l7été(2)

Après avoir fait le tour de l’exposition d’architecture en cours au 53ème étage de la tour de Roppongi Hills, je redescends d’un étage pour accéder à l’observatoire. Au 52ème étage, se déroule également une exposition en plusieurs volumes sur le monde manga du magazine Weekly Shonen Jump, qui fête cette année ses 50 ans d’existence. L’exposition retrace apparemment l’histoire du magazine à travers les mangas à succès que sont One Piece, Naruto, Bleach ou encore Death Note. Je pense n’avoir jamais lu de manga pré-publiés sur le magazine Jump, et je n’y porte de toute façon que peu d’interêt personnellement, mais force est de constater que ces titres font partie de la culture populaire du pays et sont reconnus de tous. Les visages des personnages de manga Jump s’affichaient également sur les grands vitrages semi-opaques d’un café restaurant du 52ème étage. Il n’y avait pas une grande foule au 52ème étage de la tour, par rapport à ce que j’imaginais pour une journée de week-end. Comme beaucoup, je prends des photographies de la ville depuis ces hauteurs. Ce ne seront pas des photographies que je montrerais sur le blog, mais plutôt des « matériaux » que j’utiliserais certainement plus tard pour une composition graphique mélangeant un décor de ville avec autre chose, selon l’inspiration. Cette fois-ci, pour les photographies de ce billet, je préfère montrer ceux qui regardent la ville, comme ce jeune couple au bord des vitres ou comme le personnage bleu Doraemon debout sur les bureaux de la chaîne de télévision Asahi.

Une fois n’est pas coutume, j’écoute de la musique électronique trance, celle de Housei Satoh sur un EP de trois morceaux intitulé True Blue et sorti en 2017. Je n’écoute en général pas de musique électronique au rythme aussi rapide, mais en écouter de temps en temps, fait du bien et remet les choses en place en quelque sorte. Les morceaux mélangent rythme soutenu et passages d’accalmie servant souvent de transition. Les deux premiers morceaux sont d’ailleurs construits en deux parties assez distincts. Sur le morceau True Blue, la deuxième partie est vraiment excellente, lorsqu’une vague sonique prend le dessus avec une efficacité imparable. Le morceau occupe à ce moment là tout notre cerveau jusqu’au final. Les mélodies de piano sont souvent assez simples, un peu comme sur les morceaux de Kaito mais en beaucoup plus rapide ici. Cette musique permet de s’échapper très loin, au dessus de la ville, le temps de quelques minutes.

l7été(1)

En ce lundi férié, je me décide à braver la chaleur de l’après-midi pour aller marcher dans les rues de Tokyo. La nuit d’avant a été difficile car il fallait supporter l’équipe de France à minuit, se recoucher deux heures après à la fin du match, pour se réveiller quelques heures plus tard à 4h30 du matin, pour se préparer à amener Zoa à l’aéroport de Haneda. Depuis lundi tôt le matin, il est parti avec les classes de 5ème année d’école primaire à Nagasaki pour aller nager dans les eaux du pacifique à proximité de Hirado. C’est un sacré voyage d’une semaine qui l’inquiétait beaucoup jusqu’au départ ce lundi matin. De retour de l’aéroport, je n’arrivais plus à me rendormir contrairement à Mari et je me suis donc décidé à aller voir de l’architecture à Roppongi Hills au Mori Art Museum. On y montre jusqu’à Septembre une exposition appelée Japan in Architecture: Genealogies of Its Transformation. Elle nous donne de manière très complète et même trop dense une vue d’ensemble de l’architecture au Japon à travers ses évolutions et transformations. Il y a tellement de choses montrées sous forme de maquettes, photos et reproduction qu’on finit par saturer. Je trouve qu’on s’y perd un peu sans un fil directeur fort. C’est quand même une exposition réservée aux amateurs d’architecture et le passant curieux n’y trouvera pas forcément son bonheur. J’y ai tout de même vu et appris des choses intéressantes comme le fait que la tour Tokyo Sky tree s’inspire des pagodes à 5 étages des temples en utilisant un même pilier central sur toute sa hauteur (ou presque) comme méthode de résistance aux tremblements de terre. On nous montre également à l’aide de maquettes comment le projet métaboliste City in the air de Arata Izosaki s’inspire dans l’agencement des capsules d’habitation sur l’emboîtement du support des toitures du temple Todaiji à Nara. Pouvoir observer attentivement une grande maquette du temple à double hélix Sazaedo à Aizu Wakamatsu était également fort intéressant, tout comme cet étrange bâtiment appelé Gion-kaku par Ito Chuta. Mais, j’accusais la fatigue sur la fin du parcours de l’exposition et je persiste à penser qu’elle aurait gagnée à être plus concise.

