駆けるインスピレーションが止められない

Les quelques photographies ci-dessus ont été prises à la fin de l’été peu de temps après notre retour de France. Elles étaient depuis longtemps en attente dans un billet en brouillon qui a changé de direction en cours de route. Ces photographies devaient initialement être regroupées avec celles du billet the day in question, avant que celui-ci prenne une tout autre direction, car je m’étais poser la question à ce moment là de savoir si je devais continuer à montrer des photos directement sorties de l’appareil photo sans ajouts personnels. Au final, je reviens finalement vers ce type de photographies mélangeant extraits de rues et éléments d’architecture. J’ai déjà montré plusieurs fois l’architecture des deux premières photos. Le premier bâtiment est la Bank Gallery (anciennement HH Style Armani Casa) conçue par Tadao Ando et le deuxième au bout de la rue est une résidence privée nommée Wood / Peel par Kengo Kuma. Je ne pense pas, par contre, avoir montré les bâtiments des deux dernières photographies car ce sont des constructions très récentes. L’avant dernière photo montre une partie du vitrage du building IDÉAL par Hiroshi Nakamura & NAP (中村拓志&NAP). La résidence de la dernière photographie a des formes superposées désaxées très intéressantes. Il s’agit Hillpeak Tokiwamatsu par Toyo Ito & Associates.

Suite à la découverte de quelques très bons morceaux de Kirinji sur son dernier album mentionnés dans mon précédent billet, je suis parti à la découverte des précédents albums pour voir s’il y avait quelques bons morceaux que j’aurais peut-être manqué. Sur l’album Cherish sorti en 2019, je découvre le sublime morceau Almond Eyes avec un featuring du rapper Chinza DOPENESS (鎮座DOPENESS). J’adore quand Kirinji mélange son univers musical avec le hip-hop. L’atmosphère du morceau est assez fantastique, notamment dans le mélange et le contraste des voix et dans la qualité de la composition musicale. J’aime beaucoup cet électro que j’imagine plein de néons. Il me semblait connaître, au moins de nom, Chinza DOPENESS et ma curiosité m’a poussé à rechercher d’autres morceaux où il intervenait. Il participe à un morceau intitulé Energy Furo (エナジー風呂) qui m’intrigue tout de suite par son titre car il s’agit d’un jeu de mot le faisant ressembler au titre emblématique Energy Flow composé et joué par Ryuichi Sakamoto (坂本龍一). Le « Flow » du morceau original est remplacé par le « Furo », signifiant le bain. Ryuichi Sakamoto participe en fait à ce morceau reprenant le thème principal d’Energy Flow. U-zhaan (de son vrai nom Hironori Yuzawa) interprète ce thème en utilisant un tabla, un instrument de percussions originaire de l’Inde du Nord, dont il est spécialiste. Ryuchi Sakamoto y apporte le piano et toutes sortes d’experimentations sonores bizarres. Au dessus de cette ambiance musicale atypique, les rappers Tamaki ROY (環ROY) et Chinza DOPENESS viennent ajouter leur flot verbal avec des paroles en lien avec le flot du bain chaud. J’aime beaucoup l’humour de leur dialogue, comme les moments où ils se répondent tous les deux avec les mots Tabun (たぶん) et Zabun (ザブン) qui se ressemblent phonétiquement et qu’ils répètent rapidement à la suite. « Zabun » correspond au son que fait une éclaboussure dans l’eau, et le répéter donne l’image qu’ils sont tous les deux dans un bain public Sentō à faire des vagues comme des enfants indisciplinés. Ce n’est pas la seule fois où Tamaki ROY et Chinza DOPENESS se retrouvent ensemble à rapper car ils se sont également réunis sous le nom de groupe KAKATO. Chinza DOPENESS a apparement participé à de nombreuses autres collaborations, notamment sur plusieurs morceaux du groupe HIFANA. Je retrouve ce nom de groupe avec une certaine nostalgie car j’avais beaucoup apprécié, il y presque 20 ans maintenant, leur morceau WAMONO aux sonorités rappelant Okinawa. Quand au musicien U-zhaan (ユザーン), sa fiche Wikipedia me fait réaliser qu’il faisait partie de ASA-CHANG&JUNRAY (ASA-CHANG&巡礼) dont j’ai déjà parlé pour le sublime morceau Hana (花). J’y vois d’autres noms connus, comme une collaboration avec Miki Furukawa (フルカワミキ) de feu SUPERCAR et avec le musicien électronique Rei Harakami que j’ai d’ailleurs découvert à peu près en même temps que HIFANA avec quelques superbes morceaux comme Owari no Kisetsu (終わりの季節). Je me rends aussi compte qu’U-zhaan jouait du tabla sur le morceau Kamisama, Hotokesama (神様、仏様) de Sheena Ringo. Il apparait d’ailleurs dans la vidéo au côté d’Ukigumo. Il y est même crédité comme membre du groupe MANGARAMA créé pour l’occasion, mais il n’apparaitra pourtant pas lors des concerts faisant participé ce même groupe.

