city scape with film 9
(une disparition)

Je suis moi-même surpris de revoir la tour Nakagin de Kisho Kurokawa parmi les photographies argentiques prises il y a quelques années. J’aurais dû mal à dater exactement les quelques photos de la tour que je montre ci-dessus, mais c’était en tout cas avant l’annonce officielle de sa disparition définitive. Le parc Hamarikyū se trouve dans le même quartier que Nakagin, en se rapprochant de la baie. Je me souviens avoir observé pendant un petit moment le chat de la septième photo. Il s’y promenait comme s’il était le propriétaire, d’un air sûr et d’une allure royale, d’autant plus qu’il n’y avait pas un chat dans ce parc, sauf lui et moi. Enfin, moi, je ne suis pas un chat, sauf la nuit dans mes rêves. Je m’échappe toujours par les toits. La partie Sud de la résidence est plus basse et donne facilement accès au parc adjacent qui donne ensuite un accès facile à la rue. Découvrir la ville la nuit avec les yeux d’un chat est une expérience très différente de ce que j’éprouve le jour dans les rues de Tokyo. Il arrive parfois que je me vois rentrer du bureau d’un pas rapide, les écouteurs dans les oreilles et le regard fixé vers l’avant. Il ne me voit pas car je me cache toujours à son passage. Je disparais dans la pénombre. Je l’observe tranquillement puis repars quand la voie est libre. Je ne peux malheureusement pas ramener d’images de ces virées la nuit. Ces images ne me restent pas en tête pour pouvoir les raconter ensuite, car je ne me souviens jamais de mes rêves. Les autres photographies du billet se mélangent à celles d’Hamarikyū et de la tour Nakagin. Elles ont été prises dans le parc Inokashira et à Shibuya.

ゆく年くる年

La fin d’année est toujours l’occasion de regarder les statistiques de Made in Tokyo. Le nombre de visites cette année a été bien supérieur à l’année dernière. Avec plus de 19000 visites sur l’année entière, soit environ 50 visites par jour, le blog retrouve un niveau similaire à celui de 2016. Ce n’est pourtant pas dû à un nombre croisant de billets publiés car j’en ai écrit environ 130 cette année par rapport aux 155 de l’année dernière et aux 166 de 2021. Si on compare à l’année 2016, je n’écrivais à l’époque que 35 billets par an pour un total d’environ 13000 mots. J’écris dix fois plus cette année avec plus de 127000 mots sur la totalité des billets. Je me répète beaucoup ceci étant dit, les visiteurs réguliers l’auront peut-être remarqué. Made in Tokyo compte en tout 2336 billets, depuis sa création en 2003, et il fêtait cette année ses vingt ans. Il y a en tout 4943 commentaires, qui doivent tout de même inclure mes réponses. Je me demande par quelle magie WordPress arrive à gérer autant de billets et de commentaires, et je m’attends à ce que la machine casse un jour ou l’autre. Je prierais sans doute demain au sanctuaire pour que ça n’arrive pas. Atteindre les 5000 commentaires sera peut-être le déclencheur d’un détraquage de la machine, donc je conseille aux visiteurs de ne pas trop commenter.

La deuxième photographie du billet a été prise à Azabudai Hills, le tout nouveau complexe de Mori Building. Nous y sommes allés le soir pour voir le marché de Noël, mais il fallait s’inscrire à l’avance et il y avait foule. Azabudai Hills n’est en fait pas complètement ouvert et notre petit tour a été plus court que prévu. Je voulais également voir les installations appelées « Hello Again » consacrées aux capsules de la tour Nakagin de Kisho Kurokawa au Department Store Ginza6. Une capsule était posée à l’entrée du grand magasin. On pouvait voir l’intérieur à travers le hublot. Deux chaises étaient disposées à l’intérieur avec une série de disques vinyles de musique de Noël. Je me demande si Merry Christmas Mr Lawrence de Ryuichi Sakamoto, que l’on aperçoit à l’intérieur, se qualifie bien comme une musique de Noël. Sur le toit de Ginza6, une patinoire était installée temporairement avec une étrange installation inspirée par la tour Nakagin. Cette installation assez kitsch ressemblait à un vulgaire assemblage en carton et ne valait pas le déplacement. En voyant ces démonstrations d’appréciation et d’admiration envers la tour Nakagin, je me dis qu’il aurait été préférable d’essayer de la conserver en la renforçant ou en remplaçant la structure de base en enlevant les capsules, pour les rénover et les replacer ensuite. La tour aurait pu par exemple devenir un magnifique et emblématique espace de galeries d’art. Le Japon a parfois un peu de mal à reconnaître ses propres trésors.

