Shibaura no Kenban

L’objectif de ma visite mentionnée dans mon billet d’hier était de visiter un ancien grand bâtiment de bois rénové pour devenir le Minato City Center for Traditional Culture à Shibaura. Le bâtiment original a été construit en 1936 et servait de Kenban, c’est à dire de bureau d’affectation pour les geisha de ce quartier de Shibaura. A partir de 1945, après l’évacuation de ces professions artistiques de Shibaura pendant la seconde guerre mondiale, le bâtiment est devenu un logement pour les travailleurs du port tout proche. Il prendra le nom de Kyodo-Kaidan jusqu’à sa fermeture en 2000. Le bâtiment restera fermé pendant de nombreuses années jusqu’au début des travaux de rénovation en 2017. La rénovation prendra 3 ans pour s’achever en 2020 et devenir le centre culturel actuel. On trouve à l’intérieur une petite salle d’exposition dédiée au changements successifs du quartier de Shibaura gagné sur la mer. On peut également visiter la grande salle à l’étage qui doit servir pour des spectacles et autres représentations culturelles. Je montre quelques photos de l’intérieur sur mon compte Instagram. Une vidéo nous montre également le travail de rénovation du bâtiment. On apprend d’ailleurs qu’il a été déplacé de quelques mètres du site initial, sans démonter la structure.

Mes nouvelles découvertes musicales sont plus lentes en ce moment mais j’en parlerais certainement un peu plus dans des prochains billets. Je suis en tout cas fortement impressionné par le nouveau morceau de Noah intitulé gemini – mysterious lot qui sortira sur son nouvel album Noire à la fin du mois d’Août. La voix parlée de Noah dans une langue qui n’est pas compréhensible clairement se mélange à une boucle électronique entêtante et à des nappes vaporeuses. Cette musique a quelque chose de magique et invite à l’introspection. L’idée d’y mettre un beat continuel et quelques autres rythmiques est particulièrement brillante. On aimerait que le morceau ne s’arrête jamais. Il pourrait en fait continuer sans cesse car il n’y a pas de refrain ou de moments différenciés à l’intérieur, seulement une longue trame qui se répète. Je suis Noah depuis quelques temps et j’aime beaucoup la direction qu’elle poursuit depuis son EP Étoile dont j’avais déjà parlé ici.

Même si je n’en parle pas systématiquement, je continue à mettre à jour la playlist musicale sur YouTube avec une sélection de morceaux que j’apprécie, liste qui commence à être particulièrement longue d’ailleurs. Et puisqu’on parle des liens situés en haut de ce blog, j’ai remis celui de l’Enquête pour les visiteurs de Made in Tokyo. Je l’avais enlevé suite à un spam et je referais certainement de même si ça se reproduit. Pour ceux et celles qui visitent et apprécient ce blog, je vous invite grandement à répondre aux quelques questions qui me permettront d’un peu mieux connaître mes visiteurs habitués ou occasionnels.

時が来た今

Les quelques photographies ci-dessus ont été prises au bord de l’océan pacifique sur la plage d’Oritsu dans le préfecture d’Ibaraki. Le soleil se couche de l’autre côté mais les couleurs légères qui se révèlent au dessus de l’horizon et en réflection sur les vagues nous paralysent pendant quelques instants. Depuis la plage, on aperçoit sur notre droite en direction de Chiba un groupe d’éoliennes qui prennent le vent. La longue plage de sable est entrecoupée de manière régulière par des digues faites de blocs et de tripods de béton qui viennent découper les vagues. Il est interdit de marcher sur ces blocs. On s’en approche quand même un peu car il ne semble pas y avoir de danger imminent.

Ce billet est le 2000ème que j’écris sur Made in Tokyo. Ce blog approche de ses 19 années d’existence mais le nombre de billets que j’ai écrit prend pour moi plus de signification que le nombre des années passées. J’aimerais avoir une idée du nombre d’heures passées à écrire ces billets. Je parle d’écriture plutôt que de photographies car c’est l’écriture des textes qui me consomme le plus de temps. Enfin, c’est l’impression que j’en ai. Disons que l’écriture des textes demande un effort, par rapport au développement des photographies numériques. L’effort est d’initier l’écriture, d’écrire les premiers mots et les premières phrases et de faire les quelques recherches préalables. Une fois la machine lancée, un texte de billet s’écrit assez rapidement, surtout quand je me laisse embarquer volontairement dans mes propres divagations. Cet espace personnel m’y autorise.

