Penguin House par Atelier Tekuto

Il m’arrive parfois de trouver des maisons individuelles à l’architecture remarquable déjà vues dans des magazines ou livres d’architecture alors que je marche au hasard des rues de Tokyo. On me fait également parfois part de maisons intéressantes par email (je l’évoquerais peut-être plus tard). Il est beaucoup plus fréquent que je trouve ce genre d’architecture dont on n’a pas l’adresse en faisant des recherches à partir d’éléments de l’environnement urbain présent sur les photographies que l’on peut voir dans ces magazines ou livres d’architecture, ou sur internet, pour ensuite continuer ma recherche en utilisant GoogleMap. Cette phase de recherche peut durer très longtemps, des années même, lorsqu’on n’a que très peu d’information sous la main. Ça fait aussi partie du plaisir de la recherche et de l’immense satisfaction lorsqu’on finit par trouver. Je recherche par exemple la maison individuelle On the cherry blossom par l’architecte Junichi Sampei (A.L.X.) depuis très longtemps sans l’avoir trouvé. Je la recherche virtuellement sur GoogleMap dans les rues de l’immense arrondissement de Itabashi, cette seule indication de lieu étant mentionnée en Japonais sur le site de l’architecte. Je n’ai pas encore trouvé On the cherry blossom, mais mes recherches m’ont fait découvrir une autre maison remarquable déjà vue dans les livres d’architecture, Penguin House de l’Atelier Tekuto. Il est très rare et même complètement improbable de trouver ce genre de maisons par hasard sur GoogleMap, surtout dans des arrondissements immenses à la périphérie du centre de Tokyo, d’où ma grande surprise lorsque ses formes distinctives se sont révélées sous mes yeux. J’étais d’autant plus content de trouver une nouvelle œuvre architecturale de l’Atelier Tekuto, qui fait de bien belles choses comme par exemple la petite maison R・Torso・C que j’ai déjà découvert par hasard dans un recoin du quartier de Ebisu.

Penguin House par l’architecte Yasuhiro Yamashita de l’Atelier Tekuto est une toute petite maison placée à un croisement de deux routes tellement étroites qu’elles pourraient être piétonnes. Il s’agit d’une zone résidentielle plutôt agréable aux premiers abords, se trouvant à proximité d’un sanctuaire entouré de verdure. Une des routes mène d’ailleurs à ce sanctuaire et est bordée de grands arbres. Elle a été construite il y a presque 20 ans, en Avril 2002, mais reste impeccable. Elle a très peu perdu de sa blancheur initiale. Cette maison à la structure en acier se dresse sur un tout petit espace de 50.99㎡ mais n’en occupe que 30.80㎡ pour une surface totale habitable de 83.56㎡. Elle a été conçue pour un couple de jeunes musiciens qui souhaitaient à la fois y installer un studio de musique et un espace pour y vivre. La maison se compose de trois étages. Comme on peut le voir sur les quatre petites photos prises par Takeshi Taira extraites du site de l’architecte, le studio se trouve au rez-de-chaussée tandis que les espaces de vie se trouvent aux étages. Le deuxième étage regroupe la chambre et la salle de bain et le troisième étage le living-room. La particularité de cette maison est bien étendue la forme unique des ouvertures donnant sur le rez-de-chaussée et le premier étage. Elles sont découpées dans les coins de la maison et prennent la forme courbe des murs incurvés posés les uns sur les autres. Cette forme courbe est née d’un souci d’optimiser l’espace habitable tout en respectant les régulations de construction, notamment celles régulant la hauteur des constructions aux bords des rues. Le nom de Penguin House viendrait de cette forme incurvée, comme le dos d’un pingouin peut-être. L’espace servant de living-room en haut de la maison est beaucoup plus éclairé que le reste de la maison car entouré de grands vitrages. Cet espace juste au dessus des toitures des maisons environnantes et donnant sur une rangée verte semble particulièrement agréable. Je trouve que cette maison arrive bien à ajuster le vis-à-vis extérieur en fonction de la fonction des pièces. Le deuxième étage contenant la chambre et la salle de bain est un espace plus intime que le reste de la maison et a donc les ouvertures les plus étroites. Le studio au rez-de-chaussée destiné à la création musicale est certainement moins privé d’où des ouvertures plus grandes. Ces ouvertures ont tout de même une taille contrôlée qui apporte, j’imagine, une isolation nécessaire pour se concentrer sur la création. Le dernier étage ayant peu de vis-à-vis est par conséquent très ouvert sur l’extérieur. Construire à Tokyo pour un architecte doit être un vrai casse-tête mais pousse en même temps à imaginer ce genre de formes remarquables, qu’on découvre comme des petits trésors au hasard des rues. Cette petites maisons urbaines sont en effet des petits trésors à la délicatesse toute japonaise. Il faut également noter que l’ingénieur en structure Masahiro Ikeda intervient sur le design structurel de cette maison. Je me rends compte que je mentionne son nom assez régulièrement car les structures qu’il invente sont particulièrement innovantes, pour exemples White Base, Natural Ellipse et ∆ (Delta) qui sont parmi les maisons tokyoïtes que je préfère.