J’étais très agréablement surpris de voir des œuvres de Shigeki Matsuyama (松山しげき) présentées dans la galerie d’art Foam Contemporary liée au magasin Tsutaya présent au même étage. J’avais vu les portraits de sa série Portrait of Dazzle dans la petite galerie Night Out à Shibuya, et on retrouvait quelques uns de ces portraits dans la galerie de Ginza6. Cette exposition intitulée Is this human being? (これは人間ですか?) s’y déroulait du 9 au 26 Décembre 2023. Le titre de cette exposition est inspiré par les questions que l’on peut voir régulièrement sur les sites web pour confirmer qu’on est bien une personne réelle et pas un robot BOT qui agit comme un être humain. Une des thématiques de cette exposition est de questionner la manière dont on appréhende les technologies de l’information, notamment la propagation des fausses nouvelles. L’oeuvre que je montre sur la photo de droite fait partie d’une nouvelle série intitulée Clipping qui vient s’inscrire dans ce thème des BOT. L’inspiration de cette œuvre a été construite par Shigeki Matsuyama à partir d’une conversation avec l’OpenAI ChatGPT en l’interrogeant comme point de départ sur le thème des fausses nouvelles qui peuvent influencer des événements politiques et sociaux. En évoquant les peintures montrant des scènes historiques à portée politique ou sociale, ChatGPT évoque quelques exemples comme la peinture El tres de mayo de 1808 en Madrid (1814) du peintre espagnol Francisco de Goya. De fil en aiguille et après consultations itératives de ChatGPT, Matsuyama décide d’utiliser une partie de cette œuvre de Francisco de Goya en se concentrant uniquement sur le peloton d’exécution. Cette fusillade représentant les horreurs de la guerre trace en quelque sorte un parallèle à la guerre moderne de l’information. La retransmission écrite complète de la discussion de l’artiste avec ChatGPT était disponible sur papier, ce qui m’a permis d’y revenir avec beaucoup d’interêt à tête reposée.

