between the skies

Le ciel nuageux prend parfois le dessus sur le paysage urbain. Sur cette série photographique, je mélange volontairement ces nuages avec les fils électriques qui tanguent au dessus des petites rues. Il serait bien dommage que ces fils électriques disparaissent complètement du paysage, car ils font part intégrante de l’environment urbain. Au milieu de ces câbles qui font des noeuds, une petite maison aux lignes obliques conçue par l’Atelier Tekuto. J’adore cette maison de béton et ses grandes baies vitrées qui reflètent le ciel se trouvant autour sur les autres photographies. Cette position centrale entre les ciels est volontaire, comme s’il s’agissait d’un centre ouvrant une porte sur un autre monde intérieur. Ces lignes électriques me rappellent aussi l’association que j’en avais fait avec des kanji il y à longtemps. Les traits des kanji se mélangeaient avec les fils électriques et semblaient flotter dans les airs.

Les ciels nuageux des photographies ci-dessus me rappellent celui, certes plus cosmique, de la couverture du dernier album de Minakekke intitulé Memorabilia. Le titre de cet album reprend celui du huitième morceau déjà sorti en single et dont j’avais déjà parlé. Ce single était déjà très bon, mais pas aussi sublime que l’album dans son intégralité et en particulier les cinq premiers morceaux. Minakekke fait évoluer légèrement son style depuis le EP Oblivion mais ses envolées de voix maintiennent un esprit similaire empreint de mélancolie. Je réécoute d’ailleurs cet EP Oblivion en écrivant ces lignes, ce qui me fait dire que Minakekke est vraiment une artiste malheureusement trop méconnue. Comme le morceau Luminous sur le EP Oblivion, le morceau Butterfly sur Memorabilia nous fait tout de suite rentrer dans cet album aux atmosphères sombres. On ressent son chant comme une complainte, mais sans résignation tant elle mène ses morceaux sans temps morts. On ressent une passion qui transparait dans sa voix jusqu’à la faire trembler par moment (sur un morceau comme Bones). L’émotion qui s’en dégage est pour sûr très forte. Musicalement, c’est aussi très dense, avec des ambiances parfois proches du gothique de The Cure. Et je me mets maintenant à réécouter le chef d’oeuvre qu’est Disintegration.

special in you

Je réutilise ces derniers temps mon objectif fixe de 40mm qui me ramène au plus près des choses, par rapport à mon objectif zoom habituel que j’utilise principalement en grand angle. Cet objectif m’amène à prendre des photographies différentes bien que cette différence ne soit pas non plus fondamentale. C’est plus difficile de faire des photos d’ensemble d’architecture à moins de beaucoup s’éloigner pour avoir assez de recul, donc je me concentre plutôt sur le détail des formes. Cet objectif me pousse donc vers l’abstraction, et c’est assez rafraîchissant de parcourir les rues connues de Shibuya avec ce nouvel œil. Cet objectif me rapproche aussi des murs et j’aime beaucoup prendre en photo les graffitis et autocollants, parfois cachés derrière un panneau de signalisation, parfois condensés sur la petite surface latérale d’un distributeur automatique de boissons, parfois maîtrisés à l’intérieur d’une vitrine de magasin. Je reconnais parfois sur ces stickers des personnages connus ou des visages qui se répètent. Parmi cette foule immobile, je reconnais le visage d’Utaha de Wednesday Campanella sur un des écrans vidéo posés devant le grand magasin PARCO. Je tourne souvent autour de ce grand magasin pour ensuite aller en direction du vendeur de disques Disk Union, mais je rentre rarement à l’intérieur. Il y a pourtant une galerie d’art que je ne connais pas encore. Nous allons beaucoup moins souvent voir des expositions en ce moment et ça commence à me manquer un peu.

Musicalement parlant, outre les morceaux Matsuri de Fujii Kaze, Plateau de Sakanaction et la nouvelle version de Shiseikatsu de Tokyo Jihen que je mentionnais dans mon billet précédent, j’écoute également beaucoup d’autres belles choses, dont les quatre morceaux ci-dessous. Pour revenir à Wednesday Campanella que j’évoquais un peu plus haut, je suis très attentif à leurs nouvelles sorties de singles depuis l’arrivée d’Utaha dans le groupe. J’aime beaucoup le dernier en date s’intitulant Orihime (織姫). Cette nouvelle formation de Wednesday Campanella fait un sans-faute pour le moment, car chaque nouveau morceau est très accrocheur et révèle un peu plus le chant d’Utaha. Côté arrangement musicaux, le style ne diverge pas beaucoup du Wednesday Campanella de l’époque de KOM_I. La manière de chanter d’Utaha prend par contre, petit à petit, des distances avec celui de KOM_I et c’est une bonne chose. Ce morceau Orihime sera le premier du futur album de 8 titres intitulé Neon qui sortira le 25 Mai 2022. On connaît déjà la moitié des autres morceaux de cet album, à savoir les morceaux Edison, Maneki Neko, Alice et Buckingham.

Dans ma playlist actuelle, j’inclus également un nouveau morceau d’Utada Hikaru en duo avec un certain Warren Hue, que je ne connaissais pas. Warren Hue est un rappeur d’origine indonésienne, ayant déjà collaboré avec d’autres artistes japonais comme le groupe Atarashii Gakko que je mentionnais il y a quelques temps pour un morceau appelé Freaks. Ce nouveau morceau d’Utada Hikaru est sorti à la suite du festival californien de Coachella qui s’est déroulé sur deux week-ends les 15-17 et 22-24 Avril. Le festival était retransmis en live gratuitement sur trois canaux YouTube et j’ai regardé plusieurs concerts dont celui intitulé 88rising Heads in The Clouds Forever. 88rising est une agence musicale américaine mettant en avant des artistes en provenance d’Asie ou américains d’origine asiatique. Je ne pense pas qu’Utada Hikaru soit affiliée à cette agence mais elle faisait partie du set sur l’impressionnante scène principale du festival. Elle n’a chanté que pendant une petite dizaine de minutes un medley de plusieurs morceaux plus ou moins récents. Le set contenait bien entendu Face your Fears car ce morceau est connu mondialement grâce au jeu vidéo Kingdom Hearts, mais également à ma grande surprise son premier single Automatic. Sur scène, on sentait qu’elle avait un certain trac, ce qui peut se comprendre devant une foule pareille qui pour beaucoup devait l’entendre pour la première fois. Ses appels au public étaient par conséquent un peu timides et j’ai trouvé sa prestation assez moyenne dans l’ensemble, moins bonne que ce que j’avais pu voir sur Netflix pour son concert Laughter in the Dark de 2018. Utada Hikaru n’était pas la seule artiste japonaise présente à Coachella, car Kyary Pamyu Pamyu s’y produisait également sur une scène plus petite. La popularité de KPP à l’étranger m’impressionnera toujours. Pour revenir à ce nouveau morceau s’intitulant simplement T sorti dans la foulée de Coachella, j’aime beaucoup son ambiance lente auquel j’associe dans ma tête en l’écoutant des images rêvées d’une soirée estivale californienne. Ce morceau chanté en anglais par Utada et Warren Hue à quelque chose de paisible et d’apaisant.

