don’t look so blue, come on and see through

Lorsque l’on marche à Ginza, notre regard se laisse forcément attiré par les devantures des magasins de luxe, celles rosées avec des ouvertures arrondies du building Mikimoto par Toyo Ito, ou celles plus sombres avec des mannequins de personnages sortis d’un manga pour une des boutiques affiliées à la marque de Rei Kawakubo, Comme des garçons. Sur les deux premières photographies, je reviens sur les vaguelettes qui composent la surface conçue par Jun Aoki du nouvel immeuble Louis Vuitton. Ce building est de toute beauté car cette surface semble être organique et change de tons en fonction des réflexions de la lumière. C’est un immeuble vraiment unique qui vaut clairement le détour pour celles et ceux qui passeraient prochainement à Tokyo. Devant le bâtiment de verre Hermès au carrefour Sukiyabashi, les constructions ont démarré à l’emplacement du Sony Park qui a fermé ses portes en Septembre 2021. Le Sony Park conçu par Nobuo Araki (The Archetype) avait remplacé l’ancien building Sony datant de 1966 conçu par Yoshinobu Ashihara. Un article sur le blog Showcase Tokyo me rappelle d’ailleurs l’agencement continu très particulier des étages de ce building, une structure innovante en pétales de fleur. Cet agencement continu me rappelle un peu Omotesando Hills de Tadao Ando mais à la verticale plutôt qu’à l’horizontale. On y construit maintenant le nouveau Ginza Sony Park qui verra le jour en 2024. On sait peu de choses sur ce nouveau building mais il conservera apparement le concept d’espace public ouvert du Sony Park et une structure unique d’agencement des étages. En attendant, on peut profiter des fleurs folles de Shun Sudo sur les murs métalliques blancs délimitant la zone de construction. Ce n’est pas la première fois que je les prends en photos, mais je ne me lasse pas de mélanger ces fleurs avec le flot de la foule qui ne se tarit jamais à cet endroit.

J’étais passé à Ginza ce jour là pour voir une exposition de Tetsuya Noguchi (野口哲哉) appelée This is not a samurai. L’exposition est déjà terminée. Elle se déroulait du 29 Juillet au 11 Septembre 2022 au Pola Museum Annex. Comme on peut le voir sur les quelques photos ci-dessus prises à l’iPhone, l’artiste originaire de Takamatsu dans la préfecture de Kagawa détourne la figure du samurai en lui donnant des occupations et préoccupations très actuelles. Tetsuya Noguchi crée principalement des sculptures faites de résines et de fibres, mais il peint également ces représentations très particulières de samurai. Il y a beaucoup d’humour dans ses créations qui nous rappellent que, derrière les armures et les casques de combat, se cachent des personnes humaines aux émotions diverses. Certaines de ses oeuvres semblent être des collaborations avec des grandes marques, comme ce vieux samurai partant un casque et une protection ventrale aux signes de Chanel. Cette exposition était en fait très bien à sa place à Ginza. L’artiste était présent dans le musée lorsque j’y suis passé mais signait des recueils de photographies de ses oeuvres seulement pour les personnes qui avaient réservé. Cette petite exposition gratuite m’a redonné l’envie d’aller plus souvent voir l’art contemporain qui affleure dans la multitude de petites galeries présentes à Tokyo. Il ne faut pas que j’oublie de m’ouvrir l’esprit en allant voir ce genre d’expositions.

Parler de Ginza et des grandes marques qu’on peut y trouver, me rappelle à l’ex-mannequin haute-couture Rena Anju (安珠玲永) que j’évoquais lorsque j’écoutais avec passion l’album-compilation The invitation of the dead de Tomo Akikawabaya. J’y repense car le photographe Alao Yokogi (横木安良夫) qui a pris Anju en photo sur toutes les pochettes des albums et singles de Tomo Akikawabaya a montré récemment certaines de ses photos sur son compte Instagram. Il montre notamment des photos de la pochette du premier single de Tomo Akikawabaya intitulé Mars et sorti en 1983, que l’on retrouve également sur la compilation The invitation of the dead. Anju, le regard sombre, est prise en photo dans une robe blanche dessinée par Tomo Akikawabaya au milieu d’un espace inhospitalier fait de rochers en bord de mer. La description semble indiquer que la photo a été prise à Tokyo. Je n’ai pu m’empêcher de laisser un commentaire au photographe Alao Yokogi sur cette photo pour faire part du fait que ses photographies font entièrement partie de l’oeuvre musicale de Tomoyasu Hayakawa (le vrai nom de Tomo Akikawabaya) et contribuent grandement à la fascination qui s’opère à son écoute. Je m’étais longuement étendu sur le sujet dans un billet dédié à cet album et aux mystères de son auteur. Le photographe a gentiment aimé mon commentaire, mais j’ai été particulièrement surpris par le fait que Tomoyasu Hayakawa (th) se mette à me suivre sur Instagram suite à ce commentaire. Tomoyasu Hayakawa doit certainement suivre sur Instagram le photographe Arao Yokogi. The invitation of the dead est loin d’être une oeuvre facile d’approche mais elle continue à me fasciner et j’y reviens assez régulièrement. Les captures d’écran que je conserve ci-dessus sur ce blog m’amènent à écouter une nouvelle fois cet album au romantisme sombre.