Une autre très bonne surprise dans la discographie de Kirinji est le morceau AI no Tohiko (AIの逃避行) sur lequel participe la rappeuse Itsuka (いつか) du duo hip-hop Charisma.com. Je n’ai pas entendu ce nom de groupe depuis longtemps, mais elles sont toujours actives avec un nouvel EP intitulé Mobstrong sorti en Juillet 2023 qu’il faudra que j’écoute. Du groupe, je ne connais en fait que deux morceaux Hate sur l’album I I Syndrome (アイ アイ シンドロム) sorti en 2013 et Iinadukeblue (イイナヅケブルー) sur DIStopping sorti en 2014. J’avais beaucoup écouté ces deux morceaux à leurs sorties mais je n’en avais pourtant pas parlé sur le blog, ce qui me surprend un peu. Je me souciais beaucoup moins de partager mes découvertes musicales à cette époque là. AI no Tohiko est le deuxième morceau de l’album Aiwo Arudake, Subete (愛をあるだけ、すべて) sorti en 2018. Je suis également épaté par la trame musicale de ce morceau faisant intervenir plusieurs voix, celle bien sûr de Takaki Horigome (堀込高樹), celles de Kotoringo (コトリンゴ) et d’Erino Yumiki (弓木英梨乃) qui faisaient partie du groupe Kirinji à cette époque, en plus des parties rappées d’Itsuka. L’ambiance musicale a un côté rétro avec certaines réminiscences du YMO qui me plait vraiment beaucoup, car c’est très dense, évolué et terriblement accrocheur. Bref, c’est un autre excellent morceau de presque six minutes de Kirinji. En remontant un peu dans le temps, je découvre également un autre morceau basé sur du hip-hop, mais il s’agit cette fois-ci de Rhymester. Il s’intitule The Great Journey sur l’album Neo de 2016. Ça me plait tout de suite beaucoup car la voix tout à fait remarquable de Rhymester m’est tout de suite familière. Ce morceau a également un flot à la fois fluide et inarrêtable. Certaines sonorités musicales me ramènent un peu vers l’univers musical de Towa Tei. J’adore particulièrement la longue outro du morceau se déroulant sur plus d’une minute. La voix d’Horigome y est très belle et les notes frénétiques du piano synthétique donnent une belle tension finale. Et je n’oublie pas le très beau morceau Saikai (再会) de l’album Crepuscular de 2021. Sur cet album, je connaissais déjà Hazeru Shinzō (爆ぜる心臓) avec la rappeuse d’Okinawa Awich et Hakumei (薄明) avec la musicienne et chanteuse France-japonaise Maika Loubté, deux morceaux absolument remarquables de Kirinji dont j’ai déjà parlé sur ces pages. Et en parlant de Maika Loubté, elle vient justement de sortir un tout nouveau morceau intitulé Melody of Your Heart qui est tout simplement beau.