Zombie-Chang va également bientôt sortir un nouvel album le 11 Mai 2022. Il s’intitulera Stress de Stress. Je ne suis pas avec beaucoup d’attention le parcours musical de Meirin de Zombie-Chang mais je trouve régulièrement dans sa discographie des morceaux intéressants qui me plaisent beaucoup. C’est le cas du single Granny Square déjà sorti en Novembre 2021, mais qui sera présent sur son nouvel album. Comme souvent chez Zombie-Chang, les morceaux qu’elle écrit ont beaucoup d’humour. Elle s’est lancée depuis quelques temps dans le tricot de vêtements qu’elle porte ensuite, et les paroles de Granny Square reprend le vocabulaire de ce domaine, par exemple « double crochet », mélangées à des sons électroniques imprévisibles. J’ai eu envie de réécouter la musique de Zombie-Chang après être tombé par hasard sur un InstaLive de Meirin nous présentant la version limitée très surprenante de son dernier album (elle a beaucoup d’humour, c’est sûr).

Le quatrième et dernier morceau de cette petite playlist est d’une artiste Hip-hop appelée Ame to Kanmuri (あめとかんむり) que je ne connaissais pas du tout. Le morceau s’intitulant Lie Night est présent sur son unique album Nou sorti en Décembre 2018. Je ne sais plus par quelle magie d’internet je ne le découvre que maintenant, mais j’aime vraiment beaucoup sa voix très marquée. On croirait même qu’elle force volontairement le trait mais ça fonctionne très bien sur ce morceau mélangé avec des sons électroniques. Je reviens un peu plus vers le hip-hop ces derniers temps en continuant également la découverte du dernier album d’Awich avec le très bon morceau Link Up (feat. KEIJU, ¥ellow Bucks), certes moins puissant que le morceau titre de l’album, Queendom, que j’avais évoqué auparavant. J’ai encore beaucoup d’autres morceaux et albums à évoquer dans des prochains billets. Alors que je me concentrais ces dernières semaines sur l’écriture de mes billets sur notre voyage à Nagano et sur les cerisiers en fleurs, j’ai pris un peu de retard pour présenter ici la musique que j’aime.

le jour du sake vert à Kyōtei

Le ryokan et restaurant Kyōtei (京亭) que je montre en photographies ci-dessus est situé dans la petite ville de Yorii dans la préfecture de Saitama et a été utilisé comme lieu de tournage de la vidéo du morceau Ryokushu (緑酒) de Tokyo Jihen, sortie le 13 Mai 2021, quelques jours avant l’album Music (音楽). La beauté de cette vidéo réalisée comme d’habitude par Yuichi Kodama m’avait tout de suite interpelée au point où j’avais tout de suite recherché sur internet quelle était cette vieille demeure servant de lieu de retrouvailles pour les membres de Tokyo Jihen. Le single Ryokushu a eu beaucoup de succès et est un des morceaux emblématiques de l’album Music et de Tokyo Jihen, non seulement pour la qualité du morceau en lui-même mais aussi, je pense, grâce à cette vidéo (cette vidéo est de très loin la préférée du fan club Ringohan) . Aux yeux des fans, voir le groupe se retrouver dans une ambiance joviale marque réellement la réformation du groupe après 8 longues années d’inactivité. Cette vidéo a par conséquent une signification particulière qui m’a depuis le début donné envie d’y aller. Il m’a fallu un peu de temps pour me décider mais cette Golden Week semblait être le bon moment. Nous n’avions pas dans l’idée d’y passer une nuit mais plutôt d’y déjeuner. Je téléphone d’abord quelques jours avant notre visite pour réserver une table, en pensant que ça devait être déjà pleinement réservé depuis longtemps en cette période de vacances, sachant que le ryokan se trouve dans une zone plutôt touristique à proximité de Nagatoro dans la région montagneuse de Chichibu. Par une chance inespérée, une table restée libre nous attendait. Réservation faite pour 12h30, nous voilà partis le Mercredi 4 Mai vers 9h30 du matin.

Un trajet normal depuis le centre de Tokyo jusqu’à ce coin reculé de Saitama par l’autoroute Kan-Etsu (関越道) prend normalement de 1h30 à 2h. En partant assez tôt, on pensait pouvoir se promener au bord de la rivière Arakawa près du ryokan avant d’aller déjeuner. C’était sans compter les aléas de la Golden Week, qui est, d’autant plus, « normale » cette année, c’est à dire sans état d’urgence incitant les gens à rester chez eux. Il nous aura fallu trois heures de route pour arriver jusqu’à Yorii, en changeant de stratégie en cours de route, alternant autoroute encombrée et routes nationales tout aussi encombrées. Depuis quelques mois, voire plus d’un an, j’ai développé une capacité d’attente et de prise sur soi que je n’avais pas auparavant. Je suis maintenant en mesure d’attendre au milieu d’une file de voitures qui n’avancent pas avec le sourire. Contrairement à ce que pensait Mari, je n’ai pas volontairement passé en boucle en voiture l’album Music sur lequel se trouve Ryokushu, car je ne voulais pas associer dans mon esprit la musique de cet album avec des embouteillages interminables. Mais la radio a pris le relai en le passant soudainement, ce qui m’a d’ailleurs surpris car le morceau sorti l’année dernière n’est plus tout à fait récent. L’animatrice radio se trompe d’ailleurs dans le titre en annonçant le morceau avec le nom « Midori no Sake » (緑酒, Sake vert) plutôt que Ryokushu, qui est en fait une autre manière de prononcer les mêmes kanji. Je comprends à ce moment là que c’était volontaire car nous sommes aujourd’hui, le 4 Mai, le jour du Vert (autrement dit, de la nature) ou « Midori no Hi », et que la station de radio que nous écoutons à ce moment là sélectionnait volontairement des morceaux ayant un lien avec la couleur verte. Je me dis que nous avons très bien choisi notre journée pour cette visite des lieux du tournage de Ryokushu. Nous arrivons sur place à 12h30 exactement, ce qui démontre de ma part une maitrise parfaite du timing. Je reconnais tout de suite l’entrée de ryokan que l’on voit dès le début de la vidéo. Une dame nous accueille et nous amène jusqu’à la pièce où nous mangerons.

