街は生き物

Portée de justesse par le vent de traîne du dernier typhon, elle survole l’immensité urbaine de Tokyo. Elle roule, solitaire mais déterminée, dans le creux des nuages qui se désagrègent petit à petit. L’équilibre est imparfait mais elle fait de son mieux pour ne pas lâcher prise. Mais un dernier coup de vent la fait vaciller et elle commence sa chute irrémédiable vers l’immensité grise de la ville. La chute sera terrible si elle vient à frapper de plein fouet le bitume. Le hasard de sa descente lui accorde un court répit lorsqu’elle vient amortir sa chute sur les toitures en pente d’un temple. Les tuiles noires emboitées les unes dans les autres lui offrent un chemin qu’elle se doit de suivre. Elle négocie brillamment les virages quand deux parties de toitures se connectent entre elles et voit même sa vitesse ralentir doucement. Elle évite de justesse la gouttière qui l’aurait amené vers les entrailles de la ville. Elle préfère les surfaces du monde d’en haut, et si possible le contact de la peau humaine. Elles rêvent toutes d’attirer l’attention en tombant sur une partie de visage, de préférence sur une joue, ou une main, et de fondre ensuite lentement sous la chaleur du corps. Mais beaucoup ou même la plupart d’entre elles disparaissent anonymement sur les murs des immeubles ou sur le goudron des rues. Dans le quartier d’Hiroo, je regarde en l’air pour prendre un nouvel immeuble que je ne connaissais pas en photo. Il y a aussi un petit temple dans une rue à l’écart dont la toiture m’attire beaucoup. Je décide de m’approcher de ses formes faites de tuiles, pour essayer de trouver un nouvel angle photographique. En levant les yeux vers le toit aux formes compliquées du temple, une petite bulle entre soudainement dans mon champ de vision. La goutte d’eau tombe délicatement sur ma joue juste en dessous de l’oeil. Cette petite trace humide me rafraîchit légèrement le visage. Je n’ai aucune envie de l’essuyer. Elle provoque même en moi un petit sourire inexpliqué.

Le titre de ce billet 街は生き物 peut se traduire de la manière suivante: « la ville est un être vivant ». Je tire ce titre d’une phrase du photographe Masataka Nakano, entendue dans l’émission Jōnetsu Tairiku du dimanche 27 Septembre 2020, qui lui était consacrée. Dans cette émission que j’aime beaucoup car elle est fondamentalement positive et inspirante, on suivait le photographe de Tokyo Nobody et Tokyo Windows dans une quête photographique, celle de prendre en photo le Godzilla en haut de l’immeuble du cinéma Toho de Shinjuku Kabukichō à travers une fenêtre en montrant le contexte intérieur de l’endroit où est pris la photo. C’est le concept de son livre Tokyo Windows de montrer des vues extérieures à travers l’intérieur intime d’un appartement ou autres espaces commerciaux ou professionnels. Nakano s’intéresse à la sensation procurée par le fait d’avoir tous les jours sous le nez une vue d’exception sur Tokyo. Ce reportage indique donc que Nakano travaillerait sur une suite de Tokyo Windows. Pendant la période de l’état d’urgence où la population était priée de rester chez elle, Nakano prenait des photos de la ville sans la présence humaine confinée. Le reportage montre une de ses vues, prise près des tours Atago. Mari me fait remarquer que j’aurais dû en profiter pour en faire de même. L’idée m’a effleuré l’esprit mais je devais avoir l’esprit tout à fait ailleurs à ce moment si particulier de l’année. Là encore, Nakano nous préparerait il une suite à Tokyo Nobody? Ces photographies seront peut être plutôt destinées à une prochaine exposition comme celle que j’avais été voir en Janvier 2020 au musée de la photographie de Yebisu Garden Place. On peut être initialement surpris par l’utilisation de cette expression de ville comme être vivant, connaissant le travail de Nakano se privant plutôt de présence humaine visible. Elle s’y accorde pourtant très bien, car on nous parle plutôt ici de la présence humaine à travers ce que l’humain construit et crée. C’est une approche qui me parle beaucoup car la diversité des personnalités développées par les constructions humaines, notamment architecturales, est un sujet que je privilégie depuis longtemps dans mes photographies.

Continuons l’exploration des concerts de Sheena Ringo. Je trouve le DVD du Live Zazen Ecstasy (座禅エクスタシー) de Sheena Ringo au Disk Union de Shibuya pour environ 1500¥. Le concert a été enregistré le 30 Juillet 2000 mais est sorti en DVD beaucoup plus tard en Septembre 2008, à l’occasion de ses dix ans de carrière musicale. Chronologiquement, Zazen Ecstasy se place avant le Live Baishō Ecstasy (賣笑エクスタシー) sorti le 25 Mai 2003 (dont j’ai parlé un peu plus tôt) et après les deux autres Live de l’année 2000 sortis tous les deux le 7 décembre, Hatsuiku Status Gokiritsu Japon (発育ステータス 御起立ジャポン) enregistré les 4 et 8 Juillet 2000 et Gekokujyo Ecstasy (下剋上エクスタシー) enregistré les 26 Avril et 31 Mai 2000. J’avais acheté ces deux Live en même temps à l’époque et il faudrait que j’y revienne un peu plus tard. Au moment où Zazen Ecstasy est joué, Sheena Ringo a déjà sorti ses deux premiers albums: Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) en Février 1999 et Shōso Strip (勝訴ストリップ) en Mars 2000. Le concert vient donc pioché dans les morceaux de ces deux albums mais sans pourtant jouer les trois singles majeurs de Shōso Strip pourtant sortis avant ce Live, à savoir Gips (ギブス), Honnō (本能) et Tsumi to Batsu (罪と罰). Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック) de Muzai Moratorium n’y est pas joué non plus bien qu’il s’agisse d’un grand classique des concerts qui vont suivre. De la même manière, plutôt que d’interpréter le single qui l’a fait connaître du grand public, Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。), elle privilégie pendant le concert deux faces B présentes sur ce single, à savoir Memai (眩暈) et Remote Controller (リモートコントローラー). Le seul single qu’elle interprétera est Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王).

