design du disque, le format des textes, qui à mon avis font pleinement partie de la musique que l’on écoute. Avant de découvrir un artiste que je ne connais pas, la couverture de l’album revêt une importance certaine à mes yeux, car elle donne déjà une idée assez précise de la direction artistique, de la sensibilité de l’album et de la musique qu’il contient. Les deux, musique et présentation de la musique, ne sont pas décorrélées. On perd tout cet aspect sur la musique dé-matérialisée, en plus du fait de ne rien posséder du tout au final. Bien sûr, j’écoute cette musique sur un iPod qui est bien dé-matérilisé sans beaucoup utiliser le CD d’origine d’où vient cette musique, qui reste dans sa boîte la plupart du temps. Mais le fait de connaître le contenu du livret tout en écoutant la musique, influence en quelque sorte mon écoute. Le meilleur exemple est très certainement Radiohead, par la qualité de la mise en page (parfois un peu foutraque volontairement) et de ses illustrations (par exemple sur The King of Limbs) que l’on peu apprécier comme une oeuvre d’art sur papier. Autre exemple sur les albums de Sheena Ringo ou Tokyo Jihen, que j’écoute beaucoup en ce moment vous l’aurez compris, et que j’achète exclusivement en CDs. Sur les livrets et couvertures des disques, je remarque des symétries volontaires dans les titres des morceaux de l’album. Par exemple sur Sports スポーツ de Tokyo Jihen dont je parlais dans le billet précédent, le premier morceau est titré 生きる (Living) et le dernier par symétrie se nomme 極まる (Dying). Ces deux morceaux entrent en correspondance par leurs titrages. La longueur des 13 morceaux sur Sports est également symétrique par rapport au morceau central de l’album. Ce souci volontaire de composition est très visible sur papier sur le disque CD mais passe malheureusement inaperçu sur une track-list iTunes. Pour la petite histoire, J’ai une certaine sensibilité pour le symétrique: Les kanji du prénom de Mari sont symétriques et nous avons choisis les kanji du prénom de Zoa (空亜) notamment pour la symétrie qui les compose.



スポーツ by 東京事変

Le dé-matérialisé ne peut remplir ce vide visuel. Dans le même principe d’idée pour ce blog, j’apporte autant d’importance aux contenus (les photos, les textes, les illustrations) qu’au contenant (le design du site, l’agencement des photos et des textes) car cela fait partie entière d’un tout pour le visiteur. C’est également une des raisons pour lesquelles je n’apprécie que moyennement les contenants standardisés et pré-formatés que sont Flickr, Instagram et encore moins Facebook. J’ai du mal à apprécier mettre un contenu dans un contenant que je n’apprécie pas et sur lequel je n’ai aucun prise.

Pour revenir au Compact Disc, ce que j’apprécie également beaucoup, c’est la quête, la recherche du CD qui me manque, à un bon prix dans un magasin d’occasion. Que ça soit au Disk Union de Shimo Kitazawa, Shinjuku, Shibuya, Ikebukuro ou Kichijoji, ou Dorama de Shimo Kitazawa, on ne trouve pas toujours facilement ce que l’on cherche. Puisqu’on est au Japon, les CDs d’occasion sont dans l’ensemble bien entretenus et notés par qualité. Un niveau A est proche d’un disque neuf et au pire, je remplace une boîte plastique rayée par une neuve. J’ai très rarement été déçu et ça reste beaucoup plus abordable que les 3,500 Yens pour un album neuf au Tower Records. En contre partie, les CDs achetés maintenant n’ont strictement aucune valeur à la revente (par rapport au disque vinyle je pense) et les CDs accumulés finissent par prendre de la place. Mais il s’agit avant tout d’une collection que j’aime revoir régulièrement.

En continuant ma découverte méthodique des albums de Sheena Ringo 椎名林檎 (ça me rappelle l’époque où je faisais la découverte méthodique morceau par morceau d’Autechre, dans un autre genre), je trouve Sanmon Gossip 三文ゴシップ dans une boutique perdue dans une rue à l’écart du centre à Kichijoji. Cette boutique au nom improbable s’appelle Coconuts Disk. La pochette rose pâle de Sanmon Gossip où l’on voit la chanteuse recorquevillée nue est superbe. Le contenu du livret et le disque suive le même style minimaliste. Sanmon Gossip, sorti en 2009, marque le retour de Sheena Ringo à sa carrière solo avec un véritable nouvel album. On sent très clairement l’influence de son groupe Tokyo Jihen sur cet album, résolument moins alternatif rock, avec des accents jazz et une orchestration d’envergure sur certains morceaux comme sur le très beau Shun 旬 (Season). J’aurais très certainement été perturbé par cet album il y a de cela quelques années, mais je l’aime beaucoup maintenant, peut être même autant que les premiers albums. Le style est certes très différent et touche à différents genres, le premier morceau Ryūkō 流行 (Vogue) contient des passages hip hop par un certain Mummy-D. Mais Sheena Ringo garde en musique son monde si particulier et reconnaissable, et il a beaucoup de très bon morceaux sur cet album.