Kyōtei était autrefois la demeure de Kōka Sassa (佐々紅華), compositeur japonais né en 1886 et mort en 1961. Il a composé de nombreuses chansons, écrit le scénario d’un opéra mais était à l’origine graphiste, diplômé du département de design industriel de l’école Tokyo Institute of Technology (le campus actuel se trouve près de la station d’Ōokayama à Tokyo). Comme il était mélomane depuis son plus jeune âge, il a également passé les examens de l’académie de musique de Tokyo (actuellement le département musique de l’université des Beaux Arts), mais n’a pas poursuivi cette voie. Son attrait constant pour la musique l’a pourtant poussé vers des travaux de design destinés au monde de la musique. Il a d’ailleurs dessiné un logo intéressant pour la compagnie de disques Nipponophone (日本蓄音器商会) fondée en 1910 (et sous le nom actuel Nippon Columbia), représentant un bouddha écoutant un gramophone, inspiré par le chien du label musical His Master’s Voice (HMV ou La Voix de son Maître, historiquement dans le groupe anglais EMI). En 1913, Kōka Sassa se lança dans l’écriture de comptines puis en 1917 écrit un opéra se produisant à Asakusa. Il a ainsi fondé l’opéra d’Asakusa. Il continuera ensuite à écrire des chansons au sein de Nippon Victor puis Nippon Columbia. En 1931, commence la construction de sa maison de style sukiya à Tamayodo dans la ville de Yorii, l’actuel ryokan Kyōtei. Il en dessine les plans et supervise la construction en vivant sur place dès l’année suivant le début des constructions. Il faudra en tout cinq années pour construire le bâtiment actuel. Il a vécu dans cette maison jusqu’à sa mort le 18 Janvier 1961. Après sa mort, sa petite fille, Yasue Sassa, devient propriétaire et convertit cette résidence en un ryokan. Des personnalités viendront y séjourner, comme par exemple l’auteur Shōtarō Ikenami (池波正太郎).

Le bâtiment semble être entièrement préservé en l’état avec seulement quelques aménagement récents, ce qui donne à ce ryokan beaucoup de charme. J’imagine que préserver un bâtiment de cette taille ne doit pas être aisé. Le rez-de-chaussée sert de salles de restaurant. Il n’y a qu’un seul menu, avec des variations, à base de poisson Ayu cuisiné de différentes manières. Le repas était excellent, d’autant plus que l’on déjeune en ayant une vue sur le jardin, en regardant la lumière du printemps traverser les jeunes feuilles d’érable momiji. Cette ambiance paisible est bien agréable comme si le temps s’arrêtait pour un après-midi. Sur le site web du ryokan, il est d’ailleurs écrit qu’il s’agit d’un espace pour oublier le temps (時間を忘れて過ごす空間). Au cours du repas, il fallait bien qu’on lance le sujet de cette vidéo de Tokyo Jihen avec les dames du personnel du ryokan pour voir si elles étaient disposées à en parler. Le fait de mentionner que j’étais fan de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen (Mari prend toujours un malin plaisir à dire que je suis même membre du fan club) leur apporta même un enthousiasme certain. On nous a donc très volontiers donné quelques détails. On nous dit que le tournage s’est déroulé en une seule journée, le dimanche 25 Avril 2021, avec une équipe de tournage très bien organisée de 60 personnes. La propriétaire du ryokan, qui vient nous servir pendant la deuxième partie du repas, nous explique qu’elle avait d’abord eu des réticences car elle ne voulait pas fermer le restaurant et le ryokan pour une journée entière, mais que la période de crise sanitaire qui a vu une accumulation soudaine d’annulations de réservation a finalement permis ce tournage. Elle nous indique de la main les différents endroits où le tournage a eu lieu: le bain utilisé par Ichiyō Izawa, qui a été refait depuis, le coin de jardin où Ukigumo nous dit qu’il aurait dû venir en train vers la fin de la vidéo et le deuxième étage où les scènes principales ont été tournées. La propriétaire nous indique qu’on pourra visité ce deuxième étage après le dessert et avant l’arrivée à 15h des clients qui y passeront la nuit. J’ai du mal à tenir en place lorsqu’elle nous indique qu’on pourra visiter librement le ryokan pendant presqu’une heure. Elle nous dit que de nombreux fans de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen sont déjà venus ici, parfois habillés du yukata du groupe. Certains sont venus de loin, de l’autre bout du pays, prenant l’avion pour l’occasion avec une petite valise pour se changer en arrivant. Je ne suis pas du tout étonné de cela car les fans de Sheena Ringo peuvent aller très loin. Comme signe distinctif, je me suis personnellement contenté d’un petit badge bleu de Tokyo Jihen accroché sur le col de la chemise. La propriétaire le regarde en constatant qu’il s’agit bien du motif de paon (孔雀) qu’elle a vu sur certains yukata de visiteurs. Ce ryokan deviendrait pratiquement un lieu de pèlerinage pour les fans. J’ai moi-même ressenti cette envie irrésistible de venir jusqu’ici malgré le long trajet aller-retour en voiture.

