DAOKOWWWX

Le souci avec les concerts, c’est qu’on les attend pendant longtemps et les deux heures de live passent ensuite beaucoup trop vite. J’avais acheté mon billet pour le concert de DAOKO il y a environ deux mois, en me demandant à quoi pouvait bien ressembler ses concerts et quel pouvait bien être le spectateur type. Je me suis vite rendu compte qu’il n’y a pas de spectateur type, tout comme pour tous les autres concerts auxquels j’ai déjà assisté, car le public est divers et varié avec des tranches d’âges très différentes. J’ai toujours une petite crainte que le public soit beaucoup plus jeune que moi, mais je réalise à chaque fois que ce sont des inquiétudes infondées, même si l’âge moyen doit resté bien inférieur au mien. DAOKO ayant 27 ans, j’imagine que la moyenne d’âge des spectateurs du concert devait se trouver dans cet ordre d’idée. Il semblait y avoir des habitués qui l’interpellaient pendant les passages de MC devant le public. C’est d’ailleurs un aspect que je n’avais pas trop rencontré lors de précédents concerts, où personne ne se lançait vraiment à énoncer à haute voix ses pensées devant tout le reste de la salle vers l’artiste sur scène. J’ai aussi compris que la personnalité de DAOKO donnait envie au public de lui parler. Elle s’est exprimée plusieurs fois pendant le concert en prétendant ne pas être douée pour ces passages MC, mais il n’en est rien. Des concerts que j’ai pu voir jusqu’à maintenant, DAOKO est très certainement la plus bavarde. Elle nous dit d’ailleurs qu’on lui avait fait la remarque lors du concert d’Osaka, une semaine avant celui de Tokyo, qu’elle s’était beaucoup exprimée devant la foule et qu’elle ressentait comme une pression à s’exprimer autant pendant ce concert à Shibuya. DAOKO exprime ses pensées assez directement, elle aime plaisanter, l’autodérision et ça la rend extrêmement sympathique. Je pense que c’est la raison pour laquelle certaines personnes du public l’interpelle avec parfois un petit air taquin. Ce qui est amusant c’est qu’elle ne voulait pourtant pas trop parler pour qu’on ne dise pas ensuite sur les réseaux sociaux qu’elle parle trop plutôt qu’elle ne chante. Mais personnellement, j’adore ces moments avec le public, surtout qu’on la sentait particulièrement heureuse sur scène devant ses fans venus la voir.

J’ai donc assisté au concert qui se déroulait le Vendredi 14 Juin 2024 dans la salle WWW X de Shibuya en face du Department Store PARCO. Je connais bien la Live House WWW / WWW X car j’ai déjà assisté à deux autres concerts dans le passé dans ces salles: ceux de For Tracy Hyde dans la salle WWW X et de a子 dans la salle WWW. Ce concert à Shibuya était un des deux concerts de la petite tournée « Daoko “Slash-&-Burn” Tour 2024« . La première date était à Osaka le 9 Juin 2024 dans une salle nommée Anima (comme le titre d’un de ses albums). Le concert démarrait à 19h avec une ouverture des portes, comme toujours très organisée, un peu avant 18:15. La salle fait environ 600 places débouts et mon billet était dans le premier tiers. Il n’a pas fallu trop de temps pour entrer, prendre une bière au comptoir et trouver une place dans la salle. C’est devenu comme une routine même si l’excitation avant concert est toujours intacte. Pour cette tournée, Daoko est accompagnée d’un groupe de trois musiciens: Shunsuke Ochi (越智俊介) à la guitare basse, Yusuke Yoshida (吉田雄介) à la batterie et Masayuki Yoshii (吉井雅之) en manipulateur, c’est à dire assurant toute l’instrumentation électronique et les effets de voix, notamment. Au moment de la présentation des membres du groupe au début du concert, Daoko a même pris quelques dizaines de secondes pour expliquer le rôle précis du ’manipulateur’ situé juste derrière elle sur la scène.

DAOKO a interprété avec son groupe 23 morceaux pendant ce concert, dont, sans surprise, la totalité des douze morceaux du nouvel album Slash & Burn. Les morceaux du dernier album étaient entrecoupés par ceux d’albums et EPs plus anciens allant jusqu’à sa période indépendante avec le morceau Fog de son tout premier album HYPER GIRL (向こう側の女の子) et en passant bien sûr par son titre à grand succès Uchiage Hanabi (打ち上げ花火), dans sa version solo sans Yonezu Kenshi, de l’album Shiteki Ryokō (私的旅行). Elle démarre le set par le morceau SLUMP du dernier album et donne d’entrée de jeu le ton du concert. Par rapport à l’album, je trouve la voix de DAOKO beaucoup plus marquée et puissante, avec des parties rappées plus agressives qui entraînent très rapidement le public. Je m’étais donné une petite liste de morceau que je voulais qu’elle interprète pendant ce concert et SLUMP en faisait partie, tout comme Otogi no Machi (御伽の町) de l’album Anima. Ce morceau déchaîne même le public tant elle donne de la passion dans sa voix. La particularité du chant de DAOKO est qu’elle marque distinctement la dernière syllabe des mots qu’elle prononce dans son flot rappé, ce qui joue beaucoup sur le rythme et l’énergie qu’elle transmet à la salle. Cette énergie se transmet bien entendu en écoutant les albums mais est beaucoup plus palpable et même décuplée en live. Les spectateurs sont du coup assez vocaux à la fin de chaque morceau. Les paroles des morceaux de DAOKO sont denses, en raison de la composante rap quasiment omniprésente sur tous ses morceaux. J’ai cru voir un petit iPad posé en bas du micro et je pense qu’elle le regardait discrètement de temps en temps pour ne pas perdre le fil sur ses morceaux les plus récents.

