室町ウォーク❾

Ces photographies prises dans le quartier de Muromachi à Nihonbashi datent un peu, mais sont de nouveau d’actualité en raison du début des Jeux Paralympiques de Tokyo 2020. Ces installations d’art contemporain inspirées par Tokyo 2020 et mises en place à l’occasion des Jeux Olympiques sont celles, regroupées sous le nom Olympic Agora, que je mentionnais dans un précédent billet. Nous n’avions pas eu le temps de les voir lors de notre première visite. La première photo montre une grande structure conçue par Makoto Tojiki évoquant un passage de relai. Sur la troisième photo, les sculptures de Xavier Veilhan intitulées The Audience montre des spectateurs aux couleurs des anneaux olympiques. La quatrième photo montre des photographies de Rinko Kawauchi posées dans un couloir en sous-sol. Ces photographies évoquent le tremblement de terre et le tsunami de 2011 et l’association des Jeux Olympiques de Tokyo avec ces zones impactées tentant de contribuer à l’exercice de reconstruction. Dans les couloirs en sous-sol, il y avait d’autres installations temporaires créées par des anciens athlètes internationaux et inspirées par Tokyo. J’en montre quelques exemples sur les deux dernières photos du billet. A vrai dire, ces installations n’avaient rien de vraiment transcendant et ne m’ont pas laissé d’émotion particulière.

Je ne sais pas si c’est dû à la chaleur estivale mais j’ai beaucoup moins de motivation pour écrire sur ce blog en ce moment et je me force un peu. J’ai en fait beaucoup plus de photos à montrer que de textes à écrire et je comprends maintenant pourquoi j’avais fait une série photographique avec très peu de textes l’année dernière. Il y aurait pourtant des sujets sur lesquels écrire comme cette cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques, le jeu riche en émotions de la petite Yui Wago de 13 ans ou l’intervention improbable du guitariste Tomoyasu Hotei pendant une longue partie du spectacle, jouant l’air de Kill Bill, entre autres, à l’intérieur d’un camion Dekotora. Nous regardons pas mal d’épreuves paralympiques le soir, notamment le wheelchair basketball qui m’impressionne beaucoup et qui est très intéressant à suivre. Tout comme j’avais adoré voir les jeux de passes de Rui Machida dans l’équipe de basket féminine pendant les Jeux Olympiques, je suis maintenant impressionné par ceux de Renshi Chokai dans l’équipe masculine paralympique. Il y a même quelque chose d’artistique dans ses mouvements en chaise roulante.

Côté musique, je reviens vers Spool avec leur nouveau morceau Samenai (さめない) qu’on peut trouver sur Bandcamp (entre autres plateformes). Je me rends compte par la même occasion que je n’ai pas encore écouté leur deuxième album Cyan/Amber sorti en Décembre 2020, même si je connais déjà les singles dont j’avais déjà parlé il y a quelque temps. J’aime beaucoup ce nouveau morceau Samenai car il a une composition particulière et les premiers sons de voix ne nous laissent pas forcément présager de la manière dont il va se développer. On y retrouve cette même mélancolie dans la voix d’Ayumi Kobayashi mais sa manière de chanter nous laisse penser qu’elle le fait en souriant. Le riff de guitare final doit forcément être un clin d’oeil au morceau Today de Smashing Pumpkins sur Siamese Dream, tant il lui ressemble. Du coup, je me mets à réécouter les anciens albums des Smashing Pumpkins en particulier le monstre Mellon Collie and The Infinite Sadness de 1995, album trop long et excessif que j’avais pourtant énormément écouté quand j’étais adolescent. Je préfère quand même de très loin Siamese Dream, qui est un des chef-d’oeuvres absolus du rock alternatif américain des années 90.