Après le dessert, nous montons donc à l’étage où je retrouve la salle principale en tatami dans laquelle Tokyo Jihen prenait leur repas de retrouvailles accompagné de beaucoup de sake. La vue depuis cette pièce est magnifique. On aperçoit le jardin japonais en contrebas et la rivière Arakawa un peu plus bas. Dans la vidéo, Toshiki Hata nourrissait les carpes koi dans le bassin de ce jardin japonais. Je ne résiste pas à l’envie de m’asseoir au coin des fenêtres prenant la pose de Seiji Kameda lorsqu’il boit un verre de sake en attendant que les autres membres du groupe arrivent, ou de m’assoir à la place de Sheena Ringo sur le tatami de la grande salle au deuxième étage. On avait bien entendu revu la vidéo avant de venir et j’essaie au mieux de prendre des photos des endroits que je reconnais. Il n’y avait bien sûr aucun tissu au design de Tokyo Jihen comme sur la vidéo, ni guitares Vox Phantom posées dans un coin. La météo était idéale pour se promener dans le jardin japonais et nous faisons durer notre plaisir jusqu’au bout. Je m’attendais à ce qu’un chat vienne nous dire bonjour, et c’était en effet le cas pendant le repas. Il est passé nous voir en miaulant et à vite disparu dans le jardin. C’est amusant car j’avais eu ce genre de signe (qui est bien entendu une coïncidence) lors de la visite du temple Kishimojin-dō à Zōshigaya utilisé comme lieu de tournage pour Kabukichō no Jōo. On a un peu de mal à partir mais il est déjà l’heure. Nous descendons ensuite au bord de la rivière. Le lieu s’appelle Tamayodo (玉淀). Une bonne partie de la vidéo de Ryokushu y a également été tournée. Je reconnais le grand rocher de l’autre côté de la rivière que l’on voit dans la vidéo. Il doit également y avoir un cerisier au bord de cette rivière mais je ne l’ai malheureusement pas vu. Avec toutes ces images en tête, il nous faudra bientôt reprendre la route, avec l’album Music comme fond sonore. Malgré mes appréhensions car nous avons quitté les lieux à l’heure de pointe des retours vers 17h, il nous a fallu que deux heures pour rentrer sur Tokyo. Il est en fait beaucoup plus rapide de venir en train car il y a une ligne directe reliant Ikebukuro et Yorii en 90 minutes. J’ai pris beaucoup de photos de cette journée et c’était un peu compliqué de faire une sélection. Je montre d’ailleurs quelques autres photos sur mon compte Instagram, ce qui m’a d’ailleurs forcé pour l’occasion à écrire une description un peu plus longue que d’habitude. J’ai tendance à être très bref sur Instagram alors que je dois avoir plus de visiteurs que sur ce blog.

Pour la petite histoire, l’idée d’aller visiter le ryokan Kyōtei m’est revenu en tête après avoir vu la vidéo du morceau Matsuri (まつり) de Fujii Kaze (藤井風). Elle se déroule dans un parc qui a l’air magnifique appelé Rinkōkaku (臨江閣) près de Maebashi dans la préfecture de Gunma. Voir Kaze évoluer dans un des bâtiments traditionnels en bois du parc m’a en quelque sorte rappelé la vidéo de Ryokushu. Je pense que j’aime autant ce morceau Matsuri que je trouve Fujii Kaze agaçant. L’envie d’écouter ce morceau m’est aussi venu après avoir vu une interview de son producteur Yaffle par un autre producteur, Seiji Kameda, sur l’émission Wow Music que j’ai déjà évoqué plusieurs fois auparavant. J’ai également lu une très bonne interview en anglais de Yaffle par Patrick Saint Michel, sur le site de Billboard. Cette dernière interview contenait un lien vers la vidéo du morceau Matsuri de Fujii Kaze. Ce morceau a fait partie de ma playlist pour les trajets en voiture pendant cette Golden Week, tout comme l’excellent morceau intitulé Plateau (プラトー) de Sakanaction (サカナクション). Je ne suis pas sûr d’écouter leur album en entier mais la manière de chanter les couplets d’Ichirō Yamaguchi sur ce morceau me fascine complètement. Et le petit passage saccadé de guitare au milieu du morceau me rappelle ce que Kida pourrait jouer sur un morceau de Tricot.

Et pour revenir vers Tokyo Jihen, j’inclus également dans ma playlist la nouvelle version du morceau Shiseikatsu (私生活 新訳版) de leur troisième album Variety (娯楽 バラエティ) sorti en 2006. Les musiques de cette nouvelle version sont différentes de la version originale mais il ne s’agit pas non plus d’un remodelage complet du morceau. On peut légitimement se demander la raison de la sortie soudaine, le 1er Mai, de cette nouvelle version. Au moment de la sortie du Best Album Sōgō (総合), Tokyo Jihen avait en fait joué ce morceau le 24 Décembre dans l’émission Music Station Ultra Super Live 2021 (ウルトラスーパーライブ2021), d’où l’envie peut être de sortir cette version de manière officielle. Cette version retravaillée n’est pas meilleure que l’originale, mais je me surprends à beaucoup l’apprécier et l’écouter au milieu de ma playlist juste avant le morceau Matsuri de Fujii Kaze. Je prends en quelque sorte l’habitude de faire cohabiter Tokyo Jihen avec Fujii Kaze car on pourrait s’attendre à une collaboration si Sheena Ringo prend en compte les avis du fan club lors de la dernière enquête (j’en doute personnellement, mais je peux me tromper). L’illustration du single montrant la tour de Tokyo est empruntée au livre Tokyo Kenbutsu (東京見物) de feu Makoto Wada (和田誠). Je ne suis pas vraiment surpris que Sheena Ringo fasse ce choix. Makoto Wada était également le designer du packaging de Hi-lite, qui est (ou était) sa marque de cigarettes depuis toujours. J’en parlais rapidement dans un billet précédent au moment de la sortie du morceau Hotoke dake Toho (仏だけ徒歩) et de sa vidéo.