don’t know the fever that’s so deep in me

Je continue les mélanges de lieux sur le quatrième épisode de cette petite série en noir et blanc qui vient s’intercaler entre les épisodes habituels en couleurs. Je ne suis pas sûr que ça se remarque mais il y a un très léger effet de flou volontaire sur les photos de cette série. J’ai récemment un peu modifié mon traitement habituel des photographies en couleurs en leur donnant plus de contraste que d’habitude. Je pense que ce traitement plus contrasté convient bien à la lumière estivale. Il est possible que je modifie une nouvelle fois mon traitement photographique une fois l’hiver arrivé. J’ai également modifié mon approche du noir et blanc au début de l’été avec la série Shirokuro ni naru Tokyo (白黒になる東京) qui introduisait ce léger effet de flou que l’on trouve sur les photographies de ce billet. Il retransmet à mon avis assez bien la chaleur ambiante qui continue encore maintenant au mois de Septembre. J’étais adepte des très forts contrastes jusqu’à la saturation des couleurs dans les premières années du blog. Sans aller aussi loin qu’à mes ‘débuts’ photographiques, il s’agit en quelque sorte d’un retour aux sources (原点回避) qui s’opère maintenant. Ce léger effet de flou et le noir et blanc ne conviennent pas à toutes les photographies mais s’accordent particulièrement bien avec l’architecture de béton, peut-être parce qu’elle est à la fois dure et intemporelle. Le noir et blanc contrasté vient accentuer les aspérités du béton, tandis que le léger flou vient le rendre plus doux. Il s’agit ensuite de bien doser. Quand aux lieux sur les photos, mon souvenir est vague mais la première montre une résidence appelée TMK PLUS+ dont je ne connais pas l’architecte à Kami Meguro tandis que la dernière photographie a été prise à Kichijōji.

Il suffit que je mentionne brièvement AiNA The End pour qu’elle sorte immédiatement un nouvel EP. Je n’ai bien sûr pas ce pouvoir d’influence mais je ne suis pas mécontent de pouvoir écouter des nouveaux morceaux de AiNA, surtout quand ils sont aussi excellents que les quatre morceaux qu’on peut écouter sur ce nouvel EP Born Sick. Le nom du EP nous laisse tout de suite deviner qu’on ne va pas soumettre nos oreilles à des ballades tranquilles. Le premier morceau Retire a l’ambiance la plus rock alternatif de l’ensemble. C’est aussi celui où elle vient le plus mettre à l’épreuve sa voix. J’ai toujours un peu peur qu’elle finisse par perdre sa voix quand elle la pousse un peu trop, jusqu’aux cris comme ça peut être le cas sur ce morceau. Elle a déjà eu des problèmes vocaux dans le passé l’obligeant à faire une longue pause. La qualité de ce type de morceaux et surtout l’interprétation sans compromis qu’en fait AiNA me fait tout d’un coup réaliser la fragilité d’une voix. Ce qui me fait plaisir sur ce EP, c’est qu’elle ne choisit pas la facilité et s’éloigne volontairement de recettes toutes faites qui pourraient pourtant lui apporter plus de succès commercial. Elle se place volontairement dans un terrain plus compliqué à appréhender pour un nouveau venu mais aussi plus personnel. J’ai le sentiment qu’elle se donne une totale liberté, sans trop se soucier de ce qui pourra marcher ou pas pour le public. Le deuxième morceau Katei Kyōshi (家庭教師) est certes plus pop mais s’inscrit quand même dans les meilleurs morceaux qu’elle ait écrit jusqu’à maintenant. Blood of Romance (ロマンスの血) ensuite est somptueux. Le morceau est plus symphonique et prend donc plus d’ampleur. On se laisse complètement accrocher par sa voix qui décroche un peu sur les fin de phrases et par la trame musicale ponctuée par des cuivres qui viennent taper comme des poings. Une vidéo qu’elle chorégraphie elle-même comme d’habitude est d’ailleurs sorti pour ce morceau il y a quelques jours. Elle était montrée en avant-première suite à une vidéo live sur YouTube où AiNA présentait ce nouvel EP. J’étais d’ailleurs connecté à ce moment là, par chance et par le hasard qui fait parfois bien les choses. Le dernier morceau Pechka no Yoru (ペチカの夜) est aussi très beau mais souffre forcément un peu d’être placé juste après Blood of Romance, du moins au début car il prend assez vite en ampleur émotionnelle lorsque les violons interviennent doucement. Le morceau est également intéressant par la manière par laquelle AiNA alterne ses voix d’une manière presque schizophrénique. Une voix douce et enfantine intervient à un moment du morceau avant de se transformer en éclats quelques secondes plus tard. J’aimais beaucoup son premier album (bien qu’inégal) dont j’ai déjà parlé et quelques morceaux sortis après, en général les plus dérangés, mais je trouve que ses morceaux sont au fur et à mesure de plus en plus aboutis et gardent une forte empreinte personnelle. Ce qui est également intéressant avec ce EP, c’est que je me force à ne pas trop l’écouter en boucle pour ne pas l’épuiser trop rapidement. Toujours est-il qu’elle sort ses nouveaux titres comme s’il y avait urgence car un nouvel album intitulé The Zombie est déjà prévu pour le 24 Novembre 2021, précédé par un autre EP de quatre titres intitulé Dead Happy qui sortira le 25 Octobre. Tout un programme.