東京の天気は晴れ、雨、雨

Pluie tous les jours et quand il ne pleut pas, on a l’impression qu’il va pleuvoir tellement les nuages sont menaçants en se noircissant soudainement par moments et par endroits. J’aime les nuages car ils sont photogéniques mais on ne sait jamais quand une averse va nous tomber dessus. Dans mon cas, elles ont tendances à se déclencher dès que je mets un pied dehors. Heureusement, ces averses ne durent pas très longtemps. Je n’avais pas fait de jogging dans les rues de Tokyo depuis plusieurs mois, car j’hésitais a courir avec un masque. Je me suis habitué à courir avec, mais je je l’enlève quand même par moment lorsque je suis au bord de l’asphyxie. Je cours avec l’iPhone et l’iPod accrochés au bras pour pouvoir écouter de la musique en courant et pour pouvoir prendre des photos en cours de route, au cas où je tomberais par hasard sur des endroits intéressants que je n’ai jamais parcouru. Cette fois-ci, je retourne vers des terrains connus autour et à l’intérieur du cimetière d’Aoyama. Je ne prendrais pas de photos à l’iPhone pendant cette course, ce qui est pourtant pour moi une bonne occasion de faire une pause en chemin. Plutôt que des images, je retiendrais de cette course des odeurs, celle de l’encens à l’intérieur du cimetière et à l’entrée du temple Chōkoku-ji un peu plus loin. Je m’y arrête quelques instants car je trouve une certaine correspondance entre cette odeur diffuse d’encens et la musique flottante que j’écoute sur mon iPod. Les quelques compositions photographiques de ce billet n’ont aucun lien avec le texte ci-dessus, elles sont un peu plus anciennes. Sur la première photographie parasitée visuellement, le train rouge et blanc de la ligne Keikyu qui semble se frayer un chemin parmi les nuages noirs est pris en photo aux environ de Kita Shinagawa. La baleine effectuant un saut hors de l’eau se trouve dessinée sur un mur de bain public sentō au bord de la rue Meiji dans le quartier de Higashi. Les deux dernières photographies composites sont prises à Nogizaka, à l’intérieur du musée NACT lorsque j’ai été voir l’exposition MANGA ⇔ TOKYO, et dans une rue quelconque à proximité où les poteaux électriques dépassent du sol. Je reparlerais sans doute bientôt dans un prochain billet de cette exposition au NACT.

Dans ma playlist de rock indé japonais commencée sur le billet précédent, je continue avec le morceau Ningen Datta (人間だった) du groupe Hitsujibungaku (羊文学) dont j’avais parlé de quelques morceaux sélectionnés dans un billet précédent. La composition du morceau est très intéressante avec des passages où Moeka se met à parler plutôt que chanter. J’aime beaucoup sa manière changeante de chanter, tout en ondulations et en puissance par moment. Il s’agit du premier morceau du EP Zawameki (ざわめき) sorti en février 2020, que je devrais découvrir un peu plus. Je tire souvent les titres de mes billets des paroles de morceaux que j’écoute. Le titre de ce billet provient de ce morceau sauf que j’y ai rajouté un peu plus de pluie que de beau temps, pour se mettre en accord avec la situation météorologique actuelle. Quand SPOOL commence son interprétation du morceau Ghost sorti en Octobre 2019, j’entre juste dans l’enceinte du temple dont je parlais ci-dessus où l’encens se diffuse légèrement dans l’espace. La voix d’Ayumi Kobayashi se dégageant à peine du flot mélancolique de guitares a quelque chose d’envoûtant. Ce morceau reste dans l’esprit de celui dont je parlais avant, et il faut donc être également dans des bonnes conditions. Le temps pluvieux et l’encens des temples sont pour moi des bonnes conditions pour apprécier cette musique. La répétition des guitares et les chœurs flottants nous invitent à partir dans des réflexions rêveuses. Le morceau suivant voit les voix se noyer un peu plus dans l’océan des guitares. Il se rapproche un peu plus du style shoegazing. Il s’agit du morceau Someone by the Sea (誰かがいた海) du groupe Seventeen Years Old and Berlin Wall (17歳とベルリンの壁), dont j’ai également déjà parlé auparavant. Les morceaux de 17Years ne cherchent pas à s’imposer. Ce morceau est le cinquième du EP intitulé Abstract sorti au mois de Mai 2020. Il n’y a pas d’exubérance dans le son ni d’originalité particulière dans la composition de ce morceau, mais il s’inscrit très bien dans ma petite playlist. C’est une musique pour aller à la mer, du côté d’Enoshima par exemple, à la fin de l’été. Cette mise en scène que l’on retrouve dans la vidéo du morceau me plait beaucoup et me donne un brin de nostalgie prématurée. J’ai l’impression que cette plage Shichirigahama (七里ヶ浜) à kamakura près d’Enoshima est assez populaire pour les vidéos de rock indé, comme pour le morceau Goodbye Train (グッバイトレイ) par Ryukku To Soine Gohan (リュックと添い寝ごはん) dont je parlais il y a quelques mois. Peut être y trouve t’on une certaine nostalgie adolescente.

