触れたら残像がオーヴァーロード

Je marche dans les rues de Meguro avec un regard un peu différent de l’habitude. Ce n’est pas la première fois que je passe aux endroits que je montre sur ces photographies et je n’aurais certainement pas eu envie de prendre ces mêmes photographies un autre jour. Je pense que mon sens de la perception des choses change en fonction de la musique que j’écoute. La prise de photo n’est pas toujours spontanée, c’est à dire qu’il m’arrive souvent de dépasser le sujet de ma photographie de quelques pas avant de me rendre compte que j’aurais voulu le prendre en photo. Ce que j’ai vu doit me rester en tête comme une image rémanente. Cette image peut disparaître rapidement de mon esprit lorsqu’elle se mélange avec le bruit urbain que j’ai devant moi alors que je continue à marcher, ou elle peut me convaincre de m’arrêter et faire demi-tour. Ce laps de temps qui me fait faire demi-tour est bien mystérieux. La décision de revenir sur mes pas est peut-être conditionné par la musique dans les écouteurs, qui doit certainement donner à ce moment une importance inconsciente que je continue à ressentir sans la comprendre en revoyant ces photographies sur mon ordinateur. Après avoir fait demi-tour, il me faut parfois attendre quelques dizaines de secondes qu’il n’y ait personne à proximité dans la rue avant de prendre ma photo. Dans la tête des passants qui peuvent me voir prendre la photo, il y a des sujets qui ne suscitent à priori pas de réaction car les prendre en photo doit être relativement commun, lorsque par exemple, ce sujet a une particularité qui est évidente et difficilement contestable. Mais les sujets des photographies que je prends ci-dessus ont des qualités visuelles plutôt discutables ou plutôt difficilement décelables à priori. Il arrive parfois qu’un passant regarde d’un air interrogatif dans la direction de ce que je prends en photo. La personne doit se demander ce qui peut bien m’intéresser dans cette vue quelconque. Au mieux, elle pourrait remettre en question son appréciation des lieux quotidiens de l’existence, ceux qu’on a tellement vu qu’ils sont présents d’une manière rémanente dans notre esprit mais qui sont également tellement communs qu’on a dû mal à s’en souvenir. J’ai parfois envie de garder un souvenir de ces lieux communs qui ne m’ont interpellé que pendant un dixième de seconde.

Les musiques qui suivent ne sont pas celles que j’écoutais dans les rues de Meguro au moment de prendre les photographies ci-dessus. Je voulais plutôt mentionner ici d’autres groupes ou artistes que j’écoute régulièrement depuis plus ou moins longtemps. On sait déjà que le groupe d’idoles alternatives BiSH de l’agence Wack va terminer sa carrière musicale en tant que groupe à la fin de cette année. J’étais beaucoup moins attentif aux nouveaux morceaux de BiSH ces derniers mois car je trouvais que les compositions musicales et vocales se répétaient beaucoup, comme si les compositeurs étaient arrivés au bout de leurs inspirations. Ce dernier morceau intitulé Sayonara Saraba (サヨナラサラバ) sorti le 31 Août nous fait penser d’après son titre qu’il s’agit des adieux définitifs du groupe. Et j’en viens à penser que c’est bien dommage dès la première écoute du morceau. Sayonara Saraba a la particularité d’être composé et écrit par Taka de ONE OK ROCK et par Kenta du groupe Wanima. Un documentaire nous montre d’ailleurs quelques scènes de l’enregistrement du morceau. Je connais bien sûr ces deux groupes, mais sans avoir vraiment écouté leurs musiques respectives. Je suis en fait agréablement surpris par les idées très précises de Taka quant à la direction du morceau, tout cela dans une ambiance des plus détendues. C’est une bonne idée d’avoir fait intervenir des compositeurs extérieurs surtout quand ils ont l’air d’apprécier le groupe. L’ambiance du morceau est très rock sans avoir l’agressivité un peu excessive de certains morceaux de BiSH. Il y a en fait une certaine consistance dans l’ensemble des voix des six membres du groupe. AiNA sort toujours du lot vocalement mais même Ling Ling a une voix tout à fait acceptable sur ce morceau. Je regrette juste un peu qu’Ayuni ne pousse pas un tout petit peu plus dans les aiguës. Le morceau est extrêmement accrocheur et la vidéo, très agressive dans les mouvements, est très belle notamment pour ses chorégraphies. Tout ceci me fait regretter l’arrêt prochain de BiSH. On continuera bien à écouter AiNA en solo et Ayuni sur PEDRO, mais je me demande bien ce que vont faire les quatre autres. Il y avait quand même une grande cohésion, ou plutôt une complémentarité, dans les différences vocales des membres du groupe.

