a bustling life between empty spaces

Dans les centres urbains à la nuit tombée, les faisceaux électriques de lumière s’assimilent à des réseaux de neurones interconnectant les êtres de manière indécelable. Ces réseaux se construisent au gré des flux et se font plus denses et complexes dans les zones névralgiques de la ville. Ils sont pourtant fragiles et incertains, se brisant aux moindres passages humains venant interrompre ces flux, puis se recomposant ensuite inlassablement. Et au milieu de ce brassage, se crée une nouvelle vie dense et imprévisible, mais qui se construit progressivement et s’organise pour bientôt devenir indispensable.

Ces réseaux de neurones ici imaginaires me viennent en tête en regardant ces quelques photographies alors que je me dirige vers Setagaya pour une exposition dédiée au mangaka Masamune Shirow (士郎正宗). Je n’ai pas particulièrement l’habitude de me précipiter aux jours d’ouverture de nouvelles expositions mais c’est pourtant ce que j’ai fait pour celle dédiée au mangaka Masamune Shirow au Setagaya Literary Museum. L’exposition intitulée ‘The Exhibition of The World of Shirow Masamune -“The Ghost in the Shell” and The Path of Creation-’ (士郎正宗の世界展〜「攻殻機動隊」と創造の軌跡〜) est une grande rétrospective de son œuvre, en collaboration avec Parco et l’éditeur Kodansha. J’y suis donc allé le Samedi 12 Avril 2025 pour l’ouverture. L’exposition est en cours jusqu’au Dimanche 17 Août 2025 et vaut très clairement la visite pour les amateurs du monde de Masamune Shirow.

Les portes automatiques du musée de Setagaya nous accueillent par un message (やってやろうじゃないの!) du major Motoko Kusanagi (草薙素子), l’héroïne principale de Ghost in the Shell, humaine cybernétique équipée d’un corps entièrement artificiel. Elle nous invite à ne pas jouer aux pleutres et à s’engager avec elle, certainement dans une nouvelle mission de lutte contre la cybercriminalité au côté de la Section 9 de la Sécurité Publique (公安9課) qu’elle commande brillamment. J’ai hésité à entrer car cette mission ne me semble pas être de tout repos. Je me suis tout de même ravisé car je ne suis quand même pas venu jusqu’ici pour rien, ayant un billet pour l’exposition réservé à l’avance. Ces portes automatiques sont en tout cas une bonne entrée en matière, et nous étions plusieurs à attendre qu’elles se referment pour pouvoir prendre une photo. J’avais donc déjà ma réservation en poche pour la visite. Les visites ne se font en fait que par réservation préalable à une heure prédéfinie, ce qui évite l’attente et une congestion trop importante dans les salles du musée. J’imagine que nombreux étaient ceux qui attendaient une exposition rétrospective de l’oeuvre de Masamune Shirow. J’en faisais partie et même si je n’ai jamais formulé cette attente dans mon esprit, elle était bien là enfouie dans mon subconscient.

Mon intérêt pour l’oeuvre de Masamune Shirow remonte à l’année 1994 avec la première publication française du manga Appleseed chez Glenat en Juin 1994, suivie quelques mois plus tard par Orion en Septembre 1994. Ghost in the Shell est sorti quelques temps après et en parallèle, les manga Black Magic M66 et Dominion Tank Police sont sortis chez Tonkam en 1994 et 1995 respectivement. J’ai été tout de suite admiratif et fasciné par les univers cyberpunk créés par Shirow, avec des détails impensables que ça soit graphiquement ou dans les textes, où pratiquement chaque page est annoté de détails techniques ou scientifiques. Shirow nous donne vraiment l’impression que les mondes qu’il crée existe vraiment et qu’il en est revenu pour nous les expliquer en détails. Il y a bien sûr la beauté des dessins, que ça soit les figures féminines fortes parfois mi-humaines comme Motoko Kusanagi dans Ghost in the Shell, Dunan Knut dans Appleseed, ou encore Seska dans Orion, mais également la beauté graphique des mécha cyborgs, des robots Tachikoma supportant les troupes d’élites anti-terroristes, des véhicules futuristes évoluant dans des villes imaginaires denses et grandioses. Dans ma collection de Masamune Shirow, restée en France, il y a également le superbe art book Intron Depot 1 que j’ai maintes fois parcouru des yeux comme une œuvre d’art. Il y a beaucoup de choses pour nourrir l’imaginaire dans les univers créés par Masamune Shirow, et parfois même trop car il n’est pas rare de se perdre dans les intrigues politiques et les notes explicatives compliquées. L’important est de se laisser imprégner par ces personnages et ces mondes, et le voyage en sera tout autant déroutant que fascinant. Je n’ai pas lu beaucoup de manga pendant mon adolescence mais ceux de Masamune Shirow comptent parmi les tous meilleurs. Ils sont même inclassables. A part quelques suites à Ghost in the Shell, Shirow a publié ses œuvres importantes avant l’an 2000, ce qui fait que j’ai lu tous ses manga alors que j’étais en France à la toute fin de mon adolescence. Masamune Shirow est apparemment toujours actif mais il s’est dirigé vers des illustrations hentai qui sont beaucoup moins recommandables. L’exposition ne couvre pas cette partie cachée de son œuvre et ne couvre pas non plus les films d’animation pour se concentrer sur les manga avec pour œuvre centrale Ghost in the Shell. Le film d’animation Ghost in the Shell réalisé par Mamoru Oshii (押井守) sorti en 1995 et sa suite Innocence sortie en 2004 sont des belles œuvres fidèles à l’univers de Masamune Shirow, mais j’avais tout de même été assez déçu à l’époque par le design des personnages, notamment de Motoko Kusanagi, qui perdait complètement le charme du manga original. Mais l’ambiance était là, notamment grâce à la bande sonore mystique fabuleuse composée par Kenji Kawaii (川井憲次). L’exposition présente d’ailleurs très brièvement une prochaine série d’animation Ghost in the Shell qui sortira en 2026 et sera réalisé par Mokochan (モコちゃん) du studio Science Saru (サイエンスSARU). Il a la particularité d’être visuellement très fidèle au design original des personnages de Masamune Shirow, ce qui est très enthousiasmant. Reste à voir comment Science Saru arrivera à retranscrire l’ambiance si particulière de l’univers de Shirow. La difficulté est de réussir en images un mélange subtil, celui d’un monde futuriste à la précision chirurgicale, d’une approche quasiment mystique de la cybernétique et des réseaux numériques, tout en maintenant un certain esprit loufoque qui manquait dans la reinterpretation de Mamoru Oshii.