Après avoir parlé de morceaux plutôt récents de rock indé, je remonte le temps jusqu’au mois de Mai 1998 avec le premier single de Sheena Ringo, Kōfukuron (幸福論). La raison que je trouve d’en parler maintenant est le fait que j’ai acheté le single en version 8cm il y a quelques jours au Disk Union d’Ochanomizu. Pas qu’il soit très difficile à trouver, car je l’ai déjà vu une ou deux fois dans des Disk Union à Tokyo, mais j’avais toujours hésité à l’acheter vu la taille du disque. En fait, en réécoutant Muzai Moratorium, je me suis rappelé que la version de Kōfukuron y était complètement différente du single. Je pensais à tord que la version originale de Kōfukuron se trouvait avec Suberidai (すべりだい) sur la compilation de B-sides Watashi to Hōden (私と放電), mais ce n’est pas le cas. Je ne connaissais en fait cette version qu’à travers la vidéo que j’ai regardé maintes fois, mais je n’avais pas le morceau dans ma librairie iTunes. Du coup, je me remets à écouter les deux morceaux du single en boucle. A l’époque où le single est sorti, je préparais mon voyage au Japon, deux mois après, à Nagasaki. Je n’ai malheureusement pas le souvenir d’avoir entendu ce morceau à la radio ou à la télévision. J’ai plutôt découvert Sheena Ringo avec Muzai Moratorium sorti en Février 1999, le mois de mon arrivée à Tokyo. A cette époque, c’était surtout Koko de kiss Shite (ここでキスして。) qu’on entendait beaucoup.