A peu près en même temps, je continue également ma collection des albums de Tokyo Jihen 東京事変 avec Dai Hakken 大発見 (Great Discovery), le cinquième album du groupe, sorti en 2011. J’ai trouvé ce disque au Disk Union de Ochanomizu, en rentrant du bureau un vendredi soir. Une curiosité sur la pochette du disque est que tous les titres en kanji, hiragana ou katakana sont exactement de la même longueur. Comme sur la symétrie que je mentionnais auparavant, ça fait partie de l’esprit joueur du groupe. Je ne pourrais pas dire si c’est toujours le cas avec Tokyo Jihen, mais Sheena Ringo a la réputation d’apporter une grande attention dans le choix des kanji utilisés pour les mots des paroles de ses morceaux, en utilisant parfois des anciens kanji peu utilisés actuellement. Que ça soit la musique, les textes ou le visuel des vidéos, le style joue avec les époques. Après quelques écoutes, Dai Hakken n’est pas l’album que je préfère. Il y a de très bons morceaux, que je connaissais déjà d’ailleurs, comme Atarashii Bunmei Kaika 新しい文明開化 (Brand New Civilization), un morceau plein de folie contagieuse, ou le beaucoup plus rock et fidèle au style originel du groupe Sora ga Natte Iru 空が鳴っている (Reverberation). Sur ce deuxième morceau, on peut difficilement faire plus « cool » dans le style détaché. J’ai un peu de mal par contre avec le morceau intitulé 21 Seiki uchū no ko 21世紀宇宙の子 (The child of the 21st century universe) qui me parait complètement à côté de l’esprit du groupe. On dirait une commande en fait et c’est assez dommage car ce morceau gâche un peu l’ensemble de l’album. Comme les styles assez différents se mélangent sur la plupart des disques de Tokyo Jihen et de Sheena Ringo, le risque qu’un morceau s’inscrive moins bien dans l’ensemble est latent. En même temps, c’est cette diversité bien maitrisée qui fait toute la beauté et l’intérêt de cette musique parfois étrange. 終わらせないで (do not end it), dirais je en dernier mot.

黄色い月と浮雲

J’écris ces lignes tout en observant par intervalles l’image ci-dessus en format carte postale. C’est une reproduction d’une peinture grand format par Hirotoshi Sakaguchi de sa série « Field of Pascal », qu’on l’on a pu voir Samedi dernier dans une galerie d’art de Ginza, la Gallery 58. L’espace de la galerie est très restreint. Il y a une seule pièce où Hirotoshi Sakaguchi exposait environ une douzaine de ses oeuvres, uniquement des peintures de cette série. Mari connait bien Sakaguchi san car il était son professeur de peinture à l’huile à Geidai, les Beaux Arts de Tokyo. Il y est encore professeur mais c’est sa dernière année avant la retraite, qu’il marque par une exposition dans l’école des Beaux Arts mais aussi dans cette petite galerie de Ginza où il a déjà exposé quelques fois. L’homme est sympathique et répond à toutes nos questions, celles de Zoa avec le sourire, alors que nous explorons des yeux les paysages mystérieux de ses peintures. La peinture ci-dessus nous montre un bord de mer enneigé au dessus duquel une lune jaune 黄色い月 transperce les nuages à la dérive 浮雲. Ce mouvement immobilisé est très beau sur une autre oeuvre sur le mur à côté, une cascade où le flot de l’eau se mélange avec le vert de la forêt dense et le vert des mousses sur les rochers. Tout ce qui est montré est très abstrait et on laisse dériver son imagination sur ces paysages de neige, de cascade et de lunes jaunes transperçantes.

