rouge comme le feu

Je mentirais si je disais que je n’avais pas fait le déplacement exprès pour aller voir ses affiches géantes de la compositrice et interprète a子 dans centre de Shibuya. On pouvait voir ces grandes affiches à plusieurs endroits à Center-Gai et près du parc Miyashita. Ce mode d’affichage n’est pas rare à Shibuya et je me souviens d’une campagne d’affichage pour l’agence Wack, mais qui allait cependant plus loin dans le mode guérilla. J’aime en tout cas le côté ludique d’essayer de découvrir toutes les affiches et de les prendre en photo dans leur environnement urbain. Cet affichage correspond à la sortie de son premier single intitulé Planet (惑星) sur un label majeur, IRORI Records sur Pony Canyon. J’avais déjà parlé de ce single dans un précédent billet et je pense d’ailleurs avoir évoqué sur ce blog tous ses nouveaux singles et EPs depuis ses débuts au fur et à mesure de leurs sorties. Ça fait en tout cas plaisir de la voir grimper les échelons. Des affiches sont également placées au niveau de l’ancien cinéma Rise, actuellement salle de concert WWW et WWW X où j’avais été la voir avec son groupe pour son premier Oneman Live. Cette photographie prise par la photographe YONNLIN est très réussie car elle donne une impression nuancée du visage de a子 entre apaisement et feu intérieur comme le rouge extravagant de sa chevelure.