Je regarde beaucoup de films et drama japonais sur Netflix en ce moment, et j’ai particulièrement aimé Brush Up Life (ブラッシュアップライフ) qui était en fait d’abord diffusé sur la chaîne Nippon TV au début de cette année, du 8 Janvier au 12 Mars 2023 (et en rediffusion il y a quelques jours). Le comédien Bakarhythm (バカリズム), Hidetomo Masuno (升野英知) de son vrai nom, a écrit le scénario de cette histoire où l’actrice Sakura Ando (安藤サクラ) joue le rôle principal, entourée de Kaho (夏帆), Haruka Kinami (木南晴夏) et Haru Kuroki (黒木華), entre autres. Sakura Ando joue le rôle d’Asami Kondo (surnommée Ah-chin), une employée de bureau dans la ville de Kumagaya à Saitama, entourée de ses amies proches qu’elle a connu à l’école, Natsuki Kadokura (Nacchi) jouée par Kaho et Miho Yonekawa (Miipon) jouée par Haruka Kinami. Elle mène une vie tout à fait ordinaire qui semble lui satisfaire, jusqu’à un accident. Elle se fait reverser par un camion après une réunion avec ses amies, et on la voit ensuite juste après sa mort dans une salle toute blanche dans laquelle se trouve seulement une réception où se tient un homme (joué par Bakarhythm). Asami comprend alors qu’elle vient de mourir et l’homme de la réception lui fait part de ce qu’elle va devenir dans sa prochaine vie. Elle devra se réincarner en fourmilier géant, mais comme ce choix ne semble pas lui convenir, elle a également la possibilité de revivre la vie qu’elle vient de mener, et ce dès sa naissance. Toute la comédie de la situation démarre à ce moment, car elle garde en mémoire toute sa vie précédente. J’aime beaucoup l’actrice Sakura Ando et c’était une des raisons qui m’ont poussé à me lancer dans ce drama, en plus du fait de savoir que l’humour parfois surréaliste de Bakarhythm serait de la partie. J’aime beaucoup le naturel avec lequel se déroulent les situations, notamment les discussions entre les trois amies, et les enchevêtrements progressifs du scénario qui sont très bien amenés. J’étais même assez chagriné de me séparer des personnages à la fin de le série. Dans les drama, j’ai aussi regardé 30 Made ni to Urusakute (30までにとうるさくて) qui suit un groupe d’amies célibataires ayant 29 ans et qui subissent la pression du mariage qu’elles se donnent à elles-mêmes. Je connaissais deux des actrices: Hirona Yamazaki (山崎紘菜) et surtout Honami Satō (さとうほなみ) qui est le personnage principal de cette histoire. Honami Satō prend aussi le nom de Hona Ikoka (ほな・いこか) lorsqu’elle joue de la batterie dans le groupe Gesu no Kiwami Otome (ゲスの極み乙女) d’Enon Kawatani (川谷 絵音) ou dans le groupe éphémère Elopers de Sheena Ringo. La série aborde de nombreux sujets actuels comme l’égalité homme-femme au travail ou la diversité des identités sexuelles, d’une manière naturelle et sans forcer le trait. J’avoue que l’émotion m’a pris à plusieurs moments. J’ai aussi beaucoup aimé le film Ano Ko ha Kizoku (あのこは貴族), traduit en anglais en Aristocrats, réalisé par Yukiko Sode (岨手由貴子) et sorti en 2021. Le thème de départ du film est un peu similaire à la série mentionnée précédemment dans le sens où la protagoniste principale de l’histoire, Hanako interprétée par Mugi Kadowaki (門脇麦) a presque 30 ans et est toujours célibataire. Sa famille riche, d’une noblesse traditionnelle, cherche à la marier au plus vite. Sa famille lui arrange des rencontres avec des prétendants du même milieu social. Alors qu’elle pense avoir trouver l’homme de sa vie, Koichiro interprété par Kengo Kora (高良健吾), une deuxième femme entre en scène. Miki, interprétée par Kiko Mizuhara (水原希子), est d’une toute autre classe sociale, née d’une famille modeste de province. Elle est hôtesse et entretient une relation des plus ambiguës avec Koichiro qu’elle connaît depuis l’université. Le film montre ces milieux qui se croisent mais ne se mélangent pas, mais Hanako est un peu différente du milieu dans lequel elle vit et voudra rencontrer Miki. Je trouve l’interprétation de Mugi Kadowaki brillante, pleine de retenue et de nuances. Dans un style tout à fait différent, j’ai aussi apprécié le film Saigo Made Iku (最後まで行く) réalisé par Michihito Fujii (藤井 道人) et sorti en salle en Mai 2023. Il s’agit en fait de la version japonaise d’un film policier coréen intitulé Hard Day, sorti en 2014 et réalisé par Kim Seong-hoon. Yūji Kudō (工藤祐司) est un commissaire de police corrompu, interprété par Junichi Okada (岡田准一), acteur et membre du groupe V6, qui se trouve impliqué dans un accident alors qu’il se rend aux funérailles de sa mère. Il renverse un piéton qui s’avère être un criminel recherché par un collègue policier interprété par Gō Ayano (綾野剛). Le film se concentre sur la confrontation des deux hommes sur fond de corruption mafieuse. L’histoire est bien montée et l’atmosphère sombre est prenante. J’étais en fait curieux de voir le jeu des acteurs et je pense que Junichi Okada est meilleur acteur que chanteur, comme ses interventions télévisées me le laissaient présager. Malgré la noirceur, il y a tout de même un certain sens comique qu’Okada transmet assez naturellement. Il faut dire que les emmerdes s’accumulent tout d’un coup sur lui et il faut une imagination et un sang froid certain pour s’en sortir. En listant cette petite sélection, je me dis que je ne regardes pas assez de films et il faudra y remédier pour l’année qui démarre bientôt même si c’est au détriment du blog.

Je ne pouvais pas terminer ce billet sans une sélection musicale des morceaux que j’écoute en ce moment en boucle dans ma playlist. Le morceau Stateless de Gotch, accompagné par YonYon, au chant est une très agréable surprise. Le véritable nom de Gotch est Masafumi Gotoh et c’est le chanteur et guitariste du groupe Asian Kung-fu Generation, qu’on appelle également Ajikan (アジカン) en version courte. J’aime beaucoup leur albums Sol-fa (ソルファ) de 2004 et Fanclub (ファンクラブ) de 2006, mais je n’ai pas encore prolongé la découverte des autres albums du groupe. Il y avait également un single (触れたい 確かめたい) qu’Ajikan avait interprété en collaboration avec Moeka Shiotsuka dont j’avais déjà parlé ici. Le single solo Stateless a un rythme plus cool que ce que produit en général le groupe. Il y a une ambiance tranquille et des ondes positives dans la vidéo tournée à Jakarta en Indonésie, qui font plaisir à voir et à entendre.