On reste toujours chez Wack avec un nouveau morceau du groupe Empire. Enfin, le groupe a officiellement changé de nom pour devenir ExWHYZ. Ce changement de nom est assez mystérieux car la formation ne change pas du tout. Je préférais le nom précédent mais musicalement, ce nouveau morceau intitulé Wanna Dance est vraiment très bon. Shinichi Osawa, dont je parlais avant pour quelques morceaux sous son projet MONDO GROSSO, compose les musiques, fait les arrangements et écrit en partie les paroles avec le groupe. Je ne connais pas encore très bien la discographie de Shinichi Osawa mais je me doutais très fortement de la qualité du morceau, aux ambiances électroniques des années 90 (peut-être), rien qu’en apprenant qu’il l’avait composé. Mayu a la plus belle voix et c’est elle qui chante sur la plus grande partie des couplets, tandis que le refrain est chanté en groupe. Les musiques ne sont pas aussi sophistiquées que ce qu’on peut connaître sur MONDO GROSSO, mais l’écoute du morceau est très satisfaisante.

Et puisqu’on parle de MONDO GROSSO, Shinichi Osawa vient de sortir il y a quelques jours la vidéo du morceau Crypt de son dernier album chanté par Porin du groupe Awesome City Club. Ce n’est pas elle que l’on voit dans la vidéo au volant d’un taxi car il s’agit de l’actrice Rinko Kikuchi. Après Hikari Mitsushima, j’ai l’impression que Shinichi Osawa aime bien faire danser les actrices. On ne va pas s’en plaindre non plus. Le morceau est vraiment excellent et se révèle un peu plus après plusieurs écoutes. Je trouve que la manière de chanter de Porin sur ce morceau est plus intéressante que sur les morceaux d’Awesome City Club que je connais (enfin je n’en connais pas beaucoup, ceci étant dit). J’ai encore cette idée de sophistication sonore qui me vient en tête en écoutant ce morceau, mais sans être forcément cérébrale. On se laisse facilement entraîner par ces sons et on y retourne très volontiers.

たった一度の人生ゲームさ

Alors que je mentionnais dans mon dernier billet mon intention de ne pas me concentrer sur le Tokyo insolite, je m’enfonce forcément, mais volontairement, dans la brèche avec quelques unes des photographies ci-dessus pour m’auto-contredire. Il m’arrive souvent sur ce blog d’avoir envie de faire le contraire de ce que je viens d’écrire, tout simplement parce que j’ai la liberté de le faire. Dernièrement, j’avais aussi abordé ce ‘Tokyo insolite’ en montrant ici et sur Twitter des photographies des toilettes publiques transparentes conçues par Shigeru Ban, pour deux petits parcs près de Yoyogi. Je me suis rendu compte que les deux photographies mises sur Twitter ont été reprises sur le site de Cnews le 18 Août, et par ricochet sur quelques sites parfois en anglais ou espagnol. Ça m’amuse d’ailleurs de voir comment le site de news propage des informations inexactes. Le site nous dit par exemple qu’il y a déjà cinq toilettes transparentes à Shibuya et qu’il y en aura bientôt 17, alors qu’il n’y en a que deux et que les autres toilettes ne sont/seront pas transparentes et ont des styles complètement différents (par des architectes différents d’ailleurs). L’article laisse aussi penser que ce projet couvre tout Tokyo, alors qu’il s’agit seulement de Shibuya.