Depuis que j’ai vu le dernier concert de Tokyo Jihen en Live streaming, je me suis mis en tête de regarder petit à petit tous les Live de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. Comme il y en a beaucoup, qu’ils soient sortis en DVDs et Blu-Ray, cela va me prendre un certain temps, ne serait ce que pour trouver des versions d’occasion dans les Disk Union tokyoïtes. C’était en fait la raison de mon passage récent au Disk Union d’Ochanomizu, bien que je n’y ai finalement acheté que le single Kōfukuron. Je ressors de mon tiroir le DVD du Live Baishō Ecstasy (賣笑エクスタシー) sorti en Mai 2003, quelques mois après son troisième album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花) dont il fait principalement la promotion. Le concert en lui même est assez court et ne couvre que des morceaux de KSK, à part Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王) de Muzai Moratorium et une reprise des Feuilles Mortes de Jacques Prévert chantée en français. Il a été filmé dans le hall Kudan Kaikan (actuellement en cours de rénovation) à Chiyoda et retransmis dans diverses salles au Japon. Les morceaux sont interprétés avec un orchestre appelé Noraneko Orchestra (ノラネコオーケストラ) dirigé par Neko Saito, qu’on retrouvera quelques années plus tard en Février 2007 sur l’album Heisei Fūzoku (平成風俗). En plus de cette orchestration des morceaux, un des intérêts de ce concert est sa mise en scène avant et après le début des morceaux. Le concert est en lien direct avec le court métrage Hyaku Iro Megane (百色眼鏡) sorti un peu plus tôt en Janvier 2003, car on y voit sur scène l’acteur Kentarō Kobayashi, qui interprétait le personnage du détective Amagi. Il intervient au début du concert en regardant à travers le trou d’une palissade similaire à celle du film. De l’autre côté de cette palissade, on voit des images de Sheena Ringo arrivant dans le hall de la salle de concert et se préparant dans les coulisses jusqu’à son arrivée sur scène. La fin du concert est également mise en scène, mais d’une manière tragique car on la voit tomber à terre mystérieusement dans les couloirs des coulisses. On l’emmènera ensuite en toute précipitation dans une vieille BMW blanche, et ainsi se termine le concert. Je revois ce concert avec un oeil neuf car je ne l’avais pas revu après avoir vu Hyaku Iro Megane, et donc ces détails assez élémentaires m’avaient échappé. En fouillant un peu le DVD, on peut y trouver des vidéos de publicités pour l’album KSK, dont j’avais un vague souvenir, et pour le film Hyaku Iro Megane. Il y également une courte vidéo de Koko de kiss Shite qu’elle interprète seule au piano.

Mais il y a aussi un autre clip vidéo qui n’est accessible qu’après avoir entré un code. L’interface graphique du DVD (un peu désuète si on le compare aux standards actuels) nous montre un panneau dessiné avec quelques kanji chinois inscrits. Il faut en choisir 5 dans l’ordre pour espérer accéder à cette vidéo. Je suis certain de n’avoir jamais vu cette vidéo, étant à l’époque dans l’incapacité de déchiffrer ce mot de passe. J’en suis pas plus capable maintenant et une petite recherche sur internet m’indique que les symboles à entrer dans l’ordre sont「壱肆玖 捌漆」(je les inscris ici pour m’en souvenir à l’avenir), ce qui correspondrait à 149-87 soit en japonais いちじくのはな (Ichijiku no Hana). Ce morceau Ichijiku no Hana (映日紅の花) est également disponible avec le DVD sur un CD additionnel, mais aussi présent sur la compilation Watashi to Hōden (私と放電). La vidéo du morceau à laquelle on peut ensuite accéder montre un mélange d’images et de plans vidéo courts comme sur les deux images ci-dessus, dont certaines se déroulent à Londres et à Paris. Comme il s’agit, en 2003, des cinq ans de la carrière de Sheena Ringo, elle nous montre une sorte de mini-retrospective en images. Elle avait 19 ans au début de sa carrière et on voit une photo de ses vingt ans dans la petite vidéo.

Pour référence ultérieure, je note ci-dessous la liste des morceaux interprétés lors de Baishō Ecstasy (賣笑エクスタシー):

1. Kareha (枯葉), reprise du morceau Les feuilles mortes écrit par Jacques Prévert et composé par Joseph Kosma, présent sur l’album Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~)
2. Torikoshi Kurō (とりこし苦労), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
3. STEM (茎), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
4. Ishiki (意識), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
5. Poltergeist (ポルターガイスト), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
6. Okonomi de (おこのみで), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
7. Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
8. Meisai (迷彩), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)