no one knows how I live my life

Les titres en anglais des billets en noir et blanc sont tirés, comme c’est très souvent le cas, de paroles de morceaux de musique que j’écoute très souvent et dont il n’est pas toujours utile de préciser le titre tant il pourrait paraître évident pour les lecteurs assidus de ce blog. Ces extraits mystérieux ne correspondent pas souvent à mon état d’esprit du moment mais évoquent plutôt de manière certes très éloignée le contenu du billet. Les quatre photographies de ce billet sont prises en différents lieux dont certains hors de Tokyo, et certaines photos sont plutôt anciennes. Il me semble bien que les vagues sur la dernière photographie du billet ont été prises à Osaka.

Je me suis rendu compte une nouvelle fois en regardant la retransmission pseudo-live de Supersonic dimanche que je n’écoute plus beaucoup de nouvelles musiques occidentales, la seule exception récente étant quelques morceaux des écossais de Chvrches sur leur quatrième album Screen Violence, notamment les excellents Violent Delights et How not to Drown. Ce deuxième morceau en collaboration avec Robert Smith, que j’ai entendu sur la radio J Wave, est la raison pour laquelle je me suis penché une nouvelle fois sur la musique de ce groupe. De Chvrches, j’aime surtout la voix de Lauren Mayberry et les compositions qui accrochent immédiatement. J’avais par contre été déçu par leur collaboration avec Suiyoubi no Campanella il y a plusieurs années. Ce nouvel album semble être un retour aux sources (原点回避) bienvenu pour le trio, et ça me convient beaucoup plus.

Le nom de Vaundy m’est familier depuis quelques temps mais je ne savais pas vraiment quel genre de musique il composait. A vrai dire, je ne savais même pas s’il s’agissait d’un nom d’artiste ou d’un nom de groupe. Le morceau Tokyo Flash (東京フラシュ) que j’écoute beaucoup en ce moment est en fait sorti en Novembre 2019 et il s’agit de son premier single. Il a sorti une dizaine d’autres singles depuis et un album intitulé Strobo en Mai 2020. C’est le titre du morceau qui m’a d’abord attiré car il m’évoquait un peu King Gnu (le mot flash sans doute qui est un des titres du deuxième album de King GNU), puis la vidéo dans les rues de Tokyo où Vaundy (je pense que c’est lui) se déplace en laissant des traînées éphémères sur son passage. J’aime beaucoup sa voix que je comparerais à une version masculine de Iri. Je trouve en fait quelques ressemblances dans leurs voix. Le morceau Tokyo Flash est accrocheur dès le premier riff de guitare et la voix de Vaundy est à la fois forte et assurée, et en même temps un peu nonchalante sur les fins de phrases. Ce morceau est à la frontière des styles que j’écoute habituellement mais je trouve ce morceau très rafraîchissant.