Je n’ai pas encore acheté l’album Replica de Vaundy mais on l’écoute souvent dans la voiture sur Spotify grâce au compte du fiston. Les talents de composition musicale de Vaundy ne sont plus à démontrer et le nombre de singles qu’on trouve dans ce nouvel album est très important. Le dernier single en date s’intitule Carnival (カーニバル) et on peut le compter dans les meilleurs morceaux de cet album. La voix de Vaundy dans le refrain du morceau est assez exceptionnelle et vraiment marquante. Carnival sert en fait de thème musical à la série sur NetFlix Mitaraika Enjō suru (御手洗家、炎上する) avec Mei Nagano (永野芽郁), que j’ai justement commencé à regarder sans pour l’instant être très convaincu. La vidéo qui accompagne le morceau n’est apparemment pas directement liée à la série Netflix, mais c’est bien Mei Nagano que l’on voit dans cette vidéo.

君が僕の東京になる

Il m’arrive rarement de boire de l’alcool le midi le week-end (et encore moins les jours travaillés) car je ne sais jamais si l’occasion de conduire se présentera dans la journée et la tolérance est à zéro au Japon. Mais l’occasion se présente de temps en temps, comme ici à Kamata près de la station lors d’un festival appelé tout simplement Oishii Michi (おいしい道) avec tables et stands posés sur la rue avec diverses choses à manger et à boire. La météo était idéale pour passer quelques heures assis dehors sans compter les heures en se laissant emporter par une légère ivresse. Du coup, cette légère ivresse me fait voir des choses inattendues comme des camionnettes vendant des nikuman recouverts de filles à la mode manga poussant les esprits faibles à la consommation, ou comme ces étranges personnages colorés se faisant photographier avec une population enjouée. Sont-ils réels ou issus de mon imagination?

Les photographies suivantes sont prises à l’extérieur et intérieur du musée National Art Center Tokyo (NACT) conçu par Kisho Kurokawa et dont la construction a été terminée en Mai 2006. Kisho Kurokawa est mort l’année suivante, en 2007 au mois d’Octobre à l’âge de 73 ans. Je me souviens l’avoir aperçu plusieurs fois marchant lentement et même péniblement dans le couloir du 13ème étage du building Ark Mori à Tameike Sanno, car je travaillais à cette époque au même étage. J’y repense à chaque fois que je viens voir le building du musée NACT. J’étais venu pour voir l’exposition Interface of Being (真空のゆらぎ) de l’artiste Shinji Ohmaki (大巻伸嗣) qui s’y déroule jusqu’au 25 Décembre 2023 et qu’il serait dommage de manquer. Elle m’avait en tout cas beaucoup inspiré dans l’écriture de mon billet sur les fluctuations du vide qui nous entoure. Ce building est pour sûr très inspirant et nous donne plein d’images en tête. Il doit compter dans la liste des architectures les plus remarquables de Tokyo.

La dernière photographie du billet me fait revenir une nouvelle fois dans le parc central de Nishi-Shinjuku où ont été tournées de nombreuses scènes du film Kyrie no Uta (キリエのうた) du réalisateur Shunji Iwai (岩井俊二) dont une des scènes finales. Je garde encore maintenant de très bons souvenirs de ce film, que j’ai très envie de revoir, même si ça sera désormais sur les plateformes de streaming comme Netflix ou Amazon Prime. Je m’assois plusieurs dizaines de minutes à l’endroit où j’ai pris cette photo. Il y a quelques bancs posés dans la verdure depuis lesquels on peut observer au loin les buildings de Nishi-Shinjuku, notamment la très reconnaissable Mode Gakuen Cocoon Tower de Tange Associates.