glass walls and mirror effect

Je me suis rendu jusqu’au quartier de Kioichō (紀尾井町) à vélo pour aller voir le bâtiment des trois premières photographies. Ce élégant bloc de béton entouré de murs de verre, conçu par l’architecte Hiroshi Naito, se nomme Kioiseido (紀尾井清堂). Je l’ai tellement vu en photo dans mon fil de suivi Instagram, principalement orienté architecture japonaise, il faut bien dire, que je n’ai pas résisté à l’envie d’aller le voir de mes propres yeux. On peut apparemment visiter l’intérieur qui est superbe selon les photos que j’ai pu en voir, mais il faut certainement réserver. Le building était de toute façon fermé au moment de mon passage. La fonction du bâtiment est très mystérieuse, tout comme cette partie d’escalier se dégageant soudainement du bloc de béton pour se montrer à l’extérieur. Le béton laissé d’apparence brute se mélange avec des surfaces de bois très élégantes et le verre qui se place comme une surface protectrice. Pendant que je fais le tour du bâtiment à pieds en prenant des photos, la roue avant de mon vélo a la bonne idée de crever. Je ferais donc le chemin du retour à pieds en le poussant d’une main et en prenant des photos de l’autre, en passant devant la grande tour Tokyo Garden Terrace Kioichō (東京ガーデンテラス紀尾井町) et ses fleurs immortelles par l’artiste Shinji Ohmaki (大巻伸嗣), puis en traversant le pont Benkeibashi (弁慶橋) qui surplombe un petit plan d’eau où se sont regroupés quelques pêcheurs. En remontant ensuite la grande avenue d’Aoyama, je vois un des premiers cerisier en fleur devant le sanctuaire Toyokawa Inari.

Précisons que ces photographies ont été prises bien avant le pic de floraison des cerisiers à Tokyo. J’ai également une série de photos de cerisiers en fleurs à montrer sur ce blog, mais j’ai pris un peu de retard dans le rythme de publication de mes billets et la floraison semble déjà être un lointain souvenir que j’oublierais presque. Quelques soucis sur WordPress ne m’ont pas non plus aidé à avancer plus vite et m’ont même contraint à faire une mise à jour de la template du blog. Je ne loupe bien sûr aucune mise à jour de WordPress, mais je suis beaucoup plus hésitant quand aux mises à jour des templates, car cela signifie qu’il faut que je réajuste toutes mes configurations CSS (autres autres). Ceci explique quelques changements comme le lien commentaire près du titre. Je pense que vais le laisser finalement, bien que je pense pas que ça attire plus de commentaires qu’actuellement.

Voir récemment le film Mellow de Rikiya Imaizumi (今泉力哉) dans lequel l’actrice et chanteuse Rie Tomosaka (ともさかりえ) jouait un second rôle m’a rappelé que je n’avais jamais vraiment écouté les morceaux que sa copine Sheena Ringo avait écrit et composé pour elle. Sheena Ringo a écrit plusieurs morceaux pour Rie Tomosaka, dont les plus connus sont Cappuccino (カプチーノ) et Shōjo Robot (少女ロボット). Sheena les a d’ailleurs repris en versions retravaillées plusieurs années plus tard dans les compilations de reprises de ses propres morceaux de la série Reimport (Cappuccino sur Reimport vol.1 逆輸入 〜港湾局〜 en 2014 et Shōjo Robot sur Reimport vol.2 逆輸入 〜航空局〜 en 2017). Rie Tomosaka démarra sa carrière d’actrice en 1992 puis de chanteuse en 1996, deux années avant les débuts de Sheena Ringo. J’imagine que le rapprochement s’est fait car elles sont toutes les deux chez Toshiba Emi et ont à peu près le même âge (Tomosaka a un an de moins). Cappuccino, sorti en single le 27 Janvier 1999, n’est pas le premier morceau que Sheena Ringo a écrit pour une autre chanteuse. Le premier est le morceau Private (プライベイト) qu’elle a écrit pour l’actrice et chanteuse Ryōko Hirosue. Ce morceau est sorti le 7 Octobre 1998 en B-side de son cinquième single intitulé Jeans (ジーンズ), puis sur son album intitulé Private sorti en 1999. Ryōko Hirosue n’est pas à mon avis une grande chanteuse et les arrangements musicaux du morceau sont maintenant un peu datés. J’écoute le morceau comme une curiosité mais je préfère quand même grandement la version que Sheena ré-enregistrera sur Reimport vol.1, qui conserve le pétillant du morceau original mais avec bien entendu la voix de Sheena. Chronologiquement parlant, Private est sorti après les deux premiers singles de Sheena Ringo, Kōfukuron (幸福論) sorti le 27 Mai 1998 et Kabukichō no Jōo (歌舞伎町の女王) sorti le 9 Septembre 1998, mais avant son premier album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) sorti le 24 Février 1999.

Le morceau Cappuccino écrit pour Rie Tomosaka est sorti environ un mois avant Muzai Moratorium, le 27 Janvier 1999. La voix de Tomosaka n’a pas la singularité et la force de celle de Sheena Ringo, mais est tout à fait appréciable. Sheena a en fait écrit au moins 8 morceaux pour Rie Tomosaka. Le single Cappuccino est accompagné d’un autre morceau en B-side, intitulé Mokuren no Cream (木蓮のクリーム) également écrit et composé par Sheena. Ces deux morceaux seront présents avec un autre intitulé Shampoo (シャンプー) sur le deuxième album Murasaki. (むらさき。) sorti le 24 Février 1999, le même jour que Muzai Moratorium. Cette simultanéité, comme un effet miroir, est très intéressante, et ne m’étonne pas beaucoup connaissant Sheena Ringo. Je n’ai pas encore écouté l’album Murasaki. mais j’aimerais bien le trouver (il ne se vend plus au Tower Records et je ne l’ai pas trouvé au Disk Union de Shibuya). Je ne connais que les trois morceaux écris et composés par Sheena, que j’écoute beaucoup ces derniers temps. Le morceau Shampoo est plus léger et je le trouve un peu moins intéressant. Sheena l’a écrit alors qu’elle avait 17 ans et qu’elle était au lycée. On trouve d’ailleurs déjà une version de Shampoo sur ses cassettes démo datant de ses années lycées (ces cassettes démo est un autre sujet sur lequel je reviendrais certainement dans un prochain billet). Les deux autres morceaux Cappuccino et Mokuren no Cream sont par contre très bons. Il faut d’ailleurs noter que ces trois morceaux sont arrangés par un certain Seiji Kameda, qui arrange d’ailleurs la moitié de l’album Murasaki.

