Hamlet par Riken Yamamoto

Je connais cette grande maison appelée Hamlet par l’architecte Riken Yamamoto (山本理顕) depuis très longtemps sans être allé jusqu’à la rechercher intentionnellement. J’avais une idée très vague qu’elle se trouvait dans un quartier résidentiel de Shinjuku et j’ai toujours pensé que je finirais bien par la trouver un jour ou l’autre. Je la trouve finalement complètement par hasard alors que je me dirige vers le centre de Shinjuku. Géographiquement parlant, elle se trouve à Sendagaya dans l’arrondissement de Shibuya près d’un théâtre Noh, et non à Setagaya comme annoncé sur le site de l’architecte. Cette grande maison a été conçue pour trois générations d’une même famille vivant sur les trois étages. Chaque famille ayant un étage distinct, la maison ressemble en quelques sortes à une résidence d’appartements. Elle est recouverte dans sa quasi-totalité par une toile en téflon aux formes courbes pouvant nous faire penser à une tente. Cet arrangement architectural est censé nous rappeler l’image primaire d’un petit village dans lequel plusieurs groupes de personnes décident de vivre ensemble. C’est le sens du nom de cette maison, hamlet qui signifie hameau. Le design extérieur de cette maison mélangeant tubes métalliques et toiles tendues découpées de formes rondes est en tout cas vraiment particulier et unique. Je ne regrette pas de l’avoir débusqué par le plus grand des hasards. Je marche sans cesse au hasard des rues de Tokyo pour faire ce genre de découvertes inattendues.

une série comme les autres (1)

Cette série démarre sur Killer Street puis gagne Kabukichō pour revenir en début de soirée à Sendagaya devant le Tokyo Metropolitan Gymnasium conçu par Fumihiko Maki. Dans ce gymnase, avait lieu ce soir là, la représentation finale du médaillé olympique Kōhei Uchimura. Il se retire à l’age de 33 ans avec 7 médailles dont 3 d’or et 4 d’argent. Les trois colonnes de béton de la première photographie sont celles du bâtiment brutaliste TERRAZZA conçu par Kiyoshi Sei Takeyama de l’atelier d’architecture Amorphe. Sur la quatrième photographie, on peut voir la gigantesque tour de 225m appelée Tokyu Kabukichō Tower, en cours de construction à l’emplacement de l’ancien Tokyu Milano Theater près de la gare Seibu-Shinjuku. On ne s’en rend pas vraiment compte sur cette vue en contre-plongée mais elle est très haute par rapport aux autres immeubles alentours. Cette tour changera certainement un peu plus l’image du quartier et notamment de la place juste devant qui n’est pas toujours bien fréquentée. Elle ouvrira ses portes au printemps, très bientôt donc. Le site est toujours entouré d’une palissade temporaire blanche imprimée par endroits de photographies de Daido Moriyama. Je pense que toutes ces photos ont été prises la même journée, il y a quelques semaines au mois de Mars. J’essaie d’écrire des billets plus courts en ce moment car une certaine lassitude me gagne ces derniers temps. Je ne sais pas encore si c’est provisoire ou plus profond. Je ne me lasse par contre pas de prendre des photos.

De haut en bas: Images extraites des vidéos YouTube des morceaux I RAVE U de HIYADAM et Queendom de Awich.

Je mentionnais récemment que Sheena Ringo allait sortir un nouveau morceau intitulé Ito wo Kashi (いとをかし), également intitulé toogood dans son titre en anglais. Il est désormais disponible. Le morceau est assez dépouillé musicalement, se basant principalement sur un piano sur lequel vient se poser la voix de Sheena Ringo. Musicalement, c’est un très joli morceau plutôt académique mais très agréable à l’écoute. Je ne le trouve par contre pas transcendant ou particulièrement engageant. Il n’a pas la carrure d’un single et je le verrais plus comme un morceau concluant un EP.

Dans un style certes complètement différent et même à l’opposé, je suis beaucoup plus intéressé par le nouvel EP de DAOKO intitulé Mad EP, car elle se réinvente musicalement grâce à l’intervention de Yohji Igarashi à la production. Igarashi pousse DAOKO vers des sons de dance floor qui lui vont très bien. Sa manière de chanter proche du hip-hop ne diffère pas vraiment de ce qu’on connaît de DAOKO sur certains de ses morceaux précédemment, mais sa voix est plus franche et présente, certainement pour ne pas se laisser dévorer par les sons électroniques qui l’accompagnent. Les quatre morceaux du EP sont tous très accrocheurs et sont dans un esprit musical similaire. J’ai une préférence pour le troisième morceau intitulé escape, car il est un peu plus agressif que les autres, et pour le premier morceau MAD également single du EP. Musicalement, ça peut être parfois assez attendu mais je trouve que l’association avec la voix de DAOKO fonctionne très bien.