Le concert est particulier car il a lieu dans un théâtre traditionnel de 1000 places de la préfecture de Fukuoka, dans la ville de Iizuka (飯塚市), le théâtre Kaho (Kaho Gekijou 嘉穂劇場) datant de 1931. On ressent cette ambiance particulière pendant tout le concert, accentué par le fait que Sheena Ringo et les membres du groupe l’accompagnant sous le nom Gyakutai Glycogen (虐待グリコゲン) sont tous habillés de yukata. La mise en scène générale est assez sobre. Au début du concert, Sheena Ringo entre sur scène devant une longue paroi en shōji, sous une lumière de projecteur très forte jusqu’à l’éblouissement. Elle interprète d’abord Tsumiki-asobi (積木遊び) et les parois s’ouvrent ensuite pour dévoiler le reste de la scène sur un fond sombre de bambous. Le groupe apparait à ce moment là. Le visage du bassiste m’est familier. Il s’agit déjà de Seiji Kameda qui accompagne Sheena Ringo depuis ses débuts, jusqu’à Tokyo Jihen actuellement, mais je suis surpris par sa coupe de cheveux en iroquois. Le guitariste du groupe est Junji Yayoshi, qui n’est autre que son premier mari mais ils ne sont pas encore mariés à l’époque de ce concert. Le concert montre beaucoup de gros plans sur le visage de Sheena et ses yeux transpercent l’écran. Elle ne sourit pas beaucoup et on a l’impression qu’elle est comme possédée par la musique qu’elle interprète. Il y a une intensité palpable dans son interprétation qui me donne des frissons à de nombreux moments. La mise en scène du concert présage à mon avis ce qui va suivre ensuite sur Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花).

Par rapport aux interprétations plus récentes où elle chante de manière statique de côté, elle est ici beaucoup plus mobile au point où l’assistant a un peu de mal à la suivre avec le fil du micro. Elle danse même en sautillant sur place sur le morceau Yokushitsu (浴室), tout en souriant par moment ce qui donne l’impression qu’elle redevient normale pendant quelques instants. Elle ne saisit la guitare que sur quatre des seize morceaux du set: Identity (アイデンティティ) et Byōshō Public (病床パブリック) dans la première partie du set, puis Benkai Debussy (弁解ドビュッシー) et Stoicism (ストイシズム) à la toute fin du concert. Il n’y a par contre que peu d’interactions avec les autres membres du groupe. On a l’impression d’une grande concentration. L’interprétation est parfaite, habitée est le moins qu’on puisse dire. Il y quatre morceaux qui sont des reprises: tout d’abord Shōjo Robot (少女ロボット) qui est un morceau qu’elle a composé pour Rie Tomosaka (et qu’on connait sur Reimport Vol. 2), puis unconditional love de Cindy Lauper présent sur les B-sides de Kabuki-chō no Joō et donc sur Watashi to Hōden (私と放電). Elle interprète ensuite un morceau d’Hatsumi Shibata que je ne connaissais pas intitulé My Luxury Night (マイラグジュアリーナイト). C’est peut être le moment le plus faible du concert. Par contre dans les rappels, elle interprète un autre morceau que je ne connaissais pas non plus, qu’elle a également composé pour Rie Tomosaka et qui n’est pas présent sur les albums Re-import 1 et 2. Il s’agit d’un morceau intitulé Nippon ni Umarete (日本に生まれて), qu’elle interprète au piano. Après s’être poliment excusée de s’asseoir et avoir remercié pour les appels au rappel (‘encore’ en japonais), Sheena interprète un des plus beaux morceaux du concert. A ce moment là, le fond de l’écran montre un personnage blanc crucifié qui doit faire référence au concert précédent Gekokujyo Ecstasy (下剋上エクスタシー) d’Avril/Mai 2000. Ce concert sera certainement le prochain que je vais revoir. Il y a un seul extra sur le DVD montrant les coulisses et les préparations du concert, qui donne une image beaucoup plus joyeuse et même bon enfant par rapport à la densité du concert en lui-même. Une vidéo de promotion pour le morceau Yattsuke Shigoto (やっつけ仕事) de l’album KSK a apparemment été prise dans ce théâtre et cette petite vidéo additionnelle prise en public nous en montre quelques images. Je n’ai malheureusement jamais vu cette vidéo pour Yattsuke Shigoto en entier et je me demande si elle est disponible quelque part. C’est un petit mystère de plus a élucider dans un prochain épisode.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la playlist des morceaux de Zazen Ecstasy (座禅エクスタシー):

1. Tsumiki-asobi (積木遊び), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
2. Memai (眩暈), en B-side du single Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
3. Shōjo Robot (少女ロボット), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Rie Tomosaka et qu’on retrouve sur Reimport Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~ (逆輸入 ~航空局~).
4. Remote Controller (リモートコントローラー), en B-side du single Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
5. Akane-sasu Kiro Terasaredo… (茜さす 帰路照らされど…), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
6. Identity (アイデンティティ), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
7. Byōshō Public (病床パブリック), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
8. Unconditional Love, en B-side du single Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王) (Reprise de Cyndi Lauper)
9. Sakana (サカナ), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
10. Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
11. Benkai Debussy (弁解ドビュッシー), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
12. Yokushitsu (浴室), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
13. My Luxury Night (マイラグジュアリーナイト), reprise d’un morceau interprété par Hatsumi Shibata et composé par Takao Kisugi.
14. Sid to Hakuchumu (シドと白昼夢), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
15. Stoicism (ストイシズム), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
16. (Encore) Nippon ni Umarete (日本に生まれて), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Rie Tomosaka.

