//tokyo/freeform/ep2

J’ai deux billets assez longs en cours d’écriture mais je n’ai pas trop le cœur aux longues écritures en ce moment. Je cherche donc à détourner ma propre attention avec des billets plus courts comme ceux de cette série freeform. Mais comme toujours, mes billets commencent petits mais grandissent plus que je ne l’aurais initialement souhaité. Il faut que je m’efforce à rester succinct. Depuis quelques semaines, j’ai repris les exercices physiques en salle de sport à un rythme de quatre fois par semaine, ce qui me laisse d’autant moins de temps pour l’écriture sur ce blog. La pratique d‘exercices physiques n’est pas source d’inspiration pour l’écriture, mais me devenait nécessaire tout comme ce blog peut l’être. Je ne sais toujours pas exactement quelle est la finalité de Made in Tokyo, mais je le découvrirais peut-être un jour comme une révélation. Il faut pourtant garder en tête qu’un blog reste éphémère et peut s’éteindre si je décide de ne plus payer les frais d’hébergement et de nom de domaine, qui sont en tout non négligeables, d’autant plus que j’ai pendant vingt-deux ans pris le parti de ne pas y intégrer de publicité. Mon questionnement sur la continuation de ce blog se pose d’ailleurs régulièrement au mois de Janvier lorsqu’il faut se décider à renouveler son hébergement. Made in Tokyo est devenu pour moi « too big to fail » dans le sens où j’y ai passé trop de temps pour pouvoir le clore sur un coup de tête. La relative confidentialité de Made in Tokyo me permet en tout cas de continuer sans influence extérieure et je sais qu’une trop forte affluence lui serait néfaste comme le sur-tourisme à Kyoto dont j’entends tant parler. Le sur-tourisme est le sujet préféré de ceux qui ne savent pas regarder ailleurs. Certaines et certains savent cependant regarder ailleurs en toute simplicité. A ce propos, je ne peux qu’encourager la lecture du blog de Sunalee qui nous fait part en ce moment de son voyage à Shimane et Hiroshima, des lieux que je ne connais pas encore. J’aime beaucoup son approche, d’écriture et photographique. J’y ressens un respect humble que je n’ai pas beaucoup lu ailleurs. Et elle nous parle souvent d’architecture sur ses pages, ce qui m’intéresse forcément beaucoup. Son billet le plus récent nous amène à Onomichi, un endroit que j’ai très envie de découvrir depuis quelques années, en fait depuis que j’ai écouté la musique de Meitei (冥丁) qui y vit. Il existe quelques blogs actifs parlant du Japon d’une manière intime et d’une grande qualité. Ils sont rares mais existent.

Je me passionne ces derniers temps pour le magazine AVYSS car il me parle de musiques que j’aime, et en particulier du nouvel EP de Dos Monos intitulé Dos Moons, sorti le 7 Mai 2025. « Junji Itō on the cover » nous rappe le groupe à la fin du premier morceau Gilda. L’illustration de la couverture du EP représentant une femme méduse est en effet signée par Junji Itō (伊藤潤二) et elle est superbe. Les quatre morceaux de Dos Moons sur cet EP sont polymorphes, complètement imprévisibles et mélangeant les genres dans un tourbillon souvent chaotique, comme ça pouvait être le cas sur leur album précédent Dos Atomos qui reste pour moi une sorte de monstre musical particulièrement prenant. Ce nouvel EP n’atteint pas les sommets de Dos Atomos, Hi no Tori par exemple, mais n’en reste pas moins dans la même veine artistique. Il faut se laisser entraîner dans ce tourbillon verbal, ce qui n’est pas forcément facile à la première écoute mais quand on arrive au dernier morceau Oz faisant intervenir du saxophone, on ne peut que se dire que Dos Monos sait brillamment jouer avec les ambiances et les sensations, dans un grand cirque qui n’est pas dénué d’humour. Cet humour là, la puissance des voix rappées du trio et la liberté complète et sans complexe des compositions musicales sont les éléments qui m’attirent à chaque fois chez Dos Monos. Je regrette vraiment d’avoir louper leur concert à Tokyo il y a quelques semaines, mais ça aurait fait un peu trop d’évènements pour ce mois de Mai.

Je continue ensuite avec le hip-hop mais dans des rythmes beaucoup plus cools et apaisés. Je retrouve la rappeuse 7 (Nana) accompagnée par le rappeur MIKADO sur un single intitulé Flyday sorti le 28 Mai 2025. Ces deux rappeurs font partie du groupe de Wakayama (和歌山勢), une jeune scène hip-hop se développant dans la préfecture de Wakayama. Écouter ce morceau me ramène du côté des plages de Shirahama que nous avions été voir l’année dernière et dont je garde un excellent souvenir. Dans le rap japonais, je connaissais le hip-hop de Kawasaki, avec notamment Bad Hop, mais le rap de Wakayama est une belle découverte. Le rap japonais étant un sujet de discussion avec mon fiston, je ne perds pas une occasion de faire de nouvelles découvertes même si ce n’est pas mon domaine de prédilection. En fait, je ne suis plus vraiment sûr d’avoir des domaines musicaux de prédilection et ça serait de toute façon idiot de se limiter à certains genres. Le problème qui s’en suit est que j’ai du coup beaucoup trop de nouvelles musiques à écouter et dont je voudrais parler sur ce blog. Je finis par perdre le fil de ce que j’ai écouté et aimé. Et dire qu’il y a de cela quelques années, je me plaignais de ne pas trouver de musiques japonaises intéressantes. Le Japon est un pays de musiques.

Hier soir, je me déplace exprès jusqu’à la librairie Tsutaya de Ginza6 pour rechercher un livre d’illustration d’Ayako Ishiguro (石黒亜矢子). Il y en a deux et je choisis celui regroupant la deuxième partie de la collection de ses œuvres (作品集其の弐). Je n’ai réalisé que récemment que cette artiste est en fait l’épouse de Junji Itō, et je me suis dit « Oui bien sûr! ». Ce n’est pas qu’il y a une ressemblance de style entre les deux artistes mais une même attirance pour l’étrange qu’il et elle arrivent à transmettre formidablement dans leur illustrations (formidable est étymologiquement emprunté au latin formīdābilis qui signifie formidable et terrible, et dérivé de formido signifiant peur, terreur, effroi). On sait que le couple aime les chats et ils sont souvent représentés dans les illustrations d’Ayako Ishiguro, mais sous la forme de dieux mythologiques. Un très grand nombre des dessins nous ramènent vers des légendes anciennes revisitées. Ces monstres de légendes sont censés nous faire peur mais ils n’en demeurent pas moins mignons et visuellement attachants. Cette dualité est très intéressante et, graphiquement parlant, ce petit livre d’environ 160 pages est vraiment superbe. J’adorerais voir des illustrations de cette artiste dessinées sur les parois coulissantes intérieures d’un temple, un peu comme les dragons du Ryōan-ji à Kyoto. La librairie Tsutaya de Ginza 6 est bien remplie en ce qui concerne les livres d’illustrations japonaises. On y trouve par exemple un grand nombre de livres de Takato Yamamoto, que j’avais découvert en même temps que la musique de Meitei (Notez que comme un chat, je retombe toujours sur mes pieds).

lakeside icecream fever

La Golden Week, qui semble déjà bien loin, nous a fait nous déplacer autour de Tokyo pour des courts voyages d’une journée, partant en général en fin de matinée pour revenir assez tard le soir. Partir en fin de matinée nous a évité la majorité des embouteillages mais revenir le soir reste pénible à toute heure de la journée et de la soirée. Au fur et à mesure des années, j’ai développé une résistance certaine à l’irritation des embouteillages, grâce notamment aux playlists préparées à l’avance qui rendent ces longs trajets un peu plus agréables.