Toranomon Hills Station Tower par OMA

La nouvelle grande tour Toranomon Hills Station Tower vient d’ouvrir ses portes à Toranomon le 6 Octobre 2023. Elle a été conçue par OMA (Office for Metropolitan Architecture), l’agence internationale d’architecture fondée entre autres par Rem Koolhaas en 1975. Station Tower vient s’inscrire dans le re-développement du quartier de Toranomon par Mori Building qui avait commencé par la Toranomon Hills Mori Tower (ouverte en Mai 2014), suivie par la Business Tower (Janvier 2020) et la Residential Tower (Janvier 2022). Ce nouvel ensemble Toranomon Hills reste fidèle au modèle de mini-villes intégrées initié avec Ark Hills à Tameike-Sanno et Roppongi Hills. L’ensemble est un projet d’urbanisme extensif incluant des interconnections entre les buildings et une nouvelle avenue, la Shin-Tora, qui avait été créée au moment de la construction de la tour Initiale Mori Tower et qui vient compléter la route circulaire numéro 2 (Ring Road No.2, 環状二号線). Une station de bus a également été créée, ainsi qu’une nouvelle station de métro sur la ligne Hibiya. Toranomon Hills a même une mascotte appelée tout simplement Toranomon (トラのもん) ressemblant à un Doraemon peint en blanc, représentant un robot businessman en forme de chat (猫型ビジネスロボット). La tour Mori Tower et la nouvelle Station Tower sont reliées pour un pont piéton large de 20m nommé T-deck passant au dessus de l’avenue Sakurada-dori et traversant le Glass Rock, un petit building de verre et d’acier aux formes asymétriques. Le Glass Rock donne un accès à la station de métro de la ligne Hibiya mais n’est pas encore ouvert dans sa totalité. Un long tunnel souterrain que je montre sur la dernière photographie du billet connecté la station Toranomon Hills de la ligne Hibiya à la station Toranomon de la ligne Ginza. La Station Tower n’est pas non plus entièrement ouverte. Il y a encore des travaux en cours à l’extérieur et à l’intérieur. Certains étages sont toujours fermés. J’étais pourtant assez impatient de voir cette nouvelle tour de près et je me suis créé une occasion de la visiter en allant chez le coiffeur situé au septième étage de la tour. Je n’avais jamais été me faire couper les cheveux en ayant une telle vue sur la ville, celle que je montre sur la deuxième photo du billet.

Les premiers étages de la tour Station Tower sont des espaces ouverts reliés par des escalators, formant un atrium de 2,000m². On est tout de suite impressionné par la richesse des lieux, pas spécialement une richesse des matériaux mais une richesse visuelle certaine. Cet espace est dense et visuellement intéressant. Les murs et les plafonds sont par exemple pour la plupart recouverts de matériaux de formes géométriques angulaires donnant un aspect futuriste à l’ensemble. Les escalators orientés dans différentes directions ont des parois de protection composées de verres colorés remarquables. La tour fait 266 mètres de haut pour 49 étages et 4 sous-sols. En plus des classiques espaces de bureaux, espaces commerciaux et l’hôtellerie, elle intègre également un espace dit de communication interactive appelé TOKYO NODE, situé en haut de la tour mais accessible à partir du huitième étage. TOKYO NODE contient des halls d’exposition, des galeries, une piscine, des restaurants, entre autres. Cet espace est particulièrement intéressant car il laisse penser que de nouveaux types de spectacle pourront y être montrés. Depuis l’ouverture, on peut voir jusqu’au 12 Novembre 2023 un spectacle intitulé Syn: Unfolded Horizon of Bodily Senses (身体感覚の新たな地平) faisant collaborer Rhizomatiks avec ELEVENPLAY sous la direction artistique de la chorégraphe MIKIKO. ELEVENPLAY est un groupe de danseuses dirigées par MIKIKO dont j’ai déjà souvent parlé ici car elles ont souvent participé aux tournées de Sheena Ringo. Saya Shinohara (篠原さや), membre du groupe, a également joué dans plusieurs vidéos de Sheena Ringo, comme celle de la nouvelle version remixée de JL005 bin de (JL005便で ~Flight JL005~), ou celles de Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭) et Kamisama, Hotokesama (神様、仏様). Le collectif créatif Rhizomatiks, créé par l’artiste et DJ Daito Manabe (真鍋大度), est spécialisé dans les effets spéciaux numériques. Rhizomatiks s’est fait connaître pour les effets visuels des performances du groupe Perfume (notamment Reframe en 2019, Time Warp en 2020 ou encore Polygon wave à la PIA Arena de Yokohama…) qui sont chorégraphiées par MIKIKO. En feuilletant un peu le site web de Rhizomatiks montrant leurs créations passées, je vois qu’il y a eu beaucoup de performances en collaboration avec ELEVENPLAY, mais j’y vois aussi quelques noms de musiciens étrangers comme Squarepusher pour les visuels de sa tournée japonaise de 2022 et UNDERWORLD avec SAKANACTION pour un live en Octobre 2022. Le prix d’entrée au spectacle du moment est certes un peu cher à 8,000 Yens par personne. On ne peut en voir qu’une courte vidéo, ce qui rend le tout très intriguant.