Le journaliste musical Patrick Saint-Michel évoque cet EP de DAOKO sur sa newsletter. Il mentionne un autre morceau également produit par Yohji Igarashi pour l’artiste hip-hop HIYADAM, car on y trouve des points similaires dans le mélange du hip-hop et des sons électroniques. Ce morceau que j’écoute en boucle s’intitule I RAVE U. Je ne connaissais pas ce rappeur appelé HIYADAM, et c’est une belle découverte qui me pousse une nouvelle fois à écouter du hip-hop japonais. Je découvre ensuite d’autres morceaux de HIYADAM, toujours produits par Yohji Igarashi comme Honey. HIYADAM y est accompagné par Yo-Sea qui a une voix très accrocheuse. Je découvre ensuite Yabba dabba doo! interprété cette fois-ci avec le duo Yurufuwa Gang (ゆるふわギャング). Les lecteurs de ce blog se rappelleront peut-être de Yurufuwa Gang, duo composé de NENE et Ryugo Ishida, car j’en ai déjà parlé lorsque j’évoquais le EP solo de NENE et l’album de Kid Fresino sur lequel ils intervenaient. Leurs voix sont très puissantes et typées. Je continue ensuite sur ma lancée en écoutant le morceau One Way de Ryohu avec YONCE, le chanteur de Suchmos. YONCE a vraiment une belle voix qui contraste bien avec les mots rappés de Ryohu, que je découvre. Le dernier morceau de cette petite série musicale hip-hop est un choc. Je connais assez mal la rappeuse Awich, à part pour des collaborations comme celle avec Kirinji ou avec NENE sur son EP. Je découvre le premier morceau intitulé Queendom de son nouvel album du même nom sorti en Mars, et quelle puissance vocale et quelle force d’évocation! Ce morceau nous parle d’une partie de sa vie lorsqu’elle quitte la ville de Naha à Okinawa d’où elle est originaire pour la ville d’Atlanta. Elle se marie avec un mauvais garçon qui fait de la prison et se fait assassiner. Écouter ce morceau la première fois m’a fait un choc qui m’a donné les larmes aux yeux.

la magnifience du béton

Je suis en ce moment attiré par le gymnase olympique de Yoyogi car je suis passé à proximité deux week-ends de suite. Quitte à approcher ce monument architectural, autant aller au plus près en marchant sur le parvis. En fait, en marchant depuis le centre de Shibuya dans sa direction, je n’avais jamais remarqué un sanctuaire de béton appelé Kitaya Inari Jinja (北谷稲荷神社). J’y remarque beaucoup de détails visuels intéressants et des formes particulières, mais je n’apprendrais qu’un peu plus tard que ce sanctuaire a été conçu par Kiyonori Kikutake (菊竹 清訓). Il faudrait que j’y revienne prochainement pour observer ces détails d’un peu plus près. Depuis une des sorties de ce sanctuaire, on a une très belle vue sur l’annexe du gymnase olympique de Yoyogi, ce qui me fait d’autant plus apprécier ses formes élancées. Ce gymnase conçu pour les Jeux Olympiques de 1964 par Kenzo Tange est une des plus belles œuvres architecturales de tout le Japon (si ce n’est pas tout simplement la plus belle). La délicatesse et la dynamique des lignes du toit tenu par des câbles tendus rendent cette architecture tout simplement magnifique. Il faut dire que le gymnase et son annexe ont été rénovés juste avant les Jeux Olympiques de Tokyo 2020. Je fais des longues marches en ce moment et celle-ci m’amène jusqu’aux portes de Shinjuku, en passant par Harajuku. Je passe volontairement devant les bureaux de l’agence de design Wonderwall de Masamichi Katayama pour voir la cycadale, sorte de petit palmier, poussant sur un rocher. Katayama la montre régulièrement sur son compte Instagram depuis son installation devant le grand mur de béton de Wonderwall. J’étais assez curieux de voir cette plante et de saisir en photo le contraste de cet élément de végétation avec le béton brut, magnifique d’ailleurs. Le béton de la GA Gallery à Kitasando par Makoto Suzuki (AMS Architects) est d’un aspect très différent, beaucoup plus brutaliste. Le bâtiment date de 1974 et le passage des années apporte beaucoup de cachet à l’ensemble. Les visiteurs fidèles de Made in Tokyo savent certainement que je prends souvent ce bâtiment en photo. Je ne perds pas une occasion de passer à côté lorsque je marche vers Shinjuku, notamment pour jeter un coup d’œil rapide à la petite librairie d’architecture au premier étage près de l’entrée. Elle était malheureusement fermée lors de mon dernier passage.