Notre destination était la préfecture de Chiba. Après avoir traversé la baie de Tokyo en empruntant l’autoroute Aqualine, nous arrivons à Chiba par Kisarazu. Nous continuons un peu plus dans les terres sur l’autoroute Ken-O jusqu’au lac Takataki (高滝湖) à Ichihara. Nous avions repéré un restaurant établi dans le coin dans une ancienne maison en bois entièrement renouvelée. Nous avons cherché s’il y avait des hautes cascades autour du lac Takataki mais nous n’y avons trouvé qu’un barrage. Le nom des lieux semble donc être trompeur. Nous décidons d’aller visité l’Ichihara Lakeside Museum, que j’avais d’ailleurs déjà repéré alors que l’on passait dans le coin il y a plusieurs mois ou années. Le musée est placé au bord du lac Takataki, un peu perdu au milieu de la nature ce qui rend l’endroit particulièrement agréable. Le Ichihara Lakeside Museum a été inauguré en 2013 pour célébrer le 50e anniversaire de la ville d’Ichihara. Il s’agit en fait d’une rénovation d’un ancien site culturel nommé Ichihara City Water and Sculpture Hill qui avait ouvert ses portes en 1995. Kawaguchi Tei Architects (カワグチテイ建築計画), désignés suite à un concours d’architecture dirigé par Toyo Ito, a mené cette rénovation en dénudant le bâtiment d’origine de ses matériaux de finition pour ne conserver que la structure en béton. Les espaces de galeries ont été créés en utilisant notamment des plaques d’acier pliées. L’architecture brute du musée est très particulière et non-conventionnelle, comprenant de nombreuses pentes et escaliers, qui proposent un cheminement pour le visiteur. On y présente des expositions d’art contemporain, mais il y a également des ateliers pour les enfants et communautés locales. L’exposition du moment que nous avons donc été voir était dédiée à la ligne locale de chemin de fer Kominato Railway (小湊鉄道線). L’exposition est organisée à l’occasion du 100ème anniversaire de son inauguration en 1925. Cette petite ligne ferroviaire s’étend dans la ville d’Ichihara, de la côte Ouest de la péninsule de Bōsō jusqu’au terminus à Kazusa-Nakano dans la ville d’Ōtaki. L’exposition qui se déroule jusqu’au 15 Septembre 2025 montre les œuvres de divers artistes inspirés par cette ligne de chemin de fer qui est même considérée comme un trésor régional. On connaît l’amour des Japonais pour leurs trains et lignes de chemin de fer, et je peux très bien comprendre ce sentiment. Il se trouve que pendant que nous visitions cette exposition, le fiston empruntait lui cette même ligne pour rentrer plus tôt que nous, et éviter par la même occasion les embouteillages du retour. Outre l’exposition en cours, j’ai apprécié l’architecture qui était malheureusement assez difficile à prendre en photo. Dès l’entrée, on est accueilli par une étrange structure d’arbre à alvéoles appelée Heigh-ho par l’artiste KOSUGE1-16, de son vrai nom Takashi Tsuchiya. Sur le terrain devant l’entrée du musée, on ne peut que remarquer la structure de fer et de verre intitulée Just Landed (飛来) par l’artiste originaire de Sapporo, Katsuyuki Shinohara (篠原勝之). Il y a quelque chose qui m’impressionne dans cette structure datant de 1999, entre parallélisme, obliquité, fragilité du verre par rapport au fer, comme un équilibre fragile et éphémère, mais qui reste pourtant immuable depuis plus de vingt-cinq ans. Alternativement, on pourrait imaginer des blocs de glace censés nous rafraichir des fièvres estivales. Derrière cette structure, se trouve une grande pompe métallique témoignant de l’ancienne utilisation de cet espace.

J’ai finalement regardé sur NetFlix le film Ice cream Fever (アイスクリームフィーバー) que je voulais voir depuis longtemps, depuis la découverte du single Kōrigashi (氷菓子) de Kayoko Yoshizawa (吉澤嘉代子) qui sert de thème musical au film et après avoir aperçu quelques scènes du film lors d’une séance en plein air dans le parc Kitaya de Shibuya en présence du réalisateur. Le film a été réalisé par Tetsuya Chihara (千原徹也), directeur artistique et graphiste dont c’est le premier long-métrage, et est basé sur une nouvelle du même nom (アイスクリーム熱) de Mieko Kawakami (川上未映子). Je savais que j’allais aimé ce film car j’y devinais une grande liberté artistique et je n’ai pas été déçu, en constatant que le cinéaste a mis ses qualités de directeur artistique et de graphiste au profit de son cinéma, créant un objet cinématographique en dehors des conventions habituelles. L’histoire nous parle de personnes dont les destins s’entremêlent. Il y a Natsumi Tsuneda, interprétée par Riho Yoshioka (吉岡里帆), qui met de côté sa carrière dans le design pour devenir gérante d’une boutique de glace à Shibuya. La rencontre avec l’écrivaine Saho Hashimoto, jouée par Serena Motola (モトーラ世理奈) vient bouleverser son quotidien, ce qui laisse perplexe sa collègue Takako Kuwashima interprétée par Utaha (詩羽) de Wednesday Campanella. On suit également l’histoire de Yū Takashima, interprétée par Marika Matsumoto (松本まりか), qui voit également sa vie perturbée par l’arrivée de la fille de sa sœur Miwa, interprétée par Kotona Minami (南琴奈 ). Elle est venue jusqu’à sa tante pour y trouver une aide dans la recherche de son propre père disparu. On également le plaisir de voir à l’écran Kom-I et Kayoko Yoshizawa jouer des petits rôles dans le film. Les deux chanteuses de Wednesday Campanella sont donc réunies dans ce film mais n’ont pas de scène ensemble. Le film a été en grande partie tourné à Ebisu, ce qui fait pour moi partie du plaisir de visionnage car c’est un quartier que je connais très bien. La boutique de glace nommée dans le film SHIBUYA MILLION ICE CREAM près de la station d’Ebisu est en fait le petit café Sarutahiko Coffee, qui est le premier de cette chaîne établie en Juin 2011. On reconnaît également certains lieux comme le parc Tako (タコ公園) à quelques dizaines de mètres du café.

En fait je me suis souvenu qu’il fallait que je vois ce film sorti en 2023 après avoir finalement acheté le livre photographique BACON ICE CREAM du photographe Yoshiyuki Okuyama (奥山由之). C’est un photographe que j’apprécie depuis longtemps notamment pour son approche de la lumière et j’avais l’intention d’acheter ce livre en particulier sans pourtant me décider. J’ai trouvé une réédition récente (la première édition date de 2015) à la grande librairie Maruzen de Marunouchi en face de la gare de Tokyo. J’y passe régulièrement, souvent en coup de vent pour le plaisir de naviguer parmi les rayons. J’avais feuilleté ce livre mais je me suis décidé de l’acheter que le lendemain en revenant exprès dans cette librairie. Pour ce qui est des livres de photographies, j’ai à chaque fois le besoin de mûrir ma décision d’achat, ce qui peut parfois prendre plusieurs mois, mais je ne regrette ensuite pas (Pour Bacon Ice Cream, il m’aura fallu 6 ans). Ce livre est magnifique. Il y a assez peu de portraits mais j’aime beaucoup la manière par laquelle la lumière qu’il saisit vient leur voler la vedette. Les photographies sont parfois abstraites, empruntes d’un quotidien stylisé sans le vouloir. Avec Okuyama, un verre de lait à la fraise renversé dans un café devient magnifique. En fait, un peu comme pour certaines séries de photographies de Kotori Kawashima (川島小鳥), je trouve dans l’oeuvre photographique de Yoshiyuki Okuyama une grande musicalité. C’est très certainement ce qui me parle beaucoup. Cette recherche de la musicalité résumerait même presque tout ce qui m’attire dans diverses formes artistiques. Il y a quelques mois, j’avais découvert un autre livre dans cette même librairie Maruzen. Il s’agit d’un recueil d’illustrations intitulé Guinea Mate publié en Janvier 2025 par l’artiste Gakiya Isamu (我喜屋 位瑳務). Je connaissais en fait cet illustrateur à travers ses dessins pour le groupe PEDRO d’Ayuni D, et j’avais même failli acheter le t-shirt du concert auquel j’avais assisté l’année dernière. Le t-shirt montrait une de ses illustrations mais j’avais été découragé par la file d’attente. Guinea Mate est le premier recueil publié de l’auteur. Il est conçu comme une sorte de bible avec 24 commandements et conseils de vie très personnels. Chaque illustration montre une vision décalée entre fantaisie et étrange, avec l’intervention fréquentes de monstres à la fois mignons et inquiétants. Les illustrations sont pour la plupart basées sur une même jeune fille aux cheveux verts qui semble avoir appris à vivre avec ses tourments, certainement grâce aux conseils de son illustrateur. Gakiya Isamu nous montre un petit monde intime mystérieux qu’on s’amuse à explorer tout en s’interrogeant sur les maux de ce monde.

