あったかいね、半袖でいいかも

En photographies sur ce billet: les formes courbes de béton et de verre du building GUN-AN (軍庵) par Tadasu Ohe situé à Hiroo, celles plus angulaires d’un petit bâtiment de béton pour une agence publicitaire par Tadao Ando, un groupe de cyclistes dont un inhabituellement rétro passant en bas du grand cimetière d’Aoyama en direction du croisement de Nishi Azabu, la tôle angulaire aux airs de vaisseaux spatiaux du musée 21_21 Design Sight, toujours par Tadao Ando, posé dans le parc du complexe Tokyo Mid-Town, le tube métallique comme un grand vers survolant une partie de Nogizaka et des étranges visages derrière une vitrine d’Omotesando. Ces visages sont animés de mouvements robotiques et se trouvent à l’intérieur du vendeur de lunettes Gentle Monster dont je parlais avant son ouverture dans un billet récent. Il y a certains points de liaison entre les photographies de ce billet, que ça soit le béton brut, les surfaces métalliques ou les cyclistes qui traversent furtivement ces photographies. Plusieurs de ces photos évoquent une impression de futurisme qui se matérialise par la photographie finale de ces trois visages inquiétants.


AJICO a sorti le 13 Mars 2024 un nouvel EP de 6 titres intitulé Love no Genkei (ラヴの元型). C’est avec un plaisir non dissimulé qu’on accueille un nouvel épisode de leur aventure musicale. Le premier single reprenant le titre du EP frappe par sa coolitude maîtrisée entre les riffs merveilleusement accrocheurs de Kenichi Asai (浅井健一) à la guitare, l’omniprésente basse de TOKIE, la régularité impeccable de la batterie de Kyōichi Shiino (椎野恭一), et le chant particulièrement inspiré d’UA. Le morceau ne part pas dans les excès car le groupe semble très sûr de ce qu’ils veulent délivrer dans une maturité assumée. Par rapport à l’EP précédent Setsuzoku (接続) sorti en 2021 que j’évoquais à l’époque, il y a sur ce nouvel EP un meilleur équilibre entre les voix de UA et de Kenichi Asai. Le morceau d’ouverture Love No Genkei (ラヴの元型) est principalement chanté par UA mais Benji intervient dans les chœurs tandis que le deuxième morceau Attakaine (あったかいね) est principalement chanté par Benji avec UA dans les chœurs. Le cinquième morceau Kitty (キティ) est également interprété par Benji et sa décontraction cool y est remarquable. Ce morceau est un de mes préférés du EP. UA est beaucoup plus passionnée dans son chant, notamment sur le superbe Kotora ga Shuyaku ni Naranai (言葉が主役にならない), et sa voix est comme toujours très marquée. C’est le contraste entre les approches très différentes au chant de Kenichi Asai et de UA qui est un des grands intérêts du groupe. Et musicalement, c’est bien entendu très bien maîtrisé. C’est un EP que j’écoute très régulièrement ces dernières semaines, depuis sa sortie.

Je suis allé voir l’exposition MOMOPOLY (モモポリー), qui se déroulait du 17 au 24 Mars 2024 dans l’espace Spiral Garden à Aoyama, spécifiquement pour voir les photographies de Kotori Kawashima (川島小鳥) qu’on y montrait. J’avais déjà parlé de ce photographe dans mon billet au sujet de l’album Ne- Minna Daisuki Dayo (ねえみんな大好きだよ) de Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ), car la photographie de couverture est de ce photographe. Il s’agit d’une exposition couvrant plusieurs artistes et l’espace consacré aux photos de Kotori Kawashima était donc limité. On pouvait cependant voir quelques unes de ses très belles photographies dont certaines très connues de la série consacrée à la petite Mirai chan (未来ちゃん). Certaines des photographies montrées dans cette exposition ont été utilisées pour d’autres couvertures d’albums ou EPs de Ging Nang Boyz. Ses photographies se concentrent sur les portraits mais ceux-ci sont placées dans un environnement qui vient influencer les impressions que l’on a de ces visages. Il ne s’agit pas de simples portraits car ils nous racontent une histoire qu’on parvient à deviner comme si ces photographies étaient des éléments d’une vidéo.

写真という言葉をなくせ! 

Lorsque la météo est exécrable, j’ai parfois l’envie et le besoin même de déconstruire mes propres photographies. Je suis très certainement influencé par l’exposition que je vais voir dans un musée du quartier de Kitanomaru dans l’arrondissement de Chiyoda.