Si je ne me trompe pas, AAAMYYY n’avait pas sorti de nouvelle musique en solo depuis le EP Echo Chamber sorti en Juillet 2022. Ça fait beaucoup de bien d’entendre à nouveau la voix légèrement voilée immédiatement reconnaissable d’AAAMYYY sur un nouveau single. Ce single s’intitule Savior. Il est sorti le 10 Février 2023 et est co-produit par Wataru Sugimoto (杉本亘) aka MONJOE. L’esprit du morceau est assez fidèle à ses précédents morceaux. Il est extrêmement bien produit ce qui donne une grande fluidité à son chant même si elle alterne constamment entre le japonais et l’anglais. Cette fluidité et la dynamique du flot parfaitement millimétré me plait vraiment beaucoup, d’autant plus que la voix d’AAAMYY qu’on a tendance à imaginer comme un peu nonchalante s’y accorde parfaitement. D’après l’affiche du concert Option C du 7 Mars 2024, on retrouvera MONJOE comme DJ/MP (MP pour Music Producer, j’imagine). Les invités confirmés seront assez nombreux. Je ne suis pas surpris de voir TENDRE sur l’affiche car il participe souvent aux morceaux d’AAAMYYY. Parmi les noms mentionnés, on trouve Shin Sakiura qui a arrangé plusieurs de ses morceaux, les rappeurs Ryohu et (sic)boy qui ont chantés en duo sur certains de ses morceaux, notamment le superbe Hail pour (sic)boy, KEIJU qui est également rappeur mais je ne connais pas de morceaux sur lequel il était en duo avec AAAMYYY. Je lui connais seulement une participation au morceau Link Up de Awich. Je lis sur l’affiche d’autres noms comme Shō Okamoto (オカモトショウ) du groupe OKAMOTO’S, Zata, entre autres. Je suis assez curieux et impatient d’entendre ce que ça va donner. Le morceau intitulé Fukashi Tentai (不可視天体) a été composé par DAOKO en utilisant le synthétiseur VOCALOID V AI Juon Teto (重音テト). Elle a en fait soumis ce morceau de manière anonyme et en tant que rookie sur la chaîne Nico Nico Dōga (ニコニコ動画) à l’occasion d’un événement Vocaloid appelé The VOCALOID Collection ~2024 Winter~. Le nom qu’elle a utilisé pour son compte est ▷△○◁○ et on peut assez facilement noter la correspondance avec son nom d’artiste. Elle a de toute façon vendu assez rapidement la mèche sur Twitter, ce qui a suscité un heureux étonnement de la communauté VOCALOID sur Nico Nico Dōga. Dans son message Twitter, elle précise qu’il s’agit de la première œuvre musicale qu’elle réalise entièrement par elle-même. Et ce morceau Vocaloid, qui a été également publié sur YouTube quelques jours plus tard, est une belle réussite. J’adore la trame électronique d’apparence irrégulière et la voix rappée de Daoko un peu différente que d’habitude, un peu plus masculine dirais-je. Elle pourrait très clairement réaliser un album entier dans cet esprit. Le groupe SUSU (好芻) est un des projets parallèles d’Ikkyu Nakajima (中島イッキュウ) avec Kanji Yamamoto (山本幹宗). J’avais déjà parlé du mini-album intitulé Gakkari sorti en Septembre 2022, et le duo a sorti quelques nouveaux morceaux dont le single Cacao (カカオ) que j’aime beaucoup. L’ambiance générale assez cool et rêveuse de ce nouveau single reste fidèle aux morceaux que l’on connaît du mini-album, mais assez éloigné des rythmes souvent endiablés de Tricot. La musique de Tricot me manque d’ailleurs un peu car elles n’ont pas sorti de nouveau morceau ou album depuis un bon petit moment. J’essaie en tout cas d’aller les voir une nouvelle fois en concert au mois de Mai, mais les places sont soumises à une loterie donc c’est pas gagné et ma première tentative a échoué. Le fait que la première partie soit le groupe PEDRO, dont je parle de temps en temps sur ces pages, doit rendre l’obtention des places plus compliqué. Pour terminer cette petite sélection, je reviens encore une fois vers le rock du groupe Haze mené par Katy Kashii (香椎かてぃ) avec le mini-album intitulé Noize sorti le 31 Octobre 2022. Deux morceaux y sont particulièrement accrocheurs: Hikikomori Rock (引きこもりロック) et Gyalgal (ギャルガル). Sur le Hikikomori Rock, Katy démarre par une invective Boku no Hikikomori ga Rock ni Naru (僕の引きこもりがロックになる), qui interpelle. J’aime beaucoup l’agressivité accompagnée par les guitares qui rythment le morceau, avec toujours la voix de Katy à la limite du brut et roulant par moments les « r ». Le Hikikomori du titre et des paroles démarrant le morceau, fait référence au syndrome extrême d’isolement de toutes relations sociales qui touche certains adolescents. Dans ce morceau, Katy semble signifier que le Hikikomori s’est transformé pour elle en énergie rock. Ce single a pour sûr beaucoup d’énergie à revendre. Le morceau Gyalgal (ギャルガル) fait participer tous les membres du groupe au chant. On ne peut pas dire qu’elles chantent toutes très bien, mais ça contribue à cet esprit rock qui se base plus sur l’énergie que sur la justesse du chant. Et encore une fois, cette énergie est particulièrement présente, notamment au moment du refrain qu’on attend avec une certaine impatience à chaque écoute.