Je me souviens après avoir écouté leur précédent morceau Hikari no Disco, souhaiter qu’ils continuent sur cette même vague rétro futuriste. C’est exactement ce que fait Capsule avec le nouveau single Future Wave à l’efficacité redoutable. Le morceau nous ramène vers les sons des synthétiseurs des années 80 mais comme remis au goût du jour. La vidéo du morceau montrant une voiture de course dans un jeu vidéo de type arcade, me rappelant Outrun mais,en 3D de l’époque PS1, nous fait revenir en arrière sauf que cette voiture finit par s’envoler dans les airs, matérialisant bien le côté rétro-futuriste du morceau. La voix de Koshiko est omniprésente ce qui est une très bonne chose car elle se marie tres bien avec ces sons électroniques. Il y a un petit quelque chose dans sa voix qui vient habilement adoucir les sons pourtant inarrêtables composés par Yasutaka Nakata. J’aimais déjà beaucoup Hikari no Disco mais Capsule dépasse là un seuil sonique sans pourtant tomber dans le poussif. Je me demande maintenant si Capsule est parti pour écrire un album entier dans ce style. Je pense bien continuer à les suivre si c’est le cas.

cause I don’t belong to anywhere

Continuons en noir et blanc près de la baie de Tokyo, sur les terrains gagnés sur la mer d’Odaiba. Près du centre commercial Diver City envahi par la jeunesse, le robot Gundam est toujours là fidèle au poste à attendre je ne sais quoi. Il reste immobile contrairement à la version plus récente construite à Yokohama, mais impressionne toujours autant les passants (et les enfants) dont je fais partie. Il me semble qu’il est différent de la version que je connaissais car je n’avais pas remarqué auparavant les lumières qui apparaissent à certains endroits de sa carcasse. A quelques pas de là, se trouve la Flamme de la Liberté (自由の炎), une statue de 27 mètres de hauteur, créée par le sculpteur français Marc Couturier et inaugurée en 2001. Elle est faite de bronze et d’aluminium doré à la feuille d’or. Elle a été érigée pour matérialiser l’amitié Franco-japonaise qui a été ponctuée à cette époque par l’Année du Japon en France en 1997-1998 et par l’Année de la France au Japon en 1998-1999. En face de Diver City, de l’autre côté de l’autoroute, je suis aussi toujours impressionné par les bureaux de la chaîne de télévision Fuji conçus par Kenzo Tange. Le building date de 1997 mais reste encore maintenant un des bâtiments les plus uniques de Tokyo. Ce qui m’impressionne le plus peut-être, à part la sphère, c’est la quantité d’espaces vides entre les piliers de la structure. J’imagine mal une construction actuelle dont la surface exploitable ne soit pas exploitée au maximum. L’aspect futuriste du building s’accorde en fait très bien avec le robot Gundam. La dernière photographie du billet change complètement de lieu puisqu’elle est prise à Shibuya, mais les formes irrégulières du Department Store Parco lui donne également un aspect futuriste qui s’accorde à mon avis bien avec le reste des photographies du billet.

Même si ce n’est pas systématique, j’écoute assez régulièrement les nouveaux morceaux de Kyary Pamyu Pamyu (きゃりーぱみゅぱみゅ) car j’y trouve assez souvent des choses que j’aime, que ça soit musicalement ou dans la manière par laquelle elle vient introduire dans son chant des petits quelques choses d’inattendu. Je pense m’être maintenant habitué à son ton de voix de telle manière qu’il ne devient pas un frein à mon écoute. Je n’aime pas toute sa musique mais j’avais beaucoup aimé son dernier album Japamyu et plusieurs morceaux plus anciens et emblématiques de son style musical. Je la trouve en fait authentique dans sa manière de dévier subtilement les symboles de la culture kawaii. Elle sort tout récemment un nouveau single intitulé Gentenkaihi (原点回避), comme toujours produit par Yasutaka Nakata (中田ヤスタカ), à l’occasion de ses dix années de carrière musicale. J’avais l’impression qu’elle était présente sur la scène musicale japonaise depuis plus longtemps que cela. C’est peut être sa voix inchangée, même si elle n’a plus les 18 ans de ses débuts, qui me donne l’impression d’un personnage immuable à l’abri des années qui passent et éternel symbole de la jeunesse de Harajuku et de l’image du Cool Japan que le pays a voulu mettre en valeur il y a plusieurs années. On ne peut pas nier que Kyary Pamyu Pamyu a fortement contribué à diffuser, comme une ambassadrice malgré elle, cette culture pop japonaise en dehors des frontières du pays. Ecouter ce nouveau morceau a soudainement nourri ces réflexions. Le titre du morceau fait référence à un retour aux sources mais la vidéo montre en contradiction, Kyary en train de courir pour fuir quelque chose. Elle est poursuivie par un immense noeud rouge qui a la particularité d’avoir une mâchoire et des dents de monstre. Là est le détail déviant que j’aime beaucoup. On a l’impression qu’elle essaie de fuir son passé qui finit toujours par la rattraper.