J’ai mentionné dans un précédent billet qu’il fallait que je trouve un peu de temps pour aller voir l’exposition Revolution 9 du photographe Takashi Homma (ホンマタカシ) se déroulant jusqu’au 24 Janvier 2024 au Musée de la photographie à Yebisu Garden Place. L’exposition occupe plusieurs salles d’un étage du musée mais ne contient pas un nombre très conséquent d’oeuvres. Le prix du billet d’entrée plutôt réduit pour ce genre d’exposition me laissait en effet présager qu’on devait en faire assez vite le tour. Les photographies de Takashi Homma montrées lors de cette exposition sont toutes autant singulières qu’elles sont inspirantes. La plupart des œuvres sont composées de collages de plusieurs photographies prises au même endroit, mais sans soucis directs de faire des raccords parfaits entre les photographies, pour donner l’illusion d’une photographie gigantesque. Les décalages de tons et de couleurs sont souvent marqués entre deux photographies posées les unes à côté des autres. C’est une approche assez radicale de l’expression photographique, qui m’inspire dans le sens où j’aime de temps en temps également triturer mes photographies pour construire une nouvelle réalité. Du photographe, j’ai toujours en tête le photobook Tokyo and my Daughter que je ne possède pas dans ma librairie personnelle mais auquel je pense de temps en temps, car il m’avait inspiré à une certaine époque où je m’essaie d’une manière similaire à mélanger des photos de ville et d’architecture avec celles de mon fils étant tout petit. L’exposition Revolution 9 est très différente et est même déroutante, car de nombreuses photos sont par exemple positionnées en sens inverse. Le titre de cette exposition serait inspirée par la chanson des Beatles Revolution 9 qui est un collage d’une variété de sources sonores. L’association musicale à la photographie me parle beaucoup. En ce sens là, l’approche photographique de Takashi Homma m’attire toujours et m’interpèle. Elle ne cherche pas à atteindre la beauté esthétique. Une des salles de l’exposition a ses murs tapissés de grands pans photographiques que l’on peut observer à travers un système de miroirs. Je me prends moi-même en photo par inadvertance alors que je pensais plutôt saisir les murs photographiques. On pourra au moins remarquer mon t-shirt de Miyuna que j’aime beaucoup porter ces derniers temps. Au premier sous-sol du musée, on pouvait visiter gratuitement une galerie de photographies proposées par la Tokyo Polytechnic University (東京工芸大学). Cette exposition se déroulant jusqu’au 10 Décembre 2023 s’intitule Integrating Technology & Art through Photography. On peut y voir quelques photos connus comme certaines d’Eikoh Hosoe (細江英公) (dont une de Yukio Mishima de la série BA・RA・KEI / Ordeal by Roses). Cette exposition commémorative retrace l’histoire de l’Université polytechnique de Tokyo, dévoilant les origines de l’enseignement de la photographie au Japon et explorant les relations entre l’Université et le monde de la photographie japonaise à travers les époques. On a vite fait le tour de cette exposition mais elle vaut le détour. Les deux dernières photographies de la série ci-dessus proviennent de cette exposition. Je n’ai malheureusement pas eu la présence d’esprit de noter le nom du photographe de la photographie de droite que j’aime pourtant beaucoup. En fait, Google Lens m’apprend après coup qu’il s’agit d’une photographie prise en 1950 par Kiyoji Ohtsuji (大辻清司) de l’artiste Hideko Fukushima (福島秀子). Cette application Google Lens est assez pratique et elle est apparemment régulièrement utilisée par les visiteurs de ce blog sur mes photos.