Je suis venu plusieurs fois voir cette tour grandir car sa construction a laissé rapidement apparaître des formes externes atypiques et une structure intérieure complexe, qui m’ont beaucoup intrigué. Je n’ai pas pris de photos à chacun de mes passages, mais j’ai au moins trouvé dans mes archives les deux ci-dessus prises de nuit le 25 Février 2022. Il y a quelque chose d’assez fantastique dans les constructions vues de nuit. Tout y est calme et seulement quelques lumières éclairent les enchevêtrements de poutres métalliques qui peuvent facilement devenir mystérieuses voire inquiétantes. Il faudrait que j’explore un peu plus ce type de photographies. Pour revenir au building dans sa forme actuelle, j’en montre quelques autres photos sur mon compte Instagram.

something in the air right above the palm tree

Idéalement placée en plein centre de Daikanyama près du palmier synthétique jaune et vert couvert de panneaux solaires, la nouvelle résidence conçue par Kengo Kuma semble être proche d’être terminée. Son design, utilisant le bois comme très souvent chez l’architecte, est élégant, du moins beaucoup plus que l’ancien centre commercial que cette résidence vient remplacer. Le palmier reste lui immuable et est devenu emblématique du quartier. En regardant de loin, on pourrait vaguement penser à un palmier au bord de mer dans une illustration de Hiroshi Nagai comme celle intitulée Shade of Palm Grove. Hiroshi Nagai est notamment connu pour la couverture de l’album City Pop A Long Vacation d’Eiichi Ohtaki, sorti en 1981. Je n’ai jamais été attiré par le style City Pop des années 1980 à part quelques morceaux découverts un peu par hasard sur Internet. Dans les rues de Daikanyama, je retrouve des autocollants de la fille au regard déterminé dessinée par Fuki Committee. Il est très actif à Shibuya et dans ses quartiers limitrophes. J’aurais voulu aller voir son exposition récente dans la petite galerie Night Out, mais le temps m’a malheureusement manqué. Je ne me souviens plus quel était l’objectif de cette marche. Il n’y avait sans doute pas d’objectif précis, à part celui de marcher en écoutant la musique que j’aime. J’ai à priori fait une boucle qui m’a ramené vers le centre de Shibuya, en passant devant Bunkamura. J’y prends en photo les affiches alignées car je reconnais l’ancien et photogénique Hôtel Belvédère construit en 1882 en Suisse qui doit apparemment apparaître dans un film de Wes Anderson. En fait non, il s’agit d’une exposition de photographies intitulée Accidentally Wes Anderson qui aura lieu du 25 Novembre au 28 Décembre 2023 dans le hall d’exposition du building Hikarie à Shibuya. Cette exposition semble très intéressante. À côté de cette affiche, il s’agit d’Élisabeth d’Autriche, surnommée Sissi, dans une pause singulière pour l’époque. Le film intitulé Corsage retrace la vie de Sissi pendant l’année 1878. Il est très peu probable que j’aille le voir, ceci étant dit, car l’affiche ne nous y invite pas vraiment.