Pendant que je marche dans la chaleur depuis la maison jusqu’à Roppongi Hills et sur le chemin du retour, j’écoute la musique de Snail’s house, également appelé Ujico*. L’album est fort à propos car il s’intitule L’été (en français dans le texte). Il s’agit de morceaux instrumentaux principalement avec seulement quelques brides de voix sur le morceau central intitulé Utsura Utsura うつらうつら. Cet album mélange les styles mais est principalement centré autour d’un piano se faisant entourer de sons électroniques très délicats. L’univers musical est très dense avec des pointes de guitares par moments ou des bruits empruntés à la rue comme un son de passage à niveau s’incrustant de manière impeccable dans un des morceaux [vivid green]. Parfois, l’ambiance devient champêtre quand on devine le son des grillons qui me fait penser à une image de campagne japonaise en plein été, comme on pourrait le voir chez Hayao Miyazaki. Dans les rues de Tokyo cet après-midi là, le chant accentué des grillons sur une rue boisée de Hiroo vient se superposer à la musique de Ujico* que j’écoute pourtant à travers des écouteurs. Ce fond sonore naturel s’accorde très bien avec cette musique. La musique instrumentale du très productif Ujico* sur cet album est très belle et minutieuse. On sent un grand souci du détail qui contribue beaucoup à la qualité musicale de l’ensemble. L’album s’écoute en entier et s’achète sur Bandcamp.

Les trois photographies ci-dessus sont volontairement prises au dessus du sol pour s’échapper de la chaleur terrestre. Je passe assez souvent sur cette rue de Nishi-Azabu, mais changer légèrement l’angle de vue me fait découvrir de nouvelles perspectives photographiques.

a missing pool

La chaleur en pleine journée est presque insupportable. Le vent venant de l’océan doit être bloqué quelque part par les barrières d’immeubles car il ne transverse plus les rues de Tokyo ces derniers jours. On rêve de plonger dans les piscines. Depuis quelques semaines, je ne cours plus dans les rues le week-end en raison de la chaleur. Je préfère nager dans une des piscines de Shibuya. On s’acquitte de 400 yens à l’entrée pour les adultes et 100 yens pour les enfants. Zoa nage devant en faisant la brasse et je le suis, sur environ 1500 mètres ponctués de quelques pauses que je suis le premier à réclamer. Lorsque je nage seul, mon rythme est plus rapide mais j’ai tendance à m’arrêter plus souvent. Lorsque Zoa tient la cordée, je le suis tranquillement sans me poser de question, et la nage prend un côté confortable malgré l’effort de nager dans la durée. Cela me donne même du temps pour réfléchir, ou être dans la lune, tout en enchaînant les mouvements de manière mécanique. J’aime la perspective d’avoir du temps devant moi pour pouvoir être dans la lune, mais je n’utilise finalement que peu souvent ce temps disponible pour rêver éveillé. Je suis toujours occupé à faire autre chose, et même souvent plusieurs choses à la fois.

Photographies extraites de la video du morceau The Sky Falls de XAI disponible sur Youtube.