Mais revenons aux photographies sur ce billet. Je connaissais ce King Kong en haut d’un bâtiment rose pour l’avoir déjà vu en photo quelque part mais je ne me souviens plus où exactement. On le découvre par hasard alors que nous partons à la recherche du sanctuaire Taishido Hachiman dans les zones résidentielles de Sangenjaya. Le gorille se trouve dans la rue commerçante principale de Sangenjaya, perpendiculaire à la longue route 246 qui passe à Shibuya et nous amènerait jusqu’à Numazu dans la préfecture de Shizuoka si on la suivait tout le long de ses 122.7kms. Le Maneki Neko et le lapin rose, tous deux gonflables, se trouvent à l’intérieur du sanctuaire Taishido Hachiman. On est surpris par la présence de ces objets insolites qu’on a, il faut bien le dire, peu l’habitude de voir à l’intérieur des sanctuaires, mais dont on ne peut ignorer la présence une fois qu’on les a aperçu. Il doit s’agir de la préparation d’un matsuri pour les enfants, car on voyait également un petit stand en cours d’arrangement juste à côté. Il y a un enclos avec un lapin à l’entrée du sanctuaire. Il est peut être involontairement le symbole de ce lieu. Il n’y avait personne dans le sanctuaire, à part la dame qui nous a donné le sceau Goshuin que nous étions venu chercher et dont je parlais précédemment. Le fait qu’il n’y avait personne dans ces lieux renforçait l’impression d’être observé par toutes choses, notamment par les 21 petits renards Inari (je ne prends pas en compte celui qui regarde à côté) qui sont en charge symbolique de garder l’enceinte du sanctuaire. Un peu plus loin sur la rue commerçante où se trouve le gorille sur le toit, on trouve un bâtiment rouge écarlate placé sur un espace triangulaire minuscule, qu’on pourrait sans aucun doute trouver dans le bouquin Pet Architecture de l’Atelier Bow Wow. Ce petit bâtiment, en plus d’utiliser l’espace de manière optimale, à la particularité d’avoir beaucoup d’ouvertures. Lorsqu’on le voit depuis la rue commerçante, notre regard traverse les parois pour voir l’autre rue en Y bordant le bâtiment. J’imaginerais bien pousser le concept, à la manière de Ryue Nishizawa ou Kazuyo Sejima de SANAA, en rendant ce petit bâtiment complètement transparent, en le couvrant entièrement de vitrages. La dernière photographie ci-dessus est également prise dans une rue à côté du gorille et il s’agit d’un restaurant de soba. La vitrine semble par contre refléter les intérêts cinématographiques du propriétaire avec ces figurines d’Ultraman, Kamen Rider ou encore Godzilla.

Ceci me rappelle que j’ai vu pour la première fois de ma vie un film de la série Godzilla, en regardant sur Netflix le Shin-Godzilla datant de 2016. En réfléchissant un peu, j’ai quand même eu le malheur de voir au cinéma en France la version américaine de Godzilla par Roland Emmerich datant de 1998, avec Jean Reno me semble-t-il. J’ai beaucoup aimé ce Shin-Godzilla, notamment pour son réalisme. Pas le réalisme du monstre bien entendu, mais celui des lieux. Tous les endroits empruntés et détruits au passage par Godzilla sont cités très précisément, de Kanagawa jusqu’à Tokyo. Godzilla arrive par les mers et entre d’abord sur les terres depuis la baie de Tokyo. On le voit évoluer dans sa première forme dans les eaux de la rivière Nomigawa près de Kamata et il déambule ensuite dans les rues de l’arrondissement de Ota que je commence à bien connaître. Il réapparaît ensuite un peu plus tard près de Kamakura juste à côté de Inamuragasaki (que je connais assez bien aussi). Tout en regardant le film, je prie pour qu’il ne remonte pas jusqu’au sanctuaire de Tsurugaoka Hachimangu où nous nous sommes mariés. Il se dirige ‘heureusement’ vers Tokyo jusqu’au centre, près de la gare historique. Je regarde le film en espérant qu’il ne démolisse pas trop de bâtiments en cours de route car je pense tout de suite au travail énorme de reconstruction qui sera nécessaire, mais c’est peine perdue vue la taille du monstre. De toute manière, à partir du moment où il commence à cracher du feu et à émettre des rayons lasers radioactifs de son dos ou de sa gueule, on comprend vite que la ville est entièrement perdue. La déconstruction de Tokyo est un thème récurent du cinéma fantastique japonais, depuis le grand tremblement de terre de Septembre 1923 qui avait presque complètement détruit la ville (par exemple, les destructions et reconstructions de Tokyo en Neo Tokyo dans Akira et en Tokyo-3 dans Evangelion). Un des intérêts du film est la manière dont il se concentre au début sur la gestion de la crise par les organismes gouvernementaux tout en insistant sur la lourdeur administrative de la prise de décision. On arrive assez bien à imaginer cette complexité administrative quand il s’agit par exemple de décider de quel organisme gouvernemental ce type de crise est le ressort, la gestion de crise engendrée par un monstre surdimensionné ne tombant pas dans les schémas classiques déjà préparés et testés d’un tremblement de terre par exemple. Le film ne manque pas d’un certain humour un peu piquant dans ces moments là, ou lorsqu’il aborde la nécessaire invocation de l’aide américaine qui veut bien sûr prendre le sujet en mains d’une manière un peu trop radicale. On a par contre un peu de mal à croire au personnage d’experte japano-américaine interprétée par Satomi Ishihara, dont l’accent américain forcé est à la limite du ridicule. Ses interventions me font quand même penser qu’il s’agit de second degré. Reste à voir maintenant si je tente la version originale de Ishirō Honda datant de 1954, qui semble être disponible sur Amazon Prime (mais pas sur Netflix).