Sur scène DAOKO bouge beaucoup, fait beaucoup de mouvements de bras parfois à destination du public, et les spectateurs font de même en réponse. Elle est vêtue d’une robe noire un brin gothique, assez ample avec un papillon (てふてふ – 蝶々) dans le dos en guise de noeud Obi (帯留め). Le début du concert continue sur un flot dense avec deux morceaux du EP MAD composé par Yohji Igarashi, à savoir MAD et spoopy, qui poussent la foule à bouger sur place et à la suivre dans ses mouvements. Le morceau Abon (あぼーん) du dernier album continue dans cette lancée très dynamique et contagieuse jusqu’au plus calmes Nanchatte (なんちゃって) et BLUE GLOW de l’album Slash & Burn et Ututu du EP du même nom. Je ne connaissais pas ce morceau Ututu aux airs jazz qui me plaisent beaucoup. Sur la totalité du set, il n’y avait que trois morceaux que je ne connaissais pas ou peu dont le très pop fighting pose du EP the light of other days, Fog dont je parlais plus haut et Ututu. Au milieu du concert, écouter le morceau Suisei (水星) a provoqué en moi une certaine émotion car il s’agit, avec ShibuyaK, de mon point d’entrée vers le monde musical de DAOKO. J’aurais aimé qu’elle interprète ShibuyaK car nous étions à Shibuya, mais ça n’a pas été le cas. Sans forcément passer tous les morceaux en revue, il y avait pour moi de nombreux points forts venant du dernier album, le mystérieux Kō×2 + Uso×2 (好×2 + 嘘×2) puis le turbulent GAMEOVER, le profond et hypnotique Akame no Biru (赤目のビル) que j’écoute religieusement comme tout le monde dans la salle, et un de ses meilleurs morceaux Tenshi ga ita yo (天使がいたよ) juste avant les rappels. C’est clair qu’on ne s’ennuie pas pendant son set, car son approche du chant est sans cesse mouvante, entre l’agressivité du hip-hop, ses transitions soudaines vers une voix de type idole, les effets sonores apportés sur sa voix par le manipulateur électronique…

Pendant un des passages adressés au public, elle se pose la question du surnom qu’elle pourrait donner à ses fans (un peu comme Sheena Ringo avec les OTK). Au début de sa carrière, elle se rappelle que la couleur bleue était prépondérante auprès des fans car elle portait elle-même beaucoup de bleu, notamment au moment de l’album Thank You Blue qui l’a fait connaître du grand public. Mais elle porte beaucoup moins de vêtements de couleur bleue et prend le soin de nous préciser qu’elle n’a jamais fait de fixation sur cette couleur. Elle nous fait part que ce surnom qu’elle imagine pour ses fans devait être en anglais, car elle a aussi un nombre de fans assez important à l’étranger, et propose finalement le nom « D(Daoko)-Lovers ». J’avais en fait déjà connaissance de cette appellation car elle l’a évoqué pour la première fois lors du concert d’Osaka la semaine d’avant, et je l’avais lu sur les réseaux sociaux. Je ne suis à vrai dire pas totalement convaincu par cette appellation mais on verra bien si elle restera dans les mémoires. Le passage qui suit devient un peu plus émotionnel car elle nous partage sa joie d’être sur scène avec son public et qu’elle aimerait qu’on la suive jusqu’à ses derniers jours (qu’on souhaite le plus tard possible). Elle demande ensuite ou public de lever la main si c’est la première qu’on assiste à un de ses concerts. Nous ne sommes pas en majorité mais les nouveaux venus comme moi sont assez nombreux ce qui semble lui faire plaisir. Après ses débuts indépendants il y a plus de 10 ans, elle est ensuite passée sur un label majeur en connaissant un succès certain et des collaborations notables, avec Yonezu Kenshi (comme mentionné plus haut), mais aussi Yasuyuki Okamura (岡村靖幸) pour le single Step-up Love (ステップアップ), un duo avec Beck, un passage à Kōhaku sur NHK, mais a ensuite fait le choix de revenir vers une voie plus alternative et loin du mainstream avec l’album Anima. Je pense qu’elle a fait le choix d’être proche de ce qu’elle recherche sans subir l’influence des labels. Ça doit être une raison pour laquelle son dernier album est auto-produit sur son label Tefu Tefu (てふてふ) comme le papillon de son logo, et plus sur la Major Toy’s Factory. Ce genre de transitions doit être source de nombreux doutes et questionnements et je comprends la joie, qu’elle nous transmet sur scène, d’être parmi des habitués qui la suivent tout au long de son parcours et parmi de nouveaux ’adhérents’ qui viennent de la découvrir par son nouvel album.

Le concert se termine avec les rappels composés de deux morceaux. Il aura fallu l’applaudir longtemps avant qu’elle revienne sur scène, car elle nous explique que la salle de repos et de préparation des artistes est située a l’étage et qu’elle s’est fait mal au dos il y a quelques jours ralentissant ses mouvements dans les escaliers. Je ne sais pas la véracité de cette excuse car elle n’avait pas du tout l’air d’avoir des douleurs au dos sur scène. Elle commence par le morceau BANG! de l’album Thank You Blue puis au final, NovemberWeddingDay de Slash & Burn. Elle nous explique qu’elle a écrit ce morceau pour sa grande sœur qui s’est mariée, mais qu’elle avait du mal adhérer vraiment à son propre morceau car elle est elle-même célibataire à 27 ans. Elle conclut finalement que ce morceau n’est pas vraiment une chanson de mariage mais un cri d’amour envers ses fans. Pour une raison technique assez floue, ou une erreur qu’elle aurait commis dans le texte, elle décide de chanter ce morceau une deuxième fois, et ça conclura ce superbe set. Et quand il est finalement l’heure de partir car les lumières se sont rallumées, je ne peux m’empêcher de passer par la boutique pour acheter un t-shirt reprenant le nom stylisé DAOKO à l’avant et le logo de papillon à l’arrière. Le nom stylisé de DAOKO n’utilise que des forme de triangles et des ronds pleins, ce qui correspond très bien avec les néons intérieurs de la salle WWW X, que je montre en photo ci-dessus pour me rappeler de cette correspondance involontaire. J’achète en fait assez souvent un t-shirt avant ou après un concert que je vais voir et, cette fois-ci, je le porte dès le lendemain pour regarder DAOKO à la télévision.