SR EXPO’24

Lorsque j’ai une heure à perdre dans les quartiers d’Ebisu, Naka-Meguro ou Daikanyama, je passe souvent faire un tour à la grande librairie Tsutaya Daikanyama T-Site. L’heure ou la trentaine de minutes que j’y passe n’est jamais perdue car j’y découvre souvent des choses intéressantes et c’est justement ce qui me fait y revenir. La librairie contient deux petits espaces d’exposition dans le bâtiment central près du grand escalier, avec des expositions renouvelées très régulièrement. Je feuillette également les magazines mais il m’arrive également de seulement traverser les rayons en regardant les couvertures, du côté de l’architecture, des arts graphiques, de la photographie, entre autres. Une partie d’un des trois bâtiments a été converti à l’étage en espace partagé de travail et j’y vais donc beaucoup moins souvent. J’avais un peu plus de temps devant moi cette fois-ci et je me suis donc aventuré vers ce troisième bâtiment, si on peut qualifier d’aventure ouvrir une porte automatique d’une grande librairie.

C’était une bonne idée car j’y trouve au rez-de-chaussée la série de tous les numéros du magazine Daibenkyo (大勉強), magazine culturel semestriel consacré à la culture de la région de Hokuriku. Le magazine est publié par une boutique spécialisée nommée PHAETON, située dans la ville de Kaga dans la préfecture d’Ishikawa. Le numéro 5 sorti le 13 Février 2023 montrait Sheena Ringo en couverture. Je n’avais pas pu l’acheter à sa sortie car sa distribution devait être limitée mais je me suis rattrapé cette fois-ci en voyant ce numéro ainsi que plusieurs autres présentés sur une table dans un coin du Tsutaya. Je l’ai d’abord feuilleté pour constater que l’interview de Sheena Ringo était courte et les photos l’accompagnant assez peu nombreuses, mais j’ai été convaincu par le reste du magazine, notamment par une série de photographies prises par Rinko Kawauchi (川内倫子) et par un petit article évoquant la princesse Kukurihime. J’y ai vu un signe car j’avais écrit récemment un texte imaginaire, se déroulant dans le sanctuaire de Samukawa, évoquant cette même princesse historique. Le magazine nous parle de son histoire et accompagne l’article d’une série de photographies donnant une représentation moderne de Kukurihime sous les traits d’une jeune femme aux cheveux longs et blonds. La représentation imaginaire que j’en avais fait était un peu différente et ressemblait vaguement à l’actrice Nana Komatsu. En plus de la beauté de ses pages qui m’a finalement convaincu de l’acheter, ce magazine m’a rappelé au fait que je n’avais toujours pas fini d’écrire mon billet sur le concert de Sheena Ringo auquel j’ai assisté le 21 Novembre 2024. Au moment de commencer son écriture, j’avais fait comme un bloquage, intimidé en quelques sortes par la lourdeur de la tâche, ayant le sentiment qu’il y a tant de choses à en dire et à écrire. Mon compte rendu du concert Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常) de 2023 au Tokyo International Forum m’avait pris en tout quatre billets, et j’ai eu beaucoup de mal à me faire à l’idée d’en écrire autant. J’ai donc mis cette écriture de côté pendant plusieurs mois jusqu’à maintenant, en pensant finalement que rien ne sert d’en écrire trop.

Ma place pour le concert de Sheena Ringo pour sa tournée Ringo EXPO’24 ((生)林檎博’24), sous-titrée Economic Recovery (ー景気の回復ー) était réservée depuis plusieurs mois mais les places exactes dans la grande arène du Saitama Super Arena (さいたまスーパーアリーナ) n’ont été annoncées que le jour avant la séance. J’ai assisté au concert du Jeudi 21 Novembre 2024 à 19:00. Il s’agissait de mon troisième choix. La loterie pour l’achat des places a décidé pour moi. La tournée nationale des arènes Ringo EXPO’24, accompagnant la sortie du dernier album Hōjōya (放生会), s’est déroulée en dix dates dans tout le pays, en démarrant le 5 Octobre à Aomori pour une date, continuant à Niigata le 20 Octobre et au grand hall du château d’Osaka pour deux dates les 29 et 30 Octobre. La tournée continuait le mois suivant, à Shizuoka le 7 Novembre, au Saitama Super Arena pour trois dates les 21, 23 et 24 Novembre, puis Fukui le 29 Novembre et un final le 15 Décembre 2024 au Marine Messe de Fukuoka. On aurait pu penser que cette grande tournée en solo se terminerait à Saitama, tout près de Tokyo, mais Ringo a préféré la terminer dans sa ville d’origine. C’est la première fois que j’assistais à une concert ou évènement dans la grande arène du Saitama Super Arena qui peut contenir jusqu’à 37000 personnes. Difficile à dire s’il y avait en effet ce nombre de personnes dans la salle, mais toutes les places semblaient occupées et c’était impressionnant de voir autant de monde réuni. La dernière tournée des arènes avait eu lieu en 2018 pour Ringo Expo’18.

J’avais pris une journée de congé ce jour là. Comme pour le concert Shogyōmujō, je suis d’abord parti me procurer le sceau goshuin d’un sanctuaire. C’était celui d’Atago la dernière fois et c’est celui du sanctuaire Hikawa à Shibuya cette fois-ci. Je ne sais pas trop pourquoi l’idée m’est revenu en tête de me procurer un goshuin pour marquer cette journée, mais je me suis dit que ça pourrait devenir une tradition. Je suis arrivé tôt dans l’après-midi à la station de Shintoshin où se trouve Saitama Super Arena, car je voulais passer par la boutique de la tournée imaginant que certains articles seraient rapidement en rupture de stock. Il était possible de commander en ligne à l’avance mais pour une période limitée. Tellement limitée en fait que je n’ai même pas eu la possibilité d’y commander quoique ce soit, la boutique en ligne affichant un laconique “checking stock” à chacune de mes tentatives de connexion. Ceci a nourri mon envie de venir tôt et malgré cela, certains articles étaient déjà en rupture de stock. Je me suis tout de même procuré le petit drapeau indispensable, un t-shirt à l’effigie de la tournée et un badge. J’aurais voulu me procurer un autre t-shirt montrant le fidèle guitariste Yukio Nagoshi, guitare à la main et vétu d’un yukata blanc dans une atmosphère à la fois japonisante et fantomatique, mais il n’y avait déjà plus ma taille. Je ne suis apparemment pas arrivé assez tôt. J’ai en contrepartie eu beaucoup de temps pour faire le tour de la grande arène qui a une architecture grandiose surplombée d’un immense cadre s’illuminant progressivement au fur et à mesure que la nuit avance. J’aime aussi observer les autres spectateurs, ceux faisant des efforts certains pour s’habiller à la mode de cette tournée ou en ressortant des anciens goods des tournées précédentes de Sheena Ringo ou de Tokyo Jihen. On y retrouve par exemple systématiquement le jogging blanc et rouge de la tournée Ultra C de Tokyo Jihen. On trouve dans le public tous les âges, certains semblant être des fans de la première heure ayant pris de l’âge en même temps que leur idole, d’autres semblant être des fans beaucoup plus récents. Je m’amuse en regardant certains petits groupes de fans, avec parfois des tenues coordonnées, se prenant en photos à tour de rôle.

Les quelques heures ont finalement passé vite, et on se dirige tranquillement vers une des grandes entrées de l’arène. Plusieurs files d’attente se créent et nous font entrer sans encombre. A l’entrée, plusieurs bouquets de fleurs nous accueillent. L’un d’entre eux est offert par le groupe Buck-Tick, ce qui me surprend un peu et me ravit en même temps. Sheena Ringo et feu Atsushi Sakurai (櫻井敦司) de Buck Tick avaient interprété ensemble le morceau Kakeochi-sha (駆け落ち者) pour l’album Sandokushi (三毒史) et Ringo avait repris le morceau Uta (唄) de Buck-Tick. A côté, un bouquet est au nom du directeur créatif Michihiko Yanai (箭内道彦). J’avais déjà parlé de son magazine musical Kaze to Rock (風とロック) créé en 2005 et qui a montré Ringo en couverture plusieurs fois. Il n’est pas étonnant de trouver un bouquet au nom du groupe SOIL& »PIMP » SESSIONS qui a déjà accompagné Ringo, mais j’ai été agréablement surpris de voir un bouquet au nom du comédien Bakarism (バカリズム). Le fait que le comédien soit originaire de Fukuoka explique peut-être le lien. Toujours est-il que j’aime beaucoup les dramas qu’il crée, comme son dernier Hot Spot qui vient de se terminer, et dont j’ai déjà parlé ici. Peut-être qu’un jour, il donnera un second rôle à Ringo. Je la verrais très bien en actrice et je pense qu’elle le sait très bien elle-même, mais elle se dévoilerait peut-être trop. Et à propos de cinéma, je ne suis pas trop surpris de voir également un bouquet au nom de l’actrice Fumi Nikaidō (二階堂ふみ). J’avance ensuite à petits pas dans les couloirs arrondis de l’arène jusqu’à la porte donnant accès à la zone où se trouve mon siège. Je ne suis pas placé trop loin de la scène, sur le côté droit et dans la première moitié en hauteur. C’est une meilleure place que lors du concert au Tokyo International Forum. On dirait que je me rapproche progressivement de la scène même si le positionnement des places doit être le fruit d’un hasard calculé. Je dis cela car j’imagine, sans en être certain, que les places réservées aux membres du fanclub dont je fais partie doivent être prioritairement situées vers l’avant. Je suis dans les premiers à m’asseoir sur ma rangée, ce qui me donne le temps de regarder la grande salle se remplir progressivement. La fosse noire n’est pas encore occupée par les 25 musiciens formant l’orchestre mené par Neko Saito (斎藤ネコ). Pendant l’attente avant le début du concert, sont diffusés exclusivement des morceaux du musicien Big Yuki qui avait participé au single Watashi ha Neko no Me (私は猫の目).