A l’arrière du Department Store PARCO à Shibuya, on pouvait voir affichés sur un des murs les portraits des membres de tous les groupes de l’agence Wack. On peut dire que les idoles alternatives de l’agence occupent le terrain à Shibuya ces derniers temps. La devanture du Tower Records affichent également en ce moment des grands posters des groupes BiS et PEDRO ainsi qu’une double affiche de BiSH et EMPiRE. À côté de ces multiples portraits parfois grimaçants et étrangement habillés de la même manière, une autre affiche nous explique qu’il s’agit d’un événement appelé School of Wack qui se déroulait au PARCO Museum sur un peu plus d’une semaine jusqu’au 31 Août. Sans vraiment comprendre de quoi il s’agit, j’ai l’impression que chaque membre des groupes passe du temps dans une petite salle fermée et bariolée comme une salle de classe vandalisée, pour y faire des jeux ou des gages devant un public très restreint derrière une vitre (à cause du corona virus). Je n’ai pas l’impression que des morceaux soient interprétés, donc cette organisation m’intrigue assez. Indépendamment de cette affiche et de cet événement, j’écoute pas mal de morceaux de groupes Wack en ce moment car je suis happé par leur énergie, mélangeant un certain esprit rock et un côté poussif pop qui m’attire malgré une répulsion initiale. C’est le cas du morceau にんげん (Ningen) de Carry Loose par exemple. Il me paraissait trop typé comme un morceau d’idole à première écoute, mais je tente tout de même une deuxième écoute en entier et me laisse prendre par l’urgence non-stop avec laquelle les quatre filles de Carry Loose mènent la marche. La voix de YUiNA EMPiRE (transfuge temporaire d’EMPiRE) est une épreuve au début, mais un peu comme pour AYUNi D sur BiSH, elle finit par apporter un contraste vocal qui donne de l’intérêt à l’ensemble et à la progression du morceau. En parlant d’EMPiRE, qui est à mon avis en phase ascendante, maintenant que BiSH est pratiquement devenu mainstream, j’ai appris à apprécier leurs morceaux que j’écoute beaucoup en ce moment. Je n’écoute pas leurs albums ou EPs en entier mais j’ai plutôt fait une sélection des morceaux qui m’intéressaient. Ma playlist se compose de quelques morceaux de leur premier album THE EMPiRE STRiKES START!!: FOR EXAMPLE??, Buttocks beat! beat!, コノ世界ノ片隅デ (KONOSEKAiNOKATASUMiDE) et アカルイミライ (Akarui Mirai), suivi de quelques morceaux du EP EMPiRE originals: EMPiRE originals, Dope et SO i YA, tout en écoutant quelques autres morceaux de leur dernier EP en date, notamment le morceau ORDiNARY. Les voix des membres d’EMPiRE sont dans l’ensemble plus uniformes que celles de BiSH, mais j’aime toujours quand il y a quelques dissonances (par exemple la voix de Mikina à la marque 2:20 sur FOR EXAMPLE??). Certains morceaux sont assez proches de ce qu’on connait de BiSH surtout quand ils prennent des sonorités rock, comme par exemple Buttocks beat! beat!. Les membres de BiSH font d’ailleurs des apparitions dans la vidéo tournée à Shibuya (comme souvent) faisant un clin d’oeil à la couverture de l’album FAKE METAL JACKET. Cette vidéo donne d’ailleurs une bonne idée du côté disruptif de cette musique, plutôt que le kawaii qui est en général associé à l’univers des idoles. Le kawaii ne m’intéresse pas beaucoup. Un des morceaux que je préfère du groupe est celui intitulé Dope, avec une manière vraiment particulière de chanter, comme une voix de fantôme sortie d’un ukiyo-e. Ce morceau avec I don’t cry anymore dont je parlais dans un billet précédent, m’a donné envie de fouiller un peu plus dans la discographie d’EMPiRE. Dans ma playlist, j’inclus également le dernier single intitulé 浪漫 (Roman) de PEDRO, le groupe de Ayuni accompagné de Hisako Tabuchi de Number Girl à la guitare. Je ne suis pas certain d’écouter son deuxième album en entier mais j’aime beaucoup ce morceau car elle ne pousse pas trop dans les aiguës. Mais, j’aime bien en général quand elle pousse la voix par passages dans les derniers morceaux de BiSH, notamment sur スーパーヒーローミュージック (Super Hero Music) ou TOMORROW. Ces deux morceaux sont extraits du dernier album LETTERS que je finis par apprécier même si les morceaux que j’ai écouté pour l’instant ne renouvellent pas vraiment le style de ce qu’on a déjà entendu du groupe. La dynamique rend cependant ces morceaux addictifs après quelques écoutes.