Musicalement maintenant, quelques nouveaux singles d’artistes que je suis avec une attention certaine et que j’ai déjà maintes fois évoqué sur ce blog. Je parlais de Miyuna un peu plus haut et elle vient justement de sortir un nouveau titre intitulé Oikakete (追いかけて). Il commence assez doucement puis monte progressivement en intensité comme souvent chez Miyuna. J’aime toujours autant sa voix sur laquelle repose beaucoup la qualité de ce nouveau morceau. C’est un peu similaire pour le nouveau single d’AiNA The End intitulé Diana (華奢な心). Elle est très active en ce moment après une tournée rapide à Londres, WACK in the UK, avec d’autres groupes de l’agence Wack (dont ExWHYZ) et la sortie récente de l’album du film Kyrie no Uta (キリエのうた) dont j’ai déjà parlé. Le collage servant de pochette à ce single a été créé par Ohzora Kimishima (君島大空) qui a décidément de nombreuses qualités artistiques. Le morceau d’AiNA est une ballade qui prend son temps mais s’imprègne très progressivement dans notre inconscient. Je n’aime pas toutes ses ballades mais celle-ci me plaît vraiment beaucoup. AiNA l’avait d’abord présenté dans une session live sur YouTube appelée Room Session (冬眠のない部屋). J’aime aussi beaucoup l’esprit rock indé du nouveau single de PEDRO intitulé Shunkashūtō (春夏秋冬) du nouvel album Omomuku mama ni, Inomuku mama ni (赴くままに、胃の向くままに) qui vient de sortir. Le morceau mise beaucoup sur la composition de guitare d’Hisako Tabuchi avec des parties en riff solo très marquantes. On a l’impression qu’Ayuni ne force pas son chant et chante même quand elle a envie car j’ai toujours l’impression qu’elle manque une partie des paroles d’un couplet à un moment du morceau. J’aime beaucoup ce genre de moments d’interrogation. Comme je le dis à chaque fois, il faut être réceptif à sa voix et à sa manière de chanter. Dans les voix particulières, il y a aussi celle d’a子 qui sort un nouveau single très immédiat et accrocheur intitulé Racy. Le morceau est excellent et rentrera facilement dans la liste de ses meilleurs morceaux. Je me dis parfois qu’il suffirait qu’un de ses morceaux soit utilisé comme thème d’un anime ou drama à succès pour que sa carrière décolle et devienne mainstream. Ce single sera présent sur un nouvel EP intitulé Steal your heart qui sortira le 6 Décembre 2023. Il y a beaucoup de sorties d’albums qui m’intéressent en cette fin d’année car Hitsuji Bungaku sort également son nouvel album 12 hugs (like butterflies) le 6 Décembre. Vaundy a sorti son double album Replica il y a quelques semaines, et vient de passer pour la première fois à Music Station, ce qui parait incroyable. King Gnu vient aussi de sortir son nouvel album The great Unknown cette semaine avec un excellent teaser. Bref, beaucoup d’idée de cadeaux pour Noël, sachant que je ne me suis pas encore procuré le Blu-ray du dernier concert (椎名林檎と彼奴等と知る諸⾏無常) de Sheena Ringo, celui que j’avais été voir cette année. Je suis un peu moins pressé car je l’ai en fait déjà vu et enregistré sur WOWOW.

Dans le billet précédent, je mentionnais que Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) de Hitsuji Bungaku avait inscrit un morceau du groupe rock indé americain Pavement dans la playlist de l’émission radio de Seji Kameda sur J-Wave dont elle était l’invité. Cela m’a donné l’envie irrésistible de revenir vers la musique du groupe, surtout que le morceau que Moeka mentionnait, Date with IKEA, est sur l’album Brighten the Corners de 1997 que je n’avais en fait jamais écouté en intégralité. J’écoute également l’album Wowee Zowee de 1995 qui est plus désorganisé mais qui doit être un de mes préférés du groupe. Deux excellents albums que j’aurais dû écouter il y a 25 ans à l’époque où je n’écoutais presque que ce style de rock alternatif américain. La manière de chanter de Stephen Malkmus est accidentée et n’a rien de conventionnel. Elle a ce petit quelque chose de naturel qui nous donne l’impression qu’il nous parle de son quotidien. Certains morceaux me rappellent un peu musicalement les premiers albums de Beck, notamment Mellow Gold et Odelay sortis à peu près à cette même époque. On y trouve un même bouillon créatif rock qui déborde d’idée mais reste très brut dans son approche. Les morceaux Stereo sur Brighten the Corners et Rattled by the Rush sur Wowee Zowee sont des bons points d’entrée. On peut ensuite se diriger vers des morceaux comme Fight This Generation ou Grounded et se plonger ensuite d’une manière nonchalante dans le discographie complète du groupe.