Pour cette tournée, outre Neko Saito et son orchestre, Ringo s’est entourée de fidèles dont Yukio Nagoshi (名越由貴夫) à la guitare, Ichiyō Izawa (伊澤 一葉) aux claviers, Keisuke Torigoe (鳥越 啓介) à la basse et Shun Ishiwaka (石若駿) à la batterie. Nagoshi et Torigoe sont systématiquement présents à ses tournées récentes, mais Shun Ishiwaka, ex Millennium Parade réputé comme étant un des meilleurs batteurs japonais du moment, est devenu depuis le dernier concert un nouveau fidèle. Retrouver Ichiyō Izawa sur scène était une excellente surprise et pourrait presque relancer les suppositions sur un futur hypothétique nouvel album de Tokyo Jihen. Ichiyō Izawa a en tout cas participé à plusieurs morceaux de l’album Hōjōya (放生会).

La formation complète de 30 musiciens accompagnant Ringo prend une nouvelle fois pour cette tournée le nom de « The Mighty Galactic Empire », comme pour Ringo Expo 18 et 14. Cet album comprenant beaucoup de duo avec d’autres artistes féminines, tout le suspense était de savoir qui serait présent sur scène. Je le savais un peu à l’avance, car même si les secrets étaient bien gardés, quelques informations avaient circulé sur la présence d’Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) de Tricot, DAOKO et Momo (もも) de Charan Po Rantan (チャラン・ポ・ランタン) sur des dates précédant celles de Saitama. Elles étaient bien toutes les trois sur scène pour accompagner Ringo, mais je ne pensais pas qu’elles seraient autant présentes. Je ne cache pas mon bonheur de voir sur scène Ikkyu et DAOKO en duo avec Ringo, les suivant déjà depuis plusieurs années en sachant leur attirance pour la musique de Sheena Ringo. À vrai dire, ce n’est pas la première fois que DAOKO intervient sur une tournée de Sheena Ringo car elle était déjà présente sur la tournée précédente sur grand écran pour la version remixée par Shinichi Osawa du morceau Ishiki (意識). Les autres artistes ayant participé au dernier album, comme Nocchi (のっち) de Perfume, AI, Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ) et Utada Hikaru (宇多田ヒカル) n’étaient malheureusement pas présentes lors du concert. Je m’en doutais très fortement pour Utada Hikaru, mais j’aurais vraiment aimé voir soudainement Nocchi débarquer sur scène (bien que je sois très loin d’être un amateur de la musique de Perfume). Au niveau des invitées, il n’y avait en fait pas de différences entre les séances à Saitama et celles des autres viles de la tournée.

Sheena Ringo a interprété en tout 27 morceaux incluant deux dans les rappels. Il y avait bien sûr un grand nombre de morceaux tirés du dernier album Hōjōya (放生会), dix morceaux en tout, tandis que le reste était tiré des albums précédents avec une majorité de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処) qui reste l’album préféré des fans. Le concert ouvrait sur un morceau de l’album Sandokushi (三毒史), Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚), et c’est un des seuls tirés de cet album, avec le magnifique TOKYO qu’elle jouera à mi-concert. Par rapport au concert précédent au Tokyo International Forum, les effets sur scène étaient beaucoup plus impressionnants avec plusieurs écrans géants. Certaines cinématiques montrant des moines boudhistes apparaitre pour lancer de leurs mains d’immenses lasers traversant la salle étaient impressionnantes. L’avantage de ces écrans est qu’ils donnent par moments une vue plus précise de ce qui se passe sur scène, car même si je n’étais pas très loin de la scène, on ne distingue pas toujours exactement tout ce qui s’y passe. Ce genre de salle permet également des effets d’entrée en scène, Ringo descendant sur scène par une petite nacelle au début du concert. Si mes souvenirs sont bons, cette nacelle descendait d’une sorte d’ovni, Ringo devenant donc un personnage sidéral. Ce genre d’effets visuels n’est pas vraiment indispensable mais produit tout de même son effet sur le public, qui est comme hypnotisé de la voir arriver du haut de l’arène dans une longue robe rouge, avec des cheveux blonds et portant un rouge à lèvres rouge vif (le Shiseido modèle 417 bien sûr). Elle a bien sûr changé de très nombreuses fois de tenues pendant le concert, mais j’ai préféré les tenues plus originales et décalées de sa tournée précédente. Il n’y avait rien de vraiment marquant cette fois-ci et le passage où elle était habillée en sirène dans sa coquille était un peu trop kitsch pour moi. C’était le moment que j’ai le moins apprécié. Voir Ringo en kimono noir interpréter le morceau Closed Truth (茫然も自失) était par contre un moment mémorable, tout en étant assez classique de ce qu’on peut attendre d’elle. Ce passage m’a fait apprécier ce morceau comme étant l’un de mes préférés du dernier album. Surtout que juste après, Ikkyu vient rejoindre Ringo sur scène pour interpréter Offering sake (ちりぬるを), habillée d’un même kimono noir et d’une coupe de cheveux très similaire. Le mimétisme est assez impressionnant même si Ikkyu est un peu plus grande que Ringo. C’est la première apparition d’Ikkyu sur scène lors de ce concert mais ce n’est pas la dernière car elle reviendra ensuite pour interpréter un morceau plus ancien, Jiyū e Michizure (自由へ道連れ) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処). On pouvait voir clairement la jubilation d’Ikkyu d’interpréter ce morceau devant un public de 37,000 personnes. J’ai eu par moment un peu de mal à distinguer Ringo d’Ikkyu, et c’était même un peu perturbant. Mais quel plaisir de les voir ensemble sur scène, surtout que leur joie était visible sur scène.

Il y avait un clin d’oeil amusant, si on peut dire, pour le morceau Yokushitsu (浴室) de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ), car Ringo tenait à la main un couteau comme lors du concert Ringo Expo’08. Elle a interprété plusieurs morceaux de Tokyo Jihen, ce qui était une bonne surprise. Il n’est pas rare qu’un ou deux morceaux de Tokyo Jihen se glissent dans ses concerts, mais il y en avait trois cette fois-ci: Eien no Fuzai Shōmei (永遠の不在証明) du mini-album News, Himitsu (秘密) de l’album Adult (大人) et le plus récent Inochi no Tobari (命の帳) de l’album Music (音楽). Le concert comprenait quelques reprises comme TOUCH (タッチ) de Yoshimi Iwasaki (岩崎良美). Le surprise était de voir DAOKO entrer sur scène pour chanter ce morceau. Elle reviendra ensuite pour le duo du morceau A triumphant return (余裕の凱旋), qui est un des morceaux de l’album Hōjoya que j’aime beaucoup réécouter. Ringo et DAOKO sont habillées d’une manière charmante, de la même tenue que lors de leur passage télévisé. Parmi les reprises, il y avait également celle d’un morceau du groupe APPA (あっぱ), intitulé Gipsy (ジプシー). APPA est le groupe d’Ichiyō Izawa, qui était donc sur scène au côté de Ringo pour l’interpréter. Pendant le passage instrumental Bōenkyō no Soto no Keshiki (望遠鏡の外の景色), tous les membres du groupe et de l’orchestre de Neko Saito formant « The Mighty Galactic Empire » sont présentés dans une vidéo les montrant dans les coulisses. Il s’agit également d’un clin d’oeil à un des précédents concerts, car ce type de présentation très cinématographique avait déjà été utilisé. L’autre très grande surprise pour moi était la reprise du morceau MOON du groupe REBECCA (レベッカ) sur leur album Poison. Je parle assez souvent de ce morceau sur ce blog car je l’écoutais avant de venir vivre au Japon. Ringo avait en fait déjà mentionné dans une émission télévisée qu’elle appréciait ce morceau donc cette reprise est finalement assez logique. Il n’empêche que ça fait plaisir d’entendre Ringo chanter ce classique, même si rien ni personne ne peut remplacer la voix si particulière de Nokko. Au début du concert, Ringo a chanté un morceau que je ne connaissais pas, Uchu no Kioku (宇宙の記憶), qu’elle a écrit et composé pour Maaya Sakamoto (坂本真綾). C’est un très beau morceau à l’ambiance jazz qui possède l’indéniable marque de fabrique de Sheena Ringo, surtout que SOIL&“PIMP”SESSIONS fait l’interprétation musicale. Je persiste à penser qu’elle devrait sortir un album purement jazz, avec une instrumentation minimale, genre un quartet. Lors des concerts de Sheena Ringo, il a toujours un manque. Elle ne parle en effet que trop peu au public, et cette fois-ci, elle a fait parler sa fille par un message audio, tout comme pour le concert Tōtaikai (党大会).