Quand je dis mainstream au sujet de BiSH, je veux dire que le groupe est désormais connu du grand public du fait de leurs nombreux passages à la télévision ces derniers temps, même sur la NHK samedi dernier dans l’émission Songs of Tokyo (épisode 13 disponible en ligne jusqu’au 28 Octobre 2020 avec sous-titres en anglais). Je pressens qu’elles seront cette année à l’affiche de l’émission musicale du réveillon, Kōhaku. C’est un pronostic, à moins que la NHK reste frileuse du fait du profil d’électron libre du producteur Junnosuke Watanabe, qui pourrait très bien contrarier l’image bon enfant du spectacle familial que représente Kōhaku. On se souvient du 57ème Kōhaku le 31 Décembre 2006 où OZMA (alias Show Ayanocozey, leader du groupe Kishidan) était accompagné d’une troupe de danseuses ou danseurs portant des t-shirts avec des seins nus dessinés dessus. Une partie du public télévisuel avait été choqué pensant qu’il s’agissait de personnes réellement nues sur scène et cette séquence a eu pour conséquence de radier à vie l’artiste de l’émission. Connaissant la popularité continuelle de Kishidan, il doit s’en mordre les doigts. Il faut dire que passer à Kōhaku au réveillon est vu encore maintenant comme une consécration pour les artistes japonais, au point où on n’existe pas vraiment aux yeux du grand public tant qu’on n’est pas passé dans cette émission. Ajouter un peu d’imprévu dépoussiérait quand même un peu l’émission. Le présentateur habituel, Teruyoshi Uchimura, essaie de temps de se moquer de la rigueur de la chaîne mais ça reste très contrôlé tout en faisant sourire. Je ne critique pas trop NHK car nous la regardons quand même assez régulièrement.

Il y a très souvent des émissions intéressantes sur NHK, comme celle que nous avons vu il y a quelques semaines, à la mi-Août, sur l’Art Brut. L’émission intitulé ‘no art, no life´ présentait le travail de plusieurs artistes avec handicap à travers des petits films de 5 mins, en les montrant en plein processus de création et parmi leur entourage (parents ou établissement spécialisé d’accompagnement pour certains). L’émission était très bien faite car elle ne s’encombrait pas de commentaires superflus. L’émission nous avait tellement plus que nous avions réservé dans la foulée une visite pour le lendemain à la galerie attachée à l’école des Beaux-arts de Tokyo où étaient exposées quelques unes des œuvres de ces artistes d’Art Brut. L’exposition s’intitule ‘Art As It Is: Expressions from the Obscure’. Il se dégage une grande force de ces œuvres, qui surprennent et fascinent. Le détail des œuvres exposées résultant d’un immense dévouement à l’acte de créer, un besoin vital certainement, est à chaque fois impressionnant. L’illustration grand format ultra détaillée sur la photo de gauche est de Makoto Fukui et la sculpture de petit monstre est de Shinichi Sawada. Ce sont deux des artistes que j’ai préféré avec les illustrations de Marie Suzuki.

ゲリラWACK

On dirait bien que l’agence WACK a pris pour habitude d’investir les rues de Shibuya chaque année dans la deuxième partie du mois de Juin. L’année dernière, le visage de AiNA marqué du logo de l’agence était affiché en très grand format en noir et blanc sur la façade du Department Store Tokyu de la gare de Shibuya. A l’époque, je ne connaissais pas la musique des groupes de cette agence d’idoles alternatives, ce qui m’avait inspiré quelques commentaires critiques non informés. Cette campagne publicitaire avait eu le mérite de m’intriguer et de m’inciter en quelque sorte à écouter le dernier album de BiSH qui était sorti à peu près à ce moment là. Bien qu’inégale, j’avais trouvé la musique du groupe très intéressante et les interprétations vocales certes un peu bancales m’avaient convaincu, notamment car le registre musical y est plutôt tourné vers le rock alternatif avec des tendances parfois à la limite du punk rock. J’avais trouvé la musique du groupe très éloignée de l’image que je me faisais des groupes d’idoles. Je n’ignorais pas l’existence de ces groupes d’idoles alternatives, car BiSH n’est pas le premier groupe du genre (BiS de la même agence lui est antérieur) mais la qualité générale des morceaux de BiSH dépassait nettement la moyenne. BiSH est le groupe phare de l’agence WACK dirigée par Junnosuke Watanabe, mais une myriade d’autres groupes s’est petit à petit développée autour de BiSH. A part quelques morceaux piochés par-ci par-là chez BiS ou EMPiRE, je ne connais pas les morceaux des autres groupes.