MANGA都市TOKYO

L’exposition MANGA ⇔ TOKYO se déroule jusqu’au 3 Novembre 2020 au National Art Center Tokyo (NACT). Je suis allé la voir il y a déjà quelques semaines de cela, après réservation en ligne le jour d’avant. Comme la plupart des musées à Tokyo en cette période de coronavirus, les billetteries sur place sont fermées et il faut réserver en ligne avant de se déplacer. Ce n’est pas plus mal en fin de compte, car le nombre de visiteurs est segmenté par tranches de trente minutes et de ce fait, on ne se bouscule pas dans les salles du musée. Lorsqu’on arrive à l’intérieur du musée tout en courbe conçu par Kisho Kurokawa, on est quand même surpris par le vide, car il y a vraiment peu de personnes présentes à l’intérieur du grand hall où se trouvent les deux cônes inversés. On a l’impression d’arriver avant les horaires officielles d’ouverture. On nous prend bien entendu la température avant d’entrer, ce qui est également devenu assez standard maintenant dans les musées. Cette exposition MANGA ⇔ TOKYO (en japonais, MANGA都市TOKYO) est en fait une transplantation de l’exposition qui a eu lieu du 29 Novembre au 30 Décembre 2018 à La Villette à Paris à l’occasion du programme “Japonismes 2018: les âmes en resonance”. Cette exposition au NACT vient s’inscrire dans la continuité de l’exposition Manga*Anime*Games from Japan qui avait eu lieu au même endroit et que j’avais été voir pendant l’été 2015. C’est une bonne idée de traiter cette culture du manga, anime et jeux vidéo comme un art à part entière méritant une exposition dans un musée. Je pense que le Japon ne se rend compte que récemment de l’influence de cette culture sur toute une partie de la population mondiale en commençant par ma génération. Je ne sais pas si la version parisienne de l’exposition était vraiment similaire à ce que j’ai pu voir à Tokyo, mais on nous dit qu’il s’agit d’une version mise à jour.

La salle d’exposition se compose principalement d’une immense maquette représentant la ville de Tokyo à l’échelle 1/1000, d’une largeur de 17 mètres et d’une longueur de 22 mètres. Cette maquette est impressionnante, mais on a du mal à en saisir tous les détails car on peut seulement en faire le tour. Elle est couplée à un grand écran montrant des scènes de films japonais de science fiction japonais, principalement Godzilla, et des extraits d’anime renommé comme Akira, Neon Genesis Evangelion, Patlabor 2 entre autre. Le thème principal de l’exposition est de montrer les relations entre la ville de Tokyo et l’univers du manga, c’est à dire montrer la manière par laquelle la ville est montrée dans les manga et éventuellement la manière par laquelle l’univers du manga influence la ville. Ce deuxième axe est plus limité et montre principalement le grand robot Gundam installé à Odaiba devant le centre commercial DiverCity, ou des personnages de manga dessinés sur des trains. L’exposition nous montre plus précisément comment Tokyo est représenté dans les manga et anime à travers les époques, depuis la période Edo jusqu’au temps présent. Ce qui est intéressant de constater, c’est la manière dont la représentation de la ville change en fonction des décennies. Pendant les périodes de forte modernisation, la ville est plutôt mise en scène dans toute sa splendeur, alors que les œuvres plus récentes mettent plutôt en valeur la personnalité de chaque quartier et la délicatesse des instants. C’est ce type de représentation que l’on peut voir dans les films d’animation de Makoto Shinkai. L’exposition nous explique également la tendance actuelle plus réaliste qui n’assume plus une vue progressiste où les lendemains seront meilleurs que les jours présents, mais considère plutôt que les jours ordinaires vont se répéter sans cesse dans le futur. Il s’agit d’une vue plus noire et pessimiste.

Une partie importante de l’exposition est de montrer la manière dont Tokyo se place dans un cycle perpétuel de destruction et de reconstruction, notamment depuis le grand tremblement de terre de 1923. J’en parlais justement il n’y a pas très longtemps sur ce blog, après avoir vu le film Shin Godzilla. La série Godzilla est d’ailleurs présentée à travers des extraits de plusieurs épisodes, du premier Godzilla de 1954 jusqu’au Shin Godzilla de 2016. Je suis épaté par la qualité plus que médiocre des représentations de Tokyo dans les Godzilla des années 80 et 90, faisant ressembler ces films à des séries Z bien éloignées du réalisme de Shin Godzilla. La représentation de Tokyo dans le Godzilla de 1954 est même plus probante. Ensuite, on nous montre bien entendu Akira, où Tokyo est là encore détruite en totalité pour donner naissance au Neo Tokyo construit au dessus de la baie. L’exposition nous rappelle les prédictions de Katsuhiro Otomo dans son œuvre, notamment le fait que les Jeux Olympiques soient prévus à Tokyo en 2020 mais finalement annulés. Derrière le grand plan de Tokyo à l’échelle 1/1000, des images nous montrent le début d’Akira au moment de l’explosion de la bombe au delà de Shinjuku. On nous montre en même temps sur le plan avec un effet de lumière où se trouvent dans Tokyo les scènes montrées dans les extraits. Pour Akira, je me souviens d’un article du blog The tokyo files (東京ファイル) montrant l’emplacement de l’épicentre de la bombe. L’explosion, le 16 Juillet 1988, aurait approximativement eu lieu le long de l’autoroute métropolitaine No.4 Shinjuku Line (au dessus de l’avenue Koshu-Kaido) au niveau du temple Shinkyōji entre Shimo-Takaido et Meidaimae. Neon Genesis Evangelion, avec ses immeubles rétractables sous le sol lorsque les anges destructeurs font leur apparition, est également un bon exemple de destruction de la ville, sauf que la nouvelle version de Tokyo appelée Tokyo-3 ne se trouve pas à Tokyo mais à Hakone. Je suis certain d’avoir déjà parlé de cela sur Made in Tokyo, donc je n’apprends pas grand chose sur le sujet, mais c’est très intéressant de revoir ces images sur grand écran et avec des explications.