L’exposition donne une grande part à Ghost in the Shell mais présente également de manière extensive Appleseed et Dominion. Appleseed a une place particulière dans mon cœur, car c’est le premier manga que j’ai lu de Masamune Shirow. Je me suis souvent demandé si mon intérêt actuel pour l’architecture moderne ne datait pas de cette époque. Les pages du manga nous montrant la cité artificielle et utopique d’Olympus située dans l’océan Atlantique ont pour sûr eu un impact important sur mon imaginaire. Les formes architecturales y sont belles et intriquées avec toujours ce sens du détail tout à fait étonnant, que j’aimais découvrir à travers les yeux de Dunan, Briareos et Hitomi. Orion n’est malheureusement pas beaucoup couvert dans l’exposition, peut-être parce qu’il s’agit d’une œuvre un peu à part dans son univers. Orion m’a fait découvrir, au delà du manga, une partie des mondes mythologiques japonais, avec notamment l’impétueux Susano. Dès qu’on entre dans la grande salle d’exposition, on est envahi par les images. Une frise nous donne d’abord un historique des manga et art books publiés par Masamune Shirow, puis on entre ensuite rapidement dans le vif du sujet. L’exposition montre un très grand nombre de croquis et planches originales annotées, réunies par manga. Des versions d’illustrations grand format sont également affichées sur les murs pour nous imprégner complètement de l’ambiance. Je connais la grande majorité des illustrations, certaines étant tirées d’Intron Depot et beaucoup d’autres des manga respectifs, mais les voir sur papiers manga avant impression est très intéressant. Une section de l’exposition nous montre également certains magazines scientifiques que le mangaka utilisait pour ses recherches. On imagine tout à fait toute la « folie » créatrice qui peut passer dans le réseau de neurones de l’auteur.

Une partie de l’exposition montre un projet collaboratif réunissant quelques autres mangaka de renom, rendant hommage à Masamune Shirow. Parmi les illustrations présentées, on trouve une magnifique ré-interprétation par le studio CLAMP du personnage de Seska d’Orion chevauchant un tachikoma de Ghost in the Shell (ci-dessus à gauche). C’est une très bonne surprise de voir le studio CLAMP, que j’aime également beaucoup, s’amuser avec le monde de Shirow. L’autre surprise était de voir une version illustrée plutôt abstraite de Ghost in the Shell (ci-dessus à droite) par Tsutomu Nihei, créateur du manga BLAME! qui est également une œuvre forte et unique. Ces deux illustrations m’ont fait penser que les grands esprits se sont rencontrés sur ces images. Je note également une illustration composite du graphiste Kosuke Kawamura, qui s’était déjà attaqué d’une manière assez similaire au monde d’Akira de Katsuhiro Ōtomo en illustrant brillamment les murs temporaires entourant la construction du Department Store PARCO à Shibuya. Parmi les autres invités, on trouve également l’artiste manga Oh! great, les réalisateurs Hiroyuki Kitakubo et Kazuto Nakazawa, ainsi que les illustrateurs Ilya Kuvshinov, Yu Nagaba et le photographe Jiro Konami.