C’est assez surprenant de voir à la télévision un ou une artiste qu’on a vu le jour d’avant en concert. Elle était en fait invitée par Sheena Ringo pour interpréter en duo le morceau 余裕の凱旋 (a triumphant return) de son album Hōjōya (放生会), lors de l’émission With Music sur la chaîne Nippon Television (日テレ). Sheena Ringo et DAOKO étaient toutes les deux habillées de la même robe blanche avec inscriptions rouges en français, de boots surélevées et d’un chapeau de fanfare. Elles se ressemblaient même beaucoup sur scène avec une chevelure blonde similaire. Je suis comme fasciné par les photos de DAOKO dans cette tenue, car je trouve que ça lui va très bien même si ce n’est pas une tenue qui est en adéquation avec son style de musique, ni un style vestimentaire facilement portable dans la vie de tous les jours. Je ne sais pas si Ringo a fait le choix de cette tenue, mais je lui trouve un petit brin de magie. Ce n’est pas désagréable de voir Ringo et DAOKO chanter ensemble à la télévision, d’autant plus qu’il s’agit d’un des morceaux que je préfère de l’album, même si j’ai beaucoup de morceaux préférés sur l’album Hōjōya. Ringo avait écrit un message officiel pour donner ses impressions sur l’album Slash & Burn, sur DAOKO avait relayé sur Twitter avec une joie et une émotion non dissimulée. Je me demande quelle peut être pour DAOKO l’influence de ce duo avec Ringo sur les ventes de son album Slash & Burn. J’imagine qu’elle doit être très bénéfique. Ringo mentionnait sur son message qu’elle aimerait voir DAOKO en live, mais j’imagine bien qu’elle n’était pas présente dans la salle du WWW X, sinon on l’aurait très certainement remarquée. Je n’étais en tout cas pas mécontent de voir le batteur Yusuke Yoshida, échappé temporairement de Tricot, sur scène avec DAOKO. Je l’avais bien sûr entendu jouer lors du concert de Tricot le mois dernier, et c’était intéressant de le retrouver une nouvelle fois sur scène dans un configuration très différente. Sans surprise, il s’en est sorti merveilleusement bien. Il a l’air d’être doué en toute circonstance, en plus d’être sympathique bien qu’assez discret. Sur le morceau Kō×2 + Uso×2 (好×2 + 嘘×2), j’étais d’ailleurs assez surpris de l’entendre jouer du djembe, car je ne l’ai jamais vu jouer de ce genre de percussions africaines lors de concerts de Tricot.

La plupart des photographies ci-dessus ont été prises pendant le concert par le photographe Sei Shimura, qui était pas loin derrière moi car je me reconnais de dos à droite sur la première photographie du billet. DAOKO les a publié sur ses comptes Twitter et Instagram. Certaines de photos sont les miennes, nais il était interdit de photographier et de filmer pendant la durée du concert, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Ça devrait être même systématique, mais ça reste encore très largement la règle implicite au Japon.

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Pour référence ultérieure, je note ci-dessous la playlist du concert Slash & Burn tour 2024 de DAOKO au WWW X de Shibuya le 14 Juin 2024:

1. SLUMP de l’album Slash & Burn
2. Otogi no Machi (御伽の町) de l’album Anima
3. FTS de l’album Slash & Burn
4. MAD du EP MAD avec Yohji Igarashi
5. spoopy du EP MAD avec Yohji Igarashi
6. Abon (あぼーん) de l’album Slash & Burn
7. Nanchatte (なんちゃって) de l’album Slash & Burn
8. Ututu du EP UTUTU
9. BLUE GLOW de l’album Slash & Burn
10. Cinderella step de l’album Thank You Blue
11. Suisei (水星) de l’album Daoko
12. ONNA de l’album Slash & Burn
13. Kō×2 + Uso×2 (好×2 + 嘘×2) de l’album Slash & Burn
14. Fog de l’album HYPER GIRL (向こう側の女の子)
15. GAMEOVER de l’album Slash & Burn
16. Ai no Loss (愛のロス) de l’album Anima
17. fighting pose du EP the light of other days
18. Akame no Biru (赤目のビル) de l’album Slash & Burn
19. Sute chatte ne (捨てちゃってね) de l’album Slash & Burn
20. Uchiage Hanabi (打ち上げ花火) (DAOKO SOLO ver.) de l’album Shiteki Ryokō (私的旅行)
21. Tenshi ga ita yo (天使がいたよ) de l’album Slash & Burn
22. BANG! de l’album Thank You Blue
23. NovemberWeddingDay de l’album Slash & Burn