Les réseaux sociaux que ça soit Instagram ou Twitter ont parfois du bon, car j’y découvre régulièrement de belles choses parmi le flot incessant de choses inutiles et inintéressantes (voire abrutissantes) qui s’imposent à nous. Je le mentionne régulièrement sur ce blog, mais je suis avec une attention certaine la newsletter du journaliste musical Patrick St Michel. Il écrit principalement sur Japan Times, mais aussi sur le site de Bandcamp ou sur Pitchfork. Il a par exemple interviewé dernièrement 4s4ki sur Pitchfork pour son dernier album Killer in Neverland (il faudra que j’en parle un peu bientôt). Il me fait parfois découvrir de belles choses, la dernière découverte étant Miyuna. En fait, je n’y trouve malheureusement qu’assez rarement des musiques qui me plaisent vraiment mais son avis très pointu mérite qu’on y prête toute notre attention. Sur son mailer numéro 51 du mois d’Octobre 2022, il met en tête d’article la présentation du mini-album D1$4PP34R1NG de 1797071 que j’ai évoqué récemment dans un billet. Comme je savais qu’il avait beaucoup apprécié le premier album de Ms Machine au point de le mettre en première position de son classement pour l’année 2021 et voyant qu’il ne parlait pas de ce mini-album composé et chanté par Mako de Ms Machine, je m’étais permis de lui laisser un message sur Twitter pour lui conseiller son écoute, ce qu’il a fait comme il me l’a indiqué en réponse à mon tweet, donnant cette revue sur son dernier mailer. C’était ma petite contribution pour essayer de faire connaitre un peu plus ce mini-album, que j’écoute très souvent, et cette artiste.

Je mentionnais très rapidement dans mon billet précédent la compositrice et interprète sud coréenne underground Miso (미소), de son vrai nom Kim Mi-so, car elle participe à l’album de remixes de morceaux de Sheena Ringo intitulé Hyakuyakunochō (百薬の長) qui sortira le 30 Novembre 2022. Elle s’attaque au remix de Marunouchi Sadistic (丸ノ内サディスティック), ce qui n’est pas une mince affaire car il s’agit du morceau le plus populaire de Sheena Ringo. J’ai donc fait le curieux en écoutant sur YouTube quelques morceaux de Miso en commençant par Slow Running sorti en Mai 2021, puis son EP Metanoia sorti en Décembre 2020 ainsi que d’autres morceaux comme le single Alone sorti en Mai 2020. J’aime vraiment beaucoup sa musique et sa voix aux ambiances R&B accompagnées de sonorités électroniques. Miso a 30 ans. Elle chante principalement en anglais (les morceaux ci-dessus sont tous chantés en anglais), ce choix s’expliquant certainement par le fait qu’elle a passé son enfance en Angleterre. Sa voix fluide a quelque chose d’apaisant et a beaucoup de présence. Le rythme n’en est pas moins accrocheur sans en faire trop sur des morceaux comme Slow running ou Let It Go et peut dériver vers des ambiances plus mélancoliques comme sur le très beau morceau Evermore. Je ne vais jamais vers la k-pop super-standardisée, mais j’aime beaucoup ce genre de musique à tendance électro d’artistes indépendants coréens. Dans des styles assez différents, mais toujours à tendance électronique, j’écoute régulièrement l’album Instant of Kalpa de Syndasizung (신다사이정) et Asobi d’Aseul (아슬).