On parle de beaucoup d’autre manga dans cette exposition, certains dont je n’ai jamais entendu parler, d’autres que je connais sans forcément les avoir lu comme Rivers’s edge (j’ai parlé du film il y a plusieurs mois) ou Sakuran (le film est dans ma liste à voir sur Netflix mais je n’ai jamais pris le temps de m’y mettre). L’exposition me rappelle également qu’il faut que je regarde les films d’animation The girl who leapt through time de Mamoru Hosoda, Tokyo godfathers de Satoshi Kon ou encore Miss Hokusai de Keiichi Hara. Même si l’espace d’exposition est relativement restreint, j’y ai passé une bonne heure et demi. En prenant le chemin du retour, il ne faut pas manquer la maison de thé construite en verre par Tokujin Yoshioka et appelée Kou-an. Elle est placée juste devant l’entrée du musée. Cette petite œuvre d’art est d’une grande délicatesse.

明日は風

Retour dans le brouhaha de Shibuya. J’y retourne assez régulièrement en ce moment, ce que je pense être une conséquence indirecte du fait que l’on n’a pas quitté Tokyo depuis plusieurs mois. Ça ne veut pas dire que Shibuya est un endroit plus sûr que les préfectures aux alentours de Tokyo, bien au contraire. Le brouhaha ambiant de Shibuya remplit un vide, mais j’y vais souvent pour ne rien y trouver, juste pour passer et voir les choses évoluer. Cette fois-ci, je suis quand même passé au Disk Union, pour y trouver un Live de Sheena Ringo datant de l’année 2000, mais sorti en 2008, Zazen Ecstasy (座禅エクスタシー). Malgré le fait que ce soit un DVD d’occasion, la qualité du packaging est quasi-neuve. J’en parlerais certainement après l’avoir regardé. Dans le centre de Shibuya, j’en profite cette fois-ci pour prendre la foule en photo, ce qui n’est pas la discipline photographique à laquelle je suis le plus expérimenté. J’ai toujours conçu mes modestes photographies comme non intrusives, mais j’ai conscience que créer l’intrusion peut donner des photos intéressantes. Je ne pense cependant pas en être capable, ni le vouloir d’ailleurs, car ça demande toute une préparation, ne serait-ce qu’être en mesure d’expliquer la raison pour laquelle on vient prendre une personne en photo à l’insu de son plein gré. J’aime aussi autant le fait de marcher que de prendre des photos, et j’aurais donc du mal à rester pointer à un endroit précis pour attendre d’avoir la meilleure lumière et la bonne situation. Cette petite série vient toucher du doigt mes propres limitations qui font que mon style photographique n’évolue pas ou peu. Et la question suivante est de se demander qu’elle peut être la raison qui me pousse à continuer. Je me trouve en terrain médian dans tout ce que je fais sur ce blog. Après pratiquement 18 ans de blog, j’en viens parfois, dans mes périodes de doutes, à me demander quelles sont les aspects qui me distinguent. Je touche un peu à tout entre les tentatives de création de musique électronique, d’essais d’écriture d’histoire de fiction, le dessin avec ma série FuturOrga, les compositions photographiques multiples, la couverture certes très incomplète de la musique rock japonaise et de l’architecture. Dans tous ces domaines, j’ai l’impression de créer quelque chose qui est suffisamment intéressant pour le montrer aux yeux de tous sur internet (sous le terme ‘tous’, je ne précise pas le nombre de personnes mais c’est à peu près 30 visiteurs uniques par jour), mais souvent pas assez pour générer une réaction. Pour être tout à fait honnête, les doutes sur ma volonté de continuer ce blog sont réguliers sans forcément avoir des raisons particulières pour se déclencher (elles m’échappent souvent moi-même), mais ces doutes sont intéressants car ils permettent de prendre du recul et de réfléchir à ce que l’on fait. On pourrait se demander pourquoi je me pose autant de questions juste pour un blog. Le fait est que d’avoir passer 18 années lui donne une certaine importance personnelle, qui n’est certainement pas visible pour le visiteur occasionnel qui passe par ici par hasard. Je pense que beaucoup de bloggers ayant continué aussi longtemps, malgré les attirances des réseaux sociaux, doivent avoir le même genre de réflexion. Ce genre de doutes doit même, à mon avis, faire partie de la ligne éditoriale.