Je m’écarte un peu de la musique indépendante que j’écoute habituellement avec trois morceaux assez différents les uns des autres. XAI est une chanteuse rock que je ne connaissais pas mais que je découvre avec le morceau ci-dessus The Sky Falls sur YouTube. Il s’agit en fait du thème musical d’un film d’animation sur Godzilla. Je ne sais pas très bien de quel film il s’agit, mais peut importe. J’aime beaucoup ce morceau pour son efficacité rock et pour la voix très puissante de XAI, ce qui est assez rare pour le noter dans une formation rock japonaise. Le morceau est dense en guitares et en sonorités électroniques qui viennent appuyer le flot musical, mais pourtant la voix de XIA émerge très nettement. J’insiste sur cette voix car c’est elle qui me fait revenir sans cesse à l’écoute de ce morceau, tandis que la musique dans son ensemble est d’une construction plutôt classique sans trop d’inattendu. Il s’agit d’ailleurs peut être d’une commande et d’une formation construite exprès pour les besoins de la bande originale du film.

Photographies extraites de la video du morceau NON TiE-UP de BiSH disponible sur Youtube.

Je n’ai pas l’habitude d’écouter la musique des groupes d’idoles japonaises, mais j’y porte un peu plus d’attention lorsqu’il s’agit d’idoles alternatives. Il s’agit bien entendu de groupes montés de toute piece par un producteur ou une agence de production, et où les membres sont recrutés en fonction de certains critères. La configuration de ce type de groupes varie lorsque certains membres décident de quitter la formation ou sont tout simplement remplacés. BiSH est né en 2015 et est la création de Junnosuke Watanabe, déjà à l’origine du groupe d’idoles initial appelé BiS et dissout peu avant, en 2014. Le groupe BiSH évolue dans un style rock alternatif, mais comme pour beaucoup de formation de ce type, les styles sont variés pour élargir le public potentiel. Tous les morceaux ne sont donc pas intéressants, mais j’aime beaucoup leur morceau le plus récent sorti il y a quelques semaines et intitulé NON TiE-UP. Le titre semble indiqué que ce morceau est indépendant de toute campagne marketing et n’est pas non plus utilisé comme bande sonore de film ou d’anime. Malgré l’apparence, il y a une bonne dose d’agressivité dans le chant et de provocation dans les paroles. J’étais d’ailleurs un peu surpris par la crudité du verbe et des gestes à certains passages de la vidéo accompagnant le morceau. La pochette du morceau indique d’ailleurs un contenu explicite. Le morceau se joue comme une suite symphonique rock qui s’accorde bien avec l’ambiance de la vidéo. Ce décor futuriste de réalité virtuelle d’une couleur rouge éclatante et agressive me rappelle un peu celui de la planète Crait du dernier Star Wars. Je trouve cet ensemble musical assez abouti et je pense garder un œil sur les prochains morceaux du groupe, au cas où elles conservent cet esprit un peu décalé et cette qualité visuelle.

Photographies extraites de la video du morceau Dekadonden でかどんでん de Shiritsu Ebisu Chugaku 私立恵比寿中学 disponible sur Youtube.