Je découvre d’abord le panneau de la première photographie derrière la rangée d’immeubles bordant l’avenue Meiji et au dessus de la rivière bétonnée de Shibuya au dessus d’un petit garage à vélo grillagé. Je reconnais le visage d’Atsuko Hashiyasume de BiSH, ce qui me fait comprendre qu’il s’agit d’une campagne publicitaire pour l’agence plutôt que pour le groupe car je ne reconnais pas les autres personnes sur les photographies entourées de noir. Chacune des photos est d’ailleurs marquée du logo de l’agence (un étrange signe McDonald barré deux fois comme pour indiquer une correction), d’un hiragana à chaque fois différent, et d’un trait courbe de couleur fluorescente. Tout ceci est très intriguant. L’emplacement, à l’abri des regards, ne m’étonne pas beaucoup car j’avais déjà vu ici une photographie d’un champ de tournesols en noir et blanc de Daido Moriyama pour l’exposition temporaire intitulée SHIBUYA / 森山大道 / NEXT GEN. Il y a d’ailleurs assez régulièrement des expositions de rue organisées dans les rues de Shibuya et j’aime partir à leur découverte, quand je suis au courant qu’une exposition se déroule. C’est d’ailleurs rarement le cas, car je ne pense pas que ces expositions soient annoncées à l’avance, ce qui fait d’ailleurs tout l’interêt de la chose et une des raisons pour lesquelles j’aime me promener dans Shibuya, dans les rues en dehors du centre. Je connais par contre à peu près les endroits où sont en général affichées les photographies de ce genre d’exposition de rue. Je marche ensuite vers le sanctuaire Konnō Hachiman-gū où j’y découvre, sans grande surprise mais avec une pointe de satisfaction, d’autres photographies affichées les unes à côté des autres (sur la troisième photographie du billet). Un peu plus haut dans la même rue, deux autres photos sont accompagnées d’un court texte. Une des photos montre Junnosuke Watanabe. Il semblerait donc que certaines photos soient accompagnées de textes ce qui me fait penser au jeu japonais traditionnel Karuta basé sur les poèmes hyakunin isshu, auquel on joue à la maison pendant les fêtes du début d’année (je perds d’ailleurs à chaque fois). Les figures historiques seraient ici remplacées par les visages de l’agence WACK et les poèmes par d’autres phrases courtes comme des poèmes urbains. Cette découverte éveille quelque peu ma curiosité et réveille l’otaku latent qui sommeille en moi, mais que j’essaie de laisser endormi le plus possible. J’envie parfois la dédication sans failles des otakus, qui vivent pleinement leur passion, même si le bonheur qu’elle procure n’est qu’artificiel. Mais je n’ai pas le temps nécessaire ni le désir suffisant de ‘complétisme’ (construire une collection complète de choses) pour devenir otaku. Il me démange tout de même de découvrir s’il existe d’autres photos Karuta et je retourne donc le soir dans le centre de Shibuya voir si d’autres photos sont affichées aux endroits prédéfinis que je connais. Je trouve comme prévu d’autres séries dans les allées souterraines dessous le grand carrefour de Shibuya, notamment dans les escaliers près de la tour Q-Front. A ce même endroit, j’avais découvert il y a quelques mois l’exposition temporaire du photographe Tomokazu Yamada appelée Beyond City, où on apercevait notamment Kom_I au milieu d’un Shibuya en destruction/construction. Dans les allées souterraines qui mènent vers la gare, on peut voir cette fois-ci les visages de AiNA la tête en arrière et de AYUNi D faisant une grimace. J’aurais envie de partir à la recherche des autres affiches dans les rues de Shibuya mais le temps manque déjà et j’en resterais donc là.