être l’histoire de soi-même

L’actrice Suzu Hirose (広瀬すず) nous montre le nouvel appareil photo instantané Instax Mini Evo sur une grande affiche posée sur une des baies vitrées des bureaux de Fujifilm. L’objet au look classique rétro permet de prendre et d’imprimer des photos similaires aux Polaroïd mais sur un format un peu plus petit appelé Checki (チェキ). Le Checki fait une taille de 8.5×5.4cm par rapport au Polaroïd de 10.8×8.8cm. Ce genre d’objet est très tentant mais je me raisonne rapidement en me disant que j’en aurais que très peu d’utilité. Ce genre d’appareil est plutôt destiné aux portraits, ce qui n’est pas vraiment mon domaine de prédilection. Je me vois déjà, fidèle à moi-même, essayer de prendre des photos de rues et de buildings avec cet appareil. Le SIA Aoyama building sur la deuxième photographie garde intacte sa couleur blanche initiale comme s’il venait juste d’être construit alors pourquoi pas le défigurer avec des fils et poteau électriques. En photographies, j’hésite souvent entre deux formes de beauté urbaine, celle aux formes lisses et aux couleurs inaltérées et celle qui se développe à l’arrière des buildings, dans les interstices qui sont censés n’être vus de personne. Lorsqu’un building est abattu et laisse place à un terrain vague ou à un parking, la complexité des tubes et tuyauteries apparaît au grand jour. Les trois photographies suivantes recherchent plutôt des couleurs, le rouge marquant la nuit d’une enseigne Vivienne Westwood à Aoyama, l’étrange couleur violette d’une porte de temple près de Nishi-Azabu et les couleurs des formes géométriques dessinées sur le mur d’un parking de la banlieue de Shinjuku. Cette dernière photo me rappelle la manière dont je décorais virtuellement les bâtiments il y a plusieurs années de cela, en leurs apportant de nouvelles textures qui changeaient complètement leur apparence. Je me rends compte en écrivant ces lignes que j’évoque souvent mon histoire passée dans les rues de Tokyo, tout autant presque que mon histoire présente. La densité de l’histoire présente paraît toujours moins importante que celle du passé. Ce blog est censé être celui de l’histoire de moi-même, mais je m’interdis de dire et de montrer beaucoup de choses personnelles, au point où je me demande s’il s’agit vraiment de mon histoire. J’y pense souvent, mais cette histoire se transformera peut-être un jour en fiction, ce qui m’apporterait peut-être une nouvelle liberté.

De haut en bas: Images extraites des concerts sur la chaîne YouTube Ginza Sony Park de D.A.N. le 19 Mars 2022 et de Tamanaramen (玉名ラメン) le 26 Février 2022.

Le Samedi 19 Mars 2022 à partir de 21h, on pouvait voir en live sur YouTube un mini concert de D.A.N. sur la chaîne de Ginza Sony Park. Je m’en suis rendu compte trop tard pour le voir en live, mais la chaîne YouTube maintient heureusement ce concert dans ses archives. Le concert se passe sans public dans les sous-sols de l’ancien immeuble Sony dans le centre de Ginza. Je ne suis pas encore complètement revenu de leur dernier album NO MOON, et je réécoute assez souvent certains morceaux comme le morceau titre ou The encounters. Ce dernier n’était, sans surprise, pas interprété pendant ce live car il fait intervenir des voix extérieures, celles d’un rapper appelé Takumi et de Tamanaramen (玉名ラメン). Tamanaramen s’est d’ailleurs récemment produit sur cette même scène du Ginza Sony Park, il y a peu de temps, le 26 Février 2022. Ce concert là était plutôt expérimental à mi-chemin entre installation artistique et véritable concert. Hana et Hikam Watanabe se faisaient constamment face, et les trois murs de l’espace de la scène étaient recouverts d’images vidéos abstraites. Tamanaramen avait tout de même interprété leurs deux derniers morceaux, Glowing Arcade et The light behind my eyelids. L’approche de mise en scène de D.A.N. au Ginza Sony Park était en comparaison plus classique, jouant sur la pénombre. Derrière leurs machines pleines de câbles, le groupe interpréta plusieurs morceaux de leur dernier album comme le morceau titre de l’album, NO MOON, et Anthem. Ce dernier morceau fait intervenir des sonorités de steel pan joué sur cet album par Utena Kobayashi, mais elle n’était malheureusement pas présente sur scène avec les trois membres de D.A.N. Ce petit concert d’une trentaine de minutes m’a fait réécouter une nouvelle fois l’album du groupe.