La dernière section de l’exposition montre des illustrations de Masamune Shirow, n’étant pas directement ou vaguement tirées de manga. Il y a notamment une série de trois illustrations montrant un personnage ressemblant à priori à Motoko Kusanagi. Une de ces illustrations la montre allongée sur une structure métallique un peu bizarre et monstrueuse (ci-dessus à droite). J’avais cette illustration en poster grand format dans ma chambre pendant de nombreuses années. En y repensant maintenant, je n’avais apparemment pas été très dérangé par la position très suggestive de cette illustration, certainement parce que je savais que ce personnage était construit d’un corps cybernétique. Une très belle illustration regroupant plusieurs personnages du monde de Shirow (ci-dessus à gauche) termine notre visite. Cette exposition est bien remplie par rapport à la taille de la grande galerie du musée, qui est relativement restreinte quand on la compare à l’espace dédié à CLAMP au musée NACT que j’avais visité l’année dernière. Il m’aura fallu environ 45 minutes pour en faire un tour complet. La galerie se trouve à l’étage et il faut descendre au rez-de-chaussée pour accéder à la boutique dédiée à l’exposition. Je me doutais bien que les articles liés à Ghost in the Shell et au monde de Masamune Shirow seraient très prisés, mais pas à ce point là. On peut entrer assez rapidement dans la boutique. Les articles y sont nombreux, plus d’une vingtaine de t-shirts, plusieurs livres dont celui de l’exposition et divers objets qu’on aurait du mal à compter. Je saisis au passage le bouquin de l’exposition et un t-shirt tiré d’une illustration de Ghost in the Shell montrant Motoko Kusanagi montée sur un tachikoma. Le livre de l’exposition de 190 pages est très complet mais ne contient malheureusement pas les illustrations collaboratives mentionnées ci-dessus. Il n’en reste pas moins indispensable. La mauvaise surprise était ensuite la file d’attente pour payer ses achats. J’avais bien remarqué la longue file qui faisait le tour du rez-de-chaussée du musée comme un serpent, mais je ne me doutais pas que plus d’1 heure 30 minutes d’attente serait nécessaire avant de passer à la caisse. On passe finalement plus de temps dans la file d’attente de la boutique que dans la galerie du musée. C’est la deuxième fois que je viens voir une exposition au Setagaya Literary Museum. La première fois était l’année dernière pour une autre très belle exposition, celle dédiée à Junji Itō. Je me souviens que la file d’attente pour les goods était impressionnante et je ne m’y étais pas engagé. En y pensant maintenant, j’ai l’impression qu’il y a beaucoup d’exposition majeures dédiées au manga ces derniers temps, mais je ne suis pas sûr que ça soit un phénomène récent. C’est en tout cas une très bonne chose que le manga soit pleinement considéré comme un art montrable dans des musées et galeries d’art, et pas seulement comme un divertissement.

この世に偶然なんてない、あるのは必然だけ

Le collectif de mangaka CLAMP (クランプ) évoque pour moi mes années d’adolescence en France pendant lesquelles je lisais régulièrement les mangas sortis à l’époque en traduction française aux éditions Tonkam, entre autres. Je n’ai pas tous les volumes, mais je me souviens très bien avoir été impressionné par les premiers mangas de CLAMP distribués en France, à savoir RG Veda et Tokyo Babylon. En plus des mangas, je m’étais également procuré des superbes art books de ces deux séries, qui comptent parmi les quelques petits trésors que je possède. Il y a celui intitulé Hiten Muma (非天夢魔) sorti en Juin 1991 lié à la série d’heroic fantasy RG Veda et Tokyo Babylon Photographs sorti en Avril 1996 lié comme son nom l’indique à la série Tokyo Babylon.

CLAMP est un collectif féminin se composant de quatre mangaka, à savoir Nanase Ōkawa (大川七瀬), scénariste et représentante du groupe, Mokona Apapa (あぱぱもこな), dessinatrice principale sur la plupart des séries, Tsubaki Nekoi (猫井椿), autre dessinatrice du groupe et Satsuki Igarashi (いがらし寒月), en charge des trames et du design des livres reliés. Les illustrations de Mokona sont absolument fascinantes, dans leurs détails et la délicate beauté des silhouettes fines et élancées des protagonistes qu’ils soient masculins ou féminins. Il faut rappeler que les mangas de CLAMP, comme RG Veda ou Tokyo Babylon, sont des shōjo manga, c’est à dire des mangas pour les filles, ce qui se remarque notamment dans l’aspect androgyne des personnages masculins. Cette distinction de genre n’a de toute façon que peu d’importance pour moi, tant que la qualité est au rendez-vous. Je n’ai pas vraiment suivi ensuite les nouvelles productions de CLAMP mais les séries que je connais m’ont laissé un souvenir indélébile. L’annonce d’une grande exposition de CLAMP au National Art Center Tokyo (NACT) m’a tout de suite donné envie de replonger de l’ambiance si distinctive de CLAMP. L’exposition a lieu du Samedi 3 Juillet jusqu’au Lundi 23 Septembre 2024, et l’envie irrésistible m’a pris d’essayer d’y aller dès le premier jour. Je me doutais bien qu’il y aurait foule le premier Samedi. J’y suis quand même allé mais un peu tard, vers 15h, et les places pour la journée étaient bien entendu déjà toutes vendues. J’ai donc fait un premier déplacement pour rien et comme pour me punir de ce manque de préparation évident, un très fort orage inattendu m’attendait sur le chemin du retour.