Je parlais un peu plus haut de la galerie Night Out, que je voulais visiter depuis un bon petit moment sans pourtant trouver une bonne occasion. Les images des peintures de l’artiste Shigeki Matsuyama (松山しげき) pour son exposition Portrait of dazzle vues sur le compte Instagram de la galerie m’attirent tout de suite, et je me décide à aller les voir ce lundi, jour férié mais pluvieux. Je n’aime pas beaucoup marcher longtemps sous la pluie mais je ne voulais pas manquer de voir de près ces portraits tout à fait fascinants. La galerie se trouve dans une petite rue à quelques dizaines de mètres du musée Watarium. Elle est située au troisième étage d’un immeuble étroit et il faut sonner à l’interphone pour y entrer. La galerie se compose d’une seule grande salle rectangulaire composée de murs blancs et donnant sur une longue baie vitrée. L’espace est très lumineux et met d’autant plus en valeur les œuvres de Matsuyama posées sur chacun des murs. Sur ces portraits, le contraste entre les yeux très détaillés et expressifs et les formes des visages et des corps très simples et stylisées me fascinent. Il y a un mélange d’universalité et d’unicité dans ces représentations abstraites. C’est vraiment brillant car ces formes simples nous semblent familières sans forcément avoir une idée précise en tête de qui il pourrait bien s’agir. La plupart de ses figures sont féminines à part une seule posée à côté du comptoir de la galerie. Cette figure là semble masculine mais est en même temps androgyne. Je pense très vaguement à Grace Jones. En me voyant prendre de nombreuses photographies et m’attarder longtemps sur chaque œuvre, la personne tenant la galerie (je ne sais si elle est gérante ou seulement employée de la galerie) me demande si je connais personnellement l’artiste, ce qui n’est pas le cas. Étant seul dans la galerie, la conversation s’engage car cette personne est très sympathique. On parle des œuvres que l’on admire dans la galerie et j’en viens à expliquer les raisons pour lesquelles je connais cette galerie. Je l’avais découverte en faisant des recherches sur Internet après avoir pris en photo les autocollants de Fuki Committee comme celui montré ci-dessus. Elle me dit qu’elle en fera part à l’artiste Fuki-san qui sera certainement content d’apprendre le cheminement de cette découverte. Au passage, elle me donne des autocollants que je vais garder précieusement. J’ai très souvent pensé créer mes propres autocollants à partir de mes formes urbano-végétales pour ensuite aller les coller dans les rues de Tokyo, mais ça ne doit pas être autorisé. Je me retiens donc fortement.