CAPSULE A906 et l’image d’un futur lointain

Je suis allé plusieurs fois voir de près la tour Nakagin Capsule Tower (中銀カプセルタワービル) de l’architecte Kisho Kurokawa (黒川紀章), œuvre architecturale emblématique du mouvement métaboliste japonais, avant sa destruction malheureuse. Je n’étais par contre jamais entré à l’intérieur d’une capsule. Pendant les dernières années avant sa destruction, certains tours opérateurs indépendants proposaient des visites de la tour Nakagin et d’une ou de plusieurs capsules in-situ, mais le timing ne m’avait jamais permis d’y aller. Je le regrette un peu maintenant, mais je me rattrape en quelque sorte cette fois-ci en visitant deux des capsules de la tour présentes dans la galerie SHUTL à Tsukiji, près d’Higashi-Ginza. Au moment de la destruction de la tour Nakagin, on sait que certaines capsules ont été extraites en vue d’une utilisation ultérieure. La finalité de la mise en place de deux capsules dans cette galerie n’est pas très claire. L’espace était ouvert aux visiteurs pendant seulement deux jours, le Samedi 7 et Dimanche 8 Octobre 2023. Je comprends que cette galerie deviendra ensuite un espace créatif, conservant les deux capsules en son enceinte. Il sera en fait possible de louer cet espace, comme une galerie d’art, pour des expositions, des lectures ou projections de films, des interviews, entre autres. La première exposition démarrant le 13 Octobre serait en lien avec les idées du mouvement des Métabolistes. J’ai eu vent de cette ouverture temporaire de deux jours grâce au compte Instagram de l’amatrice d’architecture et guide tokyoïte Haruka Soga, qui en parlait donc sur son compte. Vu l’importance de Nakagin pour l’histoire de l’architecture japonaise et l’espace que j’imaginais à raison très réduit des capsules et de la galerie, je me suis dis qu’il fallait mieux y aller en avance. L’espace ouvrant à 13h, je m’y suis donc rendu une heure avant, vers midi. Une vingtaine de personnes étaient déjà sur place à attendre à l’entrée de la galerie, mais les membres du staff ont rapidement décidé de donner des tickets d’entrée par heure pour éviter une longue file d’attente dans la rue de la galerie. Mon petit ticket en poche, j’en ai profité pour faire un tour du quartier en passant visiter une nouvelle fois l’intérieur du grand temple Tsukiji Honganji puis en passant devant le théâtre Kabukiza avant de m’enfoncer dans les rues d’Higashi-Ginza. L’heure a passé assez vite et me revoilà devant la galerie dix minutes avant l’ouverture.

Deux capsules étaient accessibles à la visite, une capsule originale appelée CAPSULE A – A906 et une autre nommée CAPSULE B – A1006 qui n’était en fait qu’un squelette de la capsule montrant sa structure métallique. La capsule originale est bien entendu la plus intéressante car elle a été restaurée comme à l’origine avec son large lit prenant pratiquement tout l’espace des 8.5 m2 habitables de la capsule. On retrouve donc devant le lit, l’emblématique large hublot avec son rideau à ouverture circulaire et l’équipement audio-vidéo d’un autre temps: le lecteur à bandes, la petite télévision cathodique et le vieux téléphone. La sobriété de l’espace de couleur blanchâtre et le design général évoque l’image d’un futur imaginée à une époque désormais bien lointaine. L’espace est tellement exiguë qu’on a un peu de mal à y tenir à deux personnes. Les toilettes et la salle de bain en un bloc sont plus communes, car on en trouve encore maintenant dans certains hôtels bon-marchés. J’imagine assez bien cet espace être utilisé pour des interviews d’artistes ou de personnalités. Le squelette de la capsule B est moins intéressant à la visite. On imagine qu’il va être utilisé pour y afficher des œuvres artistiques lors de futures expositions. J’aurais voulu passer un peu plus de temps à l’intérieur de la capsule originale, mais les visites sont chronométrées. Je me doute bien que visiter une capsule dans la tour Nakagin d’origine devait être beaucoup plus intéressant. Il s’agit en tout cas d’une petite consolation que j’ai tout de même beaucoup apprécié. Je montre quelques photos supplémentaires de cette visite sur mon compte Instagram.

Il y a quelques semaines, je suis allé voir l’exposition de l’artiste Minoru Nomata (野又穫) à la galerie d’art de Tokyo Opera City, près de Shinjuku. Cette exposition solo de Minoru Nomata s’intitulait Continuum et se déroulait du 6 Juillet au 24 Septembre 2023. J’en suis ressorti enchanté. Ces peintures montrent des structures architecturales mystérieuses, que l’on aurait du mal à dater comme si elles provenaient d’un futur déjà passé. Regarder ces peintures est ludique car on peut du regard marcher à l’intérieur, en emprunter les marches des escaliers et des échelles. On devine certaines propriétés aéronautiques à ces structures mais leurs fonctions et leur significations laissent interrogatifs. Quel est le sens de ces grandes voiles de bateaux posées sur un bâtiment accroché fermement au sol, ou ces ballons qui ne demanderaient qu’à s’envoler mais qui restent prisonniers attachés à un socle sur la terre ferme? Nomata nous montre également d’étranges sphères de taille gigantesque abritant dans leur centre un microcosme végétal, comme si elles voulaient protéger cette végétation d’un milieu extérieur hostile. Mais les peintures de Nomata mettent pourtant en scène des créations humaines dans leur contexte naturel dans une cohabitation paisible. Les structures délicates ne semblent pas êtres ébranlées par les éléments. La peinture intitulée Babel est l’une des plus impressionnantes par sa taille et son souci du détail. A quoi peut ressembler la vie dans une structure écrasante telle que celle-ci? Cette structure est pourtant très lumineuse. Il serait peut être même très agréable de marcher sur ces longs escaliers en hauteur rafraichit par un vent qui ne peut venir que de la mer. Des images nous viennent forcément en tête en regardant ces structures, et j’en viens même à souhaiter qu’un illustrateur de manga réutilise cet univers pour un film d’animation. Je pense rapidement à Tsutomu Nihei (弐瓶 勉) bien que son oeuvre soit beaucoup plus sombre.