雲の中にいるみたいだ

Je repars vers les ombres gagnant le paysage urbain jusqu’à l’effacer presqu’en totalité. J’aime beaucoup travailler l’image jusqu’à la limite où l’on ne peut presque plus identifier ce qu’elle représente. Je joue là encore sur les nuages mais d’une manière beaucoup plus sombre et donc moins lumineuse que la série précédente de compositions photographiques avec d’étranges nuages blancs qui nous entourent. Je suis sans cesse tenté de prendre les nuages en photo et je passe donc en ce moment plus de temps la tête en l’air, que planté à regarder mes chaussures, comme les groupes de shoegazing qui m’inspirent pourtant ce type d’altérations photographiques. Les compositions photographiques de ce billet se promènent du côté d’Odaiba avec le gigantesque robot Gundam qui impressionne par sa taille bien sûr mais également pour son sens du détail. Enfin le sens du détail est ici caché en grande partie par ces nuages envahissants. La première photographie montre un immeuble quelconque sur la rue Meiji en direction de Shibuya. J’aime bien le prendre en photo car il se détache du reste des autres buildings de la rue. Il m’avait inspiré des images maritimes il y a longtemps lorsque je l’avais pris en version floue et légèrement oblique. La deuxième composition photographique nous amène au croisement de Nishi Azabu. Un coursier Uber traverse le carrefour à toute vitesse et je me presse également à le prendre en photo avant qu’il ne s’enfonce dans les nappes de nuages noirs. Mais il y a tellement de coursiers Uber que j’aurais pu prendre en photo le suivant si j’avais loupé celui-ci.

Du haut vers le bas et de gauche vers la droite: Les morceaux エイプリルブル (AprilBlue) du groupe AprilBlue, スーサイド・ガール (Sucide Girl) du groupe SPOOL, デリート (Delete) par ano et 浪漫 (Roman) par le groupe PEDRO.