sous les lumières d’un matin d’hiver

En continuant ma marche depuis Waseda, je découvre des belles choses d’un point de vue architectural. L’étrange pavillon situé avant le yuzu dans les photographies ci-dessus est rattaché au temple bouddhiste Tōchōji (東長寺) de la branche Soto Zen. L’histoire du temple remonte à l’année 1594 lorsqu’il a ouvert ses portes, mais le bâtiment actuel est beaucoup plus récent, datant de 1989. J’aurais dû aller voir le bâtiment principal du temple car il a reçu le prix Good Design Award en 2018. Je me suis en fait concentré sur le pavillon, appelé Tōchōji Bunyukaku (東長寺文由閣), car il a des formes vraiment particulières. Il est constitué de deux blocs dont le principal a pour base un polygone coiffé d’une plaque carrée. Le deuxième bloc est légèrement oblique et torsadé avec un escalier extérieur tournant autour. Des passerelles extérieures relient les deux blocs à plusieurs étages. Le rez-de-chaussée du bloc principal et le dernier étage sont composés de grandes baies vitrées. Je ne suis pas rentré à l’intérieur, car il était tôt le matin, mais je ne suis pas sûr qu’on puisse y entrer librement. Ce pavillon, conçu par Tetsuo Kobori Architects (小堀哲夫建築設計事務所), serait le premier bâtiment de temple à recevoir une certification Bâtiment Basse Consommation (PHI Low Energy Building certification). J’approche ensuite doucement du grand stadium olympique. Juste à côté, on peut apprécier les couleurs de la résidence Brillia ist Sendagaya, conçue en 2015 par IOA Takeda Architects Associates. Je ne connaissais pas IOA mais je vois qu’ils conçoivent beaucoup de résidences et des buildings de bureaux relativement classiques. Certains bâtiments comme celui-ci aux balcons colorés sortent du lot. Des mêmes architectes, j’avais d’ailleurs déjà remarqué la résidence Park Homes Nakameguro pour ses formes obliques de béton et de métal noir. Cette résidence a également reçu le prix Good Design Award en 2020. En explorant le site web de l’architecte, je suis surpris de voir à l’intérieur de cette résidence une installation de l’artiste Shinji Ohmaki (大巻伸嗣), dont j’avais vu une de ses installations récemment au musée NACT de Nogizaka. Une photographie du grand stadium olympique vient terminer cette petite série. Les lumières matinales viennent embellir l’immense structure ovale de Kengo Kuma, qui est déjà remarquable de tous points de vue.

Je connaissais le nom et quelques morceaux de Chanmina (ちゃんみな) depuis quelques temps, mais je n’avais pas vraiment accroché jusqu’à ce nouveau single intitulé Biscuit. J’adore l’intensité du morceau, les passages rappées et le final où elle pousse sa voix. Le morceau a d’entrée de jeu un rythme extrêmement accrocheur, qui ne peut laisser indifférent. Chanmina est japano-coréenne, et elle chante ce morceau en coréen et en anglais. Il s’agit apparemment de son troisième morceau chanté en coréen. La vidéo a été tournée en plein centre de Shibuya au scramble crossing. Il faut noter qu’il s’agit d’une prise de vue réelle à Shibuya. De nombreuses vidéos ces derniers temps sont plutôt prises dans la version répliquée du croisement reconstituée dans la préfecture de Tochigi au Ashikaga Scramble City Studio, construit en 2019 par la compagnie Nouvelle Vague Co. Ce n’est pas le cas ici et la vidéo a été filmée récemment car je reconnais les publicités et le Tsutaya y est déjà fermé pour rénovation. La prise de vue a dû se faire tôt le matin car Chanmina est relativement connue et sa présence est quand même facilement remarquable, même si les cheveux bleus ne sont pas inhabituels à Shibuya.

L’exposition Damage (堕冥慈) de l’artiste Wataboku se déroulait au Shibuya PARCO Art Museum jusqu’au 25 Décembre 2023. Il s’agit de la troisième exposition que je vais voir de l’artiste qui met toujours en scène son personnage fétiche nommé SAI inspiré par la même modèle Aopi. Je suis à chaque fois impressionné par les expressions du visage de SAI, et elles me donnent toujours envie de les voir lors des expositions de Wataboku. Cette exposition solo au musée de PARCO avait une envergure plus importante que celles que j’avais vu précédemment, ce qui témoigne d’une reconnaissance méritée. Ce qui est nouveau sur la série présentée cette fois-ci, c’est que les illustrations de Wataboku dépassent du cadre comme par exemple ces poissons et pommes rouges illustrés au premier plan. Certains tableaux étaient augmentés de parties lumineuses faisant apparaître le squelette de SAI derrière l’illustration classique de son corps et de son visage. Cette représentation hospitalière est un des thèmes de la série au musée PARCO, faisant apparemment écho à un séjour hospitalier de son auteur. La salle d’exposition mettait en scène ce thème avec une chaise roulante avec perfusion et des béquilles placées à différents endroits. Un espace au centre d’une des pièces était fermé par un fin rideau blanc. On pouvait voir à l’intérieur quelques croquis et photos de préparation des illustrations finales.