Je n’ai pas résisté à l’envie d’y retourner le lendemain en arrivant une dizaine de minutes avant l’heure d’ouverture à 10h. Je n’ai rencontré aucun problème pour acheter un billet, mais la longue file d’attente zigzaguant à l’intérieur du grand espace ouvert du hall du musée était particulièrement impressionnante. Il aura fallu environ une heure et demi d’attente avant de pouvoir pénétrer dans les salles de l’exposition. Cette attente me laisse assez de temps pour écrire le texte d’un billet de blog sur mon iPhone et observer la foule qui comprend à priori beaucoup d’Otaku qui doivent connaître par cœur les œuvres de CLAMP. Les tenues vestimentaires réfléchies de certaines et certains me laissent penser cela, mais les plus hardcores des Otaku sont peut-être tout simplement des gens comme moi. Les entrées dans les salles d’exposition étaient bien entendu régulées. C’est un mal pour un bien car on ne se marchait pas sur les pieds, bien qu’il y avait quand même un peu trop de monde pour apprécier de manière optimale les œuvres graphiques de CLAMP. L’exposition était très étendue, composée de plusieurs grandes salles déclinant cinq thèmes principaux reprenant les lettres du nom du collectif, à savoir « C » pour COLOR, « L » pour LOVE, « A » pour ADVENTURE, « M » pour MAGIC et finalement »P » pour PHRASE. La première section était ma préférée car elle couvrait RG VEDA et Tokyo Babylon, entre autres, avec des séries d’illustrations en couleur que je connaissais déjà pour la plupart, pour les avoir admiré de très nombreuses fois dans mes deux art books de CLAMP. Revoir ces illustrations en grand format permet d’apprécier tout la finesse du trait et le génie graphique de Mokona Apapa. Je les ai admiré avec une émotion certaine. On ne peut pas prendre de photos dans la section couleur de l’exposition qui se limite en fait à cette première salle. Les autres salles couvrent les nombreuses autres séries du collectif, dont certaines m’étaient complètement inconnues.

Revoir le look 80s très coloré de Tokyo Babylon m’a rappelé l’album Tokyo Babylon Image Soundtrack 2 (東京バビロンサウンドトラック2) sorti en 1994 que j’avais acheté quelques années après, dans un petit magasin de jeux vidéo de Nantes qui vendait des jeux en import japonais et qui avait étendu son offre aux manga et autres produits dérivés. J’avais acheté ce CD sans connaître les artistes qui y chantaient et j’avais été plutôt déstabilisé car mon champ musical à l’époque se limitait aux rock alternatif américain et au naissant Trip-Hop anglais. Il m’a fallu beaucoup de temps pour apprécier cet album, même si quelques morceaux se sont tout de suite imposés pour moi comme des classiques dont j’ai déjà plusieurs fois parlé sur ce blog: MOON de REBECCA, Blue Desert de Zelda et Solid Gold de Masahiro Takashima (髙嶋政宏). On y trouve des morceaux de groupes ou d’artistes très connus au Japon, que je connaissais pas à cette époque comme Chara et The Boom, mais je me souviens avoir eu beaucoup de mal à les apprécier. Cet album que j’ai dû écouter en 1996, au moment de la sortie du manga Tokyo Babylon chez Tonkam en France, m’a pourtant beaucoup marqué, très certainement car c’était en fait ma première découverte de la musique pop japonaise. Je réécoute cet album régulièrement avec le souvenir de cette époque là en tête. Après l’exposition, j’ai eu envie de me plonger dans le premier épisode de la bande originale de cette série, à savoir l’album Tokyo Babylon Image Soundtrack 1 (東京バビロンサウンドトラック1) sorti en 1992. Comme sur le deuxième épisode, le son est très marqué par la fin des années 80. On y retrouve REBECCA, Chara et un certain nombre de morceaux de groupes qui me sont absolument inconnus mélangeant musique électronique techno et rap (Subsonic Factor, More Deep). L’instrumentalisation est forcément assez datée (genre KLF sur le morceau 2 B in Love de Subsonic Factor), mais très imaginative et écouter cet album m’enthousiasme complètement. Ryuichi Sakamoto y apporte également un court morceau instrumental très atmosphérique au piano. Il y a quelques morceaux qui me plaisent énormément comme Sayonara, So Long de D-Project Nobody (Nobody beats me in the Night Club) de More Deep et Visions of Boys de Hideaki Matsuoka (松岡 英明) qui signera également plusieurs morceaux sur l’album Soundtrack 2. Je suis de toute façon dans une petite période estivale tournée vers les années 80, car je réécoute aussi beaucoup en ce moment Rhythm Nation 1814 de Janet Jackson.