sauver Nakagin

Je n’étais pas passé voir la Nakagin Capsule Tower (中銀カプセルタワービル) depuis très longtemps. Les premières photographies que j’ai pris du building datent de Mars 2007. Je me souviens à l’époque que le destin de cette structure emblématique du mouvement architectural métaboliste était déjà en sursis et qu’une démolition était imminente. Plus de quatorze ans après, Nakagin est toujours debout mais son état général s’est bien dégradé faute d’entretien. La tour conçue par Kisho Kurokawa date de 1972, elle a donc maintenant 49 ans. La structure n’a pas été modifiée pendant toutes ces années à part quelques capsules qui ont été enlevées. Une d’entre elles a par exemple été placée dans le musée d’art moderne de Saitama, également conçu par Kisho Kurokawa. Il faut savoir que Kurokawa prévoyait une durée de vie de 25 ans pour les capsules. Le problème vient de la structure qui n’est plus depuis longtemps aux normes anti-sismiques actuelles. Le manque de maintenance de la structure fait que le building n’est plus à même de survivre. Des plans de démolition refont surface depuis un changement récent de propriétaire et son intention de re-développer le terrain.

Le projet de préservation et de régénération du Nakagin Capsule Tower Building, supporté par le crowdfunding et par Kisho Kurokawa Architects, rénove déjà petit à petit des capsules depuis 2014, en dénaturant parfois le design d’origine qui ressemblait à un intérieur de station orbitale (mais avec un lecteur de K7 et une mini-télé cathodique). Il semble que le projet est maintenant de détacher les capsules une à une et de leur donner une autre vie ailleurs. En y réfléchissant bien, l’architecture métaboliste se voulait modulable et évolutive. Plutôt qu’une destruction de Nakagin, il s’agirait là simplement d’une nouvelle évolution de l’organisation de la tour pour lui donner une nouvelle vie, sauf que les capsules risquent d’être éparpillées un peu partout dans la nature. J’ai vu des propositions de réutilisation des capsules pour former par exemple des villages dans le Japon rural, notamment dans des zones affectées par le tsunami résultant du grand tremblement de terre du Tohoku de Mars 2011, dans les préfectures de Fukushima ou d’Iwate. Dans ces propositions, les capsules sont déménagées et placées à l’horizontal sur un terrain, parfois recouvertes de dômes. Ce positionnement à l’horizontal est similaire à la maison Capsule House K (カプセルハウスK) également conçue par Kisho Kurokawa en 1973 pour être sa résidence secondaire. Elle est située à Karuizawa dans la préfecture de Nagano, construite sur un terrain en pente et entourée d’arbres. Elle est composée de quatre capsules posées en porte-à-faux sur un bloc central. On y trouve notamment un salon de thé avec tatami et toujours la fameuse ouverture arrondie caractéristique des capsules de Kurokawa. Capsule House K a été récemment réhabilitée en Mai 2021 par l’organisation Mirai Kurokawa Design Studio présidée par Mikio Kurokawa, le fils aîné de Kisho Kurokawa, pour la transformer en une résidence de vacances. Une autre idée pour Nakagin est de recouvrir les capsules de végétation ce qui constituerait un jardin sur plusieurs étages accessibles par des escaliers. L’idée est intéressante mais ne prend pas en compte le fait que la structure du Nakagin n’est pas viable et aurait donc beaucoup de mal à supporter une charge supplémentaire. Le point intéressant tout de même est que ce building atypique et novateur encore maintenant fait réfléchir. Le concept de capsules utilisées comme chambre d’hotel existe d’ailleurs toujours au Japan, avec notamment la chaîne d’hôtels Nine Hours. Les idées novatrices de Kisho Kurokawa n’ont pas disparu et se matérialisent encore maintenant sous des formes modernisées.

En note pour moi-même, je réalise que la composition du nom Nakagin 中銀 provient des noms de l’arrondissement et du quartier où il se trouve. Naka correspond au premier kanji du nom de l’arrondissement Chūō 中央 et Gin correspondant au premier kanji du quartier de Ginza 銀座.