Il y a un plusieurs semaines, j’ai entendu à la radio un nouveau morceau de Kirinji (キリンジ) intitulé Honomekashi (ほのめかし) qui m’a tout de suite attiré. Kirinji est depuis l’année 2020 le projet solo de Takaki Horigome (堀込高樹) et il était invité dans cette émission de radio (J-Wave, je pense) pour présenter son nouvel album Steppin’ Out, sorti le 6 Septembre 2023. Ce morceau Honomekashi est une collaboration avec un duo rock coréen appelé SE SO NEON (새소년). Ce n’est pas la première fois que j’entends Kirinji en duo avec un ou une artiste coréen. Le premier morceau que j’ai écouté de Kirinji était d’ailleurs le sublime Killer Tune Kills Me avec la coréenne YonYon. J’aime beaucoup Honomekashi car on s’y sent bien en l’écoutant, flottant loin au dessus de tout ce qui va mal dans ce monde. Avec Kirinji, j’aime quelques morceaux pris indépendamment mais je ne me suis jamais lancé dans l’écoute d’un album entier. Pourquoi ne pas essayer avec son dernier Steppin’ Out? Ça commence très bien avec le premier long morceau Runner’s High, que j’aime vraiment beaucoup, et ce dès les toutes premières notes électroniques cosmiques. J’aime aussi beaucoup la manière dont Takaki Horigome chante dans la deuxième partie du morceau tout en tension maîtrisée. Il y a clairement une ambiance City Pop, à laquelle je ne suis pas vraiment habitué. On qualifie de City Pop, toute la musique pop japonaise qu’on a envie d’écouter la nuit en ville en voiture en faisant durer le trajet pour pouvoir écouter l’album en entier (et optionellement le chanter en même temps). Enfin, c’est la définition que je donne et ça correspond parfaitement à ce morceau là de Kirinji. Le deuxième de l’album, nestling, est moins fort mais continue assez bien dans cette lignée City Pop. Kirinji a un sens très affuté de la mélodie. Malheureusement, les trois et quatrième morceaux me plaisent beaucoup moins et je décroche jusqu’au cinquième Honomekashi, qui m’interpelle à chaque fois. Le sixième morceau intitulé seven/four me plaît aussi énormément car il s’agit d’un instrumental jazz très atmosphérique. La suite m’intéresse de nouveau beaucoup moins. Au total, sur les neuf morceaux de l’album, j’en apprécie réellement que quatre. Je suis un peu déçu de ne pas pouvoir apprécier l’album en entier, d’autant plus que la couverture dessinée par l’illustrateur Naofumi Osawa “Miche” (みっちぇ) du studio Bōrei Kōbō (亡霊工房) est superbe. Ça sera peut être pour son prochain album. En entendant, ces quatre morceaux sélectionnés tournent très régulièrement dans ma playlist et je ne m’en lasse pas.

CAPSULE A906 et l’image d’un futur lointain

Je suis allé plusieurs fois voir de près la tour Nakagin Capsule Tower (中銀カプセルタワービル) de l’architecte Kisho Kurokawa (黒川紀章), œuvre architecturale emblématique du mouvement métaboliste japonais, avant sa destruction malheureuse. Je n’étais par contre jamais entré à l’intérieur d’une capsule. Pendant les dernières années avant sa destruction, certains tours opérateurs indépendants proposaient des visites de la tour Nakagin et d’une ou de plusieurs capsules in-situ, mais le timing ne m’avait jamais permis d’y aller. Je le regrette un peu maintenant, mais je me rattrape en quelque sorte cette fois-ci en visitant deux des capsules de la tour présentes dans la galerie SHUTL à Tsukiji, près d’Higashi-Ginza. Au moment de la destruction de la tour Nakagin, on sait que certaines capsules ont été extraites en vue d’une utilisation ultérieure. La finalité de la mise en place de deux capsules dans cette galerie n’est pas très claire. L’espace était ouvert aux visiteurs pendant seulement deux jours, le Samedi 7 et Dimanche 8 Octobre 2023. Je comprends que cette galerie deviendra ensuite un espace créatif, conservant les deux capsules en son enceinte. Il sera en fait possible de louer cet espace, comme une galerie d’art, pour des expositions, des lectures ou projections de films, des interviews, entre autres. La première exposition démarrant le 13 Octobre serait en lien avec les idées du mouvement des Métabolistes. J’ai eu vent de cette ouverture temporaire de deux jours grâce au compte Instagram de l’amatrice d’architecture et guide tokyoïte Haruka Soga, qui en parlait donc sur son compte. Vu l’importance de Nakagin pour l’histoire de l’architecture japonaise et l’espace que j’imaginais à raison très réduit des capsules et de la galerie, je me suis dis qu’il fallait mieux y aller en avance. L’espace ouvrant à 13h, je m’y suis donc rendu une heure avant, vers midi. Une vingtaine de personnes étaient déjà sur place à attendre à l’entrée de la galerie, mais les membres du staff ont rapidement décidé de donner des tickets d’entrée par heure pour éviter une longue file d’attente dans la rue de la galerie. Mon petit ticket en poche, j’en ai profité pour faire un tour du quartier en passant visiter une nouvelle fois l’intérieur du grand temple Tsukiji Honganji puis en passant devant le théâtre Kabukiza avant de m’enfoncer dans les rues d’Higashi-Ginza. L’heure a passé assez vite et me revoilà devant la galerie dix minutes avant l’ouverture.

