hey, must be a devil between us

Lorsque je n’ai pas d’idée particulière sur un endroit où aller, je marche de Shibuya à Shinjuku le long de la longue avenue Meiji. Je me perds volontairement en chemin en bifurquant soudainement vers d’autres rues plus étroites lorsque l’envie se fait sentir. Shinjuku est un centre qui m’attire, sans que je sache vraiment pourquoi. En chemin, j’y trouve à chaque fois des choses qui viennent intéresser mon regard: un sac qui interpelle les passants et me donne l’idée du titre du billet tiré de paroles d’un morceau des Pixies, des plantes qui envahissent tranquillement un building de béton, un motocycliste qui attend qu’on le regarde et qu’on le prenne en photo, ce que je fais bien sûr car je suis bon public (il me semble d’ailleurs avoir déjà vu cette moto il y a quelques mois à Yoyogi), une figure de manga posée sur le mur d’une galerie, un avion survolant la ville après 3h de l’après-midi et disparaissant rapidement derrière les nuages du typhon qui approche, un recoin près de la gare de Yoyogi voulant ressembler au métro new-yorkais. Je me demande si je regarde mieux depuis que je prends des photographies. Est ce que tous ces détails urbains passeraient inaperçus à mon regard si je n’étais pas continuellement à l’affut? Une chose est sûr, je ne m’ennuis jamais lorsque je parcours ces rues, même la longue avenue Meiji entre Shibuya et Shinjuku que je connais pourtant très bien.

La newsletter musicale de Patrick Saint-Michel me fait découvrir la compositrice et interprète Miyuna (みゆな) dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à maintenant. Et c’est une bien belle découverte! Son premier album intitulé Guidance (ガイダンス), sorti le 24 Août 2022, occupe beaucoup mon temps musical ces dernières semaines. En fait, dans la courte présentation de l’album sur sa newsletter, Patrick mentionnait l’influence qu’avait Sheena Ringo sur des jeunes artistes comme Ado et notait que cette influence se ressentait également sur cet album de Miyuna. Il ne m’en a pas fallu beaucoup plus pour jeter une oreille attentive à la musique de Miyuna. A vrai dire, je ne trouve pas de ressemblance directe entre Miyuna et Sheena Ringo, car leurs voix sont différentes, mais j’y ressens une aspiration similaire dans les nuances vocales et dans la densité et la complexité de la partition musicale. Certaines sonorités de voix et quelques accords par-ci par-là me rappellent bien Sheena Ringo, mais ça reste à mon avis plutôt discret. Miyuna a un atout de taille, celui de sa voix qui lui permet de faire varier rapidement les émotions qu’elle transmet, un peu comme Sheena Ringo pourrait le faire. Le premier morceau de l’album, Maisou (埋葬), en est un très bon exemple. J’ai découvert Miyuna par ce morceau, à la vidéo pour le moins particulière (il ne faut pas se laisser distraire par le zombie qui perd sans cesse son œil). Ce morceau alterne les ambiances rock et d’autres plus pop, que je qualifierais de post-vocaloid. Il n’y a pas de ressemblance avec la musique de Yoasobi mais la petite trame musicale pop traversant le morceau me fait penser à cette ambiance là. La composition musicale est très dynamique et changeante, et on s’accroche aux variations et à la passion transmise par sa voix. Maisou compte parmi les meilleurs morceaux que j’ai pu entendre pour l’instant cette année. Et ce morceau se conjugue bien avec le suivant, Giyōshi (凝視). Miyuna n’hésite pas à déstructurer ses morceaux, entrecoupés ici par des phrases parlées, et à mélanger les influences. Bien qu’un peu court, Giyōshi compte aussi dans les meilleurs morceaux de l’album. Sans passer en revue la totalité des titres de l’album, je dirais que même les morceaux apparemment plus classiques, ont ce petit quelque chose dans la composition qui nous donne envie d’y revenir. Le quatrième morceau Chōdai (頂戴) prend une ambiance electro pop très différente du reste de l’album. Miyuna utilise l’autotune pour sa voix sur ce morceau, ce que certains lui reprochent car sa voix n’en a pas besoin, mais cela reste assez léger. A vrai dire, je n’ai pas d’avis à priori négatif sur l’autotune s’il reste mesuré et je trouve que c’est à chaque fois une critique facile qu’on peut faire à un artiste dès qu’il ou elle utilise cet effet. Un morceau comme le neuvième intitulé Kyōai (狂愛) me fait un peu penser à des compositions que Sheena Ringo pourrait écrire, mais j’ai du mal à m’en convaincre complètement. Ce type de morceaux, tout comme le suivant Kanku (甘苦), m’a convaincu de sa capacité à créer des ambiances qui lui sont personnelles même si elles sont basées sur des elements musicaux qu’on a déjà pu entendre ailleurs. Elle arrive superbement à lier ces ambiances disparates pour créer un objet musical accrocheur. Et Miyuna n’a que 20 ans! Ses premiers morceaux sont sortis en 2018 alors qu’elle n’avait que 16 ans. Elle a l’avenir devant elle et je suis certain qu’elle fera parler d’elle. Espérons qu’elle conserve cette tension rock particulière et qu’elle n’adoucisse pas trop sa musique. Elle le fait déjà sur certains des morceaux de son album, mais ces morceaux là dans le style ballade apportent des moments d’apaisement à l’ensemble. La playlist de Guidance m’a tout de suite sauté aux yeux car tous les titres ont la même longueur, composées de deux kanji seulement. Ce petit détail est à mon avis très ringo-esque. Il faut noter également que Miyuna est originaire du Kyushu, comme son aînée, mais elle est par contre née à Miyazaki.