J’écoute aussi beaucoup le EP de Shōjo Robot de Rie Tomosaka, sorti le 21 Juin 2000. Sheena Ringo écrit, compose et produit les trois morceaux de cet EP, à savoir le single Shōjo Robot (少女ロボット) et les deux B-side Ikenaiko (いけない子) et Nippon ni Umarete (日本に生まれて). Plutôt que d’utiliser son nom en kanji (椎名林檎), son nom est écrit en katakana dans les crédits (シーナ・リンゴ). C’était également le cas pour les morceaux précédents écrits pour Ryōko Hirosue et Rie Tomosaka, comme pour faire une différentiation avec les morceaux qu’elle interprète elle-même. Sheena avait une certaine habitude à cette époque d’écrire son nom de différentes façons, comme Shéna Ringo. Sheena est également créditée pour les photographies de la couverture du EP, qu’elle a peut-être prise avec son Canon F-1 qui l’accompagne souvent à cette époque. Les deux photos ci-dessus montrent d’ailleurs Sheena Ringo et Rie Tomosaka portant cet appareil à la main. Le EP de Shōjo Robot sort trois mois après le deuxième album de Sheena Ringo, shōso Strip (勝訴ストリップ), et on trouve une grande similarité de style. Je verrais même Shōjo Robot de Rie Tomosaka comme une extension de shōso Strip, tant on y retrouve les mêmes ambiances pleines de distorsion et le mélange hétéroclite de sons. Le style de cet EP contraste avec les morceaux à l’esprit beaucoup plus pop de l’album Murasaki. On sent que Sheena y a très fortement laissé son empreinte, jusqu’au roulement de « r » de Tomosaka à un moment particulier du troisième morceau Nippon ni Umarete. Ce morceau est certainement le plus poignant émotionnellement et c’est ce morceau qui m’a poussé à acheter le EP, trouvé d’occasion sur Mercari pour la modique somme de 350 Yens. En fait, je connaissais déjà ce morceau car Sheena Ringo l’avait interprété dans les rappels de son fabuleux concert Zazen Xstasy (座禅エクスタシー) le 30 Juillet 2000. En relisant le rapport que j’avais écrit sur ce live vu en DVD, je me souviens avoir été impressionné par ce morceau final. Elle a également repris le morceau Ikenaiko lors du concert Gekkō Kuon Taizu (激昂クヲンタイヅ) le 25 Novembre 2000, mais il n’existe pas de vidéo à ma connaissance (seulement une version audio bootleg trouvable sur Internet). Sur les morceaux de cet EP de Rie Tomosaka, Sheena joue du piano au sein d’une formation qu’elle a appelé Ikenai-kotachi (いけない子達 – bad kids), pour reprendre le titre du deuxième morceau. Je trouve d’ailleurs la manière dont elle joue du piano sur le morceau Ikenaiko très distinctive. On devine tout de suite qu’elle est au piano sur ce morceau, mais ça m’a d’abord paru moins évident sur le troisième Nippon ni Umarete, avec son final au piano et guitare plus expérimental. J’ai d’abord cru que Masayuki Hiizumi jouait (H Zett M) sur ce morceau. Outre Rie Tomosaka au chant et Sheena Ringo au piano, le groupe éphémère Ikenai-kotachi se compose également de Hisako Tabuchi (田渕ひさ子) à la guitare, Eikichi Iwai (岩井英吉) à la basse et Rino Tokitsu (時津梨乃) à la batterie. Hisako Tabuchi du groupe Number Girl a fait ensuite partie du groupe Hatsuiku Status (発育ステータス) pour la tournée Gokiritsu Japon (御起立ジャポン) de Sheena Ringo qui a démarré juste après la sortie du EP Shōjo Robot (du 27 Juin au 8 Juillet 2000). Le bassiste Eikichi Iwai avait déjà joué sur la tournée des Universités, appelée Manabiya Ecstasy (学舎エクスタシー) en 1999. Il n’y a pas de vidéos officielles mais une version bootleg de ce concert est visible sur Internet. Rino Tokitsu semble aussi être proche de Sheena à ses débuts après être montée à Tokyo (vers l’âge de 18 ans). Le morceau Shōjo Robot a également été repris par Tokyo Jihen plusieurs années plus tard lors de la tournée Domestic! Just Can’t Help It du 7 Avril au 30 Mai 2005. Bref, on a l’impression que Sheena Ringo a donné à Rie Tomosaka des morceaux qui lui sont chers.

Une vidéo est également sortie pour le single Shōjo Robot, réalisée par Shūichi Banba (番場秀一). Il a réalisé plusieurs autres vidéos pour Sheena Ringo, celles de Gips (ギブス), Mayonaka ha Junketsu (真夜中は純潔), Ringo no Uta (りんごのうた), STEM, Shuraba (修羅場) pour Tokyo Jihen, entre autres. Shūichi Banba est également le réalisateur du film Hyakuiro Megane (百色眼鏡) qui précédait d’un mois la sortie de l’album KSK (加爾基 精液 栗ノ花). La vidéo n’est jamais sortie en DVD et on ne l’a trouve même pas sur YouTube, ce qui est plutôt étonnant. On peut par contre la voir sur le site de vidéos Nico Nico Dōga (ニコニコ動画), mais la qualité de l’image est très moyenne. Sheena Ringo est présente sur cette vidéo. Autour de Rie Tomosaka qui chante, elle joue de tous les instruments. Sur la vidéo comme sur la pochette du EP, conçue par le designer graphique Yutaka Kimura (木村豊) de Central67 (fidèle designer de Sheena Ringo et Tokyo Jihen), on constate la notation des initiales TR/SR qui doit faire référence au nom de Tomosaka Rie (TR) et au titre du EP Shōjo Robot (SR). Mais dans le SR, je ne peux m’empêcher de voir les initiales de Sheena Ringo. L’intérieur du boîtier cartonné du CD contient une photo qui couvre les deux surfaces internes. On peut à peine voir cette photo à moins de découper au ciseau une des arêtes, mais on devine les visages de Rie Tomosaka et de Sheena Ringo. Enfin, je ne suis pas sûr qu’il s’agisse vraiment du visage de Sheena Ringo car j’ai un peu de mal à la reconnaître sauf qu’elle a bien un point de beauté au bon endroit sur le visage. Ces deux photos se faisant face à l’intérieur du boîtier me refont penser à cette image du miroir que je mentionnais auparavant. Cette duplicité est particulièrement intéressante.