gravity so gravity

La lumière sur ces quelques photographies est estivale. Les températures actuelles vers les 28 degrés annoncent un été précoce, mais l’air reste encore frais ce qui rend les marches dans Tokyo particulièrement agréables. La première photographie a été prise près de la station de Yoyogi. Je prends en général cet endroit en photo de l’autre côté de la voie ferrée, sous le tunnel car je suis toujours attiré par le puits de lumière qui s’échappe de l’obscurité du tunnel. Je suis cette fois-ci attiré par les longues roses trémières sauvages que l’on voit pousser en ce moment à différents endroits de la ville. Les photographies qui suivent sur ce billet sont mélangées sans aucune unité de lieu. On passe du centre de Shibuya devant le Department Store PARCO, à un festival vietnamien organisé près du parc de Yoyogi, aux allées etroites autour du petit parc Kitaya, tout ceci sous le regard interrogatif d’une jeune femme en kimono rouge. Je me sens immédiatement le besoin de lui décrire le détail des photographies que je viens de prendre, mais elle reste muette et désintéressée, sans aucune réaction aux mots que j’écris. Une approbation même infime m’aurait suffit, un clignement d’oeil furtif ou un léger mouvement de menton, par exemple. Écouter le Anti EP d’Autechre en écrivant ce court texte me fait divaguer vers des terrains pleins d’une abstraction qui me semble proche mais qui m’échappe et que je n’arrive pas à clairement appréhender. La gravité ramène sans cesse mon esprit vers la terre ferme, et c’est certainement préférable car on ne peut pas se perdre à jamais dans ces vagues atmosphériques attirantes qui se chevauchent, s’entrelacent jusqu’à nous faire perdre la trace de toute réalité.

À l’achat de l’album Slash & Burn de DAOKO au Tower Records de Shibuya, un petit billet en papier nous était donné pour pouvoir faire dédicacer son album par l’artiste. Cette session de dédicace se déroulait le Dimanche 2 Juin à partir de 17h. Je n’étais pas sûr d’être en mesure d’y aller aux heures indiquées, mais j’ai pu y assister de justesse. je suis arrivé au Tower Records de Shibuya un peu après 17:30 et il y avait une file d’attente s’étendant dans l’escalier entre les troisième et cinquième étages. Il fallait se munir du CD de l’album Slash & Burn car la dédicace se fait uniquement sur la jaquette de couverture. Il me faudra environ 40 minutes d’attente avant de voir DAOKO derrière une table dans un espace temporairement clos du troisième étage du magasin. J’avais donc tout le temps de réfléchir à ce que j’allais lui dire pendant les quelques courtes minutes accordées par personne. À vrai dire, je pense que c’est la première fois que je participe à ce genre de session avec des musiciens (j’ai par contre déjà fait signer des livres). Une fois devant elle, le temps passe plus vite que prévu. Elle saisit rapidement le CD et me demande mon prénom pour signer. Elle prend par contre son temps à styliser son nom d’artiste. J’en profite donc pour lui dire que j’ai beaucoup aimé son nouvel album, que je l’avais acheté en pré-sortie ce qui a l’air de la surprendre un peu, et que j’avais hâte de la voir en concert. Elle était très souriante et sympathique, réagissant à mes paroles mais le temps a forcément passé très vite. Je n’ai même pas eu la présence d’esprit de lui dire que j’avais été très impressionné par sa présence au côté de Sheena Ringo pour le morceau Ishiki (意識) remixé par Shinichi Osawa (大沢伸一) lors du concert Shogyō Mujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常) de 2023. Je n’ai pas eu le temps non plus de la féliciter pour son duo très réussi avec Sheena Ringo sur son dernier album Hōjōya (放生会). Bref, elle me remercie alors que je reprends en mains mon CD de Slash & Burn joliment signé. Le suivant attend déjà à la porte, guidé par le personnel du magasin. On ne pouvait à priori pas prendre de photos mais je n’ai pas demandé.

DAOKO disait elle-même qu’elle est OTK de base (普通のOTK) dans l’émission spéciale Snack Kimagure Remote Eigyōchū (スナックきまぐれ~リモート営業中~) sur YouTube, visible seulement le 29 Mai 2024, jour de la sortie de l’album Hōjōya. DAOKO était invitée à cette émission organisée par Sheena Ringo avec Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) de Tricot et Momo (もも) de Charan Po Rantan (チャラン・ポ・ランタン). On ne peut pas dire que cette émission était particulièrement intéressante ni mémorable car elles n’ont pratiquement pas évoqué le nouvel album. On sentait, du moins au début, une certaine nervosité chez DAOKO et Ikkyu, mais beaucoup moins chez Momo. Le décor reprenait celui d’un petit bar snack tenu par une Mama. En accord avec cette ambiance, DAOKO était habillée d’une tenue jaune très inhabituelle, qui ne lui allait pas du tout. Ringo avec son costume masculin vert et ses lunettes de soleil réfléchissantes n’était pas non plus sous son meilleur jour. Seule Ikkyu avait une tenue qui lui convenait admirablement. Dans ce décor aux airs désuets, Ikkyu jouait le rôle de la patronne des lieux mais ne se prêtait pas du tout au jeu.