De retour à la maison, quelques recherches sur internet me confirment que ces affiches font bien référence au jeu traditionnel Karuta. Il y a en tout 46 cartes comprenant tous les membres de l’agence avec le CEO de WACK Junnosuke Watanabe mais sans le musicien et compositeur Kenta Matsukuma. Chaque carte montre une photo et un message écrit par chaque membre au dos de la carte. Le jeu entier était même proposé à la vente pour 2750 Yens en quantité limitée depuis le 30 Juin mais était aussitôt en rupture de stock dès le premier jour de vente. Cette série mise en scène dans les rues de Shibuya du 15 au 30 Juin 2020 prend pour titre「それでも、音楽は、死ねない。」qu’on pourrait traduire par « Malgré cela, la musique ne peut pas mourir « . Je ne connais pas le sens exact du « Malgré cela », mais il s’agit peut être d’ironie de la part de Watanabe essayant de nous dire que malgré la moindre qualité de la musique qu’il produit (c’est le sens du mot wack), la ‘musique’, elle, ne meurt toujours pas, en sous-entendant que l’on peut donc continuer sur cette voie. Ceci étant dit, je ne pense pas que Watanabe ait des doutes sur la qualité de ses productions mais je pense plutôt qu’il cultive volontairement cette ambiguïté, qui rend d’ailleurs cette agence plutôt atypique. Le message que Watanabe publie sur un site web construit exprès pour l’occasion donne également une idée de son approche en dehors de ce qui est communément établi au Japon, en célébrant les individualités plutôt que de faire l’éloge du groupe. Il l’écrit assez clairement sur cette page web, mais prévient qu’il peut se tromper. Il n’y a rien de choquant dans ces affirmations car l’exercice artistique qu’il nous livre sous forme de guérilla publicitaire dans les rues de Shibuya n’est au final qu’une somme d’individualités, même s’il entend casser cette somme. Les messages sur les cartes sont apparemment écrits par chaque membre des groupes mais je ne me suis pas amusé à essayer de tous les déchiffrer car certains sont plutôt obscurs. En voici quelques exemples: 生きてて良かったって初めて思えたのは必死になることを覚えたから (La première fois que j’ai ressenti la joie d’être en vie est quand je me suis souvenu du moment où j’étais désespérée), 愛がないやつは何をやってもダメ (Une personne sans amour ne peut rien faire de bon) ou encore le message plus anticonformiste 右ならえ、前ならえ、うるさい!僕は後ろ向く(Suivre à droite, suivre devant, insupportable ! Moi, je me tourne vers l’arrière). Difficile de dire si ces phrases correspondent à une vraie manière de penser ou à une attitude. J’ai tendance à penser qui s’agit d’une méthode de penser gentiment transgressive que Junnosuke Watanabe insuffle à ses équipes pour fonder l’esprit de l’agence. On peut ensuite s’amuser à imaginer à quoi ressemblent les formes aux couleurs fluorescentes, superposées sur les photos des Karuta, quand le puzzle est reconstitué pour avoir une meilleure idée du personnage. Toujours est-il que j’aime beaucoup découvrir ce genre d’expositions urbaines au hasard des rues. Celle-ci m’a d’ailleurs donné envie de réécouter la discographie de BiSH en ordre antichronologique.

Les photographies de ce billet ont été prises le 29 Juin. Le 2 Juillet, tout avait déjà disparu comme on peut le constater sur cette dernière photographie des escaliers du Q-Front près du grand carrefour de Shibuya.

○○○と言えば

Le building Tokyu de la station de Shibuya montre en ce moment sur sa façade une étrange photographie en noir et blanc d’un visage marqué du mot « wack » avec un sigle ressemblant à celui de MacDonald à l’envers. Il s’agit en fait d’une affiche promotionnelle pour l’agence Wack fondée par Junnosuke Watanabe spécialisée dans les idoles alternatives, notamment, dans les plus connues, BiS et le groupe sœur BiSH. On peut dire un peu sarcastiquement que la signification du nom en anglais de cette agence ainsi que l’utilisation d’un sigle proche de celui d’une chaîne de fast food donnent une bonne idée de la qualité générale de la production musicale de cette agence. Pour être tout à fait honnête, j’avais quand même apprécié un morceau du groupe BiSH l’année dernière, mais je constate tout de même que l’imagerie accompagnant les groupes n’est pas toujours du meilleur goût. J’aime par contre assez cette affiche géante dominant le carrefour de Shibuya, accompagnée d’un barcode nous amenant sur les pages du site internet de Wack. Les autres photographies du billet se déroulent également en plein centre de Shibuya au milieu de la foule qui traverse sans cesse le carrefour, dans un flot continu qui n’en finit pas de couler entre les deux rives.