oublier les cerisiers (4)

Les cerisiers en fleurs sont ici ceux du parc Tako à Ebisu et de l’avenue Meiji au niveau du passage surélevé pour piétons de Shibuyabashi. Je prends en photo tous les ans les cerisiers en fleurs de l’avenue Meiji, car c’est un des plus bels endroits de Tokyo. Ils sont particulièrement denses entre Shibuyabashi et Tengenjibashi, et formeraient presque un tunnel si on étirait les branches un peu de chaque côté. Les autres photos de ce billet s’éloignent des sakura, car il faut bien les oublier progressivement, et s’attardent sur ce qui attire mon regard dans les rues encombrées de Shibuya et d’Ebisu: une mosaïque de l’artiste Invader, une affiche d’une statue de Bouddha pour une exposition dédiée à Nara, une moto Kawasaki vintage en rouge et noir, un magasin de disques vinyles appelé Ultra Shibuya avec une enseigne rétro-futuriste en néon et une affiche du groupe Kinoko Hotel (que je n’ai pas encore écouté mais qui m’intrigue depuis quelques temps) posée sur la baie vitrée. J’observe également beaucoup l’évolution des graffitis de rue, et j’aperçois récemment ceux du groupe appelé « Tokyo Zombie Crew« , qui me rappellent un peu le « Tokyo is yours » qu’on a aussi beaucoup vu dans les rues de Tokyo. On ne trouve bien entendu que peu d’informations sur ces grapheurs même si certains sites web essaient de les répertorier.

movement through immobility

L’irrégularité des cerisiers placés le long de la grande avenue Meiji entre Shibuyabashi et Tengenjibashi me fait penser à une longue vague immobile. Les cerisiers ont tous des tailles et des intensités de branchages et de floraison différentes. À certains endroits, des tunnels se forment sur les trottoirs. L’avenue est cependant trop large pour former un tunnel continu sur la route, comme ça peut être le cas pour la petite rue sakurazaka entourant Roppongi Hills par exemple. C’est très agréable de marcher le long de l’avenue Meiji mais je préfère y conduire. On a tendance à rouler plus doucement pour en profiter au maximum. L’architecte Mark Dytham qui a ses bureaux à Ebisu à proximité de l’avenue Meiji nous montrait d’ailleurs en vidéo sur son compte Instagram le déroulement des sakura lorsque l’on passe dessous en voiture. Les dernière et avant dernière photographies s’éloignent un peu des cerisiers bien que nous sommes toujours ici à Ebisu. L’avant-dernière photo montre une vieille baraque que j’aime souvent prendre en photo pour les jets de plantes qui l’accompagnent. Je pense que le contraste des couleurs m’attire, le vert dense de cette végétation par rapport à l’aspect grisâtre du mur et du muret. Cette vieille maison se trouve à côté de la librairie et galerie NADiff a/p/a/r/t. J’y passe régulièrement mais elle est en général à chaque fois fermée à mon passage. Il faudra que j’y revienne pour voir l’exposition Before 1968 DAIDO MORIYAMA’s works from magazines qui démarre le 15 Avril.