Il y a quelques points communs entre les quatre pochettes d’albums ou de singles que je montre ci-dessus, que ça soit un focus sur des cheveux plutôt que sur des visages, le cadrage carré, l’emploi de formes rondes ou les coloris dans les tons verts et bleus. J’aime beaucoup ces quatre morceaux et je les écoute très souvent à la suite. Ils ont la particularité d’avoir tous une voix féminine au chant, en général au sein d’un groupe qui peut être mixte. J’ai toujours aimé les groupes mixtes, notamment lorsqu’il y a un duo masculin/féminin au chant, mais je me rends compte que j’écoute principalement de la musique écrite et chantée par des artistes féminines, ces derniers temps. Autant en musique rock occidentale, j’ai plutôt tendance à écouter des groupes avec voix et sensibilité masculines, autant j’éprouve beaucoup plus d’accroche dans la sensibilité féminine du rock japonais. Il y a bien entendu de nombreuses exceptions, mais c’est une tendance que je ressens ces derniers temps. Il y a beaucoup d’exceptions car j’ai énormément d’estime et d’attirance pour des groupes comme Number Girl ou Luna Sea, dans des styles rocks complètement différents et même à l’opposé l’un de l’autre. Quoique Number Girl est bien mixte avec Hisako Tabuchi à la guitare, bien que Shutoku Mukai soit la figure emblématique du groupe. Luna Sea, dans sa période Visual Kei, brouillait les genres en prenant des attitudes androgynes. Le premier morceau en haut à gauche s’intitule エイプリルブル (AprilBlue) et est tiré de l’album Blue Peter du groupe AprilBlue créé par Azusa Suga. Pour ceux qui suivent un peu ce blog, Azusa Suga est également fondateur du groupe For Tracy Hyde dont j’ai évoqué les deux derniers albums New Young City et he(r)art dans des articles précédents. Il écrit aussi des morceaux pour le groupe Ray, sur leur premier album Pink dont je parlais également auparavant. Ce rock indé aux allures pop est écrit et chanté par Haruki Funasoko. Comme souvent sur les morceaux de Suga, j’y trouve une certaine évidence auquel on ne peut échapper. C’est difficile de ne pas se laisser accrocher par cette guitare et par le refrain du morceau. Petit détail qui m’intéresse: le fait que Funasoko chante devant un poster de la pochette de l’album Within and Without de Washed Out sur une série de vidéos faites maison. Voir ce poster me rappelle le sublime morceau Far Away de cet album. Je retrouve ensuite les quatre filles de SPOOL pour leur nouveau morceau intitulé スーサイド・ガール (Sucide Girl). La faute d’orthographe dans la traduction anglaise du titre semble volontaire, ainsi que l’utilisation du mot anglicisé en katakana plutôt que le mot japonais. Les paroles n’ont en fait rien de réjouissant mais ce morceau est superbe, dans l’esprit de ce que je connaissais du groupe sur leur album éponyme. SPOOL est un des groupes de rock indé japonais que je préfère en ce moment. Dans un style différent mais toujours très rock, j’écoute le premier single d’ano, échappée de son groupe d’idoles alternatives au drôle de nom ゆるめるモ! (You’ll melt more!). J’ai déjà un petit peu parlé d’ano sur ce blog, notamment pour sa collaboration avec Towa Tei sur le morceau électronique REM de son album EMO. C’est une personnalité excentrique, voire complètement décalée, comme si elle vivait dans un autre monde. Ceci étant dit, je lui trouve une certaine authenticité que je remarque notamment avec quelques indices: le fait de la voir en photo avec Shutoku Mukai de Number Girl dont je parlais avant, le fait qu’elle accroche les albums Loveless de My Bloody Valentine et Amnesty (I) de Crystal Castles sur le mur de sa chambre, et le fait d’afficher volontairement un album de P-Model dans la vidéo de son premier morceau en tant qu’artiste solo. Je ne connais pas spécialement P-Model, à part de réputation, mais j’adore l’album Technique of Relief de Susumu Hirasawa, fondateur de P-Model. Ce premier morceau intitulé デリート (Delete) bouillonne d’énergie rock, comme si ano avait besoin de dégager un trop plein émotionnel. Le trop-plein se ressent aussi dans la vidéo qui la montre enfoncée dans une chambre remplie d’un bazar à faire pâlir Marie Kondo. Je trouve ce morceau d’ano très beau et prometteur pour la suite si elle continue sur cette même puissance orchestrée de guitares. Le ton est toujours résolument rock mais un peu moins énervé sur le morceau 浪漫 (Roman) de PEDRO. J’en ai déjà parlé sur un billet précédent même j’aime beaucoup écouter ce morceau à la suite de celui d’ano, peut-être parce que comme pour ano, Ayuni semble s’être échappée de son groupe d’idoles (BiSH pour Ayuni, donc) pour aller goûter les joies du rock alternatif avec Hisako Tabuchi de Number Girl à la guitare. J’aurais beaucoup mentionné Number Girl dans ce billet, ce qui veut dire qu’il faudra certainement que je me remette très bientôt à écouter leurs albums.

1991 not fading away

Marcher presque deux heures sans s’arrêter nous amène au pied du stade olympique. On voulait vérifier si les barricades blanches tout autour avaient été enlevées mais ce n’était pas encore le cas. Notre parcours de la journée nous fait traverser une petite partie du cimetière d’Aoyama que nous utilisons comme raccourci. Dans le décor urbain multiple de Tokyo, on trouve assez souvent des maisons effacées derrière une végétation qui prend tout l’espace. Cela peut être des branches et des feuillages qui recouvrent tous les murs d’un bâtiment pour le consommer à petit feu. Cela peut être, comme sur la troisième photographie du billet, un arbre planté devant une façade, dont la densité prend le dessus sur la construction humaine. Comme Mark Dytham documentant depuis peu sur son compte Instagram les maisons ordinaires qui ne le sont pas dans sa série Tokyo Vernacular, il y aurait matière à documenter ce type de maisons mangées par la nature. La dernière photographie nous fait revenir vers Harajuku avec une fresque montrant un être imaginaire que j’avais déjà montré dans un billet précédent. Elle est dessinée par l’artiste américain Zio Ziegler pour la magasin Beams se trouvant dans ce bâtiment. Cette illustration est là depuis environ trois ans et elle est restée intacte. Les graffiteurs médiocres n’ont heureusement pas encore décidé de dessiner par dessus. Comme les deux visages de Daikanyama cachés sous un pont, espérons que cette fresque reste à l’identique car j’apprécie énormément l’art de rue quand il devient permanent.