Deux capsules étaient accessibles à la visite, une capsule originale appelée CAPSULE A – A906 et une autre nommée CAPSULE B – A1006 qui n’était en fait qu’un squelette de la capsule montrant sa structure métallique. La capsule originale est bien entendu la plus intéressante car elle a été restaurée comme à l’origine avec son large lit prenant pratiquement tout l’espace des 8.5 m2 habitables de la capsule. On retrouve donc devant le lit, l’emblématique large hublot avec son rideau à ouverture circulaire et l’équipement audio-vidéo d’un autre temps: le lecteur à bandes, la petite télévision cathodique et le vieux téléphone. La sobriété de l’espace de couleur blanchâtre et le design général évoque l’image d’un futur imaginée à une époque désormais bien lointaine. L’espace est tellement exiguë qu’on a un peu de mal à y tenir à deux personnes. Les toilettes et la salle de bain en un bloc sont plus communes, car on en trouve encore maintenant dans certains hôtels bon-marchés. J’imagine assez bien cet espace être utilisé pour des interviews d’artistes ou de personnalités. Le squelette de la capsule B est moins intéressant à la visite. On imagine qu’il va être utilisé pour y afficher des œuvres artistiques lors de futures expositions. J’aurais voulu passer un peu plus de temps à l’intérieur de la capsule originale, mais les visites sont chronométrées. Je me doute bien que visiter une capsule dans la tour Nakagin d’origine devait être beaucoup plus intéressant. Il s’agit en tout cas d’une petite consolation que j’ai tout de même beaucoup apprécié. Je montre quelques photos supplémentaires de cette visite sur mon compte Instagram.

Il y a quelques semaines, je suis allé voir l’exposition de l’artiste Minoru Nomata (野又穫) à la galerie d’art de Tokyo Opera City, près de Shinjuku. Cette exposition solo de Minoru Nomata s’intitulait Continuum et se déroulait du 6 Juillet au 24 Septembre 2023. J’en suis ressorti enchanté. Ces peintures montrent des structures architecturales mystérieuses, que l’on aurait du mal à dater comme si elles provenaient d’un futur déjà passé. Regarder ces peintures est ludique car on peut du regard marcher à l’intérieur, en emprunter les marches des escaliers et des échelles. On devine certaines propriétés aéronautiques à ces structures mais leurs fonctions et leur significations laissent interrogatifs. Quel est le sens de ces grandes voiles de bateaux posées sur un bâtiment accroché fermement au sol, ou ces ballons qui ne demanderaient qu’à s’envoler mais qui restent prisonniers attachés à un socle sur la terre ferme? Nomata nous montre également d’étranges sphères de taille gigantesque abritant dans leur centre un microcosme végétal, comme si elles voulaient protéger cette végétation d’un milieu extérieur hostile. Mais les peintures de Nomata mettent pourtant en scène des créations humaines dans leur contexte naturel dans une cohabitation paisible. Les structures délicates ne semblent pas êtres ébranlées par les éléments. La peinture intitulée Babel est l’une des plus impressionnantes par sa taille et son souci du détail. A quoi peut ressembler la vie dans une structure écrasante telle que celle-ci? Cette structure est pourtant très lumineuse. Il serait peut être même très agréable de marcher sur ces longs escaliers en hauteur rafraichit par un vent qui ne peut venir que de la mer. Des images nous viennent forcément en tête en regardant ces structures, et j’en viens même à souhaiter qu’un illustrateur de manga réutilise cet univers pour un film d’animation. Je pense rapidement à Tsutomu Nihei (弐瓶 勉) bien que son oeuvre soit beaucoup plus sombre.