J’aimerais aussi avoir une idée du nombre de mots que j’ai pu écrire sur ce blog. Les billets au tout début de Made in Tokyo étaient courts et sans beaucoup de recherches, alors que les billets que j’écris depuis de nombreuses années maintenant sont beaucoup plus longs et développés. J’aime bien comparer ce blog à une forêt dense où on pourrait facilement se perdre. Mon intention de ne pas créer de table des matières très explicite est toujours intacte. Je préfère écrire au fur et à mesure sans regrouper mes billets et en mélangeant différents sujets dans un même billet. Il y a bien les catégories inscrites en haut des billets qui sont sensées permettre une organisation du contenu, mais elles sont désormais beaucoup trop vagues et je dirais même inutiles car la plupart des billets que j’écris sont systématiquement taggés dans les catégories ‘Tokyo’, ‘Architecture’ et ‘Musiques’. Je préfère faire des liens entre mes billets, vers des billets plus anciens. La plupart des billets que j’écris ont un ou plusieurs liens vers des billets précédents. Se forme ainsi un réseau de liens internes qui permettent de se déplacer entre les billets comme dans un labyrinthe ou comme dans une forêt dense où tous les arbres se ressemblent mais sont pourtant bien uniques. Je parle souvent de liens au sujet de la musique que j’écoute et apprécie. Je suis fasciné par cette idée de liens entre les choses, le musubi (結び). Les coïncidences sont aussi à mon avis des formes de liens.

J’ai toujours entre 40 et 50 visites par jour, mais j’ai toujours beaucoup de mal à connaître mes lecteurs. C’était beaucoup plus clair pour moi dans les premières années du blog car les lecteurs se manifestaient beaucoup à cette époque où les réseaux sociaux n’existaient pas encore ou n’en étaient qu’à leurs débuts. Je sais que les billets parlant uniquement d’architecture sont régulièrement recherchés, notamment ceux sur Sou Fujimoto, Kazuyo Sejima, Ryue Nishizawa, SANAA ou Tadao Ando, ce qui me fait dire que les amateurs d’architecture ou les étudiants en architecture sont toujours une partie importante des lecteurs. J’y pense toujours lorsque j’écris mes billets sur l’architecture tokyoïte. Mais je ne suis pas architecte, ni photographe d’ailleurs, ni spécialiste de musique ou d’art contemporain. Je n’ai pas d’autorité particulière à part le fait d’avoir écrit 2000 billets sur ces sujets. J’aimerais en tout cas avoir une meilleure idée de qui sont les visiteurs réguliers de Made in Tokyo. J’avais mis en place il n’y a pas très longtemps une enquête qui ne m’a apporté qu’une vingtaine de réponses, mais je l’ai malheureusement désactivé après le premier spam. Je sais qu’il y a aussi quelques lecteurs de très longue date qui ont dû lire les billets petit à petit au rythme des publications. Je m’amuse parfois à imaginer un nouveau lecteur qui, s’il apprécie mes billets, se lancerait dans leur lecture complète. J’ai du mal à imaginer le temps qui serait nécessaire pour lire et regarder tous les billets de Made in Tokyo. Ce nouveau lecteur hypothétique se rendrait certainement compte que je me répète souvent. Je me relis de temps en temps quand je manque d’inspiration. Je prends par exemple un mois au hasard dans les archives et je relis quelques anciens billets avec une certaine nostalgie. J’avais une nostalgie des années vécues en France, je l’ai toujours, mais je développe maintenant une nostalgie de mes années vécues à Tokyo. C’est un sentiment que je chérie et les 2000 billets de ce modeste blog contribuent au moins à cela.