Momo de Charan Po Rantan est la troisième invitée du concert et elle apparaît sur scène vers la fin pour son duo festif sur Cheers beer (ほぼ水の泡). Le moment particulièrement exaltant du concert est de voir ensuite Momo, Ikkyu Nakajima, DAOKO accompagner Ringo sur le morceau Watashi ha Neko no Me (私は猫の目). Elles tournent toutes les quatre sur scène, accompagnées des deux danseuses SIS qui étaient également présentes sur la tournée précédente. Là encore, leur joie d’être sur scène est très communicatif, matérialisant cette deuxième partie de concert plus festive, principalement centrée sur les morceaux de l’album Hōjōya. Le concert se termine finalement sur les rappels avec 1RKO (初KO勝ち), qui est un des succès commerciaux de cet album, puis le morceau Chichinpuipui (ちちんぷいぷい), de l’album Hi Izuru Tokoro, que j’imagine toujours comme un hymne à Ringo. J’imagine tout à fait ce morceau avoir été conçu pour les concerts. Au final, je n’avais plus l’effet de surprise sur ce concert par rapport au précédent, même si assister à un tel spectacle dans une salle aussi énorme est une surprise en soi. Difficile de dire si j’ai préféré ce concert là au précédent. Celui-ci était certes plus grandiose mais je pense avoir préféré l’ambiance générale de Shogyōmujō, peut-être parce qu’il se passait dans une salle plus petite. Ceci étant dit, les images que l’on pouvait voir sur les écrans géants étaient souvent impressionnantes, et le final montrant Sheena Ringo comme une androïde désossée dans un paysage urbain apocalyptique était tout à fait étonnant. Il y a un thème de science fiction en fil rouge de ce concert car, comme je le mentionnais au dessus, les premières images montraient une sorte d’ovni dont descendait Ringo en chantant sa chanson pour Maaya Sakamoto sur la Mémoire de l’Univers (宇宙の記憶), et un chat noir robotisé géant accompagnait également certains des derniers morceaux. Ce genre d’effets rend particulièrement bien dans une grande salle. Pour ceux intéressés, des rapports de ce concert ont été écrits sur certains sites musicaux et on peut trouver les liens sur une page dédiée sur le site Kronekodow.

Pour référence, je note ci-dessous la setlist du concert du Jeudi 21 Novembre 2024 de la tournée Ringo EXPO’24 ((生)林檎博’24) – Economic Recovery (ー景気の回復ー) de Sheena Ringo, au Saitama Super Arena:
1. Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚) de l’album Sandokushi (三毒史)
2. Uchu no Kioku (宇宙の記憶), écrit et composé par Sheena Ringo pour Maaya Sakamoto (坂本真綾)
3. Eien no Fuzai Shōmei (永遠の不在証明) du mini-album News de Tokyo Jihen
4. Shizuka Naru Gyakushū (静かなる逆襲) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
5. Himitsu (秘密) de l’album Adult (大人) de Tokyo Jihen
6. Yokushitsu (浴室) de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
7. Inochi no Tobari (命の帳) de l’album Music (音楽) de Tokyo Jihen
8. TOKYO de l’album Sandokushi (三毒史)
9. Bye Purity (さらば純情) de l’album Hōjōya (放生会)
10. Adult Code (おとなの掟), de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
11. MOON, de l’album Poison, reprise du groupe REBECCA (レベッカ)
12. Arikitarina Onna (ありきたりな女) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
13. A procession of the living (生者の行進), de l’album Hōjōya (放生会)
14. Gipsy (ジプシー), reprise du groupe APPA (あっぱ)
15. As a Human (人間として), de l’album Hōjōya (放生会)
16. Bōenkyō no Soto no Keshiki (望遠鏡の外の景色) de la compilation Gyakuyunyū: Kōwankyoku (逆輸入 ~港湾局~)
Présentation des membres du groupe (メンバー紹介)
17. Closed Truth (茫然も自失), de l’album Hōjōya (放生会)
18. Offering sake (ちりぬるを) avec Ikkyu Nakajima, de l’album Hōjōya (放生会)
19. FRDP (ドラ1独走), de l’album Hōjōya (放生会)
20. TOUCH (タッチ) avec DAOKO, reprise du morceau de Yoshimi Iwasaki (岩崎良美)
21. Seishun no Mabataki (青春の瞬き), de l’album Gyakuyunyū: Kōwankyoku (逆輸入 ~港湾局~)
22. Jiyū e Michizure (自由へ道連れ) avec Ikkyu Nakajima, de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
23. A triumphant return (余裕の凱旋) avec DAOKO, de l’album Hōjōya (放生会)
24. Cheers beer (ほぼ水の泡) avec Momo, de l’album Hōjōya (放生会)
25. Watashi ha Neko no Me (私は猫の目) avec Momo, Ikkyu Nakajima, DAOKO, de l’album Hōjōya (放生会) 
Rappels (アンコール)
26. 1RKO (初KO勝ち), de l’album Hōjōya (放生会)
27. Chichinpuipui (ちちんぷいぷい), de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)

aux portes du mystérieux manoir de Sekiguchi

Je marche sous le ciel gris et le temps pluvieux en direction de Waseda avec l’idée de visiter une ancienne maison dans laquelle a vécu le poète haïku Matsuo Bashō (松尾芭蕉) pendant trois années à partir de 1677, pendant la période Edo. Bashō y a séjourné alors qu’il participait aux travaux de rénovation de l’usine hydraulique de Kanda. Cette maison a ensuite été renommée Sekiguchi Bashoan (関口芭蕉庵). Elle est située au bord de la rivière Kanda dans le quartier de Sekiguchi de l’arrondissement de Bunkyo, au pied des jardins de Chinzanso (椿山荘) où se trouve l’hôtel du même nom. Je suis en fait venu une première fois en Septembre mais l’entrée était malheureusement fermée, ce qui ne m’a pas empêché de prendre quelques photographies des alentours, notamment de la cathédrale Sainte Marie de Tokyo, un des chef d’oeuvre de Kenzo Tange, que je montrerais dans un autre billet. Un mariage y avait lieu et les photographies étaient par conséquent interdites à l’intérieur. Je suis finalement revenu vers Sekiguchi Bashoan plus d’un mois plus tard pour retenter ma chance. La porte coulissante en bois n’est toujours pas ouverte mais il n’y a pas de petit écriteau indiquant une fermeture. Un groupe de dames sortent au moment même où je m’interrogeais si l’entrée est possible. Je reconfirme avec elles qu’il n’est à priori pas impossible de rentrer à l’intérieur, même si elles ne sont pas les gardiennes des lieux. Le fait qu’elles soient rentrées me permet à priori d’entrer à l’intérieur à mon tour. On ne peut malheureusement pas pénétrer à l’intérieur de la maison de Matsuo Bashō. On peut seulement parcourir le jardin composé d’un étang et on a vite fait le tour des lieux. Ça tombe bien car le gardien vient me prévenir que le jardin va fermer dans cinq minutes. Son insistance par sa présence près de la porte coulissante d’entrée fait que je ne traîne pas en route. Une des raisons pour lesquelles je suis venu jusqu’ici est que j’espérais apercevoir le domaine du manoir Shōuen (蕉雨園) qui est adjacent à Sekiguchi Bashoan. Ce manoir très spacieux n’est malheureusement pas visible depuis la maison de Bashō, mais seulement depuis une étroite rue piétonne en pente nommée Munatsuki (胸突坂). Il a été construit en 1897 et était la propriété du comte Mitsuaki Tanaka (田中光顕), ministre de la Maison Impériale à l’époque Meiji. L’entrée est fermée et un haut mur de pierre ne permet d’entrevoir qu’une partie des dépendances du domaine qu’on imagine vaste. On devine une grande demeure au milieu du terrain, derrière les arbres. Les lieux sont actuellement la propriété de la maison d’édition Kōdansha (株式会社講談社). En 1919, Mitsuaki Tanaka donna ce manoir à Jiemon Watanabe (渡辺治右衛門), président de la banque du même nom qui fit faillite pendant la dépression de Showa. Le fondateur de Kōdansha, Seiji Noma (野間清治), acheta ensuite ce manoir et le terrain de 6000 tsubo (environ 2 hectares) en 1932. Kōdansha n’ouvre malheureusement pas les portes du domaine Shōuen au public. Il est seulement utilisé pour des événements spécifiques ou des tournages de drama.