Les journées de Samedi sont en général très programmées, pour ne pas dire chronométrées, en fonction des activités du petit. Entre le cours de danse le matin, et les activités extra-scolaires l’après midi à Kitazawa, le temps que nous avions disponible à la galerie de Ginza était assez limité. Nous passons quand même quelques minutes dans l’arrière-salle de la galerie pour une tasse de thé. C’est une pièce très étroite avec table basse et mini sofa. Cette pièce parait d’autant plus étroite qu’elle est chargée d’objets et de livres. Sur la droite du sofa, les rangées d’étagères sont pleines de livres d’art. Si on avait eu plus de temps, j’aurais bien feuilleté quelques uns des livres au hasard. A notre gauche, des étranges sculptures à tête de chien nous regardent en attendant leur heure, l’exposition d’un autre artiste dans cette galerie à partir de la semaine prochaine. Chaque espace des murs de l’arrière-salle est utilisé pour montrer des peintures, dessins ou croquis de divers artistes et de divers styles. Mes yeux sont attirés par une représentation de personnages à l’identique avec un seul oeil recouvrant tout l’espace du visage, dans une rame de train. Au fil de la discussion, je trouve un petit moment pour montrer timidement quelques dessins de ma création, mes formes organiques et futuristes, et il me dit aimer la dynamique des formes. Je soupçonne une réaction polie mais je prends quand même le compliment comme une forme d’encouragement. Mais le temps passe vite et il nous faut déjà partir vers Kitazawa pour les activités de Zoa. Le professeur Sakaguchi fera sa prochaine exposition prochainement à Fukuoka, d’où il est originaire. Aujourd’hui Samedi est en fait le dernier jour de son exposition à la Gallery 58.

Dans les rues encombrées de Ginza, traversées au pas de course pour rejoindre la galerie 58, j’ai peu de temps pour m’attarder à prendre des photographies. Je profite de quelques arrêts aux feux rouges pour une ou deux photographies, mais la marche reprend de suite. Dans le mouvement rapide, la photographie que je viens de prendre se mélange déjà avec la prochaine. Les images se mélangent et se superposent les unes sur les autres.

Comme je le mentionnais dans les commentaires d’un billet précédent, j’ai fait une pause d’Instagram depuis déjà quelques temps. Cet outil, certes plaisant au début, commençait à me prendre trop de temps. En repensant à mes photographies superposées ci-dessus, je me dis qu’on gagnerait beaucoup de temps si toutes les photos du flux Instagram étaient superposées les unes sur les autres en une seule et unique photo. C’est une exagération mais une réalité en quelque sorte, considérant la rapidité avec laquelle on fait défiler son flux de photos sur Instagram sans vraiment y faire attention. Les images finissent par se mélanger avant de disparaitre dans l’oubli en l’espace de quelques millisecondes.

Alors que je me remets à écouter la musique de Sheena Ringo 椎名林檎, elle me ramène par extension vers celle du groupe Tokyo Jihen 東京事変, le groupe formé par Sheena Ringo, à la fin de la première phase de sa carrière solo. Je connaissais déjà le premier album de Tokyo Jihen, Kyōiku 教育 (éducation) pour l’avoir beaucoup écouté au moment de sa sortie en 2004. Cet album est dans la lignée directe de la musique rock, avec inspirations expérimentales souvent, des trois premiers albums de Sheena Ringo.

Le style de Tokyo Jihen se démarque de celui initial de Sheena Ringo sur deux autres albums que j’écoute actuellement assidûment, Variety 娯楽 (バラエティ) sorti en 2007 et Sports スポーツ sorti en 2010. Le style devient plus pop rock mais ne perd pas en originalité, il se diversifie tout en gardant en point d’ancrage la voix si spéciale et changeante de Sheena Ringo. J’aime la façon dont elle change de registre dans sa voix, jusqu’à l’extrême parfois. Les membres du groupe sont également, d’album en album, beaucoup plus impliqué dans l’écriture des morceaux, notamment Ryosuke Nagaoka, dit Ukigumo 浮雲, le « nuage à dérive » en surnom donné par Sheena Ringo au guitariste, peut être pour ses cheveux trop longs qui flottent. Certains morceaux de ces deux albums sont passionnants à écouter dans leur construction chaotique et le flot musical comme OSCA sur Variety et Noudouteki Sanpunkan 能動的三分間 (morceau de 3 minutes pile comme le dit le titre) sur Sports, dans un style certes assez différent des morceaux du premier album Kyōiku, comme Gunjou Biyori 群青日和. J’aime ce mélange de styles et de ce fait, on est loin de s’ennuyer en écoutant ces albums. Je les écoute en boucle infinie ces derniers temps, en attendant d’écouter les autres (je risque donc d’en reparler prochainement).