J’ai souvent chercher sans les trouver les albums de DAOKO au Disk Union de Shibuya. Je me suis rappelé qu’il y avait en fait un autre magasin Disk Union spécialisé en hip-hop à quelques dizaines de mètres. Je me suis en fait rappelé que les disques de DAOKO sont classifiés dans la catégorie hip-hop car il s’agit de son genre musical principal, bien qu’elle évolue dans des styles très variés. J’y trouve avec une joie certaine son deuxième album intitulé Gravity, sorti en Décembre 2013 pendant sa période indépendante. On ressent tout de suite ce son indé avec une production qui n’est pas aussi évoluée que sur ses albums plus récents. J’aime cette imperfection car elle nous amène vers des sons plus bruts et parfois bizarres, mais assez souvent très inspirés. Certains morceaux tiennent à mon avis moins bien la route, mais le morceau titre Gravity est vraiment superbe, que ça soit pour ses sons électroniques de néons vaporeux ou pour le rap de Jinmenusagi. Il y a une sorte de beauté mélancolique contemplative assez difficile à décrire mais qui est très belle et qui me touche beaucoup sur ce morceau. Je suis agréablement surpris de retrouver aussi vite ce rappeur après l’avoir entendu sur l’album Saisei de DJ KRUSH. J’adore le rap de DAOKO sur le morceau qui suit Heigai (弊害) et l’ambiance du morceau Negative Monster (ネガティブモンスター). Ce morceau compte aussi parmi les meilleurs de l’album, assez caractéristique du rap de DAOKO à la fois rapide et quasiment chuchoté. Ce déséquilibre fait tout la particularité de son flot, surtout quand il est accompagné de sons décalés. Dès les premières notes du motif électronique se répétant sur le premier morceau de l’album, ISLAND, on se laisse emporter dans un monde instable. On y perd volontairement l’équilibre et on se laisse emporter par la gravité. Comme sur ses autres albums, DAOKO fait appel a plusieurs producteurs. Je reconnais le nom DJ 6月qui intervient également sur son nouvel album. Il produit le deuxième morceau BOY à l’approche plus pop et le onzième morceau TWINS où DAOKO utilise sa voix plus kawaii. Je me surprends moi-même à apprécier le rythme répétitif du refrain qui a quelque chose d’innocent. Il fonctionne particulièrement bien car DAOKO défile son flot rap sans discontinuer et faiblir, se reliant parfaitement avec les enchaînements du refrain. Les productions de COASARU sont assez chaotiques sur les morceaux Zureteru (ずれてる) et Megitsune (メギツネ). Ce dernier fait intervenir les rappeurs Page et Gomess mais le style brut de certains voix laissent interrogatifs car le morceau ressemble à une météorite attrapée par la gravité terrestre qui n’aurait très certainement pas dû arriver sur terre. Le morceau Romantic Delinquency (浪漫非行) également produit par DJ 6月 fait aussi figure d’ovni qu’on n’entendrait certainement pas sur l’album d’une major, mais c’est ce genre de compositions qui me font énormément apprécier les albums de jeunesse d’une période indépendante.

an untilted life (1)

Le titre de ce billet est en fait le nom donné à une petite playlist sur mon iPod contenant principalement des morceaux d’artistes ou de groupes que je ne connaissais pas jusqu’à maintenant et que je découvre avec un enthousiasme certain. Il n’y a pas de faute d’orthographe dans le titre. Ceux qui savent sauront d’où vient cette écriture trompeuse. Je découvre d’abord le morceau Shirase (しらせ) de la compositrice et interprète Kiwako Ashimine (安次嶺希和子) grâce à la photographe Mana Hiraki (平木希奈) qui prend la photo servant de couverture à ce single. Cette photographe que je suis sur Twitter et Instagram me fait régulièrement découvrir de nouveaux et nouvelles artistes à travers ses photographies et vidéos, et je lui ai fait part de mon remerciement sur Twitter auquel elle m’a gentiment répondu en français comme la dernière fois. Kiwako Ashimine est compositrice et interprète originaire d’Okinawa. On est tout de suite captivé par sa voix et la qualité de l’ambiance musicale teintée d’une certaine dose de mystère. C’est un très beau morceau envoûtant. J’écoute ensuite le morceau Moon d’un jeune groupe appelé Shokudo Girl (食堂ガール) composé de cinq membres, étudiants à l’Université nationale de Yokohama. Le rock de ce morceau a un côté expérimental et imprévisible qui me plait vraiment beaucoup. Ce morceau est disponible sur leur premier album intitulé Fall in sorti en Mars 2023. C’est peut-être dû au fait qu’ils chantent en anglais mais la liberté de composition de ce morceau me rappelle les musiques rock occidentales que j’écoutais intensément au début des années 2010 après les avoir découvertes sur le podcast des Inrocks (malheureusement disparu depuis très longtemps), comme le morceau Euphony des niçois Quadricolor. Hakushi Hasegawa (長谷川白紙) n’est pas un nouveau venu de la scène indépendante japonaise, même s’il n’a que 25 ans, mais je ne le découvre vraiment que maintenant avec un single intitulé Boy’s Texture qui apparaîtra sur son prochain album Mahōgakkō (魔法学校) prévu pour le 24 Juillet 2024. Ce morceau est un ovni musical, aussi beau qu’étrange. Il est difficile à définir car s’y mélangent une composition plutôt classique de guitare sur laquelle viennent s’ajouter la voix éthérée d’Hakushi Hasegawa, un rythme électronique et diverses sonorités extérieures et interjections toutes plus bizarres les unes que les autres, ce qui rend ce morceau très habité. Les trois morceaux de cette petite sélection sont tous de très belles découvertes qui ouvrent de nouvelles portes et me font dire que les inspirations musicales du moment sont sans limites.