Je m’intéresse à ce manoir car il a été utilisé pour une fantastique série de photographies de Sheena Ringo pour le magazine Sony Gb d’Avril 2003, publié peu de temps après la sortie de son album Kalk Samen Kuri-no-Hana (加爾基 精液 栗ノ花) le 23 Février 2003. J’aurais adoré visiter cette demeure dont on peut voir dans le magazine certaines salles et le jardin pris en photo par Yasuhide Kuge (久家靖秀). Ce numéro de Gb contient une interview de Sheena Ringo qui revient principalement sur l’album KSK, mais ce sont surtout ces photographies qui sont marquantes. Ringo est habillé d’un kimono noir en adéquation avec le dernier morceau de l’album Sōretsu (葬列) pour cortège funèbre et le titre de ce magazine Sōrei (葬礼) pour funérailles. Ce magazine contient une des plus belles séries de photos de Sheena Ringo que je connaisses mais il faut bien se faire une raison, il n’y a que peu de chance que le manoir Shōuen soit ouvert un jour au public. Je me contenterais donc des quelques photographies du magazine.

Ce magazine Gb d’Avril 2003 était précédé d’un autre très beau numéro datant de Mars 2003. Celui-ci s’appelle Shūgen (祝言) pour félicitations. Les photographies sont également de Yasuhide Kuge (久家靖秀) mais je ne suis pas certain qu’elles aient été prises au même endroit que l’épisode du mois d’Avril. Les photographies se concentrent sur le kimono que porte Ringo et sur son visage. Sur certaines des photographies, elle est accompagnée par un homme en kimono, ce qui laisse penser à une mise en scène de mariage. Cet homme est Kazuhiro Momo (百々和宏), guitariste et chanteur du groupe MO’SOME TONEBENDER (モーサム・トーンベンダー), originaire de Fukuoka comme Ringo. Au sein du groupe Bakeneko Killer (化猫キラー) créé pour l’occasion, Kazuhiro Momo jouait de la guitare sur le premier morceau Shūkyō (宗教) et le onzième et dernier morceau Sōretsu (葬列) de l’album Kalk Samen Kuri-no-Hana (KSK). Tout en me promenant autour de la demeure, j’écoute bien entendu cet album pour me mettre dans l’ambiance de ces séries de photographies que je garde très clairement en mémoire. Je feuillette régulièrement ces deux magazines que je m’étais procuré il y a quelques années. Le numéro de Mars 2003 est consacré au single STEM (茎) et au film Hyaku Iro Megane (百色眼鏡) réalisé par Shuichi Bamba (番場秀一) qui précédaient l’album KSK. Je ne dirais pas que j’ai appris beaucoup de nouvelles choses en parcourant l’interview de ce magazine, mais il m’a en tout cas donné envie de revoir le film. Il y est noté que la pièce principale dans laquelle apparait Sheena Ringo est parfaitement symétrique, comme peuvent l’être l’agencement des titres sur l’album ou la durée totale de l’album (44:44). J’ai également été surpris de lire qu’une des scènes, celle dans un cinéma, a été tourné au Tokyo Kinema Club (東京キネマ倶楽部) près de la station d’Uguisudani. Je connais cet endroit très particulier et d’une autre époque, car le concert Unō Sanō (右脳左脳) de Tricot et de PEDRO auquel j’ai assisté le 10 Mai 2024 s’y déroulait. C’est une coïncidence intéressante. J’ai également cherché à savoir où se trouvait la maison de style occidental de l’actrice Kaede Katsuragi, interprétée par Koyuki. On ne trouve aucune information dans les crédits du film, mais quelques recherches sur Internet et sur Google Maps m’ont permis de découvrir cette demeure située dans le quartier d’Horiuchi (堀内) à Hayama dans la préfecture de Kanagawa. Il s’agissait à l’époque d’une résidence privée, mais cette vieille maison est maintenant utilisée comme restaurant pour des fêtes de mariage, sous le nom de R・CASA (リ・カーサ). Je connais Hayama pour y être allé de nombreuses fois, mais je ne pense pas avoir déjà vu cette maison. En tout cas, le concert Ringo Expo’24 un peu plus tard ce mois-ci me donne envie de ma replonger vers des éléments de l’univers de Sheena Ringo que je n’avais pas encore fouillé. C’est un petit plaisir d’OTK dont je ne me lasse définitivement pas.

飲み込んで東京

Les rues que je montre sur les photographies de ce billet sont bordées d’architecture mais je n’en connais pas toujours l’architecte. Je me dis en prenant les deux premières photographies du billet que c’est une bonne idée de laisser des passants intégrer le cadre même si leurs mouvements parfois incontrôlés car non-linéaires m’obligent à réagir vite, ce qui n’est pas toujours mon fort. Mon temps de réflexion prend malheureusement souvent le dessus sur celui de l’instinct. Ce type de composition apporte une dynamique un peu différente. Le bâtiment blanc de forme massive sur la deuxième photographie me fait penser à une forteresse imprenable. Les fines fenêtres ressemblant à des meurtrières de château fort renforcent cette impression. La forme coupée à l’oblique de sa base donne une certaine élégance à l’ensemble et vient laisser un peu de place pour un étroit bassin dans lequel court un filet d’eau. Cette forme oblique et le petit cours d’eau apportent une certaine délicatesse qui vient adoucir l’impression massive de l’ensemble. Il s’agit du building des éditions Shogakukan (小学館ビル) à Jimbocho, conçu par Nikken Sekkei (日建設計).

Même sous la chaleur intenable de l’été, je marche en ce moment beaucoup pendant les week-ends, au point où j’ai tendance à oublier le parcours que j’ai suivi, ces photographies datant déjà d’il y a plusieurs semaines. La troisième et la cinquième photographie me rappellent que je suis passé par Hitotsubashi. On traverse à cet endroit la rivière Nihonbashi (日本橋川) qui diverge de la rivière Kanda un peu plus haut et vient se déverser dans la rivière Sumida après être passée sous le fameux pont Nihonbashi. Cette rivière a le malheur d’être presqu’entièrement recouverte par l’autoroute circulaire métropolitaine. Un jour peut-être, elle retrouvera un ciel. À Hitotsubashi, juste à côté de la station de métro Takebashi, se dressent les 9 étages du Palaceside building conçu par l’architecte Shoji Hayashi pour les quartiers généraux du journal Mainichi Shimbun. Je le montre sur la cinquième photographie prise depuis le bord des douves du Palais Impérial. La dernière photographie est prise dans un tout autre endroit car il s’agit de Minami Azabu. Je suis souvent passé devant cet élégant bâtiment de verre, sans savoir qu’il s’agissait de l’architecture de Tadao Ando. L’oeuvre d’art disposée au dessus de l’entrée est vraiment étrange. Je n’en connais pas l’artiste mais j’ai lu quelque part qu’il s’agirait probablement d’un hommage au Saut dans le vide d’Yves Klein. Derrière les parois de verre et de béton de ce bâtiment appelé Yuan (游庵), se cache un musée privé contenant la collection d’art contemporain du constructeur Obayashi Corporation. Ce musée n’est pas ouvert au public et on ne sait donc pas ce qu’il contient exactement, mais on y trouverait apparemment des œuvres d’Olafur Eliasson et de Tokujin Yoshioka, entre autres. Cet endroit reste bien mystérieux et on n’en saura pas beaucoup plus tant que ce musée restera fermé au public.