Je découvre parfois des morceaux que j’adore grâce à la radio qu’on écoute dans la voiture, surtout le dimanche après midi sur J-Wave quand Chris Peppler présente le top des ventes (entre autres) de la semaine sur Tokio Hot 100. Je n’écoute en général pas beaucoup de musique listé dans ce top 100, mais j’aime bien rester au courant de ce qui a du succès musicalement en ce moment au Japon. Même s’ils n’ont pas beaucoup de sens artistiquement, j’ai toujours beaucoup aimé les top musicaux, depuis le top 50 que je regardais toutes les semaines avec ma sœur, quand j’étais beaucoup plus jeune en France. Outre Yonezu Kenchi qu’on écoute déjà beaucoup dans la voiture lors de nos déplacements un peu plus longs que l’habitude, Yoasobi a beaucoup de succès en ce moment. J’essaie de prêter une oreille attentive à cette musique mais le ton du piano et de la voix de sa chanteuse ne m’accrochent pas. C’est comme si cette musique était couverte d’une couche plastifiée protectrice qui m’empêcherait d’accéder à sa substance émotionnelle. Mais cette fois-ci sur J-Wave, je suis particulièrement attiré par le morceau pop-rock hyper dynamique ないものねだり (Naimono nedari) de Kana-Boon où le guitariste et interprète Maguro Taniguchi est accompagné au chant par Mossa du groupe Necry Talkie. Le duo de voix fonctionne très bien, le refrain fait de répétition est extrêmement accrocheur et les paroles se répondant comme un dialogue sont très amusantes. Ce morceau est originellement de Kana-Boon, mais a été ré-interprété avec Mossa en une seule prise pour la chaine YouTube ‘The First Take’. J’avais déjà mentionné cette chaine YouTube pour la version quasi a capella, accompagnée seulement d’un piano, que LiSA avait donné de son morceau à succès Gurenge (紅蓮華). Ce que j’aime beaucoup dans ces épisodes, c’est qu’on voit et étend les artistes se chauffer, se donner à fond et parfois se tromper un peu comme sur le morceau de Kana-Boon. La pression est censée être plus forte pour Mossa car il s’agit d’un morceau qui n’est pas le sien, mais c’est Taniguchi qui manque un démarrage sur un refrain de son propre morceau (peut être trop d’assurance). La version de ce morceau disponible sur iTunes s’intitule Naimono nedari Revenge, car il s’agit d’une version ré-enregistrée sans l’erreur de l’épisode de The First Take. J’écoute ensuite le rock énergétique de Lovely Summer Chan avec quelques morceaux de son dernier album intitulé The Third Summer of Love. Sous ce nom de groupe, se cache la compositrice et interprète Aika Imaizumi, originaire de Tokyo. Il y a une énergie et une fraicheur dans cette musique et dans sa manière de chanter qui font vraiment plaisir à entendre, notamment sur le single Ah!. J’écoute également quelques autres morceaux de son album, comme plus lent et lourd en guitares Heartless Person (qui me ramène un peu vers le rock des années 90) et Atomic Typhoon qui est le morceau que je préfère pour l’instant, pour sa manière de chanter en insistant exagérément sur certains mots. Je vais continuer pour sûr mon écoute de cet album. Je retrouve ensuite avec énormément de plaisir Cuushe, de son vrai nom Mayuko Hitotsuyanagi, avec son nouveau morceau Hold Half de son futur prochain album Waken qui sortira en Novembre 2020. Il s’agit là de musique Dream Pop faite de textures sonores et de voix flottantes. Le style est beaucoup plus vaporeux que les morceaux précédents. Mais le morceau est ponctuée d’un rythme par moments qui fonctionne très bien. Il y a quelque chose de très touchant dans cette musique, peut être accentué par le fait qu’il s’agit là de son retour après s’être mise en retrait suite à des harassements qui ont dû être difficile à surmonter psychologiquement. J’avais déjà parlé de son album Butterfly Case il y a deux ans. Ce dernier morceau présage du meilleur pour son nouvel album. Je me remets ensuite à écouter quelques morceaux de Sakanaction. Comme je le mentionnais en commentaire d’un précédent billet (parfois les billets prennent une vie parallèle dans les commentaires), je me rends compte que je n’avais bizarrement jamais parlé de Sakanaction sur ce blog. Je ne connais en fait que quelques morceaux piochés par-ci par-là et que j’aime réécouter régulièrement, notamment 多分、風。 (Tabun, Kaze.). La vidéo est tout particulièrement bien faite car on a l’impression que la surface des personnes s’échappe avec le vent au rythme de la musique, sous l’oeil interrogateur d’Ichiro Yamaguchi. J’écoute aussi très souvent le morceau 新宝島 (Shin Takarajima), qui est pourtant à priori un peu trop pop pour moi. Là encore, la vidéo m’amuse beaucoup car le groupe danse avec un air très sérieux mais se fait gêner à chaque fois par les mouvements des pom-pom girls qui dansent derrière. Il y a aussi des morceaux comme ユリイカ (Eureka), ミュージック (Music), ネイティブダンサ (Native Dancer) et 『バッハの旋律を夜に聴いたせいです。』(Bach no Senritsu o Yoru ni Kiita Sei Desu) que j’aime beaucoup car leur composition est à chaque fois très intéressante. Je me rends compte que ces morceaux que j’avais pioché sur différents albums se trouvent également sur le best-of Sakanazukan et je continue donc ma découverte du groupe avec trois autres morceaux qui s’y trouvent: Rookie, Boku to Hana et Me Ga Akaku Aiiro. J’aime beaucoup le son électronique que je qualifierais de mécanique du morceau Rookie, comme si on se trouvait dans une machine sous-marine. Les compositions musicales de Sakanaction sont toujours intéressantes mais Me Ga Akaku Aiiro atteint des sommets, à la fois dans sa diversité et dans sa profondeur émotionnelle. Je trouve Boku no Hana plus classique, dans l’esprit des morceaux que je connais déjà du groupe, mais classique ne veut pas dire ennuyeux car il y a toujours un air qui accroche une partie du cerveau. Je ne choisis pas Me Ga Akaku Aiiro par hasard car mahl le recommandait dans son billet comme étant apparemment le morceau préféré des fans du groupe. La découverte de ces morceaux me donnent bien entendu envie de continuer à découvrir les albums entiers, mais j’y vais doucement car mon budget musique n’est pas illimité.