une série comme les autres (2)

Après avoir visité le quartier de Tsukuda que j’évoquais dans un billet précédent, je continue à marcher en direction de Ginza. Je voulais d’abord revoir l’oeuf de Toyo Ito, nommé Egg of Winds, posé quelque part entre les immeubles de Tsukishima. J’étais déjà passé le voir il y a quinze ans et je voulais vérifier qu’il était toujours là. Marcher vers Ginza me fait d’abord passer par Tsukiji, mais je n’ai pas fait de détour vers l’ancien marché aux poissons. J’aurais pu appelé ce billet “de Toyo Ito à Toyo Ito”, car le bâtiment rosâtre pour la marque de bijoux Mikimoto est également une création architecturale de cet architecte. Sur la devanture du magasin, on reconnaît l’acteur et chanteur Suda Masaki (菅田将暉) même s’il se cache avec ses mains. On le voit souvent dans les dramas mais je connais moins sa musique à part le morceau Sayonara Elegy (さよならエレジー) qui est depuis un petit moment dans ma playlist lorsqu’on part loin en voiture. Je me pose parfois la question de savoir si je pourrais reconnaître des personnalités connues, des musiciens et artistes, au hasard des rues. Mari me dit régulièrement qu’elle a aperçu untel ou unetelle dans les rues de Tokyo, comme par exemple Takuya Kimura à Naka Meguro (il habite par là-bas). C’est plus rare pour moi, mais j’ai eu la surprise d’apercevoir Utaha (詩羽) de Wednesday Campanella marchant accompagnée dans les sous-sols pourtant très empruntés de la station de Shibuya. Même avec un masque, elle est facilement reconnaissable par sa coupe de cheveux. Je ne pouvais pas me tromper. J’étais sur le moment étonné qu’elle marche normalement à Shibuya sans essayer de trop se cacher, mais en même temps, elle n’est pas encore aussi connue que KOM_I.

Je l’ai déjà mentionné auparavant, la musique rock de Tricot est depuis plusieurs semaines ma baseline musicale, c’est à dire que j’écoute les albums et EPs de Tricot la plupart du temps, tout en alternant de temps en temps avec autre chose, comme le hip-hop mentionné dans le billet précédent. Je montre en photo ci-dessus ma collection de CDs du groupe. J’ai maintenant tous les albums et les principaux EPs mais il en reste quelques autres à trouver. Les CDs de Tricot sont moins faciles à trouver que ceux de Sheena Ringo ou de Tokyo Jihen, ce qui m’a amené à commander en ligne sur le site de Disk Union certains CDs pour aller ensuite les chercher au magasin de Shibuya. On peut se faire livrer chez soi, mais je préfère l’occasion qui m’est donnée d’aller faire un tour dans un magasin de disques. Tous les albums sont excellents et mélangent brillamment des morceaux très puissants en guitares et d’autres plus pop. Il y a toujours ce côté inattendu dans la voix d’Ikkyu et dans les guitares, qui fait que les morceaux sont à la fois accrocheurs et intéressants, je dirais même stimulants, à écouter. Les compositions musicales et vocales ont à chaque fois un petit quelque chose d’inhabituel, et c’est ce point particulier que j’aime tant dans la musique du groupe. C’est aussi intéressant de voir que Tricot ne baisse pas sa garde avec les années, car le dernier album Jōdeki (上出来) possède quelques morceaux où les guitares sont très présentes, comme par exemple le morceau Inai (いない). Ceci me fait dire que le groupe n’a pas d’intention nette de basculer dans de la pop plus mainstream. Il y a tout de même un certain nombre de morceaux aux accents volontairement pop, mais toujours avec une certaine dose d’imprévu. Le morceau Kayoko (カヨコ) sur Jōdeki en est un bon exemple. Ça doit être le morceau que je préfère du groupe, car on ressent une sorte d’immédiateté et de liberté qui me plaisent beaucoup. Musicalement, ce que fait Tricot est superbe et sophistiqué. On a le sentiment que c’est du rock sur lequel on doit se creuser les méninges, pour suivre les accords de la guitariste Kida qui partent dans différentes directions. C’est le côté math rock de Tricot. Mais en même temps, la voix et les paroles d’Ikkyu accompagnées des chœurs de Kida et Hiromi ont quelque chose de très spontané. L’esprit général ne diffère pas sur les trois albums que j’écoute plus récemment, à savoir 3 (le troisième album du groupe) puis 10 (le cinquième album sorti lors des dix années de carrière du groupe) et le dernier Jōdeki (avec en photo de couverture le chien d’Ikkyu répondant au nom de Wicket,). Parmi les six albums du groupe, j’aurais beaucoup de mal à dire lequel je préfère. Le son des premiers albums est certes plus brut et l’album A N D reste le plus agressif de tous. Les albums qui suivent dont les trois ci-dessus et Makkuro (真っ黒) que je mentionnais précédemment arrivent à mélanger brillamment des ambiances plus calmes, d’autres plus pop avec la complexité du son des guitares et des percussions. Tricot est devenu en peu de temps le groupe de rock japonais que je préfère juste derrière Tokyo Jihen. Le rapprochement est d’ailleurs intéressant, car la vidéo du morceau Itazura (悪戯) de l’album 10 de Tricot a été tournée au même endroit que la vidéo Hotoke Dake Toho (仏だけ徒歩, ou To Nirvana dans son titre anglais), dans un replica de pavillon de banlieue américaine se trouvant dans la ville de Futtsu à Chiba. Tokyo Jihen a en fait copié Tricot car le morceau Itazura est sorti avant Hotoke Dake Toho. Dans cette même vidéo, Ikkyu porte une petite couronne sur la tête qui me rappelle celle que portait Sheena Ringo à ses débuts sur la tournée Senkō Ecstasy (閃光エクスタシー), qui elle-même me rappelle Courtney Love en photo sur l’album Live Through This de Hole. Et quand on sait que Tokyo Jihen portait le modèle de lunettes de Kurt Cobain dans la vidéo de Hotoke Dake Toho, je ne peux m’empêcher de voir là une convergence d’influences. Ça me plaît forcément beaucoup de trouver des relations entre le rock alternatif américain que j’écoutais dans les années 90 et le rock japonais que j’écoute maintenant.