Je ne pensais pas me lancer dans la collection d’anciens magazines musicaux japonais abordant Sheena Ringo, mais on dirait bien que j’ai posé un pied dans cette direction en trouvant soudainement sur Mercari le fameux numéro du mois de Mars 2000 du magazine Sony Music Gb montrant en couverture Sheena Ringo marchant dans les rues d’Ueno en robe de mariée. Ces photographies prises par Meisa Fujishiro sont particulièrement iconiques et je n’ai pu m’empêcher de l’acheter dès que je l’ai vu en vente. Le magazine n’est pas vraiment facilement trouvable et en général beaucoup plus cher que le prix auquel je l’ai trouvé. Le numéro contient 20 pages de photographies à Ueno et 4 pages d’interview par Yuichi Hirayama, couvrant la sortie récente simultanée des deux singles Tsumi to Batsu (罪と罰) et Gips (ギブス) le 26 Janvier 2000, deux mois avant la sortie de son deuxième album Shōso Strip. Il y a d’ailleurs une publicité pour ces deux singles en double page dans le magazine. La série de photographies en robe de mariée se déroule principalement dans le parc d’Ueno et dans la rue commerçante Ameyoko (アメ横). Quand elle était plus jeune, Sheena avait un petit boulot dans un magasin de disques d’Ameyoko et nous dit dans l’interview être passée voir son ancien patron pendant la prise des photos. Je pense qu’une des photos a d’ailleurs été prise dans ce magasin de disques. L’interview ne donne pas d’explication sur le fait qu’elle porte une robe de mariée, mais nous parle assez longuement des deux nouveaux singles: Tsumi to Batsu et Gips. Elle nous explique que Gips est un morceau assez ancien car elle l’a écrit quand elle avait 17 ans, tandis que Tsumi to Batsu est plus récent. Comme elle l’expliquait également dans son émission Etsuraku Patrol, Sheena a d’abord joué ces morceaux en concert l’année précédente (en 1999) et avait même demandé au public d’écrire à la maison de disques pour faire pression pour sortir Tsumi to Batsu en single. Il semble que l’idée de Toshiba EMI était plutôt de sortir Gips en single en Janvier 2000, après Honnou (本能) sorti en Octobre 1999. Elle a finalement obtenu ce qu’elle souhaitait car le morceau est sortie en single en simultané avec Gips. Elle nous dit dans l’interview qu’elle avait d’abord un avis un peu partagé sur son morceau Gips mais que les arrangements de Seiji Kameda lui ont donné un nouvel attrait qu’elle ne soupçonnait pas. Elle insiste beaucoup dans l’interview sur la venue de Kenichi Asai (aka Benji) de Blankey Jet City pour l’enregistrement de la partie guitare de Tsumi to Batsu, le 13 Juillet 1999. Elle lui a apparemment adressé une lettre de fan quelques mois plus tôt pour lui demander de jouer sur ce morceau en insistant bien sur le fait qu’il n’y a que lui qui pourrait jouer dessus. Il faut se rappeler que Sheena est une fan excessive (et même maladive) de Benji à cette époque. Lire Sheena dans cette interview quand elle parle avec enthousiasme de Benji est particulièrement intéressant et amusant. Benji semble avoir accepté assez facilement son offre, car ça transparaît assez clairement qu’ils s’apprécient mutuellement. Sheena le décrit souvent comme une personne qui vit sa musique plutôt qu’il en joue. Elle le dit quelques fois à cette époque mais elle a une passion proche du fétichisme pour les guitaristes, mais l’histoire ne raconte pas jusqu’où ça va. Sur Tsumi to Batsu, je n’avais pas réalisé que les sifflements à la fin du morceau étaient aussi ceux de Kenichi Asai et qu’ils sont différents, plus longs et accentués, sur la version single par rapport à la version de l’album. Dans les crédits sur le livret du single, Sheena mentionne « 恰好良い電気式ギターと歯笛 » (belle et cool guitare électrique et sifflements entre les dents) à côté du nom de Kenichi « Benji » Asai. Je ne connaissais pas cette méthode du sifflement entre les dents plutôt qu’entre les lèvres. Une autre anecdote est que pendant cette session d’enregistrement, Seji Kameda qui assure la basse en plus de la production, Kenichi Asai et Masayuki Muraishi à la batterie se rendent compte qu’ils sont tous les trois du même signe astral chinois, celui du dragon (ils sont tous les trois nés en 1964). Cette coïncidence leur fait dire, en plaisantant très certainement, qu’ils devraient par conséquent monter un groupe. En continuant cette plaisanterie, l’interviewer ajoute qu’ils auraient pu s’appeler les Dragons. Ceci me fait me rendre compte que je suis du même signe chinois qu’eux, mais plus jeune d’un cycle.

L’interview aborde également les morceaux en B-side, notamment Σ sur le single Gips, qu’elle a déjà joué auparavant en concert pendant sa tournée universitaire Manabiya Ecstasy (学舎エクスタシー). Hisako Tabuchi du groupe Number Girl y joue de la guitare. Sheena precise dans Le magazine qu’elles sont amies depuis longtemps (Number Girl est aussi originaire de Fukuoka). Sheena l’appelle même Chako chan (チャコちゃん) dans l’interview (bien qu’elle soit de trois ans son aînée). Sheena lui aurait demandé du jour au lendemain de jouer sur ce morceau ce qu’elle aurait tout de suite accepté. Hisako serait venue en train le lendemain jusqu’à l’appartement de Sheena pour ensuite partir toutes les deux vers le studio. Elle ne le dit pas, bien sûr, dans l’interview mais il est possible qu’elle habitait à Okachimachi (御徒町) à cette période là, lieu qui est d’ailleurs proche d’Ueno et Ameyoko. L’enregistrement de Σ aurait seulement demandé quelques prises ce qui aurait surpris Hisako car elle est habituée aux enregistrements de Number Girl prenant beaucoup plus de temps. Sheena nous donne ce genre de petits détails et anecdotes dans l’interview. En lisant l’interview, j’imagine très bien sa voix nous expliquant tout cela, celle de l’époque, pleine d’une sorte d’excitation et d’énergie un peu naïve de la jeunesse. Sur le même single Gips, j’adore la reprise du morceau Tokyo no Hito (東京の女) du groupe The Peanuts sorti initialement en 1970. J’avais d’ailleurs récemment repris les dernières paroles de ce morceau comme titre de billet. Le morceau 17 présent sur le single Tsumi to Batsu est également ancien, car elle l’a écrit au lycée alors qu’elle venait d’avoir 17 ans. Elle nous dit que les paroles sont restées inchangées depuis cette époque, à part quelques mots qu’elle a remplacé alors qu’elle était en homestay à Londres. C’est à peu près à cette période qu’elle décide de quitter le lycée. Elle a écrit les paroles en anglais car elle appréciait beaucoup la chanteuse Janis Ian à cette époque. L’anglais donne une impression très mature à son chant sur ce morceau (c’était d’ailleurs ce qu’indiquait Ikkyu Nakajima à propos de ce morceau lors d’une interview ). L’autre morceau du single Tsumi to Batsu, Kimi no Hitomi ni Koi shiteru (君ノ瞳ニ恋シテル), est également chanté en anglais car il s’agit d’une reprise du morceau Can’t Take My Eyes Off You écrit par Bob Crewe et Bob Gaudi pour le chanteur Frankie Valli en 1967. Dans l’interview, Sheena nous dit qu’elle aimait en fait chanter la version du chanteur anglais Engelbert Humperdinck. L’interviewer aborde les paroles du morceau Gips en disant qu’elles ont quelque chose d’effrayant, ce qui me rappelle qu’elles font référence à Kurt Kobain en mentionnant directement les prénoms de Kurt et Courtney et en évoquant l’arrivée du mois d’Avril comme un mauvais souvenir (c’était le mois de son suicide en 1994). Sheena a écrit ce morceau un an après sa mort, quand elle avait 17 ans.