L’expression « Rendez-nous le ciel bleu! » (青い空をかえせ!) que j’utilise comme titre de ma série printanière dans les préfectures de Fukui et de Kyoto n’est pas de moi mais du photographe Takuma Nakahara (中平卓馬) dont j’ai été voir l’exposition rétrospective Burn Overflow au National Museum of Modern Art Tokyo (東京国立近代美術館) qui se déroulait du 6 Février au 7 Avril 2024. Le titre de ce billet « Débarrassons-nous du mot Photographie! » (写真という言葉をなくせ! ) est également une expression utilisée par le photographe, qui était reconnu pour son approche radicale de la photographie. Après des études en langues étrangères, Takuma Nakahara (1938-2015) commença sa carrière en tant que rédacteur d’une revue d’art, mais décidera assez rapidement à devenir photographe. Il était proche des photographes Shōmei Tomatsu et Daidō Moriyama et du poète et cinéaste d’avant-garde Shūji Terayama (que j’ai déjà brièvement évoqué ici). Il participa avec Yutaka Takanashi, Takahiko Okada et Kōji Taki au mythique magazine Provoke au tout début des années 1970. On le connaît pour son style photographique granuleux, flou et sans mise au point (アレ・ブレ・ボケ) qu’il partage avec Daidō Moriyama, déconstruisant l’approche traditionnelle et conventionnelle de la photographie de l’époque. For a Language to Come (来たるべき言葉のために) publié en Novembre 1970 est son premier livre photographique et une déclaration de ses conceptions photographiques, qu’il remettra d’ailleurs lui-même en compte plus tard. Takuma Nakahara a une personnalité complexe et passera par différentes étapes parfois diamétralement opposées dans son approche photographique. La rétrospective nous montre ces différentes étapes avec notamment ses photographies couleurs. Ma préférence se tourne tout de même vers la radicalité de ses photographies en noir et blanc. Le livre For a Language to Come a été réédité en 2010 et je me souviens avoir beaucoup tourné autour et l’avoir feuilleté de nombreuses fois à la librairie Aoyama Book Center de Roppongi où il était disponible. De Takuma Nakahara et Daidō Moriyama, je garde toujours en tête cette idée de sortir des formats conventionnels photographiques, que j’aimerais pouvoir appliquer plus souvent et à laquelle je m’essaie tout de même de temps en temps à mon moindre niveau d’amateur. J’aime cette idée de casser ses propres codes mais cela reste très difficile à développer et à appliquer.

laisser le béton

« Dis moi, tu connais Blockbusters? »
« Non, c’est quoi au juste? »
« C’est une émission de radio sur France Inter. Regardes, je te montre sur mon iPhone, il y a une appli qui permet d’y accéder facilement. Ça parle de culture pop des années 80 et 90. »
« Ah ouais, génial mais c’est en français, j’y comprends rien, laisses béton ».