L’album Spool スプール du groupe du même nom était un de ces albums que je gardais dans ma wishlist Bandcamp depuis un petit moment après avoir découvert et beaucoup aimé un des morceaux, Be my Valentine. J’avais l’intention d’y revenir au bon moment, quand l’envie d’écouter du rock indépendant japonais se présenterait. A vrai dire, en écoutant l’album depuis quelques semaines, je ne comprends pas vraiment pourquoi je ne l’ai pas écouté plus tôt. Ce premier album sorti en Février 2019 des quatre filles du groupe Spool se dit inspiré par le son du rock alternatif US notamment Sonic Youth et Smashing Pumpkins, tout en mélangeant ses influences avec l’univers flottant et vaporeux du Shoegaze de My Bloody Valentine. Il y a en effet quelques touches et une ambiance générale qui rappellent le rock américain des années 90s, mais les compositions de Spool sur cet album sont je trouve plus mélodiques et beaucoup moins distordantes que le son de Sonic Youth. A part le deuxième morceau Be My Valentine qui est vraiment un point remarquable de l’album, j’aime d’ailleurs beaucoup quand le groupe va vers des terrains plus mélodiques et dream pop comme sur le septième morceau Sway, fadeaway ou le huitième Blooming in the Morning. L’album varie les ambiances tout en gardant les mêmes bases sonores, avec des morceaux plutôt shoegaze comme le cinquième Winter, d’autres plus contemplatifs comme le onzième Morphine pour terminer sur un son de guitare et de batterie plus menaçant sur le dernier morceau No, Thank You. L’ensemble de l’album se tient très bien sans morceaux faibles. Spool est encore un groupe qu’il va falloir suivre. Je me pose régulièrement la question du pourquoi il y a quelques années je me plaignais de ne pas trouver suffisamment de musique rock japonaise intéressante. Il suffisait de chercher un peu. Le rock n’est apparemment pas encore mort au Japon.