東京の天気は晴れ、雨、雨

Pluie tous les jours et quand il ne pleut pas, on a l’impression qu’il va pleuvoir tellement les nuages sont menaçants en se noircissant soudainement par moments et par endroits. J’aime les nuages car ils sont photogéniques mais on ne sait jamais quand une averse va nous tomber dessus. Dans mon cas, elles ont tendances à se déclencher dès que je mets un pied dehors. Heureusement, ces averses ne durent pas très longtemps. Je n’avais pas fait de jogging dans les rues de Tokyo depuis plusieurs mois, car j’hésitais a courir avec un masque. Je me suis habitué à courir avec, mais je je l’enlève quand même par moment lorsque je suis au bord de l’asphyxie. Je cours avec l’iPhone et l’iPod accrochés au bras pour pouvoir écouter de la musique en courant et pour pouvoir prendre des photos en cours de route, au cas où je tomberais par hasard sur des endroits intéressants que je n’ai jamais parcouru. Cette fois-ci, je retourne vers des terrains connus autour et à l’intérieur du cimetière d’Aoyama. Je ne prendrais pas de photos à l’iPhone pendant cette course, ce qui est pourtant pour moi une bonne occasion de faire une pause en chemin. Plutôt que des images, je retiendrais de cette course des odeurs, celle de l’encens à l’intérieur du cimetière et à l’entrée du temple Chōkoku-ji un peu plus loin. Je m’y arrête quelques instants car je trouve une certaine correspondance entre cette odeur diffuse d’encens et la musique flottante que j’écoute sur mon iPod. Les quelques compositions photographiques de ce billet n’ont aucun lien avec le texte ci-dessus, elles sont un peu plus anciennes. Sur la première photographie parasitée visuellement, le train rouge et blanc de la ligne Keikyu qui semble se frayer un chemin parmi les nuages noirs est pris en photo aux environ de Kita Shinagawa. La baleine effectuant un saut hors de l’eau se trouve dessinée sur un mur de bain public sentō au bord de la rue Meiji dans le quartier de Higashi. Les deux dernières photographies composites sont prises à Nogizaka, à l’intérieur du musée NACT lorsque j’ai été voir l’exposition MANGA ⇔ TOKYO, et dans une rue quelconque à proximité où les poteaux électriques dépassent du sol. Je reparlerais sans doute bientôt dans un prochain billet de cette exposition au NACT.

Dans ma playlist de rock indé japonais commencée sur le billet précédent, je continue avec le morceau Ningen Datta (人間だった) du groupe Hitsujibungaku (羊文学) dont j’avais parlé de quelques morceaux sélectionnés dans un billet précédent. La composition du morceau est très intéressante avec des passages où Moeka se met à parler plutôt que chanter. J’aime beaucoup sa manière changeante de chanter, tout en ondulations et en puissance par moment. Il s’agit du premier morceau du EP Zawameki (ざわめき) sorti en février 2020, que je devrais découvrir un peu plus. Je tire souvent les titres de mes billets des paroles de morceaux que j’écoute. Le titre de ce billet provient de ce morceau sauf que j’y ai rajouté un peu plus de pluie que de beau temps, pour se mettre en accord avec la situation météorologique actuelle. Quand SPOOL commence son interprétation du morceau Ghost sorti en Octobre 2019, j’entre juste dans l’enceinte du temple dont je parlais ci-dessus où l’encens se diffuse légèrement dans l’espace. La voix d’Ayumi Kobayashi se dégageant à peine du flot mélancolique de guitares a quelque chose d’envoûtant. Ce morceau reste dans l’esprit de celui dont je parlais avant, et il faut donc être également dans des bonnes conditions. Le temps pluvieux et l’encens des temples sont pour moi des bonnes conditions pour apprécier cette musique. La répétition des guitares et les chœurs flottants nous invitent à partir dans des réflexions rêveuses. Le morceau suivant voit les voix se noyer un peu plus dans l’océan des guitares. Il se rapproche un peu plus du style shoegazing. Il s’agit du morceau Someone by the Sea (誰かがいた海) du groupe Seventeen Years Old and Berlin Wall (17歳とベルリンの壁), dont j’ai également déjà parlé auparavant. Les morceaux de 17Years ne cherchent pas à s’imposer. Ce morceau est le cinquième du EP intitulé Abstract sorti au mois de Mai 2020. Il n’y a pas d’exubérance dans le son ni d’originalité particulière dans la composition de ce morceau, mais il s’inscrit très bien dans ma petite playlist. C’est une musique pour aller à la mer, du côté d’Enoshima par exemple, à la fin de l’été. Cette mise en scène que l’on retrouve dans la vidéo du morceau me plait beaucoup et me donne un brin de nostalgie prématurée. J’ai l’impression que cette plage Shichirigahama (七里ヶ浜) à kamakura près d’Enoshima est assez populaire pour les vidéos de rock indé, comme pour le morceau Goodbye Train (グッバイトレイ) par Ryukku To Soine Gohan (リュックと添い寝ごはん) dont je parlais il y a quelques mois. Peut être y trouve t’on une certaine nostalgie adolescente.

Après avoir parlé de morceaux plutôt récents de rock indé, je remonte le temps jusqu’au mois de Mai 1998 avec le premier single de Sheena Ringo, Kōfukuron (幸福論). La raison que je trouve d’en parler maintenant est le fait que j’ai acheté le single en version 8cm il y a quelques jours au Disk Union d’Ochanomizu. Pas qu’il soit très difficile à trouver, car je l’ai déjà vu une ou deux fois dans des Disk Union à Tokyo, mais j’avais toujours hésité à l’acheter vu la taille du disque. En fait, en réécoutant Muzai Moratorium, je me suis rappelé que la version de Kōfukuron y était complètement différente du single. Je pensais à tord que la version originale de Kōfukuron se trouvait avec Suberidai (すべりだい) sur la compilation de B-sides Watashi to Hōden (私と放電), mais ce n’est pas le cas. Je ne connaissais en fait cette version qu’à travers la vidéo que j’ai regardé maintes fois, mais je n’avais pas le morceau dans ma librairie iTunes. Du coup, je me remets à écouter les deux morceaux du single en boucle. A l’époque où le single est sorti, je préparais mon voyage au Japon, deux mois après, à Nagasaki. Je n’ai malheureusement pas le souvenir d’avoir entendu ce morceau à la radio ou à la télévision. J’ai plutôt découvert Sheena Ringo avec Muzai Moratorium sorti en Février 1999, le mois de mon arrivée à Tokyo. A cette époque, c’était surtout Koko de kiss Shite (ここでキスして。) qu’on entendait beaucoup.