閏年エンディング ~其ノ参~

Elle est charmante cette petite coccinelle jaune garée devant les bureaux des architectes Klein Dytham à Ebisu. On ne le remarque pas toujours très facilement mais j’applique régulièrement une certaine symétrie dans l’agencement des photographies de mes billets. Sur celui-ci, je place volontairement les photographies avec une voiture sur le premier et le dernier billet, la coccinelle jaune orientée vers la droite pour signifier le début du billet et la Nissan bleue dirigée vers la gauche pour la fin de la série. L’architecture monolithique de béton en deux photographies est placée au centre et les scènes pleines de verdure viennent faire une transition avec ce béton brut. Ce bâtiment de béton est extrêmement intéressant car on a l’impression que cette masse sans ouverture est en lévitation au dessus du sol. Il s’agit en fait d’une coque de béton maintenue par des piliers au centre du bâtiment. Les murs ne touchent donc pas le sol et sont maintenus par le haut. Il s’agit de nouvelles toilettes publiques ouvertes cette année, situées à côté de la gare de Sendagaya et conçues par les architectes Makoto Tanjiri et Ai Yoshida de l’atelier Suppose Design Office.

Alors que j’appréciais beaucoup écouter les émissions radio de découverte musicale comme celle de Bernard Lenoir sur France Inter quand j’étais étudiant en France ou plus tard sur le feu podcast des Inrockuptibles dans la deuxième partie des années 2000, je n’en ai pas beaucoup écouté ces dernières années faute de connaître de bonnes émissions. On m’avait conseillé d’écouter l’émission Very Good Trip de Michka Assayas sur France Inter et je me suis mis à l’écouter assez assidûment ces derniers temps. L’émission fonctionne souvent par thème ou présente des groupes ou artistes en particulier. Je passe mon tour quand ce sont des artistes que je n’apprécie pas beaucoup (par exemple Kate Bush) mais l’émission devient un vrai plaisir quand elle permet de découvrir des artistes que je connaissais sans connaître (par exemple Dead Can Dance). J’ai beaucoup aimé les émissions rétrospectives sur John Lennon, à l’occasion des 40 ans de sa mort, car Michka Assayas évite les classiques qu’on a trop entendu et nous fait découvrir d’autres facettes moins connues de Lennon, du moins pour un néophyte comme moi. Le podcast de l’émission est même l’occasion d’écouter des morceaux d’albums que je n’aurais sinon probablement jamais écouté, comme le dernier de Paul McCartney dont certains morceaux sont étonnamment très bons (par exemple le morceau Slidin’ au tout début de l’émission). Et puis, il y a des émissions sublimes comme celle en duo avec Philippe Katerine. Je ne connais pas beaucoup la musique de Philippe Katerine, mais le personnage en lui-même est génial et son approche atypique de la musique est très intéressante, sans parler de l’humour qui remplissait l’air de rien toute l’émission. Il y a des émissions que j’ai écouté plusieurs fois car les découvertes y étaient très nombreuses, comme celle où j’ai découvert dans un même podcast, les morceaux Don’t Run and Hide de la norvégienne Ane Brun, le morceau electro On de Kelly Lee Owens sur son album Inner Song ou encore le superbe single Robber de The Weather Station. En fait, j’aime beaucoup le ton de Michka Assayas dans ses émissions. Il arrive, je trouve à transmettre sa passion musicale sans pour autant en faire trop et en restant mesuré dans ces commentaires en général très bien documentés. Il m’a aussi rappelé dans son émission du 18 Novembre que Thurston Moore avait sorti un nouvel album solo intitulé By The Fire, que je me suis dépêché de me procurer. A l’écoute du premier morceau de l’album, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un morceau de Sonic Youth, tant le son de sa guitare me semblait familier et proche des sonorités entendues chez Sonic Youth. Il y a d’ailleurs quelque chose de confortable à réentendre ce son après presque 10 ans que le groupe s’est séparé. Je ne ressentais pas ce genre de similitudes sur l’album précédent de Thurston Moore, Rock n Roll Consciousness sorti en 2017, ni sur l’album de Kim Gordon, No Home Record sorti en 2019 car il partait sur des pistes musicales très différentes de celles de Sonic Youth. Au final, après la séparation de Sonic Youth, on se retrouve avec deux artistes indépendants (Thurston et Kim) créant tous les deux d’excellents albums. Thurston donne une grande part à l’instrumental dans les compositions de By The Fire. Sur la partie instrumentale au début du troisième morceau, je m’attends toujours à entendre la voix de Kim Gordon, mais c’est bien Thurston seul qui assure les voix sur la plupart des morceaux sauf le dernier de l’album qui est purement instrumental. Les parties instrumentales jouent sur la puissance des guitares, et peuvent parfois être un peu difficiles à appréhender dès la première écoute, notamment le sixième morceau Locomotives. Thurston vit à Londres depuis quelques années, et est entouré par l’anglaise Debbie Gouge de My Bloody Valentine à la guitare basse et par Steve Shelley, rescapé de Sonic Youth, à la batterie. Steve Shelley joue aussi le rôle d’archiviste des oeuvres de Sonic Youth, qui sont ajoutées petit à petit sur le compte Bandcamp du groupe, notamment de nombreux live et la collection des SYR (dont le 9ème pour la bande originale du film ‘Simon Werner a disparu’ dont je parlais dans un billet précédent). By The Fire s’écoute d’un bloc. On y trouve de nombreuses accroches qui m’y font revenir très régulièrement ces dernières semaines.