J’écoute en ce moment assidûment le podcast Blockbusters de France Inter animé par Frédéric Sigrist, consacré à la culture pop de divers horizons. Cette émission me parle beaucoup car l’animateur a le même âge que moi et les thèmes qu’il sélectionne sont par conséquent très proches de ma propre culture pop. J’ai commencé à enchaîner les épisodes quand je me suis rendu compte en fouillant dans les archives qu’on y parlait du film Les Goonies (1985) réalisé par Richard Donner d’après une histoire écrite par Steven Spielberg. En écoutant cette émission, je me suis remémoré la première fois où j’ai vu le film, et ce souvenir reste encore très clair dans a mémoire. C’était une diffusion un vendredi soir sur Canal+ alors qu’un ami de la famille nous avait prêté son décodeur pendant ses vacances. Ma sœur et moi avions tellement aimé le film qu’on l’avait regardé dès le jour suivant pour une rediffusion. Une autre émission du podcast couvre la série Twin Peaks (1990-91). Je l’ai découvert bien après sa sortie alors que je vivais déjà à Tokyo. J’étais déjà amateur du cinéma de David Lynch après avoir été choqué par Lost Highway (1997) au cinéma, mais je n’ai acheté les DVDs des deux saisons de Twin Peaks que bien plus tard. Je me souviens avoir dévoré cette série avec Mari. On était tous les deux accrochés à l’ambiance si particulière de cette petite ville fictive de l’Etat de Washington. La troisième saison sortie beaucoup plus tard en 2017 était un autre choc. Cette émission Blockbusters m’a ensuite donné envie de revoir Lost Highway que j’ai en DVD à la maison. Une autre émission parle de la série culte Seinfeld (1989-1998), que l’on a découvert en France sur la chaîne Canal Jimmy disponible à l’époque par abonnement satellite. Canal Jimmy nous avait fait découvrir un grand nombre de séries américaines, car Friends (1994-2004) y passait également. Je me souviens également de la série Spin City (1997-2003) avec l’acteur Michael J.Fox en chef de cabinet du maire de New York. Mais Seinfeld avait vraiment un humour particulier où un épisode pouvait se construire sur un rien, comme par exemple un homme portant une cape en pleine rue. Blockbusters parle bien évidemment de manga et de films d’animation avec l’incontournable Neon Genesis Evangelion dont j’avais vu les épisodes lors de leur première diffusion en France sur Canal+ en 1998. Les manga et anime n’avaient pas encore la popularité actuelle. Dans Blockbusters, on nous parle également du manga sombre Gunnm de Yukito Kishiro que j’avais suivi dès le premier tome sorti chez Glenat en 1995. Je garde cette série de manga précieusement. C’est amusant de voir abordé dans ce podcast une bonne partie des films et séries qui ont marqué pour moi la deuxième partie des années 1980 et les années 1990. On y parle par exemple d’Arnold Schwarzenegger. J’ai eu ma période de films d’action basiques pendant mon adolescence que j’avais démarré avec Commando (1985), puis Predator (1987) bien avant Terminator 2 (1991), Total Recall (1990) et True Lies (1994). L’Arme Fatale (1987), bien entendu couvert dans ce podcast, avait également été marquant. J’avais commencé la série par le deuxième épisode (1989) vu sur Canal+, en adorant tout de suite l’ambiance mélangeant une noirceur certaine avec l’humour du buddy movie, le tout accompagné par un saxophone particulièrement marquant. On y parle beaucoup d’anime avec le monde de Rumiko Takahashi (Ranma 1/2, Ramu, entre autres) et bien sûr celui d’Hayao Miyazaki pour lequel une émission de 5h est consacrée ainsi qu’une autre sur les deux chefs d’oeuvres que sont Princesse Mononoke et Le voyage de Chihiro. Bon, il y a bien des sujets d’émissions plus récents qui ne me parlent pas du tout comme Taylor Swift, Aya Nakamura ou Orelsan, mais dans l’ensemble j’y trouve une correspondance assez bluffante avec ma propre culture pop. Le podcast évoque aussi souvent les jeux vidéos, mais c’est un domaine que je connais moins à part quand il s’agit de franchises historiques comme celles des jeux de combat Street Fighter ou Tekken, ou le fabuleux Prince of Persia qui avait été pour moi une révélation sur sa version Super Famicom (j’y jouais en version import japonais). Les musiques de ce jeu me restent encore maintenant gravées en tête tant j’y pu y jouer en répétant des dizaines et des dizaines de fois les mêmes mouvements. Le jeu était difficile mais extrêmement immersif. Je ne joue plus beaucoup aux jeux vidéos à part ceux emblématiques sur la Nintendo Switch (les derniers Zelda, Super Mario et Mario Kart), mais j’ai toujours regretté d’avoir loupé le coche de Nier Automata. Ce podcast me permet également de remplir quelques lacunes culturelles. Mais ce que j’apprécie particulièrement sur ce podcast est le ton de Frédéric Sigrist et de ses invités qui ne se veulent pas savants et démontrent une véritable passion pour leurs sujets. On n’essaie pas non plus de nous faire croire que la culture pop était mieux avant. La qualité de séries actuelles comme The Gentlemen de Guy Ritchie que je regarde en ce moment sur Netflix me fait dire que des nouvelles oeuvres cultes sont en train d’être diffusées en ce moment.