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La destruction d’image m’intéresse depuis longtemps et j’aime bien y revenir de temps en temps. Ce type de compositions mêlant de multiples superpositions photographiques peuvent être cependant difficile à appréhender. J’opère souvent par essais et erreurs en ayant une idée de base en tête. La réussite des images est forcément très suggestive. Mon expérimentation sur une image s’arrête au moment où j’éprouve une certaine satisfaction, quand, dans le cas présent, l’image d’une beauté sombre et chaotique provoque en moi une certaine émotion. Ces images correspondent à mon avis assez bien à la musique qui va suivre. À part ces images intrigantes, j’ai de nouveau changé le design du titre de Made in Tokyo et je suis plutôt satisfait de celui-ci, combinant le nom en anglais et en japonais du blog. Ce design est basé sur une police de caractère assez standard mais modifiée par mes soins. Je pense le garder pendant quelques temps. J’ai toujours beaucoup de mal à imaginer un changement général de mise en page du blog, mais je ne me décourage pas de trouver un jour un nouveau design qui me satisfera.

Dans les découvertes musicales récentes, il y a d’abord un morceau intitulé Futōmei na Mama De (不透明なままで) par Minori Nagashima (長嶋水徳) qui prend également le nom de serval DOG. Ce n’est pas un morceau facile car sa structure est complètement atypique, avec une ambiance dans l’ensemble agressive mais ne perdant pas au passage des aspects mélodiques. Le chant de Minori Nagashima est très changeant et instable avec certains moments parlés qui semblent interroger l’auditeur (お前どうしたい?) et d’autres chantés à la limite du menaçant (en roulant les « r »). C’est un morceau conceptuellement très intéressant et très dense.

Je découvre ensuite un morceau plus directement axé rock intitulé Yami Yami (ヤミヤミ) par The MUSMUS (ザ・ムスムス). Ce groupe rock évoluant dans des ambiances sombres voire punk est composé de quatre membres dont certains originaires de Kyoto. CHIO est la chanteuse du groupe accompagnée par YOOKEY à la guitare, KYOYA à la basse et SHINGO à la batterie. Le groupe est en activité sous ce nom depuis 2015 et aurait apparemment été en hiatus pendant quelques années jusqu’à maintenant. Le morceau Yami Yami est condensé en moins de trois minutes, et le cadencé vocal ultra rapide de CHIO nous saisit tout de suite avant de devenir plus mélodique pour le refrain. Le riff de guitare très présent et répétitif rythme le morceau qui avance très rapidement en s’accordant quand même des petites secondes de répit vers la fin. Il faut bien sûr aimer ce style de voix aiguë et transperçante.

Je termine ensuite avec un autre morceau excentrique d’un groupe nommé Limited Express (has gone?) ou en version raccourcie Rimi Eki (リミエキ). Le groupe, originaire du Kansai et composé de Yukari au chant et à la basse, Jinichiro Iida à la guitare et au chant et Josh à la batterie, n’est pas un nouvel arrivant car il s’est formé en 1998. J’écoute par contre un morceau récent du groupe intitulé Ramen+Rice (ラーメンライス) présent sur l’album Tell you Story sorti le 23 Août 2023. Comme le titre du morceau pouvait le laisser penser, la vidéo est tournée dans l’espace réduit d’un restaurant de ramen. Je suis vraiment épaté par la densité et l’excentricité vocale de Yukari et par la rapidité des guitares qui filent comme un train fonçant vers un mur (le nom du groupe me fait penser à l’univers ferroviaire). C’est un morceau sans aucun compromis plein d’une certaine folie musicale qui est pourtant parfaitement maîtrisée que ça soit au niveau du chant ultra rapide ou des guitares.