feeling toooo lazy

C’est peut être l’effet Golden Week, mais je me sens paresseux pour écrire de nouveaux billets sur ce blog, même si les photographies à montrer ne manquent pas, car nous sommes allés à différents endroits ces dernières semaines. J’ai en fait tellement de billets en brouillon en attente d’écriture que je ne sais pas par lequel commencer. Ces billets ont déjà des photos allouées et un titre provisoire mais il me reste les textes à écrire pour une douzaine d’entre eux, dont celui-ci. Nous sommes actuellement entrés dans une des deux meilleures périodes de l’année au Japon et l’envie de prendre des photos est très forte. Celles de ce billet sont relativement classiques, prises à Daikanyama, Ebisu et Shibuya. Sur l’avant-dernière photographie, je montre une nouvelle fois mais en contre-plongée l’unité d’appartements haut de gamme conçue par Toyo Ito à Shibuya Tokiwamatsu. J’ai également déjà montré le bâtiment rond couvert de bois de la première photographie. On y trouve actuellement un café et une galerie appelés Monkey Café & Gallery D.K.Y. Ce bâtiment a été conçu par Hiroshi Nakamura (中村拓志) & NAP et se nomme Sarugaku Cyclone. Les plaquettes de bois du haut du bâtiment subissent malheureusement l’usure du temps et ont perdu de leur fraîcheur d’origine. On peut voir un phénomène similaire sur certains bâtiments de Kengo Kuma, qui ne vieillissent pas très bien par rapport, par exemple, au béton de Tadao Ando.

Les petits tunnels de Biku et de Koshin sous la voie ferrée entre les gares d’Ebisu et de Shibuya sont souvent taggés en long et en large, puis nettoyés et re-taggés dans une boucle infinie qui n’est pas sans intérêt pour le photographe que je suis. Depuis quelques semaines, une grande fresque de l’artiste californien Barry McGee vient occuper un des murs du tunnel sur une surface de 16m de large sur 3.5m de long. L’art de Barry McGee combine des graphismes géométriques très riches en couleurs avec des dessins de portraits. Cette fresque vient s’inscrire dans un projet appelé Shibuya Arrow qui a été lancé en 2017 dans le but de diffuser des informations sur les sites d’évacuation temporaires et les itinéraires d’évacuation en cas de catastrophe tel qu’un tremblement de terre. En regardant bien les dessins de Barry McGee, j’ai quand même beaucoup de mal à y déceler des informations d’évacuation en cas de tremblement de terre. Toujours est-il que ces dessins viennent embellir un tunnel qui ne l’était pas et je suis curieux de voir apparaître soudainement d’autres œuvres de ce projet. Voici donc un nouveau sujet à suivre de près. Tout comme les toilettes publiques d’architectes dans Shibuya, j’imagine que la découverte de nouvelles fresques dans Shibuya créera de nouvelles vocations de guides pour les touristes venus de loin. Et comme je le mentionnais au début du billet, nous terminons la deuxième partie de la Golden Week, période pendant laquelle on voit apparaître aux quatre coins du pays des carpes colorées accrochées en haut de mâts et se laissant porter par les vents.

Lors du concert final de For Tracy Hyde, le 25 Mars 2023 dans la salle WWWX de Shibuya, Azusa Suga (管梓) nous avait fait part qu’il continuerait à composer pour son autre groupe April Blue (エイプリルブルー) mais également plus occasionnellement pour des groupes d’idoles alternatives. Je pensais à RAY pour lesquelles il a déjà composé un certain nombre de titres rock. J’ai appris à travers son fil Twitter qu’il compose également pour un autre groupe appelé airattic (エアラティック) que je ne connaissais pas. Le morceau Film Reel of Our Youth (フィルムリールを回して) est sorti il y a plus d’un d’un an, en Septembre 2022, mais je ne le découvre que maintenant. Dès les premiers accords de guitares, on reconnaît tout de suite les compositions d’Azusa Suga pour ses ambiances de rock indé au style Dream pop légèrement mélancolique. Le titre même du morceau m’évoque tout de suite For Tracy Hyde, ce qui me fait penser que ce morceau aurait très bien pu être chanté par Eureka si le groupe n’avait pas pris fin le 25 Mars 2023, d’autant plus qu’il s’agit de Mav, également un ancien de For Tracy Hyde, qui y joue de la basse. Le morceau est donc chanté à plusieurs