En parlant un peu plus haut de Chanmina, je repense au single Kyashana Lip (華奢なリップ) de Genie High (ジェニーハイ) sur lequel elle chantait en invitée avec Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ). Je redécouvre maintenant ce morceau avec une nouvelle oreille. On me l’avait fait découvrir il y a quelques temps mais j’avais à l’époque préféré un autre single de Genie High, Fuben na Kawaige (不便な可愛げ) sur lequel AiNA The End accompagnait Ikkyu au chant. En parlant d’Ikkyu, nous n’avons malheureusement pas de nouvel album de Tricot à se mettre entre les oreilles cet hiver. Tricot nous avait habitué ces dernières années à sortir un nouvel album à la fin de l’année, mais ça n’est malheureusement pas le cas cette année. Tricot tourne, notamment en Angleterre récemment, donc elles et il sont loin d’être inactifs. Il y a quelques semaines, j’étais surpris de voir une tête familière dans un des espaces d’exposition du Tsutaya de Daikanyama. Je parle de Wicket, le chien d’Ikkyu Nakajima, qui est une sorte de symbole du groupe car il apparaissait sur la pochette d’un des derniers albums de Tricot. En plus d’apparaitre sur des vêtements, il y aussi une peluche violette à son effigie se faisant appeler Nuef. Je vois au Tsutaya une bande dessinée intitulée Gluten Comics (グルテンCOMICS) avec Nuef et deux autres personnages. Je ne sais en fait pas s’il s’agit d’une véritable bande dessinée complète ou seulement de sa couverture. Gluten (グルテン) est en tout cas un projet artistique de trois artistes: FUSE (illustrateur originaire de Saitama), Matthew mallow (également illustrateur mais originaire de la préfecture d’Aichi) et Ikkyu Nakajima. Outre le chien Wicket, l’espace d’exposition vendait d’autres articles de la collection SUSU d’Ikkyu dont les t-shirts à manches longues Dead, mais pas ceux avec le message Love Me Tricot (お布施Tシャツ) qui n’est de toute façon pas des plus faciles à porter. Et faute de nouvel album de Tricot, je me remets à écouter les anciens en démarrant par Jōdeki (上出来) puis en poursuivant avec A N D.

La collaboration de Hitsuji Bungaku (羊文学) avec le Department Store Seibu de Shibuya se terminait le 25 Décembre. J’y suis allé plusieurs fois et c’est agréable, même surprenant, d’entendre des morceaux du groupe en marchant dans les couloirs. Dans les derniers jours, deux affiches signées par le groupe étaient mises en exposition à l’intérieur de la passerelle au cinquième étage reliant les annexes A et B. C’était pour sûr une année importante pour le groupe et je suis bien content d’avoir pu allé les voir cette année. L’année 2023 a été pour moi assez riche en concerts, car je suis allé en voir cinq: celui de Sheena Ringo au Tokyo International Forum bien sûr, le concert final de For Tracy Hyde au Shibuya WWWX, celui de Tricot au Liquid Room d’Ebisu, Hitsuji Bungaku au Zepp Haneda et le premier live solo d’a子 au WWW de Shibuya. Aller voir un concert tous les deux ou trois mois est un rythme qui me convient en espérant le conserver l’année prochaine, qui démarrera par AAAMYYY en Mars. En parlant d’a子, il a beaucoup de nouveautés ces derniers jours car elle vient de signer sur une major (Pony Canyon), sortira son premier album l’année prochaine accompagné par deux dates de concerts, dont une à Tokyo au Liquid Room qui est une assez grande salle d’une capacité de 1000 personnes. La salle WWW où j’avais été la voir avec son groupe cette année n’avait une capacité que de 500 personnes.

running モンスター

L’édition 2023 du marathon de Tokyo avait lieu le dimanche 5 Mars. Je suis allé faire le curieux parmi les spectateurs, à défaut de courir avec les milliers de personnes participant à cette longue course d’endurance. Le public était bien présent sur le parcours le long des barricades. L’année dernière, j’avais pris quelques photos près du parc Shiba dans les environs de la Tour de Tokyo. Cette fois-ci, je me suis déplacé à Monzen Nakachō (門前仲町) où le parcours du marathon fait une boucle. Le public m’intéresse tout autant que les coureurs car nombreux sont ceux venus déguisés. Il y a des chasseurs de monstres sortis de Kimetsu no Yaiba (鬼滅の刃) dans la foule, mais également un étrange panda coureur dans la compétition. Il devrait à priori avoir un air sympathique, mais ce panda ne m’inspire pas confiance. Je ne cours pas cette journée, mais je marche pendant longtemps jusqu’à Ginza en traversant au passage la rivière Sumida.