En écrivant ces lignes, je suis justement en train de regarder Kyary sur le streaming du festival Supersonic qui se déroule aujourd’hui (Dimanche 19 Septembre) et hier. Le streaming est exclusivement disponible sur l’application 17Live que j’ai installé pour l’occasion, mais la qualité vidéo est plus que moyenne, surtout quand on fait un mirroring de l’écran de l’iPhone sur une télévision HD. Le son est cependant acceptable avec quelques décrochages pas forcément très gênant. On apprécie en tout cas que la diffusion soit gratuite. Il s’agit en fait d’un live différé de quelques heures et certains groupes, comme Perfume ne sont bizarrement pas diffusés. Kyary a interprété sur la scène de Supersonic quelques uns de ses morceaux les plus connus, notamment les deux morceaux que je préfère, Invader Invader (2013) qui démarra le set et l’excellent Fashion Monster (2012) qui le conclut brillamment. A vrai dire, c’est la première fois que je vois un live en vidéo de Kyary. Le petit détail très mignon, c’est qu’elle ponctue chaque morceau d’un petit ‘Thank you’ dans un anglais légèrement japonisé. Elle interprète bien sûr son dernier single Gentenkaihi et une version remixée par Steve Aoki de Ninja Re Bang Bang, car Steve Aoki est également un des invités de Supersonic un peu plus tard dans la soirée. Ce qui est excellent d’ailleurs, c’est que Steve Aoki lui renvoie l’ascenseur en incluant lui aussi le remix de Ninja Re Bang Bang dans son set avec des images d’un concert de Kyary en arrière-plan. Le festival est dans l’ensemble très orienté EDM. Ce n’est pas le style musical que je préfère, mais je suis quand même très curieux. L’électronique de Steve Aoki est beaucoup trop poussive et directe pour moi, même si certains morceaux finissent par m’accrocher malgré moi. Par contre, l’imagerie qu’il construit autour de son personnage sur l’écran géant de la scène est très intéressant, et pousse même à sourire par moments. Il réutilise par exemple le passage du film Titanic où Leonardo De Caprio tient Kate Winslet par les bras pour faire l’oiseau à l’avant du navire. Dans cet extrait vidéo, Steve Aoki remplace les visages des acteurs par le sien, comme pouvait le faire Richard D. James sur les vidéos d’Aphex Twin a une certaine époque (celles réalisées par Chris Cunningham comme Come to Daddy ou Windowlicker). Je suis agréablement surpris de voir les allemands de Digitalism, sauf que Jens Moelle est seul à monter sur scène. Je n’ai pas écouté ce groupe électronique depuis plus de dix ans, mais j’avais énormément apprécié certains morceaux à l’époque. J’ai eu une larme à l’oeil en écoutant le morceau Blitz (sur le EP du même nom sorti en 2010) interprété sur la scène de Supersonic. Blitz est un morceau sublime alliant puissance (les basses) et subtilité (les légers tremblements de sons), comme j’en connais malheureusement peu dans le genre. J’en parlais brièvement il y a dix ans, mais je n’essayais pas beaucoup à l’époque de transmettre les émotions ressenties lors de l’écoute. Je n’ai malheureusement pas passé toute mon après-midi de dimanche devant l’écran de 17Live, mais ce que j’ai vu et entendu m’a pour sûr fait beaucoup de bien.

Le compte Twitter Mikiki, lié à Tower Records et spécialisé dans les revues et critiques musicales, me fait régulièrement découvrir de belles choses musicales. Cette fois-ci, c’est la compositrice et interprète (SSW comme on dit, pour Singer Song Writer) RöE (ロイ) que je découvre à travers un morceau très enthousiasmant intitulé YY. J’aime beaucoup la dynamique et l’intensité pop du morceau. La voix particulièrement engageante de RöE me plaît en fait vraiment beaucoup. Elle est très marquée et possède une puissance et une assurance qui nous entraînent sans faiblir. On a même beaucoup de mal à se sortir le morceau de la tête après l’avoir écouté, et on a sans cesse envie d’y revenir. Le morceau est utilisé comme thème d’ouverture du drama Hakojime (ハコヅメ〜たたかう!交番女子〜) avec Tsuyoshi Muro (ムロツヨシ), Erika Toda (戸田恵梨香) et Mei Nagano (永野芽郁), actuellement diffusé sur Nippon TV et basé sur un manga de Miko Yasu (泰三子). On regarde parfois ce drama d’un œil distrait mais comme on le prend en général en cours de route, je n’ai jamais entendu le morceau YY au générique de début des épisodes. RöE a en fait sorti un EP de six titres intitulé Warusa (ワルサ) contenant ce morceau YY. La qualité du EP me paraît plus inégale mais j’ai quand même envie de voir si d’autres morceaux m’accrochent. En écrivant ces lignes, je me rends compte que j’aime aussi beaucoup le quatrième morceau intitulé Violation dont la vidéo me rappelle un peu l’ambiance dérangée qu’on pourrait voir sur certaines vidéos de AiNA The End. L’ambiance y est beaucoup plus rock et agressive que YY qui est résolument pop. Ce morceau était également utilisé pour le thème d’ouverture d’un drama (décidément). Il s’agissait de Strawberry Night Saga (ストロベリーナイト・サーガ) sur Fuji TV avec Fumi Nikaidō (décidément) et Kazuya Kamenashi. RöE est définitivement une artiste à suivre, en espérant qu’elle continue à sortir des nouveaux morceaux dans l’esprit, certes très différents, de ces deux là.