Depuis que j’ai vu le dernier concert de Tokyo Jihen en Live streaming, je me suis mis en tête de regarder petit à petit tous les Live de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. Comme il y en a beaucoup, qu’ils soient sortis en DVDs et Blu-Ray, cela va me prendre un certain temps, ne serait ce que pour trouver des versions d’occasion dans les Disk Union tokyoïtes. C’était en fait la raison de mon passage récent au Disk Union d’Ochanomizu, bien que je n’y ai finalement acheté que le single Kōfukuron. Je ressors de mon tiroir le DVD du Live Baishō Ecstasy (賣笑エクスタシー) sorti en Mai 2003, quelques mois après son troisième album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花) dont il fait principalement la promotion. Le concert en lui même est assez court et ne couvre que des morceaux de KSK, à part Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王) de Muzai Moratorium et une reprise des Feuilles Mortes de Jacques Prévert chantée en français. Il a été filmé dans le hall Kudan Kaikan (actuellement en cours de rénovation) à Chiyoda et retransmis dans diverses salles au Japon. Les morceaux sont interprétés avec un orchestre appelé Noraneko Orchestra (ノラネコオーケストラ) dirigé par Neko Saito, qu’on retrouvera quelques années plus tard en Février 2007 sur l’album Heisei Fūzoku (平成風俗). En plus de cette orchestration des morceaux, un des intérêts de ce concert est sa mise en scène avant et après le début des morceaux. Le concert est en lien direct avec le court métrage Hyaku Iro Megane (百色眼鏡) sorti un peu plus tôt en Janvier 2003, car on y voit sur scène l’acteur Kentarō Kobayashi, qui interprétait le personnage du détective Amagi. Il intervient au début du concert en regardant à travers le trou d’une palissade similaire à celle du film. De l’autre côté de cette palissade, on voit des images de Sheena Ringo arrivant dans le hall de la salle de concert et se préparant dans les coulisses jusqu’à son arrivée sur scène. La fin du concert est également mise en scène, mais d’une manière tragique car on la voit tomber à terre mystérieusement dans les couloirs des coulisses. On l’emmènera ensuite en toute précipitation dans une vieille BMW blanche, et ainsi se termine le concert. Je revois ce concert avec un oeil neuf car je ne l’avais pas revu après avoir vu Hyaku Iro Megane, et donc ces détails assez élémentaires m’avaient échappé. En fouillant un peu le DVD, on peut y trouver des vidéos de publicités pour l’album KSK, dont j’avais un vague souvenir, et pour le film Hyaku Iro Megane. Il y également une courte vidéo de Koko de kiss Shite qu’elle interprète seule au piano.

Mais il y a aussi un autre clip vidéo qui n’est accessible qu’après avoir entré un code. L’interface graphique du DVD (un peu désuète si on le compare aux standards actuels) nous montre un panneau dessiné avec quelques kanji chinois inscrits. Il faut en choisir 5 dans l’ordre pour espérer accéder à cette vidéo. Je suis certain de n’avoir jamais vu cette vidéo, étant à l’époque dans l’incapacité de déchiffrer ce mot de passe. J’en suis pas plus capable maintenant et une petite recherche sur internet m’indique que les symboles à entrer dans l’ordre sont「壱肆玖 捌漆」(je les inscris ici pour m’en souvenir à l’avenir), ce qui correspondrait à 149-87 soit en japonais いちじくのはな (Ichijiku no Hana). Ce morceau Ichijiku no Hana (映日紅の花) est également disponible avec le DVD sur un CD additionnel, mais aussi présent sur la compilation Watashi to Hōden (私と放電). La vidéo du morceau à laquelle on peut ensuite accéder montre un mélange d’images et de plans vidéo courts comme sur les deux images ci-dessus, dont certaines se déroulent à Londres et à Paris. Comme il s’agit, en 2003, des cinq ans de la carrière de Sheena Ringo, elle nous montre une sorte de mini-retrospective en images. Elle avait 19 ans au début de sa carrière et on voit une photo de ses vingt ans dans la petite vidéo.

Pour référence ultérieure, je note ci-dessous la liste des morceaux interprétés lors de Baishō Ecstasy (賣笑エクスタシー):

1. Kareha (枯葉), reprise du morceau Les feuilles mortes écrit par Jacques Prévert et composé par Joseph Kosma, présent sur l’album Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~)
2. Torikoshi Kurō (とりこし苦労), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
3. STEM (茎), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
4. Ishiki (意識), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
5. Poltergeist (ポルターガイスト), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
6. Okonomi de (おこのみで), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
7. Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
8. Meisai (迷彩), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)

雲の中にいるみたいだ

Je repars vers les ombres gagnant le paysage urbain jusqu’à l’effacer presqu’en totalité. J’aime beaucoup travailler l’image jusqu’à la limite où l’on ne peut presque plus identifier ce qu’elle représente. Je joue là encore sur les nuages mais d’une manière beaucoup plus sombre et donc moins lumineuse que la série précédente de compositions photographiques avec d’étranges nuages blancs qui nous entourent. Je suis sans cesse tenté de prendre les nuages en photo et je passe donc en ce moment plus de temps la tête en l’air, que planté à regarder mes chaussures, comme les groupes de shoegazing qui m’inspirent pourtant ce type d’altérations photographiques. Les compositions photographiques de ce billet se promènent du côté d’Odaiba avec le gigantesque robot Gundam qui impressionne par sa taille bien sûr mais également pour son sens du détail. Enfin le sens du détail est ici caché en grande partie par ces nuages envahissants. La première photographie montre un immeuble quelconque sur la rue Meiji en direction de Shibuya. J’aime bien le prendre en photo car il se détache du reste des autres buildings de la rue. Il m’avait inspiré des images maritimes il y a longtemps lorsque je l’avais pris en version floue et légèrement oblique. La deuxième composition photographique nous amène au croisement de Nishi Azabu. Un coursier Uber traverse le carrefour à toute vitesse et je me presse également à le prendre en photo avant qu’il ne s’enfonce dans les nappes de nuages noirs. Mais il y a tellement de coursiers Uber que j’aurais pu prendre en photo le suivant si j’avais loupé celui-ci.