Pour revenir à l’exposition de CLAMP au NACT, j’y découvre en images de nombreuses séries que je ne connaissais pas. Je n’ai jamais lu X mais ce manga fait partie des séries les plus emblématiques du collectif. Je découvre une série intitulée xxxHOLIC (ホリック), publiée au Japon au début des années 2000, qui m’intéresse tout de suite beaucoup visuellement. Ce manga suit le lycéen Kimihiro Watanuki (四月一日君尋) qui a l’étrange capacité de voir les esprits, qu’il semble attiré mais qui le harcèlent et dont il voudrait se débarrasser. L’histoire démarre alors qu’il est attiré dans l’étrange boutique de la sorcière Yūko Ichihara (壱原侑子), qui serait en mesure de le libérer de cet encombrant don. Elle est en mesure d’exaucer les vœux des gens qui viennent dans sa boutique mais à un prix proportionnel à ce qui est demandé. En échange de cette libération des esprits, Watanuki sera amené à aider la mystérieuse sorcière en travaillant dans sa boutique avec ses deux oisives assistantes Maru et Moro (マルダシ & モロダシ). On imagine les nombreuses histoires de chasse aux esprits qui découlent de cette nouvelle collaboration entre Watanuki (qui peut se transcrire en 1er Avril en kanji) et la sorcière Yūko. Le xxx du titre xxxHOLIC fait en fait référence aux nombreux mots en « holic » (alcoholic, workaholic…) faisant référence aux maux de ce monde, et des clients qui viennent cette boutique. L’exposition montre de très nombreuses planches de travail du manga en noir et blanc, et le style très travaillé et mystérieux du personnage de Yūko Ichihara, notamment sa chevelure, me plait tout de suite beaucoup. Cette série assez occulte évoque beaucoup les notions de destin, que rien n’est coïncidence et que tout est en fait inévitable. Cette notion d’inévitable « Hitsuzen » (必然) revient souvent dans l’histoire. Ce sujet de coïncidence et de conditionnement est un sujet qui m’intéresse beaucoup depuis longtemps et dont on parlait justement (coïncidence?) récemment dans les commentaires de mon billet sur le concert de DAOKO au sujet de sa robe dans l’émission télévisée With Music avec Sheena Ringo.

En faisant une recherche sur CLAMP sur Netflix après être revenu de l’exposition, je découvre qu’un film a en fait été réalisé sur l’univers de xxxHOLIC par la la réalisatrice Mika Ninagawa (蜷川実花), dont j’ai parlé plusieurs fois ici, notamment pour son film Sakuran dont les musiques sont composées par Sheena Ringo. J’aime beaucoup cette artiste, photographe et réalisatrice, mais il faut croire que je suis loin de connaître toute sa filmographie qui n’est pourtant pas très étendue. Le film xxxHOLIC sorti en 2022 est en fait le plus récent de ses six réalisations, en comptant la série FOLLOWERS (フォロワーズ) avec Miki Nakatani (中谷美紀) et Elaiza Ikeda (池田エライザ), dont je parlais justement il y a peu. Mika Ninagawa adapte ses conceptions florales aux couleurs saturées à l’univers de xxxHOLIC et c’est visuellement superbe. Le film démarre au début du manga avec la première rencontre de Watanuki avec Yūko Ichihara puis retrace quelques histoires d’exorcisme d’esprits magnifiquement représentés par des vagues mouvantes et enveloppantes appelées Ayakashi (アヤカシ), ressemblant à des pluies noires s’inscrivant sur les visages comme des kanji ou des essaims d’abeilles noires tournoyant autour des personnes. Kō Shibasaki (柴咲コウ) joue le rôle de Yūko Ichihara, ce qui lui va vraiment très bien dans les robes superbes proches des kimonos des Oiran de Sakuran. Elle est accompagnée par l’acteur Ryūnosuke Kamiki (神木隆之介) qui joue le rôle de Kimihiro Watanuki. Riho Yoshioka (吉岡里帆) joue tout en démesure le rôle de l’être maléfique Jōrogumo assistée dans ses méfaits par le charismatique Akagumo interprété par Hayato Isomura (磯村勇斗). Parmi les autres acteurs, on trouve l’amour secret de Watanuki, Himawari Kunogi, interprétée par l’actrice et modèle Tina Tamashiro (玉城ティナ), que je connaissais pour son interprétation au chant sur le morceau Radio de Towa Tei avec Yukihiro Takahashi (高橋幸宏). Hokuto Matsumura (松村北斗) du groupe SixTones joue Shizuka Dōmeki, qui est également camarade de classe de Watanuki et vit dans un temple. Alors qu’une grande partie de l’histoire semble se passer à Tokyo, notamment à Shibuya, le temple de Shizuka Dōmeki utilise le nom et les lieux de Ryūkōji (龍口寺) près d’Enoshima. J’étais assez surpris de voir ce lieu filmé dans xxxHOLIC car il s’agit d’un temple qu’on a souvent visité et que j’ai pris plusieurs fois en photo. L’autre grande surprise du film est de voir DAOKO y jouer. Elle interprète l’assistante Maru de la sorcière Yūko Ichihara, avec l’actrice et modèle Serena Motola (モトーラ世理奈) qui joue Moro. On la voit sur la photo ci-dessus à droite avec des longs cheveux de couleur bleu clair en tresse à pompon. Elle joue un rôle secondaire mais est tout de même très présente dans le film. Là encore, s’agit il d’une coïncidence ou d’un conditionnement, mais je suis en tout cas bluffé de retrouver, de manière tout à fait imprévue dans un film, DAOKO dont je parle régulièrement ces derniers temps. Cela me semble faire écho au thème principal du manga et film sur l’inévitabilité des choses. Il n’y a pas de coïncidences dans ce monde, seulement des inévitabilités (この世に偶然なんてない、あるのは必然だけ), comme l’annonce Yūko Ichihara. Ce qui est également intéressant est qu’un esprit en forme de papillon noir relie plusieurs scènes du film. Le papillon noir est également le symbole utilisé par DAOKO pour son agence Tefu Tefu (てふてふ). Les musiques du film sont remarquables, et ce dès les premières scènes du film. Elles accompagnent très bien la beauté esthétique à la fois sombre et colorée du film. En regardant le film sur Netflix, j’ai tout d’un coup eu le pressentiment que ces musiques étaient composées par Keiichirō Shibuya (渋谷慶一郎). Cette intuition qui m’est venu tout d’un coup est particulièrement étrange car je ne connais pas sa musique, bien que son nom m’est familier depuis longtemps pour l’avoir vu évoqué sur mon fil Twitter ou ailleurs sur Internet. Après vérification, Keiichirō Shibuya a bien composé les musiques de xxxHOLIC, ce qui m’a bluffé une deuxième fois. Quelle sorte de conditionnement m’a amené à penser que Keiichirō Shibuya était le compositeur des musiques de ce film?