voix, celles des cinq idoles alternatives d’airattic, à savoir Hinari Koizumi (小泉日菜莉), Nene Kagura (神楽寧々), Madoka Momose (百瀬円香), Honoka Sakuragi (桜木穂乃花) et Ami Mukai (向日葵海). La production du groupe, dirigée par un certain Shota Homma (本間翔太), nous indique que le nom de la formation provient des mots air (空気) et attic (屋根裏), mais je ne peux m’empêcher d’entendre phonétiquement le mot Erratique, qui ne caractérise pourtant pas la musique du groupe. Tout comme pour RAY, plusieurs compositeurs indépendants rock ou électro composent pour airattic. J’aime beaucoup le morceau Film Reel of Our Youth mais je lui préfère celui intitulé Lightning (閃光) sorti en Décembre 2022. Ce deuxième single a une approche complètement différente, beaucoup plus rapide et dynamique. On dirait un single de Nogizaka 46 qui serait passé en accéléré. Ce qui fonctionne très bien sur ce morceau, c’est le rythme vocal soutenue des filles du groupe tenant très bien la route et n’ayant pour le coup absolument rien d’erratique. La vitesse excessive du morceau a même quelque chose de ludique, tout comme leur chorégraphie, dans la pénombre d’un vieil hangar. Parmi les autres découvertes musicales récentes, je ne suis pas mécontent de revenir vers le beat électronique de type house music de tofubeats avec le morceau I CAN FEEL IT sur son nouvel EP NOBODY sorti le 26 Avril 2024. La vidéo du morceau est concentrée sur l’actrice et cascadeuse (notamment dans l’épisode de John Wick sorti en 2023), Saori Izawa (伊澤彩織) devant des claviers ou au volant d’un 4WD sur l’autoroute express de Tokyo intra-muros. Ce n’est pourtant pas elle qui chante sur ce morceau, car tofubeats utilise ici un software vocal appelé Synthetiser V doté d’intelligence artificielle. La voix auto-tunée qui en ressort a quelque de neutre et d’inorganique mais elle n’en reste pas moins expressive, ce qui est au final assez étonnant. Pour être très honnête, j’aurais préféré qu’il utilise une véritable voix, car ce ne sont pas les belles voix qui manquent dans le paysage musical japonais. Cette voix artificielle combinée aux beats plein de cascades de tofubeats rendent tout de même ce morceau extrêmement intéressant et accrocheur. Depuis qu’elle a signé sur une major, je trouve que les vidéos d’a子 gagnent en qualité. Son dernier single intitulé Lazy est sorti le 17 Avril 2024, date facile à retenir car c’était le même jour que la sortie du dernier single de Sheena Ringo. L’amateur que je suis des compositions et de la voix d’a子 n’est pas déçu par ce nouveau single qui continue vers des terrains musicaux qu’on lui connaît. J’ai un avis un peu partagé sur les derniers singles d’a子 car j’aimerais qu’elle explore des horizons un peu différents, mais j’ai en même temps le sentiment qu’elle a trouvé une ambiance qui lui convient et lui correspond, à mi-chemin entre rock indé et pop. Continuer sur cette voie lui permet en même temps de se construire une identité immédiatement reconnaissable. On est en tout cas très loin de s’ennuyer en écoutant ce nouveau single car a子 parvient à chaque fois à attraper notre attention avec un refrain bien vu. Le quatrième morceau de cette playlist me fait particulièrement plaisir à écouter car il s’agit du dernier single intitulé Yogensha (預言者) du groupe Tempalay sur leur cinquième album ((ika)) sorti le 1er Mai 2024. Tempalay est le groupe dans lequel AAAMYYY joue du clavier et assure les chœurs, avec Ryōto Ohara (小原綾斗), le chanteur, guitariste et compositeur du groupe, et Natsuki Fujimoto (藤本夏樹), le batteur. Sachant qu’AAAMYYY jouait dans ce groupe, j’ai eu à plusieurs reprises envie de découvrir Tempalay, sans être malheureusement très convaincu par le rock un peu psychédélique qui les caractérise. Je trouve par contre ce dernier single excellent, avec une bonne balance entre les voix d’AAAMYYY et de Ryōto Ohara. En fait j’adore quand AAAMYYY vient mélanger sa voix avec celle d’un autre chanteur car elle a une tonalité un peu différente, très légèrement rugueuse qui complète bien l’autre voix. Le single a une atmosphère très cool et on s’y sent bien. J’ai du coup très envie de découvrir cet album de Tempalay, car j’y retrouve assez clairement l’empreinte d’AAAMYYY.