Dans l’adresse du site web ou du compte Twitter du groupe Spool, je remarque que la nombre 1991, que je suppose faire référence à l’année, y est noté. Cette année reste marquée dans mon esprit car c’était l’année de mes quinze ans. C’est également l’année où j’ai acheté mon premier CD, Nevermind de Nirvana, et par la même occasion commencé mon auto-apprentissage de la musique rock alternative que j’aime encore passionnément aujourd’hui, à travers les magazines Rock&Folk ou Les Inrocks et par quelques amis ayant les mêmes goûts musicaux que moi. De fil en aiguille, je découvre très vite Pixies et Sonic Youth qui m’accompagneront pendant longtemps. 1991 est l’année de sortie du dernier album de Pixies, Trompe Le Monde, mais je découvre d’abord le groupe par l’album d’avant, Bossanova. 1991 est également l’année de sortie de l’album unanimement reconnu du mouvement shoegaze, Loveless de My Bloody Valentine. J’associe également à cette année le documentaire intitulé 1991 The Year Punk broke suivant la tournée européenne de Sonic Youth accompagné par le jeune groupe Nirvana en Août 1991. Nirvana n’a pas encore sorti Nevermind à cette époque mais commençait à jouer des morceaux en concerts lors de cette tournée. Ils jouent en première partie de Sonic Youth qui les parraine. J’ai vu ce documentaire de David Markey bien après sa sortie alors que j’étais déjà au Japon, avec un brin de nostalgie. Le documentaire montre principalement des morceaux choisis de concerts de Sonic Youth, Nirvana mais également d’autres groupes alternatifs US, comme Dinosaur Jr, venus jouer dans les mêmes festivals d’été européens. Les morceaux de concerts sont parsemés de nombreuses scènes filmées en backstage ou pendant les temps libres du groupe. On y découvre un Thurston Moore sarcastique, mélangeant la poésie urbaine à l’humour adolescent. Comme on le voit sur quelques scènes, il partage ce trait de caractère adolescent avec Dave Grohl et Krist Novoselic de Nirvana, alors que Kurt Cobain parait, lui, beaucoup plus secret et sensible. Courtney Love du groupe Hole apparaît également sur une brève scène. On reconnaît déjà sa quête de célébrité mais on ne voit pas dans ce documentaire de rapprochement entre Courtney et Kurt Cobain. Thurston et Kim plaisantent plutôt avec un ton moqueur sur une prétendue liaison entre Courtney Love et Billy Corgan. On sait que Sonic Youth n’apprécie pas beaucoup le chanteur et guitariste des Smashing Pumpkins, pour je ne sais plus quelle raison. A cette époque là, Smashing Pumpkins vient juste de sortir depuis quelques mois leur premier album Gish. On ne voit malheureusement pas Billy Corgan à l’écran. En revoyant ce documentaire maintenant, je me rends compte que certaines choses sont devenus à la limite du correct, comme par exemple, les membres de Sonic Youth se moquant ouvertement des journalistes européens se prenant trop au sérieux. Casser des guitares ou les balancer sur la batterie à la fin du set étaient assez communs pour ce type de musique dans les années 90, mais je pense que les groupes de rock alternatifs sont beaucoup plus sages maintenant. Kurt Cobain était connu pour faire des dégâts sur scène, mais Sonic Youth beaucoup moins. Dans une scène du documentaire qui m’a amusé, on voit Thurston porter une de ses guitares en hauteur comme si il allait la fracasser sur une enceinte, mais se retient au dernier moment en adoucissant son geste. Sachant qu’il se déplace en concert avec une série de guitares accordées différemment pour chaque morceau, il a dû se raisonner avant de commettre l’irréparable. Le documentaire montre plusieurs fois cette série de guitares bien alignées les unes à côté des autres. Je n’ai jamais vraiment réussi à saisir si Sonic Youth étaient plutôt cérébraux ou instinctifs. Dans ce documentaire en deux parties, on entrevoit un groupe difficile à saisir, parlant très souvent au second degré, comme une protection sans doute. Cela explique peut être la longévité du groupe.

Pour accompagner le documentaire, David Markey a écrit un journal qu’il a publié en ligne. C’est très intéressant de lire ce journal avec quelques photographies et de revoir le documentaire. Il y a également un petit film supplémentaire avec des morceaux de films non utilisés intitulé (This is known as) The Blues Scale. Il y a notamment une très bonne version du morceau Eric’s trip interprété par Lee Ranaldo. On a tendance à oublier la qualité des morceaux de Lee. Les trois petites images ci-dessus montrent, de gauche à droite, l’affiche dessinée de cette série de concerts européens, un extrait du premier numéro du fanzine Sonic Death évoquant cette tournée, et la pochette du documentaire. Les deux parties du documentaire sont visibles en intégralité sur YouTube aux liens suivants: 1991 The Year Punk broke et (This is known as) The Blues Scale. Après les avoir regardé, je ne peux m’empêcher de revenir vers Goo, l’album sorti juste avant en 1990.

ダーク・WAVE・二

「明日のことなんか考えなくたていいよ」Cette phrase sortie de son contexte provient d’un morceau de Spool dont j’ai déjà parlé auparavant et que j’écoute régulièrement. La situation actuelle nous réapprend à vivre au jour le jour sans trop réfléchir au lendemain car il est encore difficile de planifier nos sorties du week-end. Je me contente de marcher dehors une heure par jour, la nuit les jours de semaine, ce qui n’est pas désagréable avec de la musique dans les oreilles. Aujourd’hui, je reviens vers Evol de Sonic Youth, album des débuts sorti en 1986.