Outre le podcast ci-dessus, Nicolas me conseille également l’écoute du dernier single Bite you du jeune groupe muque, dont j’avais déjà parlé du single 456 sorti en Octobre 2023. Je n’avais pas vraiment poursuivi la découverte de la musique du groupe mais ce dernier morceau sorti le 26 Mars 2024 sur le label A.S.A.B. m’y ramène gentiment. Dès les premières cordes, on se laisse accrocher par le rythme du morceau, oscillant toujours entre l’approche rock et un beat pop très prononcé. Le groupe a cette capacité à créer des morceaux à la qualité pop immédiate, qui devraient les amener sur les ondes du mainstream un jour ou l’autre. D’autant plus que la voix d’Asakura est très affirmée et versatile, notamment dans un petit passage parlé au milieu du morceau qui fonctionne très bien.

Je ne sais plus par quel détour j’ai découvert l’excellent morceau Luv Myself de Kvi Baba avec AKLO & KEIJU, oscillant brillamment entre le hip-hop et la pop. En fait, depuis que j’ai écouté le morceau run away qu’AAAMYYY a chanté avec KEIJU lors de son concert Option C du 7 Mars 2024, j’ai l’envie de découvrir d’autres musiques sur lesquelles KEIJU intervient car j’aime beaucoup sa voix. Je ne connaissais pas le jeune rappeur et compositeur Kvi Baba originaire d’Osaka, qui mène ce morceau avec les deux autres rappeurs AKLO et KEIJU. Je ne connaissais AKLO qu’à travers le morceau RGTO, sur son album The Arrival de 2014, sur lequel il fait intervenir d’autres rappeurs: SALU, H.TEFLON et K DUB SHINE. La vidéo de ce morceau mentionne dans les remerciements T-Pablow et BAD HOP, et là s’ouvre une nouvelle porte vers un hip-hop japonais beaucoup plus badass (si vous me permettez l’expression).

BAD HOP est un collectif originaire du quartier d’Ikegami à Kawasaki et se compose de huit rappeurs: T-Pablow, YZERR, Tiji Jojo, Benjazzy, Yellow Pato, Bark, G-K.I.D et Vingo. J’écoute leur dernier album éponyme sorti en Février 2024 que je trouve excellent, notamment les deux morceaux Ikegami Boyz et Final Round. Je suis très loin d’être spécialiste du monde du hip-hop, mais je trouve que l’ambiance est proche du gangsta américain dans son approche musicale et dans les thèmes abordés. Le flot vocal et l’alternance des voix des rappeurs sont remarquables, par exemple, la manière mécanique par laquelle YZERR prononce les paroles « Knock out, Knock out, Knock out, Knock out床にKnock out » qui sonnent comme une série de coups de poing qui mettent à terre. Tous les morceaux ne sont pourtant pas tous sombres, comme Last Party Never EndSupercar2 mettant en avant la voix plus haut perchée de Toji Jojo qui apporte une alternative intéressante aux voix de tonalité plus grave de la plupart des autres membres du collectif. Du quartier industriel d’Ikegami à Kawasaki, la crew BAD HOP a gravi les échelons jusqu’au Tokyo Dome pour un concert le 19 Février 2024, qui est représenté par le premier morceau de l’album Tokyo Dome Cypher. BAD HOP a déjà sorti au moins cinq albums depuis 2014 et ce ne sont donc pas des nouveaux arrivants. Leur ascension jusqu’au Tokyo Dome démontre une popularité certaine auprès des amateurs de Hip-hop. A parmi les nombreuses collaborations de BAD HOP, j’y retrouve le nom de KEIJU sur certains morceaux. Une porte ouvre, je vais y entrer tranquillement sans faire de bruit.