J’écoute beaucoup de nouvelles musiques en ce moment et je crains ne pas avoir le courage et le temps de parler de tous les albums et singles que je découvre et qui me plaisent beaucoup. Comme mes goûts musicaux ont tendance à doucement s’élargir et que la production musicale japonaise est pleine de pépites, passées ou récentes, que je n’ai pas encore découvert, je pense que le sujet musical sera encore présent pendant longtemps sur ce blog. Je n’ai jamais cherché à découvrir en intégralité les albums de Genie High (ジェニーハイ), car je ne sais pour quelle raison mais je n’aime pas trop Enon Kawatani (川谷絵音) et la composition improbable de ce groupe avec deux comédiens. Je suis par contre attentivement le compte Instagram d’Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) et elle nous y rappelle régulièrement qu’elle chante dans ce groupe. La collaboration que je remarque avec la compositrice et interprète au visage cachée Yama m’a tout de suite interpellé. En fait, depuis le morceau Fubenna Kawaige (不便な可愛げ) de Genie High avec AiNA The End, je me suis dit que j’écouterais au moins les morceaux avec des collaborations d’artistes que j’apprécie. Sur ce nouveau morceau Monster (モンスター), j’aime beaucoup la voix de Yama et l’association avec la voix d’Ikkyu fonctionne vraiment très bien. Le morceau n’est pas particulièrement original mais est très bien construit et a une dynamique imparable, jusqu’au petit final au piano pour l’outro. On ne peut nier les qualités de compositeur d’Enon Kawatani. Ce morceau pop me semble très bien adaptée pour ma playlist autoroutière.

Le morceau que j’écoute également beaucoup ces derniers jours a un rythme très différent et beaucoup plus apaisé. Il s’agit d’une collaboration du compositeur et pianiste Tetsuya Hirahata (平畑徹也) avec Miyuna (みゆな) sur un morceau intitulé Shades of Night (よるのとばり) sur son album AMNJK sorti le 22 Mars 2023. L’approche assez académique dès les premières notes de piano et le chant quasiment à capella de Miyuna me plaisent vraiment beaucoup. Miyuna ne me déçoit jamais. L’ambiance de ce morceau est pourtant très différente de ce qu’elle crée sur ses propres albums. Je dirais même que cette musique a des vertus réparatrices après des journées difficiles. On a envie de se poser dans le calme à ne penser à rien en écoutant sa voix et ce piano.

Je joue vraiment sur les contrastes dans cette petite playlist car le nouveau morceau Made in Me (メイドインあたし) de KAF (花譜) en collaboration avec Tokyo GeGeGei (東京ゲゲゲイ) est beaucoup plus agressif pour les oreilles, parce que la virtual singer KAF peut aller assez loin dans les aiguës. La construction est particulièrement décousue avec un refrain soudainement hyper dynamique, une coupure abrupte à la fin et des incursions rappées de Tokyo GeGeGei. Tokyo GeGeGei est un collectif d’artistes créé par Mikey, qui semble d’ailleurs être actuellement le seul membre. Les esprits attentifs se souviendront peut-être que Mikey avait participé en tant que danseur avec Aya Satō à la vidéo du morceau Kōzen no Himitsu (公然の秘密) de Sheena Ringo. La composition de ce nouveau morceau de KAF est particulièrement originale et j’aime toujours beaucoup les variations du chant de KAF. Il faut bien entendu apprécier sa voix assez haut perchée, mais sa particularité est vraiment intéressante. Son troisième album Kyōsō (狂想) est également sorti récemment, le 7 Mars. Le morceau Turn into the Sea (海に化ける) en particulier me plaît beaucoup et semble contenir dans les paroles un clin d’oeil au morceau Eat the Past (過去を喰らう) de son album précédent.