Tokyo Jihen est décidément très actif depuis leur réformation en Janvier 2020, et je ne vais pas m’en plaindre. Le nouveau morceau intitulé Ryokushu (緑酒), sous-titré Awakening vient de sortir le 30 Mars 2021. Le morceau s’engage d’emblée vers le terrain de la pop, ce qui m’avait un peu déconcerté au début surtout pour le final à plusieurs voix qui me rappelle un peu ce qu’on pourrait entendre chez Queen (que je n’aime pas beaucoup). Le morceau ressemble à un mélange de morceaux existants de Tokyo Jihen, c’est à dire qu’il nous semble familier sous de nombreux aspects. Mais après plusieurs écoutes, il finit par complètement m’accrocher notamment pour sa construction musicale qui ne suit pas des formats traditionnels. Izawa Ichiyō compose ce morceau, comme c’est le cas pour la plupart des morceaux récents, et j’imagine assez bien ce morceau s’intégrer avec les autres déjà sortis pour construire le futur album, dont on ne sait d’ailleurs toujours pas la date de sortie. Comme Tokyo Jihen a annoncé un autre nouveau morceau cet été, composé par Kameda Seiji cette fois-ci, j’imagine que le groupe sortira le nouvel album après l’été. Et j’espère qu’ils annonceront une nouvelle tournée dans la foulée. J’ai toujours le regret de ne pas avoir été au concert de la tournée News Flash l’année dernière, mais j’ai réservé au Tower Records de Shibuya le Blu-Ray 『2O2O.7.24閏vision特番ニュースフラッシュ』 qui sortira dans deux semaines le 14 Avril 2021. Pour revenir au morceau Ryokushu, Sheena Ringo écrit bien entendu les paroles et interprète seule à part le final groupé. En fait, c’est la complexité et la diversité de son chant qui m’attire à chaque fois, et c’est aussi le cas sur Ryokushu. J’ai maintenant assez hâte de voir comment ce morceau s’intégrera dans le futur album, qui s’annonce excellent vu les morceaux déjà sortis en single.

distorted normality (3)

J’aime de temps en temps faire des billets photographiques instrumentaux, c’est à dire sans textes, mais y écrire quelques paroles me démange rapidement. Je ne prends pas souvent de photos la nuit car je ne veux pas m’encombrer d’un trépied pour appareil photo pour m’assurer de prendre des photos correctes. Je préfère souvent le mouvement en faisant danser les lumières devant mon objectif. On pourrait croire que les photos sont prises de manière complètement aléatoire mais il y a tout de même un peu de préparation et de sélection dans les motifs que je souhaite montrer. Enfin, il y en a juste un peu, car l’intérêt de ce genre de photographies est de se laisser surprendre par le résultat. Je cherche avant tout à mélanger les lumières et les couleurs, en jouant sur le mouvement. L’effet résultant peut être plutôt réussi (première photo) ou moins (dernière photo), mais comme toujours dans mes billets, chaque photographie s’inscrit dans un ensemble et perd beaucoup de son interêt lorsqu’elle est mise à l’écart.

La musique d’Aya Gloomy est à la fois très étrange et fascinante. Je l’ai découverte il y a un peu plus de deux ans sur son premier album Riku no Kotō (陸の孤島) puis sur le EP Kanjiru (感じる ) l’année suivante. Je réécoute régulièrement quelques morceaux de ces album et EP notamment Tomedonaku Afureru (とめどなくあふれる) et Kanjiru. Elle a sorti un nouveau single en Décembre 2020 intitulé Micro Creature puis plus récemment en Mars 2021, un nouveau morceau intitulé Start Again, en prévision de son deuxième album qui sortira fin Avril 2021. J’aime vraiment beaucoup ces deux morceaux. Sur Micro Creature, elle ressemble à une extraterrestre de l’époque des années 70 débarquée par erreur sur terre, dans la campagne japonaise la plus reculée. Elle change souvent de couleur de cheveux et est souvent accompagnée par une collection de smiley qui envahissent sa chambre. Elle conserve sur ces deux nouveaux morceaux sa manière de chanter très particulière sur une composition électronique toute aussi étrange que les paroles. L’ensemble est à la fois accrocheur et décalé. Ces deux morceaux me replongent soudainement dans l’univers de ses premiers morceaux, un univers très personnel qui ne ressemble à rien d’autre que je connaisse. Je pense qu’elle mériterait d’être plus reconnue. Je suis assez impatient de pouvoir écouter son futur nouvel album.