人類最後の少女元年

Je me promène autour du S de Shibuya dans lequel on ne peut pas encore entrer. Le complexe Shibuya Sakura Stage ne semble pas complètement ouvert mais il s’y déroule déjà quelques événements comme celui de la marque de cosmétique Essential de Kao Corporation présentant ses nouveaux produits et la publicité qui va avec. Le groupe NewJeans fait la promotion de cette marque et sort par la même occasion un nouveau single lié à sa publicité. Une file d’attente s’était formée dans le large couloir du building pour entrer à l’intérieur de l’espace d’exposition, mais les membres du groupe ne semblaient pas avoir fait le déplacement. J’imagine la cohue si elles avaient été là dans les couloirs du Sakura Stage. Les jeunes fans se prenaient plutôt en photo devant une grande affiche publicitaire prévue à cette effet. La dernière photographie du billet n’est pas prise au même endroit. Il s’agit d’une vue en contre-plongée du building Octagon Ebisu (オクタゴン恵比寿) par l’architecte Shin Takamatsu (高松伸). Elle a été construite en 1992 mais n’a pas pris une ride. Son maquillage coule par contre un peu autour de ses gros yeux noirs globuleux. Le tour se tient fièrement comme au premier jour au pied d’un croisement de cinq rues.

Le weekend dernier était la deuxième édition du festival Coachella 2024 qui m’a donné l’occasion de voir certains des artistes que j’avais manqué lors du premier week-end. J’ai donc pu voir la prestation du groupe électronique L’Impératrice dont je parlais dans un billet précédent et qui a confirmé tout le bien que je pense de la musique de cette formation. La jubilation de jouer sur la scène de Coachella se lisait très clairement sur leurs visages et ça faisait plaisir à voir. Je n’en avais pas parlé dans mon billet précédent mais j’avais vu lors du premier week-end une partie du live du groupe new-yorkais Vampire Weekend, dont je n’ai pas écouté la musique depuis plus de dix ans. Sans être un amateur inconditionnel du groupe, je trouve leur single Classical sur leur nouvel album Only God Was Above Us vraiment excellent. Il est même très étonnement numéro 1 du classement Tokio Hop 100 de la radio J-Wave pour le week-end dernier. Ce morceau me replonge une nouvelle fois dans cette musique alternative du tout début des années 2010 et de la toute fin 2000, que je trouvais particulièrement imaginative. Merriweather Post Pavillon d’Animal Collective et Veckatimest de Grizzly Bear sont deux monuments sortis en 2009 qui symbolisent pour moi cette période. De ces deux albums, les morceaux Ready, Able et No More Runnin’ sont d’une grande sensibilité et tout simplement beaux à en pleurer. J’ai pu voir lors du deuxième week-end une partie du set de Grimes qui n’a pas rencontré cette fois-ci de problèmes techniques majeurs mais qui n’en restait pas moins assez fade. Ce ne sont pas les grandes images synthétiques en fond d’écran qui ont rattrapé le coup. Une bonne partie de ces images de personnages animés étaient certainement générées par intelligence artificielle car elles avaient ce côté lisse et déjà vu, qui me mettent personnellement mal à l’aise. Les images générées par AI ont tendance à tendre vers une même imagerie standard qui essaie à mon avis de rétrécir les angles de la perception humaine. Côté musique électronique, le set des français de Justice était par contre tout à fait exceptionnel en ayant une approche scénique plus traditionnelle. Gaspard Augé et de Xavier de Rosnay étaient débout imperturbables en costumes blancs devant leurs claviers et consoles électroniques, et la puissance des faisceaux de lumières autour d’eux étaient impressionnantes. Accompagnant des morceaux instrumentaux au son puissant comme Generator, cela créait un espace conceptuel futuriste froid de toute beauté. Du coup, je me suis mis à écouter plusieurs morceaux de leur nouvel album Hyperdrama, comme Generator, Incognito, Saturnine et surtout One Night/All Night interprété en collaboration avec les australiens de Tame Impala. J’ai développé une sorte d’obsession pour ce morceau et ce refrain qui se répète (And I can be your woman ‘Cause if that’s the only answer Then we could be together) que j’ai écouté plusieurs dizaines de fois. J’ai toujours aimé la voix de Kevin Parker, mais elle s’accorde particulièrement bien avec le son électronique de Justice. De Tame Impala, il faut écouter le morceau Let it Happen de l’album Currents de 2015, qui atteint à mon avis un des sommets de la musique du groupe, notamment pour son décrochage conceptuel à mi-morceau tout simplement génial.

Dans les groupes japonais à Coachella, j’étais particulièrement curieux de voir la performance d’Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ) qui concluait le festival sur la scène Gobi. Leur set valait clairement le détour car elles sont de véritables furies inarrêtables sur scène. Je ne suis particulièrement amateur de leurs morceaux récents comme Otona Blue (大人ブルー) qui mettait beaucoup en avant leur chorégraphie facilement imitable sur TikTok, au profit de la qualité de leur musique. Mais ce morceau leur a donné une grande popularité et une assurance sur scène qui est assez impressionnante. Elles ont certes l’habitude de la scène américaine et étaient même populaires là bas avant de l’être au Japon, mais je trouve qu’elles se sont transformées et maîtrisent parfaitement les techniques pour faire bouillir un public qui ne demande que ça, beaucoup mieux que la politesse timide de Yoasobi. Suzuka est par exemple hyper active, s’activant au plus près du public, se faisant tenir en l’air par les personnes du public au pied de la scène. Elles étaient très clairement électrisées par le public et heureuses d’être sur scène. Le problème tout de même est qu’elles ont tendance à surjouer la carte du crazy Japanese, c’est à dire les japonais qui vont des choses folles qu’on arrive pas à comprendre mais qui font bien rire. Elles arrivent bien sûr à jouer de cela. Visuellement, leur set était impressionnant et extrêmement ludique mais musicalement, je reste quand même un peu sur ma faim. Si j’avais l’occasion de les voir en concert, j’irais tout de même très volontiers même si je n’aime pas beaucoup voir Suzuka tirer la langue sans arrêt, car ce n’est pas très poli.

En fait, j’aime beaucoup certains morceaux plus anciens d’Atarashii Gakko! comme Saishū Jinrui (最終人類) sorti en 2018 sur leur tout premier album Maenarawanai (マエナラワナイ). Elles ont en fait interprété ce morceau avec beaucoup d’énergie sur la scène de Coachella, ainsi qu’un autre intitulé NAINAINAI, dont j’avais déjà parlé sur ce blog, pour le final mouvementé et plein de rebondissements. Les musiques de Saishū Jinrui, et de tout leur premier album d’ailleurs, ont été composées par H ZETT M, aka Masayuki Hiizumi (ヒイズミマサユ機). Il joue d’ailleurs du piano sur ce morceau et rien que le fait de savoir que c’est lui qui joue me procure un sentiment de grande satisfaction. Je ne suis pas sûr d’en avoir déjà parlé sur ce blog, mais j’aime aussi réécouter de temps en temps le morceau ShōJo Gannen (少女元年) du groupe pop électronique Urbangarde (アーバンギャルド) sur lequel Atarashii Gakko! danse et chante dans les chœurs. Urbangarde est un groupe actif depuis 2002 avec actuellement trois membres permanents à savoir Yōko Hamasaki (浜崎容子) au chant, Temma Matsunaga (松永天馬) également au chant et Kei Ohkubo (おおくぼけい) aux claviers. La présence de Yōko Hamasaki est tout a fait remarquable avec un look mélangeant underground SM et kawaii pop, mais c’est la figure théâtrale du deuxième chanteur Temma Matsunaga qui m’intrigue beaucoup car on a d’abord un peu de mal à comprendre son rôle exact dans le groupe. Il accompagne bien Yōko au chant mais on ne remarque vraiment sa voix que si on écoute le morceau au casque. Son look étrange avec une coupe de cheveux au carré et des lunettes de professeur apporte un certain décalage à l’image générale du groupe. Le pianiste Kei Ohkubo est brillant et il a même collaboré il y a quelques années avec Jun Togawa pour un album collaboratif, que je n’ai pas écouté car Jun a malheureusement beaucoup perdue de sa voix tellement unique. Shōjo Gannen a une dynamique et une accroche assez immédiate et cette association avec Atarashii Gakko! est très bien vue. Du coup, j’ai une grande envie d’aller piocher dans la discographie très étoffée d’Urbangarde et dans le premier album d’Atarashii Gakko!.