君ならきっと大丈夫さ

L’étroit building de neuf étages sur les deux premières photographies se nomme Jimbochō SFI (神保町SFI) et se trouve comme son nom l’indique dans le quartier de Jimbochō. Il a été conçu par Nikken Sekkei en collaboration avec la société SEO Inc. établie en 1935 à Takaoka dans la préfecture de Toyama et spécialisée dans la fabrication de chaînes métalliques qui conduisent l’eau de pluie des toits vers un bassin au sol. On peut voir régulièrement ce genre de « rain chains » dans les temples ou dans certaines architectures plus modernes comme sur le Co-Op Kyosai Plaza, également conçu par Nikken Sekkei, à Kitasando. C’est un building que j’aime régulièrement prendre en photo. Sur le building Jimbochō SFI, SEO Inc. a conçu la façade très particulière composée d’une multitude de cylindres dans le but d’améliorer la performance environnementale du bâtiment. Cette façade dessinée pour conserver l’énergie se nomme Envi-lope01. Cette membrane ou enveloppe, posée au dessus de la surface du bâtiment se compose de cylindres de 180mm de diamètre de trois formats différents reliés entre eux sur une même ligne verticale par deux câbles métalliques permettant d’ajuster l’orientation des cylindres notamment dans les parties courbes du building. La profondeur des cylindres vient contrôler l’intensité lumineuse à laquelle est soumise le bâtiment en bloquant les champs lumineux obliques et en réduisant ainsi la température totale du building, tout en préservant sa ventilation frontale. J’ai pris ces quelques photographies à Jimbochō alors que j’espérais y voir courir les marathoniens de Tokyo pour le marathon du 3 Mars 2024. Je suis malheureusement arrivé un peu trop tard et la course était déjà terminée à cet endroit. J’ai donc marché à toute vitesse, sans rattraper les coureurs, jusqu’à la station de Tokyo pour y voir quelques athlètes terminer leur course. Je me dis tous les ans en regardant le marathon que je devrais me donner un an pour m’entrainer et participer à celui de l’année prochaine, mais une réflexion rapide me dit que je n’aurais jamais la volonté nécessaire pour ce genre de choses.

J’écoute en ce moment quelques morceaux de rock indé du groupe Yonige (よにげ) dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog. Yonige est originaire d’Osaka et a été formé par Arisa Ushimaru (牛丸ありさ), qui chante et est guitariste, et par Gokkin (ごっきん) qui joue de la basse et assure les chœurs. Le groupe se compose actuellement de quatre membres. De leur nouvel album Empire sorti en Janvier 2024, j’écoute trois morceaux dont deux possèdent déjà une vidéo officielle: Kamisama to Boku (神様と僕) et walk walk. Le troisième morceau que j’écoute est le premier de l’album: Super Express. Le rock de Yonige est sans artifice avec un brin de mélancolie, mais n’exclut pas un certain humour retranscri à travers les vidéos. Les vidéos accompagnant Kamisama to Boku et walk walk sont en fait liées. La première pour Kamisama to Boku démarre par la mise en scène d’une réunion avec le manager du groupe qui leur demande de faire plus énergique et entrainant pour pouvoir espérer attirer les foules et avoir un gros succès. On ressent que le monologue interminable du manager est insupportable pour le groupe, mais tous acquiescent sans rien dire en attendant que ça passe. On leur confie un sous-fifre incompétent qui sera en charge de la vidéo du nouveau morceau. Le budget étant limité, le groupe se retrouve à tout faire par eux même, porter les instruments jusqu’au lieu de tournage improvisé, puis se filmer ensuite soi-même. A ce moment là démarre la vidéo de walk walk, avec pleins de petits désagréments qui compliquent la vie du groupe. Malgré tout cela, tout le monde reste serein. On retrouve en quelque sorte cette sérénité dans la musique de Yonige, mais les morceaux sont pourtant très accrocheurs. Arisa Ushimaru n’hésite pas a poussé sa voix et les guitares sont très présentes. J’adore ce son rock indé qu’elles maitrisent extrêmement bien sans pourtant révolutionner le genre, mais le rock indé n’entend pas apporter des révolutions, simplement faire des bons morceaux et c’est bien suffisant.

Yonige et leur dernier album Empire étaient d’ailleurs mis en avant au Tsutaya de Daikanyama, aux rayons musiques à l’étage d’un des trois bâtiments du grand magasin multimédia. On y vend d’ailleurs de moins en moins de CDs, toujours au profit des vinyles. Je devrais passer plus régulièrement devant ces panneaux d’affichage, pour voir quelles sont les recommandations du moment. Je me souviens y avoir vu afficher une présentation de l’album Windswept Adan (アダンの風) d’Aoba Ichiko (青葉市子), bien avant que je l’écoute pour la première fois (rien que le fait d’évoquer cet album me donne envie d’écouter le morceau Porcelain). Les affichages du Tsutaya montre la vidéo de Kamisama to Boku (神様と僕), dont est extrait la vidéo ci-dessus, et les dates de la tournée du groupe. Je ne connais pas encore assez bien la musique de Yonige pour être tenté de les voir live, mais un morceau comme walk walk doit certainement très bien donner en concert.