Pour terminer, partons vers la Corée du Sud. Le nouveau morceau électro de la coréenne Yaeji intitulé For Granted m’a tout de suite accroché lorsque je l’ai entendu pour la première fois un soir de week-end en voiture de retour de Yokohama au niveau du parc Yamashita (c’est très précis). Ce morceau est présent sur son premier album With a Hammer qui sortira bientôt, le 7 Avril 2023. J’avais perdu de vue Yaeji depuis 2017 lorsque j’avais découvert ses deux premiers EPs intitulés tout simplement EP et EP2. Je ne sais pas pourquoi je n’avais pas parlé sur ce blog de Yaeji et de ces deux EPs à l’époque, car son morceau raingurl sur EP2 est contagieux et difficile à oublier (un banger comme on dit). On dirait que Yaeji a un sens inné pour trouver des manières de chanter et des sons qui deviennent indispensables dès la première écoute.

wolves crying at the giant moon

Samedi dernier, je voulais profiter de la grande lune installée par l’artiste anglais Luke Jerram près de la gare de Shimo-Kitazawa avant qu’elle ne disparaisse. Mais c’est après être arrivé à pieds à Shimo-Kitazawa en fin de matinée que je me suis rendu compte que la lune n’était montée qu’à partir de 15h. Je suis donc revenu en vélo dans l’après-midi en gardant un œil sur le ciel car le typhon numéro 15 approche très rapidement. La pluie finit par tomber progressivement puis plus intensément par moments ce qui rend difficile un retour à vélo. Je ferais donc le long retour à pieds en tenant le vélo d’une main et le parapluie de l’autre. La difficulté supplémentaire de mon vélo est qu’il a un pédalier de type vélo de piste, c’est-à-dire qu’il est en permanence solidaire de la tour arrière. Quand on tient le vélo d’une main pour le faire rouler à côté de soi, il faut donc s’en écarter suffisamment pour ne pas se prendre des coups de pédales car le pédalier tourne au rythme du mouvement. Mais je ne regrette pas, malgré la pluie, d’avoir fait le déplacement jusqu’à cette lune qui apportait un brin de fantastique dans les rues de Shimo-Kitazawa. L’installation a apparemment été enlevée le Dimanche 25 Septembre. J’en montrais quelques photos supplémentaires sur mon compte Instagram la semaine dernière. J’aime beaucoup marcher jusqu’à Shimo-Kitazawa et notamment traverser le quartier de Yoyogi-Uehara que je connais assez bien sans jamais y avoir habité. J’ai dû en parcourir la plupart des rues. On y trouve par endroits des petits moments d’architecture remarquable. Shimo-Kitazawa reste beaucoup plus désordonné dans sa composition urbaine mais est malheureusement en voie de gentrification. Les alentours de la gare sont notamment en construction depuis plusieurs années et il y a fort à parier que la standardisation urbaine touche petit à petit les rues du centre. Au passage, je suis assez surpris par la longévité d’une grande illustration murale montrant des têtes de loups criant vers le ciel, ou peut-être plutôt vers la lune imaginaire qui est proche. Je vois très régulièrement sur les murs les mots « Tokyo is yours » écris à la va-vite. On sait peu de choses sur le ou les taggers écrivant ces messages dans les rues de Tokyo. Le message sur la photographie ci-dessus est écrit à l’entrée d’un escalier menant vers un sous-sol sombre et il est accompagné d’une petite flèche qui semble nous inviter à y pénétrer. Je me demande quel univers mystérieux se cache à cet endroit.