no one knows the truth inside me

L’envie me reprend régulièrement de montrer des photographies en noir et blanc pour leur particularité d’intemporalité. Ce sont pourtant ici des photographies digitales récentes. J’ai toujours une pellicule en cours sur le Canon argentique, mais le rythme de progression est malheureusement d’une lenteur qui m’a fait oublié les photos que j’ai pu y prendre jusqu’à maintenant. Montrer des photographies en noir et blanc est aussi une occasion de s’arrêter et de regarder un peu en arrière dans les milliers de photos que j’ai pu prendre jusqu’à maintenant. Je trouve que le noir et blanc convient bien pour cette recherche de photographies plus anciennes car il atténue la temporalité. Elles auraient pu être prises hier comme il y a vingt ans. Et le noir et blanc va bien avec les paysages lumineux, avec le béton, avec certains genres d’architecture. Sur les deux premières photographies, nous sommes dans les montagnes de Hakone pendant la période froide du nouvel an, il y a plusieurs années. L’atmosphère de désolation qui se dégage du béton de la première photographie m’impressionne maintenant alors que j’avais laissé de côté cette photo à l’époque. Les photographies suivantes proviennent du sanctuaire Kashihara Jingu près de Nara et du temple Toyokawa Inari qu’on a visité beaucoup plus récemment. Mais l’idée du noir et blanc s’est aussi imposée en raison de la musique qui va suivre.

L’album The Invitation of the Dead de Tomo Akikawabaya est aussi étrange qu’il est fascinant. Je me suis posé la question de savoir si j’allais en parler sur ce blog, mais j’ai toujours parlé de toutes les nouvelles musiques que j’ai pu découvrir au fur et à mesure des années sans omissions volontaires. L’étrangeté de cet album dans le style darkwave ne vient pas tant des compositions musicales que de la voix et la manière de chanter de son interprète. J’ai toujours été intrigué par les manières inhabituelles de chanter, qui peuvent parfois aller jusqu’à des extrêmes tout en restant dans une certaine forme de grâce voire de délicatesse. La voix de Jun Togawa est un très bon exemple de cela et l’écoute de ses albums solo et des albums avec son groupe Yapoos avait provoqué en moi une longue fascination de plusieurs mois (qui me revient par cycles, certes à moindre dose, quand je réécoute ses morceaux maintenant). Il s’est également produit une sorte de fascination voire même une obsession envers cet album de Tomo Akikawabaya, peut-être parce qu’on sait peu de chose sur cet artiste mystérieux. Le nom de l’artiste, tout d’abord, est étonnant car Akikawabaya sonne japonais mais cette composition de syllabes est soit inexistante en japonais soit particulièrement bancale. Le véritable nom de cet musicien serait en fait Tomoyasu Hayakawa. L’album The Invitation of the Dead est sorti en 2015 sur le label new-yorkais Minimal Wave Records, mais je ne l’ai seulement découvert qu’il y a quelques semaines. Il s’agit en fait d’une compilation d’un album de 8 titres intitulé The Castle sorti en 1984, ainsi que d’un EP de 3 titres intitulé Anju sorti en 1985. La carrière musicale de Tomo Akikawabaya est courte (de 1983 à 1986). Il sort son premier morceau Mars en 1983, morceau qui sera ensuite inclu sur The Castle puis sur la compilation que j’écoute en ce moment. Son dernier opus est un EP de deux titres sorti en 1986 et intitulé Kojiki To Onna. Il n’est étrangement pas inclus sur la compilation. La sortie de cette compilation est de l’initiative du label Minimal Wave Records qui s’était mis en tête de retrouver la trace de cet artiste disparu subitement après avoir laissé derrière lui une musique intemporelle et obscure qui ne laisse pas indifférent.