Lorsque je suis allé voir Tricot dans la salle de concert Toyosu Pit pour la finale de leur tournée Walking x Walking, le groupe annonçait que leur tournée européenne serait reportée et que, pour patienter, trois concerts seraient organisés dans des petites salles de Tokyo à des heures européennes pour une retransmission internet. J’ai regardé en direct le concert du dimanche 10 Avril qui passait à 4h du matin heure de Tokyo (ce qui doit faire 21h en France). Le principe était intéressant. Le public était très limité car le concert se passait dans une toute petite salle appelée Flowers Loft à Shimokitazawa. Chaque spectateur devenait streaming staff et avait pour mission de filmer le concert au smartphone en live sur Instagram. Les adresses Instagram des comptes de chaque spectateur étaient inscrites sur une page spécifique sur le site web de Tricot. On pouvait donc sélectionner le compte Instagram qu’on souhaitait suivre parmi ceux disponibles. On final, j’ai regardé ce concert depuis chez moi avec mon iPhone, mon iPad et mon iPod en simultané pour avoir différents points de vue. Les membres du groupe se filmaient également par moment, notamment Ikkyu sur le final. Cette manière de faire non-professionnelle était très intéressante et l’accès était donc gratuit. Cette mini-tournée de trois concerts s’appelle STOPxSTEP tour 2022 et chacun des concerts a un concept différent. Le premier épisode s’appelait Himitsu. Chaque membre du groupe était habillé en noir, comme à la période de l’album Makkuro et le public devait resté silencieux. Le concert que j’ai regardé en streaming s’intitulait Bakurestu (爆裂), ce qu’on peut traduire par Explosion. Le concert se concentrait donc sur les morceaux rock les plus riches en guitares, comme Tokyo Vampire Hotel sur l’album 3, Noradrenaline sur A N D, Inai sur Jōdeki, Itazura sur 10 ou encore Pool sur le premier album THE. Pendant un des moments où Ikkyu s’adressait au public, elle faisait d’ailleurs remarquer que ce concert aurait dû plutôt s’appeler Pool, car la vidéo de ce morceau montrait justement des personnes filmant le groupe au smartphone comme lors du concert. Comme le concert était principalement destiné au public étranger hors Japon, Ikkyu et Kida ont parlé un peu en anglais mais le niveau d’Ikkyu est plus que moyen (Montifour Kida avait l’air de mieux maîtriser). Le morceau Dogs and Ducks sur le dernier album Jōdeki est d’ailleurs une référence à son pénible apprentissage de l’anglais car elle avait apparemment du mal à faire la distinction entre les mots Dogs et Ducks. Le concert Bakurestu comportait en tout 18 morceaux (incluant 3 en rappel) pour un total de plus d’une heure sur scène. La playlist était très variée reprenant des morceaux de tous les albums. Le son retransmi à travers les smartphones était d’assez bonne qualité, ce qui m’a d’abord surpris, mais les spectateurs étaient vraiment au plus près de la scène. Sinon. Le concert était impeccable et il n’y avait rien à redire. Ikkyu fourmille d’idées originales, ce qui fait aussi que ce groupe est intéressant à suivre. Tricot et Ikkyu sont aussi très présents sur YouTube, pour des vidéos parfois humoristiques comme cette interview en partie fausse d’Ikkyu où elle nous énonce des phrases comme 自分は自分であって自分ではない (je suis moi-même sans être moi-même) en parlant d’elle-même. Je ne sais pas vraiment comment traduire correctement cette phrase à vrai dire, mais elle nous dit qu’elle se répète cette phrase deux cents fois tous les matins et soirs, et qu’après une période de folie, cette phrase finit par prendre sens. Bref, tout ceci est plein de non-sens mais sa manière convaincante d’évoquer cela est très amusant. D’autres vidéos nous font part de ces voyages au Japon, comme par exemple à Aomori sous la neige. L’accompagner dans des paysages enneigés a quelque chose de très plaisant et apaisant. Pour revenir au concert Bakuretsu, j’ai saisi plusieurs copies d’écrans ci-dessus. Les esprits éveillés auront tout de suite remarqué le t-shirt du batteur Yosuke Yoshida, tirée de l’album Washing Machine de Sonic Youth. Et ceci le ramène sur les liens entre le rock américain des années 90 et le rock japonais actuel. J’ai également évoqué que la partie expérimentale bruitiste du morceau Himitsu de l’album Makkuro me rappelait Sonic Youth. Ce genre de liens me satisfait forcément beaucoup.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la liste des morceaux interprétés par Tricot pendant ce concert STOPxSTEP tour 2002 Day 2 Bakuretsu:

1. Bakuretsu Panie San (爆裂パニエさん) du EP Bakuretsu Tricot San (爆裂トリコさん)
2. Tokyo Vampire Hotel de l’album 3
3. Super Summer (スーパーサマー) de l’album Jōdeki (上出来)
4. Noradrenaline de l’album A N D
5. 18, 19 de l’album 3
6. E de l’album A N D
7. Itsumo (いつも) de l’album Jōdeki (上出来)
8. End roll (エンドロールに間に合うように), nouveau single
9. Inai (いない) de l’album Jōdeki (上出来)
10. Tobe (飛べ) de l’album THE
11. Itazura (悪戯) de l’album 10
12. Afureru (あふれる) de l’album Makkuro (真っ黒)
13. Setsuyakuka (節約家) du EP KABUKU
14. Niwa (庭) de l’album A N D
15. 99.974℃ de l’album THE
16. Pool Side de l’album THE
17. Pool de l’album THE
18. Matsuri du EP School Children and the Cosmos (小学生と宇宙)