Après quelques recherches sur YouTube, je me rends compte que Keiichirō Shibuya a composé la musique du très beau film publicitaire Kaguya pour Gucci (avec Hikari Mitsushima, Aoi Yamada et Eita Nagayama) que j’ai déjà évoqué plusieurs fois sur Made in Tokyo. Je découvre aussi sur son canal YouTube, un très beau concert expérimental intitulé Music of the Beginning joué à l’intérieur de la fabuleuse architecture ouverte du KAIT Plaza conçu par Junya Ishigami dans l’enceinte de l’université Kanagawa Institute of Technology. J’avais visité le KAIT Plaza en Décembre 2022, et cette architecture singulière compte parmi celles qui m’ont laissé une grande impression. Cet espace a déjà été utilisé par d’autres artistes dont BiSH et Hikari Mitsushima & Daichi Miura (満島ひかり & 三浦大知). Je ne suis donc pas surpris de le voir utilisé par Keiichiro Shibuya, sauf qu’ici l’association entre cet espace expérimental et la musique imaginée par Keiichirō Shibuya est remarquable. Ce concert a été enregistré le 26 Décembre 2021 et était apparemment limité à un public très restreint éparpillé sur la place couverte du KAIT. Il se compose de 8 morceaux dont certains sont des reprises et d’autres des compositions originales de Keiichirō Shibuya. Il y joue du piano et est accompagné par la chanteuse soprano Ayako Tanaka (田中彩子), basée à Vienne, et l’artiste du son Evala. Evala conçoit les nappes électroniques enveloppant la voix très puissante, et sublime il faut bien le dire, d’Ayako Tanaka et les mélodies parfois déstructurées de Shibuya. Evala sample en fait en temps réel la voix d’Ayako Tanaka et réintrodis ce sample dans le morceau en cours d’interprétation. Cet effet d’écho est assez saisissant. Parmi les reprises, le concert démarre par Overgrown de James Blake dont j’avais découvert l’album à la même période que ce concert, en Décembre 2021, à travers une recommandation que je mentionnais dans un billet. Le morceau original de James Blake est en fait tellement changé par la voix d’opéra d’Ayako Tanaka et par les manipulations sonores de Keiichirō Shibuya et d’Evala, qu’il est difficilement reconnaissable. Dans la setlist, on trouve également le morceau Chasing Pavements d’Adele présent sur son album 19 que l’on a beaucoup écouté en voiture il y a plus de 15 ans. Certaines compostions comme The Secret Police (tiré de l’opéra Le Grand Macabre) du compositeur autrichien György Ligeti sont beaucoup plus obscures et difficiles d’accès, d’autres plus évidentes comme le Clair de lune de Claude Debussy concluant le set. L’ensemble est très beau et le voir en vidéo apporte beaucoup à l’atmosphère particulière qui s’en dégage. Les tenues aux apparence futuristes d’Ayako Tanaka et des musiciens s’ajoutant au froid hivernal apparent des lieux et cette couleur bleutée contribuent à cette ambiance conceptuellement magnifique.