The Invitation of the Dead démarre par un premier morceau instrumental de 12 minutes intitulé Rebirth. Les nappes électroniques plutôt minimales nous font entrer dans le domaine du rêve. Les premières notes évoquent un espace en désolation avant que ne démarrent les sons de synthétiseur sur des notes simples, répétitives mais étrangement non prédictives. Ces sons possèdent une beauté mystérieuse qui s’imprègne petit à petit dans notre inconscient et nous poussent à partir dans les songes, dans une forme de méditation peut-être. Ce premier morceau est parfaitement représenté par la photographie de couverture de l’album, prise par le photographe Alao Yokogi (横木安良夫). On y voit une femme à la beauté mystérieuse, vêtue de blanc et au visage blanchi, comme un ange sorti d’un paysage aride et mortuaire que je vois représenté par l’épave de bateau sur le rivage. J’y vois une dimension quasiment religieuse, celle d’une renaissance construite sur le chaos. Le morceau s’appelle d’ailleurs Rebirth (renaissance). Ce n’est à mon avis pas un hasard si le modèle qui pose sur cette photographie se nomme Ange (アンジュ). J’ai vu son nom écrit de cette manière en japonais mais son véritable nom est Rena Anju (安珠玲永) et elle se fait plus communément appelée Anju. Elle était pendant ces années là mannequin haute-couture et défilait à Paris (パリコレ) pour Kenzo, Jean-Paul Gaultier par exemple. Elle revient ensuite au Japon dans les années 90 pour devenir photographe et il s’agit de la profession qu’elle exerce encore maintenant. Ce qui est troublant, c’est que Anju est l’unique modèle qui pose sur toutes les couvertures des disques de Tomo Akikawabaya, sauf sur le dernier Kojiki To Onna qui a une couverture dessinée représentant une femme en kimono qui pourrait très bien représenter Anju. Un des EPs se nomme également Anju. Bien que les paroles des morceaux toutes en anglais soient difficiles à comprendre entièrement, j’ai lu quelque part qu’elle y serait souvent évoqué. Sur la photo de couverture d’albums, Anju porte une robe créée par Tomo Akikawabaya. Les relations entre les deux personnes sont mystérieuses mais on imagine bien que Anju était une inspiration primordiale de son œuvre musicale, une muse peut-être. On ne sait rien cependant des connections exactes qui existaient entre eux, ni s’il y a une quelconque relation avec la fin soudaine de sa carrière musicale. Toujours est il que l’on ne peut pas dissocier la musique de The Invitation of the Dead de l’image mystérieuse de Anju qui l’accompagne. Cette photographie de couverture intervient directement dans l’appréciation de la musique de l’album, ce qui est chose assez rare pour le noter. Anju apparaît également aux côtés d’autres artistes électroniques de l’époque et pas des moindres car elle est un des personnages principaux du film musical PROPAGANDA du Yellow Magic Orchestra (YMO) que j’ai regardé avec une curiosité interrogative. On la voit également en photo aux côté de Ryuchi Sakamoto à l’époque du YMO, sur une photo prise par le même photographe Alao Yokogi. Son compte Instragram montre d’ailleurs quelques autres photographies tirées de PROPAGANDA (1, 2, 3) ainsi qu’autres séries de photographies de Anju.

Image du modèle Anju extraite du film PROPAGANDA du Yellow Magic Orchestra (YMO).

Le deuxième morceau de l’album The Invitation of the Dead est le premier single Mars qu’il a sorti en 1983. Ce morceau contraste beaucoup avec le premier morceau instrumental de l’album car il est chanté par Tomo Akikawabaya, comme d’ailleurs tous les autres morceaux qui suivent. Sa manière de chanter est pour le moins particulière et en rebutera certainement beaucoup. On devine une poésie dans ses mots, quelque chose d’intime, d’existentiel et de désespéré certainement, mais la signification reste très obscure car difficilement compréhensible. Sa manière de chanter est aussi assez difficile à décrire, teintée de romantisme, entre parlé et envolée mélodique, ce qui donne une approche parfois un peu rugueuse qui vient contraster avec la fluidité musicale. L’ambiance des paroles est sombre tout comme l’est la composition musicale. Les morceaux se ressemblent beaucoup dans le sens où ils évoluent dans une continuité jusqu’à l’apogée du huitième morceau Sleeping Sickness (qui est également le dernier morceau de l’album The Castle). Sleeping Sickness est d’une beauté pénétrante, comme nombre de morceaux de cet album d’ailleurs. Les sons sont marqués des années 80 mais garde une certaine intemporalité. J’ai parfois le sentiment d’y trouver une ressemblance avec les musiques d’Angelo Badalamenti sur Twin Peaks (pourtant sorti bien après les albums de Tomo Akikawabaya) et, sans qu’il n’y ait de ressemblance musicale, cette musique m’évoque également Unknown Pleasure de Joy Division. J’y trouve peut-être une même force dévastatrice. Le morceau le plus difficile d’accès de l’album est très certainement Diamond, toujours en raison de son interprétation au chant. Il y a pour moi quelque chose d’entêtant dans ce morceau qui me pousse à y revenir sans cesse, une sorte d’addiction subtile qui se développe dans notre subconscient. Le final tout en restant minimaliste est tout simplement superbe de délicatesse, par sa propension à évoquer des émotions.