Quand Burial sort un nouvel EP, je me précipite en général pour l’acheter sur iTunes ou Bandcamp, car je sais à quoi m’attendre. Je sais que l’ambiance y sera sombre et underground, assez désespérée mais surtout très forte émotionnellement. Le son est immédiatement reconnaissable, comme s’il était joué au troisième sous-sol d’un club mal éclairé. Cette musique est pleine d’aspérités. Les voix répétitives nous parlent ici d’un amour contrarié. Les paroles « I want you, why don’t you want me / You can’t lie, I see it in your eyes » se répètent sans cesse et constituent la trame principale du premier morceau intitulé Claustro. Le deuxième morceau State Forest revient vers l’ambient pur que l’on avait découvert pour la première fois sur le EP Subtemple / Beachfires. Ce morceau semble être la suite des morceaux précédents tant l’ambiance est ressemblante. Ce morceau ne se compose que de nappes sonores semblant prendre écho dans une bâtisse monumentale comme une cathédrale. Il n’y aucune percussion et de ce fait la construction du morceau reste très floue. Le premier morceau Claustro s’inscrit également directement dans la lignée des EPs précédents, ne serait ce que pour les craquements sonores et les incursions de voix délimitant les parties à l’intérieur d’un même morceau. Malgré cette grande continuité de style, Burial introduit tout de même des nouveautés au compte-gouttes, comme la partie finale de Claustro se transformant soudainement en euro-dance. En fait, Burial peut s’aventurer vers d’autres domaines musicaux, à la limite du démodé par moment, mais ces incursions sont toujours très mesurées et parfaitement intégrées à l’ensemble. De ce fait, ces changements inattendus de style ne font que renforcer la qualité d’ensemble du morceau. Les morceaux de Burial ressemblent un peu à des prises de sons directes dans les rues ou dans les clubs. C’est un peu comme s’il capturait ces sons tels qu’on les entend à différents endroits, pour ensuite les mélanger habilement pour constituer une ambiance hybride.

Il y a quelques mois de cela, on m’a contacté pour me demander si une de mes photographies pouvait être utilisée pour le numéro 29 du magazine Gradhiva publié par le musée du Quai Branly. Il s’agit en fait d’une composition photographique que j’avais créé il y a plusieurs années représentant une figure féminine dont le visage était caché pour une structure de nuages. Il s’agit de la deuxième photographie sur le billet Structure and clouds publié en avril 2011. J’ai bien volontiers accepté d’autoriser ma photographie à être publiée sur une des pages du magazine, et j’ai demandé, comme à chaque fois qu’on me demande une photographie pour une publication, de m’envoyer un exemplaire du numéro en question, ce à quoi on m’a répondu positivement. Le numéro 29 intitulé Estrangemental de cette revue d’anthropologie et d’histoire des arts est sorti à la fin du mois de mai et depuis, je surveille ma boîte aux lettres. Mais la revue n’arrive toujours dans notre boîte aux lettres. La revue s’est peut être perdue en route? Du moins, elle ne s’est pas perdue en route pour un artiste japonais ayant lui aussi contribué à la revue en fournissant quelques photographies de sa création. Il fournit certes beaucoup plus de photographies que moi, donc je me dis qu’il a peut être reçu son exemplaire en priorité. Toujours est-il que, pour chaque publication de mes photographies dans le passé sur d’autres magazines ou livres, on m’a toujours systématiquement envoyé un exemplaire. Est ce que le musée du Quai Branly n’est pas en mesure de bien gérer la distribution pour les contributeurs au magazine ? Je décide donc de recontacter la personne qui m’avait fait la demande de la photographie et on m’indique qu’il y a certainement eu un problème car d’autres artistes au Japon ont reçu leurs exemplaires. J’avais en effet noté ce problème. Une semaine plus tard, ne voyant toujours rien arriver dans ma boîte aux lettres, je recontacte la personne, sans réponse de sa part après plusieurs jours. Je ne suis étonnamment pas surpris et c’est bien dommage car j’ai quand même fait l’effort de fournir gracieusement dans un court délai une de mes photographies qui apparaîtra au final dans un magazine payant (20 Euros pour la version papier et 4 Euros par article). Si par le plus grand des hasards, quelqu’un allait faire un tour du côté du musée du Quai Branly, je serais très curieux qu’on m’envoie une photographie des pages où se trouve la photographie en question, histoire de voir ce que ça donne dans le magazine. Ceci étant dit, j’espère que je me trompe et je ne désespère pas de recevoir un exemplaire chez moi dans les jours qui viennent. Mon espoir s’amenuise pourtant de jour en jour.

Comme je n’aime pas beaucoup terminer un billet sur une note négative, je voudrais mentionner le morceau Killer Tune Kills Me du groupe japonais Kirinji avec en invitée au chant YonYon. L’ambiance y est très clairement neo City Pop (le genre City Pop étant populaire au Japon dans les années 80), avec comme particularité la présence de cette chanteuse YonYon qui doit être coréenne vu les quelques paroles chantées dans cette langue et les passages en japonais avec un léger accent. J’adore tout simplement ce morceau, je pense que ça doit être dû à certaines sonorités musicales qui m’attirent dans ce morceau. Toujours est-il que je l’écoute en boucle et j’ai toujours un peu de mal à arrêter de l’écouter. Je ne suis pas fan de City Pop, loin de là, mais certains morceaux opèrent chez moi comme un phénomène d’addiction. Je me demande si j’y vois là une nostalgie inconsciente. Bien que le morceau vient tout juste de sortir, je dois y trouver une certaine familiarité.