L’exposition de CLAMP me fait dériver vers de multiples choses. Elle se conclut sur une boutique dans laquelle il est seulement autorisé de rester 30 minutes. On y vend beaucoup de choses très certainement à la fois inutiles et indispensables. Je choisis trois cartes postales des univers qui m’ont le plus marqué. De gauche à droite, RG Veda, Tokyo Babylon et xxxHOLIC. Je trouve le graphisme influencé par l’art déco sur l’illustration de xxxHOLIC particulièrement réussi. Les deux illustrations de RG Veda et Tokyo Babylon me sont déjà connus car elles sont toutes les deux présentes dans les deux art books que je montre ci-dessus. Je me procure également un classeur de taille A4 reprenant le graphisme du flyer de l’exposition. Ce genre de classeur plastifié me permet de conserver les flyers de chacune des expositions que je vais voir, et ce depuis 2003. J’en suis maintenant au troisième classeur et il m’arrive parfois de garder des flyers de quelques expositions que j’ai malheureusement manqué. Le flyer aux illustrations débordant de l’alphabet du nom du collectif CLAMP a été conçu spécialement pour cette exposition. Je le trouve très réussi car il montre toute la richesse de l’univers de CLAMP, qu’il me faudra moi-même découvrir un peu plus.

長崎98

J’ai mis pour la première fois les pieds au Japon en 1998. C’était dans le Kyūshū à Fukuoka, pour ensuite passer un mois en Juillet dans une famille japonaise à Nagasaki, dans le cadre d’un séjour linguistique pour étudiants en japonais. A cette époque, j’étais étudiant en cycle d’ingénieur à Angers. Deux années avant ce voyage initiatique au Japon, je m’étais décidé à commencer l’apprentissage du japonais, en cours du soir dans l’université de langues juste à côté de mon école. Nous étions environ une trentaine dans la classe, principalement des filles et deux garçons dont moi. Si mes souvenirs sont bons, les cours avaient lieu deux fois par semaine et je ne les manquais absolument jamais. Je n’ai pas de raisons toutes faites qui expliqueraient clairement cet intérêt pour le Japon et sa culture, mais une chose est sûre, il n’était pas soudain et s’est construit petit à petit au fur et à mesure des années, depuis l’enfance.

J’ai été certes nourri d’animation japonaise à la télévision depuis mon enfance, comme beaucoup ou peut être même la totalité des enfants de mon âge. Les jeux vidéo que je découvrais un peu plus tard étaient aussi une porte d’entrée vers la découverte du Japon. Je dévorais à cette époque les magazines de jeux vidéo, en gardant un souvenir assez marqué des quelques rares reportages qui se déroulaient au Japon (pour exemple, le Joystick 011 de Décembre 1990 sur « L’empire des jeux » de la page 106 à 115). Quand le spécialiste de jeux vidéo de l’époque se rendait à Tokyo pour nous faire découvrir les nouveautés, on découvrait aussi un peu du contexte de vie dans ce pays et ces petites bribes d’information, par ici et par là, ont nourri mon imaginaire et certainement contribué à amorcer ma fascination pour ce pays. Ensuite fut l’arrivée des manga en France, avec le choc Akira au cinéma en France en 1991. J’avais 15 ans et je découvrais un style que je n’avais jamais vu auparavant, quelque chose de complètement nouveau. Glénat commença à publier le manga de Akira et d’autres chefs d’oeuvre du cyber punk par Masamune Shirow, comme Appleseed ou Ghost in the Shell. Je continuais un peu plus la découverte du monde du manga grâce à la revue bi-mensuelle Tsunami de la désormais mythique maison d’édition et librairie Tonkam. Je lisais beaucoup de manga aux débuts du manga en France et je les garde encore précieusement, que ça soit les séries Gumm Battle Angel Alita de Yukito Kishiro, Vidéo Girl Ai de Masakazu Katsura, Orion de Masamune Shirow …, les Art books de CLAMP comme RG Veda Hiten Muma et Tokyo Babylon Photographs ou celui de Masamune Shirow intitulé Intron Depot 1 … ou encore les OAV (original Animation Video) des Chroniques de la Guerre de Lodoss par Ryo Mizuno ou Iria Zeiram par Masakazu Katsura… En arrière-plan de ce monde d’images dessinées et animées, on me parle d’un pays et de ses habitants, parfois « futurisé » et très loin de la réalité, mais que je finis par idéaliser. A cette époque, je découvre aussi la culture de ce pays à travers quelques albums de musique pop japonaise, mais très peu. Il y avait ce disque projet Franco-japonais appelé Ici Tokyo qui regroupait sur un même album des styles très différents, mais qui au final ne m’avait pas trop accroché, à part les morceaux Flower Crown d’un groupe appelé Goddess in the Morning et le très beau morceau électronique intitulé Angkor Wat de Haruomi Hosono (auparavant membre du YMO). Au final, cet album qui se voulait indépendant était assez différent de la musique que l’on peut entendre dans les médias au Japon et était au final assez peu représentatif et un peu anecdotique. Je pense que ça devait sans doute être impossible pour un petit label français d’attirer sur ce disque des grands noms en vogue à l’époque. Je ne sais plus où j’ai pu me le procurer, mais j’ai aussi pas mal écouté une des bandes originales accompagnant la série Tokyo Babylon de CLAMP. L’album Tokyo Babylon Image Soundtrack 2 est une compilation de divers groupes pop, dont The Boom, REBECCA, ou Chara (et sa voix insupportable). Là encore, je n’ai pas le souvenir d’avoir beaucoup apprécié le disque, mais il me semblait beaucoup plus proche de ce que l’on peut entendre au Japon, du moins c’était l’impression que j’avais à l’époque et ça me motivait à l’écouter plus en avant. Je garde encore ce disque précieusement dans ma discothèque personnelle, ne serait ce que pour quelques morceaux que j’aime écouter très régulièrement encore maintenant, comme Moon de REBECCA レベッカ, Blue Desert de ZELDA ゼルダ (nom du groupe n’ayant rien à voir à priori avec le jeu) et surtout Solid Gold de Masahiro Takashima 髙嶋 政宏. Les arrangements de ces morceaux sont bien sûr datés années 90, mais les écouter me rappelle cette période de fin d’adolescence où je rêvais de Japon. C’est un sentiment assez étrange en fait, car écouter ces morceaux de musique pop japonaise maintenant me donne la nostalgie de cette époque où depuis la France, je pensais au Japon sous le prisme de l’information limitée que j’avais à l’époque. C’est pendant mon premier voyage au Japon, il y a 20 ans, en Juillet 1998, que je découvrais des musiques plus en accord avec mes goûts musicaux. Ceci donne en quelque sorte un contexte culturel à mon apprentissage du japonais. C’est bien entendu loin d’être le seul et l’unique contexte, mais c’est celui que je voulais en particulier aborder dans ce billet, car c’est ce contexte passé qui réveille en moi une petite lumière, alors que j’écris ces quelques lignes.