Je ne suis jamais allé dans les petites salles de concert de Shimo-Kitazawa (autant que je m’en souvienne) et il y en a pourtant plusieurs que je vois souvent mentionnées lorsque je parcours les fils Twitter de certains artistes et groupes indépendants. Tricot s’y était notamment produit en petit comité un peu plus tôt cette année en Avril (j’en parlais dans un billet précédent), avec pour objectif principal de faire un enregistrement en direct visible par les spectateurs à l’étranger, en compensation du retard de leur tournée européenne. Les mois ont passé et Tricot est actuellement en Europe pour de nombreuses dates de concerts. J’aime beaucoup suivre leur périple sur Instagram car Ikkyu et Hiromi montrent beaucoup de photos et de petits films. Après l’Angleterre, Tricot est passé à Paris pour un seul concert au Point Éphèmère et les reportages que j’ai reçu d’un amateur sur place (qui se reconnaîtra) indiquent que le concert était très bon avec un très bon accueil parisien. Je n’ai pu m’empêcher de capturer quelques photos du compte d’Ikkyu et de Tricot pour garder une trace de ce passage français.

Et pendant que Tricot tourne en Europe, Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) sort sous le nom de projet SUSU (好芻) un mini-album intitulé Gakkari. il s’agit d’une collaboration avec le musicien Kanji Yamamoto (山本幹宗). Le mini-album a une ambiance musicale très éloignée de la dynamique millimétrée du math-rock de Tricot. L’univers de Gakkari. est innocent et insouciant, dans des ambiances rêveuses. L’approche est très rafraîchissante. Je trouve cette approche comme détachée de la réalité. On y trouve parfois des petits moments musicaux orientaux et cet aspect un peu oriental donne à ce mini-album un côté un peu kitsch sans vraiment l’être. C’est un équilibre bien dosé qui tient par la voix un peu voilée mais parfaitement maîtrisée d’Ikkyu. J’aime en particulier les deux singles, Blue Boat qui démarre le mini-album et Night Market qui le conclut. Cet univers ne s’est révélé pour moi qu’après plusieurs écoutes, mais j’y ai tout de suite trouvé de l’intérêt.

Et pour continuer sur Tricot et partager une discussion que j’ai eu par messages interposés avec Nicolas, on se demandait la signification du surnom Motifour de la guitariste de Tricot. Son vrai nom est Motoko Kida (木田素子) mais se fait appeler Motifour Kida (キダ モティフォ). Une petite recherche sur le Wikipedia japonais m’a donné des bonnes pistes. Elle a apparemment pris son surnom du guitariste d’un groupe japonais appelé mudy on the Sakuban (mudy on the 昨晩). Le guitariste en question se fait appeler Watifour Mori (森 ワティフォ) et ce mot Watifour veut dire « Espoir » en langue africaine Swahili. On peut traduire Espoir en Kibō en japonais (希望). Motifour Kida aurait donc gardé le « Mo » de son vrai prénom Motoko et repris le « tifour » du nom de ce guitariste. A noter qu’un autre guitariste, Satoshi Takeuchi, d’un groupe japonais nommé Onigawara, a également appliqué la même technique en prenant le nom de Satifour Takeuchi. J’imagine qu’un lien se crée ainsi entre une communauté de guitaristes. Je me suis ensuite demandé si les kanji que Motifour Kida écrit sur ses deux mains lors des concerts ne seraient pas tirés de ce mot espoir Kibō 希望. Mais en fait non, ce sont les kanji 甲, qui signifie « dos de la main » et qu’on peut aussi comprendre comme « armure » ou « casque de protection » et 攻 qui veut dire « attaque ». L’utilisation de ces deux kanji en particulier reste bien mystérieuse. Motifour Kida dit simplement qu’il s’agit d’un porte-bonheur. Je ne sais pas si c’est commun pour les musiciens d’écrire de cette manière des kanji ou mots porte-bonheur sur leurs mains avant des représentations, mais le fait d’inscrire un kanji sur la main me rappelle forcément Sheena Ringo à ses débuts en concert (extrait du concert Senkō Ecstasy de 1999 sur la photo de droite). Elle inscrivait par exemple le kanji 主 qu’on peut traduire, je pense, en « Principal » ou « Maitre ». Tout comme Ikkyu, on sait que Motifour Kida appréciait Sheena Ringo ou des groupes comme Number Girl à ses débuts, mais je me demande si ses inscriptions sur les mains sont une influence directe. Il reste encore quelques mystères à élucider.