Les images de ce billet s’accompagnent dans mes oreilles par les trois nouveaux morceaux de la compositrice de musique électronique et interprète Noah sur son EP intitulé Etoile. Ces trois morceaux sont d’une grande délicatesse et la subtilité de l’ensemble me plait vraiment beaucoup, notamment la balance parfaite entre les instruments classiques comme le piano et les sons électroniques. L’ambiance est assez différente de l’atmosphère urbaine de son album précédent Thirty dont j’avais également parlé dans un billet sur ce blog, mais on y trouve toujours cette impression d’écouter la représentation sonore d’un rêve éveillé. Cette expression n’est pas la mienne car elle est mentionnée sur la page Bandcamp de l’excellent label Flau qui distribue la musique de Noah (entre autres excellentes musiques). Toujours est il que l’impression vaporeuse qui pourrait être celle d’un rêve est bien présente dans cette musique dans la manière de chanter de Noah et dans le léger décalage de la partition musicale. Cette musique accompagne également très bien la légère nostalgie que j’évoque dans le paragraphe précédent.

cold wind blowing

Les images de Nishi Shinjuku que je vois dans la vidéo du morceau Golden Blue de MINAKEKKE me rappelle qu’il faut que je retourne dans ce quartier presque vide le week-end pour aller prendre quelques uns de ses immeubles emblématiques en photographies. Ces photographies datent du week-end dernier juste après le typhon numéro 19. Les vents du typhon ont nettoyé le ciel de tous ses nuages, ne laissant derrière eux que les tours inébranlables. Mon parcours passe bien sûr devant les formes rondes de Mode Gakuen Cocoon Tower par Tange Associates (fondé par Kenzo Tange) puis ensuite vers les pentes douces de l’immeuble Sompo Japan par l’architecte Yoshikazu Uchida. Je continue ensuite ma route vers la mairie de Tokyo mais je n’en montrerais pas de photos cette fois-ci. En fait, plus que des photographies, ce sont des images modifiées que je montre ici, des espaces urbains effacés par les lumières de néons du centre de Shinjuku. La musique que j’écoute ces derniers jours me fait revenir vers ces compositions d’images. Quand je pense à Nishi Shinjuku, il me revient d’abord en tête une photographie des tours la nuit, que j’avais pris en avril 2006. J’aime l’ambiance bleutée de cette photographie et sa composition. Je la garde en tête comme une référence. Nishi Shinjuku me rappelle aussi l’histoire de Kei que j’avais commencé à écrire en trois épisodes mais que j’ai un peu de mal à continuer à écrire. J’attends le moment propice et l’inspiration pour reprendre le crayon (pour ce texte en particulier, j’écris d’abord sur mon carnet et retranscris ensuite sur le blog).

Il y a beaucoup de délicatesse et de subtilité dans la musique de Noah, compositrice et interprète venant d’Hokkaido mais installée à Tokyo depuis trois ans. Elle nous dit que son dernier album intitulé Thirty (c’est l’âge auquel elle a écrit ces morceaux) lui a été inspiré par cette ville de Tokyo, mais je ne peux m’empêcher d’y ressentir des images d’Hokkaido. C’est certainement un peu cliché de le dire, mais cette musique électronique me fait penser à des flacons de neige d’Hokkaido venant se poser doucement et délicatement sur les néons tokyoïtes. Cette idée de contraste me plait assez donc je ne réfute pas cette interprétation. La voix vaporeuse et à peine déchiffrable de Noah ajoute à cette ambiance mystique, comme un nuage de brume. Mais on ressent aussi assez clairement l’ambiance de cette ville, plutôt tard dans la nuit quand la foule a disparu et que les contours de la ville se font plus flous. Les morceaux s’enchaînent naturellement dans une grande unité de style ponctuée par deux morceaux phares, le deuxième intitulé 像自己 (Xiàng zìjǐ) et le cinquième intitulé メルティン・ブルー. Le sixième morceau 愛天使占 plus sombre et à la dynamique plus marquée est également remarquable. Le dernier morceau est une version alternative du deuxième morceau reprenant cette dynamique et je trouve qu’il fonctionne très bien. L’album demande plusieurs écoutes pour rentrer pleinement dans cet univers, mais c’est très agréable d’y faire un tour pour ce perdre dans ces sons.