Je retrouve hier soir dans mes affaires ces trois vieilles photos argentiques prises en 1998 dans le centre de Nagasaki, dans l’université où nous apprenions le japonais pendant un mois et dans les montagnes volcaniques de Unzen pour un voyage de groupe. Chaque élève de la classe de japonais d’Angers était placé dans une famille d’accueil à Nagasaki pour la durée du séjour. J’étais accueilli par une famille vivant sur les hauteurs de Nagasaki, dans le quartier de Mikawa. Tous les jours je prenais le bus avec la fille de la famille, qui devait avoir à peu près le même âge que moi. Nous partions pour l’université de langues de la ville, où elle étudiait également. Je me souviens de l’ambience tranquille de cette grande ville à la campagne, dont le bord de mer a des airs de Méditerranée. Nous passions les week-ends avec nos familles d’accueil respectives et on se racontait ensuite nos aventures ou mésaventures le lundi matin entre français, quand les cours de la semaine redémarraient. Bien que nous ayons tous appris le japonais pendant environ deux ans, la communication n’était pas très aisée avec la famille. Je n’avais pas trop ressenti cette difficulté étonnamment, car la mère de la famille où j’étais parlait souvent pour deux ou quatre personnes. Comme pour compenser, le père de la famille était lui toujours silencieux, assis dans son fauteuil du salon à regarder la télévision. Après le repas, je me souviens que je m’assoyais à côté de lui pour regarder des émissions comiques, assez faciles à comprendre car jouant principalement sur le comique de situation, que ça soit les émissions de Beat Takeshi (Kitano) ou Akashiya Sanma. Je me souviens aussi du bruit de la rivière passant tout près de la maison en bois de la famille. J’occupais la chambre du fils, à l’étage, car il vivait à Osaka pour ses études de médecine. Je découvrais le bain brulant le soir, dans une toute petite baignoire où on ne peut pas allonger les pieds. Un soir, il y avait cette fête de Tanabata sur la terrasse bétonnée du jardin, dehors dans la chaleur de l’été. Un professeur de français de l’université de langues et quelques élèves étaient venus le soir pour l’occasion, histoire d’illuminer les lieux de mini feux d’artifice que l’on portait à bout de bras. C’était également à ce moment là que la France devenait championne de football. Je me souviens avoir regarder la finale pendant la nuit, dans le salon de la maison, en faisant aucun bruit pour ne réveiller personne. On nous parlait ensuite de Zidane très régulièrement dans les couloirs de l’université. Après un mois à vivre à Nagasaki, revenir vivre en France m’a demandé une certaine adaptation, et l’idée d’y retourner s’était grandement précisée. Ça ne sera cependant plus dans le Kyūshū, mais à Tokyo l’année suivante, en 1999, à l’aube du nouveau millénaire et avant que le fameux bug de l’an 2000 ne fasse des siennes.

Le texte en forme de compte-rendu que j’avais écrit à mon retour de Nagasaki se trouve ici. L’envie d’écrire ce billet me vient également en lisant le billet de Daniel intitulé La Maison sur son blog. En lisant son billet, le bruit de la rivière près de la Maison de Nagasaki m’était revenu en tête.