Toujours dans le même Tsutaya de Daikanyama, j’ai l’impression que l’espace consacré aux expositions artistiques a augmenté progressivement au fur et à mesure des années, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. L’exposition ILLUSTRATION 2024, qui avait lieu du 23 Février au 17 Mars 2024 commémorait le dixième anniversaire de la série de livres ILLUSTRATION, qui est un catalogue annuel représentant l’état actuel de l’illustration au Japon. A cette occasion, étaient exposées quelques illustrations de sept artistes sélectionnés présents dans la dernière édition du livre ILLUSTRATION. Il s’agissait d’une toute petite exposition mais j’ai eu le plaisir d’y voir deux illustrations de NAKAKI PANTZ (ナカキパンツ), les deux visages féminins ci-dessus. Son style graphique est immédiatement reconnaissable. Je vois qu’elle continue à dessiner les pochettes pour les musiciens de MAISONDes et, dernièrement, on peut également voir ses illustrations sur une publicité Nissin Cup Noodles. Nissin s’est associé depuis longtemps avec des artistes graphiques de renom ou en devenir. Une des campagnes les plus connues était celle intitulé Freedom par Katsuhiro Ōtomo. Ces publicités sont assez souvent décalées et j’avais déjà évoqué tout cela dans un billet précédent. Parmi les sept artistes présentés, on trouve également l’illustratrice AKI AKANE (秋赤音) que j’avais déjà évoqué ici pour avoir vu une de ses expositions chez le libraire Komiyama Tokyo à Jimbochō. En repassant d’ailleurs par Jimbochō, je suis monté aux étages de cette librairie et j’ai constaté qu’on y montrait toujours des illustrations d’AKI AKANE. J’ai hésité à acheter son livre d’illustrations, car je ne pense pas apprécier la totalité de ses dessins, mais l’approche très pop de l’illustration montrée sur la photo de droite ci-dessus est vraiment magnifique. J’aime aussi beaucoup son approche graphique sur l’illustration de gauche, utilisant des ossements comme ornements vestimentaires.

櫻vsミモザ

Les cerisiers sont clairement en retard à fleurir cette année alors on regarde plutôt les mimosas. Ceux des trois dernières photographies du billet viennent d’un arbre aperçu à l’entrée du temple Saihōji (西方寺) situé à Kōhoku (港北) dans la banlieue de Yokohama. Le temple est très fleuri, ce qui est peut être dû au fait qu’il est situé juste en face d’un grand magasin de plantes. C’était en fait notre destination car on avait l’intention d’acheter un petit arbuste mimosa pour le balcon de l’appartement. Il y a bien des cerisiers en fleurs sur ce billet mais ils proviennent d’un tout autre endroit. Nous sommes sur la troisième photographie à l’entrée du petit temple Jufukuji (寿福寺) à Kami-Meguro. Sur la première photo, il s’agit de la résidence Park Homes Nakameguro par IOA Takeda Architects Associates. J’avais en fait déjà mentionné cette résidence dans un billet précédent car ses lignes obliques sont remarquables.

Le morceau Zezezezettai Seiiki (絶絶絶絶対聖域) interprété par Ano (あの) avec Lilas Ikuta (幾田りら) de Yoasobi est le thème d’un film d’animation en deux parties intitulé Dead Dead Demon’s DeDeDeDe Destruction (デッドデッドデーモンズデデデデデストラクション) tiré d’un manga du même nom créé par Inio Asano (浅野 いにお). Les voix des deux protagonistes principales, les lycéennes Kadode Koyama (小山門出) et Ouran Nakagawa (中川凰蘭), sont assurées par Lilas Ikuta et Ano respectivement, ce qui explique certainement cette association inhabituelle pour le thème du film. J’ai entendu ce morceau pour la première fois lors de l’émission Music Station du 22 Mars 2024 et j’ai été très agréablement surpris par la voix d’Ano qui peut être très inégale suivant les morceaux qu’elle chante. Je pense aussi que la voix d’Ikura (diminutif de Lilas Ikuta) en duo place les parties chantées au bon niveau. Ano s’en sort en général bien pour les morceaux ayant une agressivité certaine et c’est le cas sur ce morceau lorsqu’elle crie à plusieurs reprises “DeDeDeDe Destruction”. En comparaison, la voix d’Ikura est clairement moins à l’aise sur ces parties agressives. Ce contre-emploi est en tout cas très intéressant, car on se dit qu’Ano apporte un élément musical qu’elle maitrise très bien par rapport à Ikura qui semble sortir de son domaine de prédilection. Ano a écrit les paroles du morceau et la composition musicale est de TK from Ling tosite Sigure (凛として時雨). On ressent fortement la touche musicale de TK sur ce morceau et on croirait même entendre TK chanter, et crier comme il sait si bien le faire, sur certaines parties du morceau. La vidéo du morceau est très réussie, reprenant à priori des éléments du film d’animation et des scènes ressemblant à un jeu vidéo de tir à la première personne qui dépasserait la réalité. Cette vidéo a été réalisée par Mizuno Cabbage du groupe UNDEFINED (アンディファインド) qui a également réalisé plusieurs vidéos pour Vaundy dont Tokyo Flash (東京フラッシュ) et Naki jizō (泣き地蔵), et un teaser pour un Live et documentaire du groupe PEDRO intitulé 1-Shūkan tōbō Seikatsu (1週間逃亡生活). Je vois aussi qu’UNDEFINED a créé une partie des effets spéciaux (CG) de la fabuleuse vidéo du single SPECIALZ de King Gnu.