Le troisième morceau est beaucoup plus orienté pop dans un esprit plus léger et même loufoque par la présence en guest star dans le clip vidéo de Naomi Watanabe en géante venue de l’espace. Il s’agit d’un morceau au titre énigmatique Dekadonden par le groupe d’idoles Shiritsu Ebisu Chugaku 私立恵比寿中学, de l’agence Stardust. L’agence ayant ses bureaux à Ebisu, plusieurs groupes de cette agence prennent le nom du lieu. Dans le cas ici, on traduirait par Collège privé d’Ebisu. Le groupe porte également le diminutif Ebichu et est en quelque sorte un groupe sœur des plus réputés Momoiro Clover Z. Je n’ai pas le sentiment qu’elles aient déjà franchi les paliers du mainstream car on n’en entend pas trop parler, malgré qu’elles aient participé, à ma grand surprise, à l’album tribute Fruit Défendu de Sheena Ringo pour la reprise du morceau Jiyū e Michizure 自由へ道連れ. En fait, plus que la musique en elle-même, c’est la vidéo ultra-dynamique de ce morceau que j’aime beaucoup. Cette vidéo me rappelle en fait celle du morceau Sabotage des Beastie Boys, avec la même mise en scène de série télévisée policière et les mêmes arrêts sur images sur les personnages avec affichage du nom des acteurs. Mais, cette vidéo serait également mélangée avec la vidéo d’Intergalactic des mêmes Beastie Boys pour le personnage géant venu de l’espace se déplaçant dans les rues de Tokyo. On retrouve un même esprit loufoque fait de déguisements, de lunettes de soleil et de mouvements exagérément dynamiques. Le réalisateur de la vidéo était peut être sous cette influence. Pour Ebichu, comme pour BiSH, l’image traditionnelle de l’idole japonaise est mise à mal, mais d’une manière toujours très contrôlée.

frénésie interne (trois)

Troisième et dernière fresque urbaine de cette petite série en trois épisodes. Mes séries sont souvent en trois épisodes d’ailleurs.

En tombant par hasard sur un vieux numéro hors-série des Inrocks consacré à The Cure que je dévore de la première page à la dernière, je me remets en ce moment à écouter des albums du groupe, tout d’abord la trilogie sombre du début des années 1980: Seventeen Seconds (1980), Faith (1981) et Pornography (1982). Je continue ensuite avec Disintegration (1989) puis Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me (1987) et The head on the door (1985). Je n’avais pas assez écouté l’album Wish (1992), sorti après Disintegration, et je ne me rends compte que maintenant qu’il est très bon, notamment le long morceau From the edge of the deep green sea et le tournant beaucoup plus pop et lumineux sur certains morceaux comme Friday I’m in Love. La musique que j’écoute influence toujours mes images et photographies. La fresque ci-dessus que je construis en écoutant cette musique oscille donc entre paysage sombre et instants de lumière.

frénésie interne (deux)

Je construis une nouvelle fresque urbaine tout en longueur et qui démarrera peut être une nouvelle série. On verra si l’inspiration estivale me pousse à continuer. Comme sur le premier épisode, les images s’enchaînent et se chevauchent. Certaines essaient de s’imposer à d’autres. J’essaie d’organiser tout cela dans la fresque sans avoir de logique très poussée à part celle de mon inspiration inconsciente du moment, pendant la nuit du week-end.

La musique du morceau Neo Tokyo du groupe rock indé Youthmemory me fait penser à cette nuit urbaine. Le titre du morceau et la pochette du EP jouent, ceci-dit, certainement sur cette impression. J’aime beaucoup le riff accrocheur de guitare et l’ambiance du morceau. Je me rends compte un peu après en me perdant un peu plus dans les méandres de Bandcamp, que ce morceau est également disponible sur la compilation Die in Pop du label Ano(t)raks. On peut d’ailleurs télécharger gratuitement cette compilation de 18 morceaux sur Bandcamp. Du coup, je fais le curieux et je découvre quelques morceaux que j’aime beaucoup, plutôt dans la première partie de la compilation et notamment des morceaux chantés à deux voix, masculine et féminine, comme le premier morceau e.g. de Bearwear. Les morceaux de cette compilation ne viendront pas révolutionner les codes du rock indépendant et on sent parfois les influences outre-pacifiques. Par exemple, le cinquième morceau Numb de Brother Sun Sister Moon me fait penser, par le chant et la tonalité, aux australiens de Tame Impala. Ce n’est pas gênant car le morceau est très bon, tout comme le morceau セツナブルー de Fish in water project dans un style plus pop rock. Je ne connaissais aucun des groupes de cette compilation, à part Youthmemory, donc ce type d’album est le bienvenu pour faire des nouvelles découvertes.