Du haut vers le bas et de gauche vers la droite: Les morceaux エイプリルブル (AprilBlue) du groupe AprilBlue, スーサイド・ガール (Sucide Girl) du groupe SPOOL, デリート (Delete) par ano et 浪漫 (Roman) par le groupe PEDRO.

Il y a quelques points communs entre les quatre pochettes d’albums ou de singles que je montre ci-dessus, que ça soit un focus sur des cheveux plutôt que sur des visages, le cadrage carré, l’emploi de formes rondes ou les coloris dans les tons verts et bleus. J’aime beaucoup ces quatre morceaux et je les écoute très souvent à la suite. Ils ont la particularité d’avoir tous une voix féminine au chant, en général au sein d’un groupe qui peut être mixte. J’ai toujours aimé les groupes mixtes, notamment lorsqu’il y a un duo masculin/féminin au chant, mais je me rends compte que j’écoute principalement de la musique écrite et chantée par des artistes féminines, ces derniers temps. Autant en musique rock occidentale, j’ai plutôt tendance à écouter des groupes avec voix et sensibilité masculines, autant j’éprouve beaucoup plus d’accroche dans la sensibilité féminine du rock japonais. Il y a bien entendu de nombreuses exceptions, mais c’est une tendance que je ressens ces derniers temps. Il y a beaucoup d’exceptions car j’ai énormément d’estime et d’attirance pour des groupes comme Number Girl ou Luna Sea, dans des styles rocks complètement différents et même à l’opposé l’un de l’autre. Quoique Number Girl est bien mixte avec Hisako Tabuchi à la guitare, bien que Shutoku Mukai soit la figure emblématique du groupe. Luna Sea, dans sa période Visual Kei, brouillait les genres en prenant des attitudes androgynes. Le premier morceau en haut à gauche s’intitule エイプリルブル (AprilBlue) et est tiré de l’album Blue Peter du groupe AprilBlue créé par Azusa Suga. Pour ceux qui suivent un peu ce blog, Azusa Suga est également fondateur du groupe For Tracy Hyde dont j’ai évoqué les deux derniers albums New Young City et he(r)art dans des articles précédents. Il écrit aussi des morceaux pour le groupe Ray, sur leur premier album Pink dont je parlais également auparavant. Ce rock indé aux allures pop est écrit et chanté par Haruki Funasoko. Comme souvent sur les morceaux de Suga, j’y trouve une certaine évidence auquel on ne peut échapper. C’est difficile de ne pas se laisser accrocher par cette guitare et par le refrain du morceau. Petit détail qui m’intéresse: le fait que Funasoko chante devant un poster de la pochette de l’album Within and Without de Washed Out sur une série de vidéos faites maison. Voir ce poster me rappelle le sublime morceau Far Away de cet album. Je retrouve ensuite les quatre filles de SPOOL pour leur nouveau morceau intitulé スーサイド・ガール (Sucide Girl). La faute d’orthographe dans la traduction anglaise du titre semble volontaire, ainsi que l’utilisation du mot anglicisé en katakana plutôt que le mot japonais. Les paroles n’ont en fait rien de réjouissant mais ce morceau est superbe, dans l’esprit de ce que je connaissais du groupe sur leur album éponyme. SPOOL est un des groupes de rock indé japonais que je préfère en ce moment. Dans un style différent mais toujours très rock, j’écoute le premier single d’ano, échappée de son groupe d’idoles alternatives au drôle de nom ゆるめるモ! (You’ll melt more!). J’ai déjà un petit peu parlé d’ano sur ce blog, notamment pour sa collaboration avec Towa Tei sur le morceau électronique REM de son album EMO. C’est une personnalité excentrique, voire complètement décalée, comme si elle vivait dans un autre monde. Ceci étant dit, je lui trouve une certaine authenticité que je remarque notamment avec quelques indices: le fait de la voir en photo avec Shutoku Mukai de Number Girl dont je parlais avant, le fait qu’elle accroche les albums Loveless de My Bloody Valentine et Amnesty (I) de Crystal Castles sur le mur de sa chambre, et le fait d’afficher volontairement un album de P-Model dans la vidéo de son premier morceau en tant qu’artiste solo. Je ne connais pas spécialement P-Model, à part de réputation, mais j’adore l’album Technique of Relief de Susumu Hirasawa, fondateur de P-Model. Ce premier morceau intitulé デリート (Delete) bouillonne d’énergie rock, comme si ano avait besoin de dégager un trop plein émotionnel. Le trop-plein se ressent aussi dans la vidéo qui la montre enfoncée dans une chambre remplie d’un bazar à faire pâlir Marie Kondo. Je trouve ce morceau d’ano très beau et prometteur pour la suite si elle continue sur cette même puissance orchestrée de guitares. Le ton est toujours résolument rock mais un peu moins énervé sur le morceau 浪漫 (Roman) de PEDRO. J’en ai déjà parlé sur un billet précédent même j’aime beaucoup écouter ce morceau à la suite de celui d’ano, peut-être parce que comme pour ano, Ayuni semble s’être échappée de son groupe d’idoles (BiSH pour Ayuni, donc) pour aller goûter les joies du rock alternatif avec Hisako Tabuchi de Number Girl à la guitare. J’aurais beaucoup mentionné Number Girl dans ce billet, ce qui veut dire qu’il faudra certainement que je me remette très bientôt à écouter leurs albums.