En parcourant les rayons du Disk Union de Shimokitazawa, je prends en passant un petit livret gratuit avec justement Ano en couverture dans les rayons du dit magasin de disques. Ano sera en fait l’ambassadrice du RECORD STORE DAY JAPAN 2024 qui aura lieu le 20 Avril 2024. Je ne prête en général pas beaucoup attention à cette date annuelle car je ne collectionne pas les disques vinyles. Le petit livret contient une interview d’Ano et de son groupe rock I’s, également retranscrite sur une page web. L’interview n’a rien de transcendant à part le fait de nous apprendre qu’Ano choisit ses albums en fonction de la pochette. Je comprends bien cette approche dans la découverte de nouvelles musiques car je l’utilise également, bien que ça ne soit pas bien sûr mon seul critère de sélection. J’aurais par contre tendance à passer mon chemin si un ou une artiste ou un groupe a une approche artistique qui me déplaît. Ça dit à mon avis quelque chose sur sa musique. Dans cette interview, les membres de I’s choisissent certains albums dans les rayons du magasin, comme ils le montrent sur la photo ci-dessus extraite du livret. Ano choisit l’album rock alternatif Bandwagonesque du groupe écossais Teenage Fanclub, que je prends plaisir à réécouter en écrivant ce billet. L’album date de 1991 mais je ne l’avais malheureusement pas découvert à cette époque, bien que je me souvienne très bien de la pochette vue maintes fois dans les magazines musicaux que je dévorais pendant mes années adolescentes. La sélection du groupe m’est intéressante car on y trouve d’autres albums que j’apprécie, notamment Goo de Sonic Youth qui est le premier CD du groupe que j’ai acheté en 1991, peu de temps après Nevermind de Nirvana (toujours de 1991). Colors (2017) de Beck est également un album que j’aime beaucoup et que je réécoute assez souvent, bien que très différents des chefs d’oeuvre que sont Mellow Gold (1994) et Odelay (1996). Je ne connais pas par contre le groupe londonien The Hit Parade et l’album More pop songs, présenté sur la photo ci-dessus par un des membres du groupe. J’écoute par curiosité le morceau Hitomi évoquant Tokyo, mais cette pop indé ne me convient qu’à moitié. En lisant cette interview, je me dis que j’aimerais aussi pouvoir choisir des albums au feeling en ne connaissant absolument rien d’un groupe, mais ça m’est difficile. Peut-être est ce dû au fait que quand j’étais adolescent, l’accès à la musique alternative sans internet n’était pas aussi simple que maintenant. Il fallait se déplacer dans la ville voisine à plusieurs kilomètres en voiture et acheter un album en ne connaissant au mieux qu’un ou deux titres. Il fallait donc se renseigner en se fiant aux critiques d’albums publiées dans la presse musicale. Et quand on se trompait et achetait un album qu’on aimait plus que moyennement, on se forçait quand même à l’écouter vue la somme dépensée dans l’achat du CD. J’ai de ce fait un peu de mal à choisir des albums à la légère. Il faut parfois des années pour apprécier la juste valeur d’un album. C’était le cas de Heaven or Las Vegas de Cocteau Twins (1990) que j’ai mis beaucoup de temps à aimer, et dont certains morceaux comme Cherry-Coloured Funk et Heaven or Las Vegas sont pourtant de véritables chefs-d’œuvre.