L’artiste Tomo Akikawabaya est mystérieux car on ne sait que peut de choses sur lui. Il a construit ses albums en comité très restreint, accompagné d’un seul ingénieur du son nommé Takaaki Han-ya. Il joue de tous les instruments, chante tout lui-même et a toujours enregistré tous ses disques dans le même studio, Bea Pot Studio tenu par le même Takaaki Han-ya. Ce studio serait apparemment toujours en activité dans une banlieue de Tokyo, dans la ville de Tama près de Fuchu en direction de Hachijōji. Tous ces disques sont sortis sur son propre label Castle Records, apparemment seulement en vinyles et il n’y a pas eu de parutions en CD. Les vinyles étant impossible à trouver d’occasion (en regardant par curiosité aux Disc Union et sur Mercari), sa musique était difficilement écoutable dans de bonnes conditions. La sortie de The Invitation of the Dead sur le label Minimal Wave est également uniquement disponible en vinyle pour ce qui est du format physique, mais l’album est également en vente sur Bandcamp et sur iTunes en version digitale. Les morceaux sur The Invitation of the Dead ont été remasterisés et sont apparemment plus fidèles à l’idée originale de l’auteur. On peut bien écouter l’album entier sur YouTube, ce que j’ai fait lors de ma première écoute avant de l’acheter sur Bandcamp en digital. La version YouTube est par contre un enregistrement à partir des vinyles et comprend de nombreux bruits parasites (que les amateurs aiment j’en suis sûr).

On sait peu de choses sur Tomo Akikawabaya car il ne donne tout simplement pas d’interview. En fait si, il y a quand même une excellente interview récente (datant de 2016) par un artiste électronique nommé Nao Katafuchi. On comprend qu’il a été important dans la mise en relation entre Tomo Akikawabaya et Minimal Wave Records pour la création de l’album The Invitation of the Dead. Cette interview est très instructive car on en apprend un peu plus sur Tomo Akikawabaya qui se fait désormais appeler Th (pour Tomoyasu Hayakawa, j’imagine), son passé et son activité musicale actuelle. Il est en fait encore actif à travers un projet appelé The Future Eve qui est une collaboration avec le musicien anglais Robert Wyatt autour d’un morceau intitulé Brian The Fox. Un album est sorti en Mars 2019 sur le label Flau et est disponible sur Bandcamp et iTunes sous le titre KiTsuNe / Brian The Fox. Je connais d’ailleurs ce label Flau, notamment pour les artistes électroniques Cuushe et Noah. On apprend que Th a été membre éphémère d’un groupe new wave / punk appelé Desperate Bicycles alors qu’il était étudiant en Angleterre, ce qui explique qu’il chante en anglais. Il évoque également un autre groupe créé avec le même ingénieur du son Takaaki Han-y’a, suite à Tomo Akikawabaya. Ce groupe prenait le nom Beata Beatrix, qui est également une peinture datant de 1870 par Dante Gabriel Rosetti mais aussi, d’une manière un peu plus anecdotique, le nom d’un groupe de rock gothique italien. On apprend que Th est aussi photographe, comme l’est devenue Anju, et qu’il possède un restaurant appelé Happy Mouth (nom inspiré de Robert Wyatt) dans la préfecture de Mie, dans la ville de Suzuka (三重県 鈴鹿市 加佐登1-12-5). En regardant le compte Instagram du restaurant, j’étais amusé d’y voir une photo de Cuushe du même label Flau, à une table du restaurant. Ce qui est intéressant de voir à travers cette interview et à travers d’autres articles publiés sur quelques blogs, c’est que cette musique provoque les passions, certes d’un nombre très restreint de personnes, mais provoque aussi le besoin d’en parler et d’écrire à son propos, ce que je fais à ma manière sur ce billet de blog. C’est souvent essentiel pour moi d’écrire et c’est certainement une manière personnelle d’être reconnaissant envers l’artiste qui se livre devant nous.