L’interviewer Yuichi Hirayama pose ensuite la question du prochain album Shōso Strip qui n’est pas encore sorti au moment de l’interview mais qui sortira dans quelques mois. Elle ne donne en fait pas le titre de l’album dans cette interview mais donne seulement les initiales SS, tout en indiquant qu’il vient après Muzai Moratorium qui avait les initiales MM. Elle ne l’indique pas clairement dans l’interview mais suggère une logique dans le choix des noms d’albums à travers les initiales choisies. Je me demande s’il ne s’agit pas de M pour Masochisme et S pour Sadisme, car on sait qu’elle utilisait souvent ce dernier qualificatif à son propos au début de sa carrière. La suite est plus mystérieuse car elle indique que MM et SS à eux deux font 24 morceaux (11 sur Muzai Moratorium et 13 sur Shōso Strip) et ça a l’air de beaucoup la satisfaire. Elle explique à l’interviewer qu’elle aime les maths et que pour elle, 24, c’est « ハッサンニジューシ » ou à l’inverse « サンパニジューシ ». L’interviewer, un peu perdu dans cette explication, lui dit qu’il ne comprend pas ce qu’elle veut dire et change donc rapidement de sujet. J’aurais bien aimé écouter une version audio de cette interview à ce moment particulier d’incompréhension. Je me suis aussi demandé ce qu’elle voulait dire. J’ai vite compris que « ニジューシ » correspond à 24, le nombre total de morceaux des deux albums, mais pourquoi « ハッサン » pour 83 et « サンパ » pour 38… Ne trouvant pas d’explications logiques, je fais appel au fiston qui, lui, comprend très vite que ça correspond à 8 multiplié par 3 (ハッサン) ou 3 multiplié par 8 (サンパ). Il s’agit apparemment d’un moyen mnémotechnique pour se souvenir des tables de multiplication. Le mystère est peut être résolu mais ce qui m’intéresse quand même beaucoup, c’est que Sheena accorde une importance certaine à ce genre de chose pour ses albums. Ce détail mathématique vient compléter certaines des propriétés arithmétiques et géométriques de l’album Shōso Strip (symétrie des morceaux, durée de 55mins 55sec) que l’on connaît déjà. L’interview ne fait que quatre pages mais il est riche en information, dont un grand nombre que je ne connaissais pas. J’aime surtout les petites anecdotes qui permettent de mieux comprendre la construction d’un morceau qu’on a déjà beaucoup écouté et qui permettent de l’écouter ensuite avec une oreille un peu différente. Le problème qui découle de ce genre de lecture est que j’ai bien peur d’être parti pour rechercher d’autres anciens magazines de cette époque. En attendant, j’irais bien faire un petit tour dans les rues d’Ueno, à Ameyoko, pour voir si j’y trouve la trace du vendeur de disques dans lequel elle aurait travaillé.

Je partage ci-dessous une petite playlist de 8 morceaux à l’esprit rock, se composant exclusivement de morceaux intitulés Tokyo ou 東京. Les trois images ci-dessus sont extraites des vidéos YouTube de trois des morceaux de cette playlist: De haut en bas, PEDRO, Kinoko Teikoku (きのこ帝国) et Kuwata Keisuke (桑田佳祐).

1. Tokyo par SCANDAL
2. 東京 (Ewig Wiederkehren) par Haru Nemuri (春ねむり)
3. 東京 par Kinoko Teikoku (きのこ帝国)
4. 東京 par PEDRO
5. 東京 par Quruli (くるり)
6. TOKYO par Sheena Ringo (椎名林檎)
7. 東京 par Yazawa Eikichi (矢沢永吉)
8. 東京 par Kuwata Keisuke (桑田佳祐)

Allez savoir pourquoi, l’idée m’est soudainement venue de construire une playlist avec uniquement des morceaux de musique japonaise dont le titre est Tokyo (ou 東京). En fait, il y a un morceau de Keisuke Kuwata (桑田佳祐) prenant ce titre que j’écoute régulièrement, une fois de temps en temps quand l’envie me prend soudainement. Il est sorti en 2002 et je me souviens l’avoir acheté en digital peu de temps après sa sortie. Je n’ai pourtant aucune attirance pour la musique de Keisuke Kuwata ni pour celle de son groupe Southern All Stars (サザンオールスターズ), bien qu’il me soit déjà arrivé plusieurs fois quand j’étais plus jeune de chanter en groupe le morceau Tsunami de Southern All Stars. Ce morceau était extrêmement populaire à sa sortie le 26 Janvier 2000 (tiens, le même jour que la sortie de Gips et Tsumi to Batsu). Tokyo de Keisuke Kuwata m’a beaucoup impressionné dès la première écoute, notamment en raison de sa manière de chanter très lente et insistante. Ce morceau accompagnerait bien un film noir avec une histoire d’amour compliquée, car je lui trouve une ambiance de passion toute cinématographique. Le morceau n’a pas, à ma connaissance, été utilisé pour un film mais Kuwata dit lui même de ce morceau qu’il a une atmosphère de drama à suspense (サスペンスドラマ的な雰囲気). Réécouter ce morceau m’a rappelé que j’ai dans ma librairie iTunes plusieurs morceaux prenant le titre de Tokyo, et m’a donc donné envie de faire une petite playlist. On trouve bien entendu dans cette playlist le morceau TOKYO se trouvant en position centrale sur le dernier album de Sheena Ringo, Sandokushi. C’est un de mes préférés sur l’album. L’intensité du chant et la beauté impressionnante de la partition de piano y sont pour beaucoup. Le titre de ce billet est en fait la dernière phrase des paroles de ce morceau. Tout comme sur Tokyo no Hito (東京の女), le morceau se termine sur le mot Tokyo s’allongeant longuement pour évoquer peut être la taille gigantesque de cette ville. Ma playlist est très variée mais a quand même clairement une tendance rock. Elle démarre par un morceau du groupe de filles, originaires d’Osaka, SCANDAL. Le Tokyo de SCANDAL est plein d’une énergie puissante en guitares mais conservant une certaine légèreté dans son approche très pop. Je ne connaissais pas vraiment ce groupe et je découvre ce morceau récemment. Je m’étais toujours dit qu’il s’agissait d’un groupe monté de toute pièce, mais en fait non, les quatre membres de SCANDAL se sont en fait rencontrées au lycée et ont commencé leur carrière musicale en jouant des live de rue avant de se faire rapidement remarquer par un label de rock indé. Le morceau qui suit dans ma playlist est 東京 (Ewig Wiederkehren) par Haru Nemuri (春ねむり). Il est beaucoup plus sombre et introspectif. J’avais déjà parlé de cette version de ce morceau, légèrement différente de l’originale, lorsque je l’avais découvert, il y a quelques années de cela. Il y a dans ce morceau une tension musicale et vocale très forte et prenante, brute et instinctive surtout dans sa deuxième partie et sur le final. Je me demande rétrospectivement si ce n’est pas le morceau que je préfère de Haru Nemuri, peut-être plus que les morceaux de Haru to Shura. J’y trouve une intensité émotionnelle que je ne retrouve pas dans les derniers morceaux qu’elle compose. Ce morceau me rappelle tout l’enthousiasme que j’éprouvais pour la musique de Haru Nemuri à sa découverte. 東京 par Kinoko Teikoku (きのこ帝国) est également un morceau rock indé chargé d’émotions. Je le découvre également récemment alors que j’avais beaucoup écouté les premiers albums du groupe, notamment Eureka, que j’avais déjà évoqué sur ce blog. Chiaki Satō, qui mène le groupe au chant et à la guitare, est une de ces interprètes qui vivent la musique avec passion. On le ressent également sur ce morceau qui est le premier de l’album Fake World Wonderland sorti en 2014. Le 東京 qui suit est interprété par le groupe PEDRO, composé entre autres d’Ayuni D de BiSH à la basse et au chant et d’Hisako Tabuchi à la guitare électrique. J’ai déjà parlé de PEDRO ici. Je n’aime pas tous les morceaux du groupe mais celui-ci me plaît beaucoup. Une des conditions est d’accepter la voix d’Ayuni qui part volontiers vers les aigus. J’aime beaucoup l’atmosphère rock du morceau et les petits sursauts de voix d’Ayuni à la fin des refrains. 東京 par Quruli (くるり) est également un morceau dont j’ai déjà parlé sur Made in Tokyo alors que je découvrais l’album Sayonara Stranger (さよならストレンジャー) sorti en 1999. Comme je l’évoquais précédemment, ce morceau évoque le départ de sa ville natale pour aller vivre à Tokyo en laissant une personne aimée derrière soi. C’est ce qu’on appelle le jōkyō (上京), le départ vers Tokyo, en japonais. Il faut noter que tous les groupes, compositeurs, compositrices et interprètes de cette playlist ont fait ce départ vers Tokyo, ce qui explique certainement ce besoin de prendre Tokyo comme thème d’un morceau. Quruli est par exemple un groupe originaire de Kyoto. SCANDAL, je le mentionnais vient d’Osaka. Haru Nemuri est originaire de Yokohama. Chiaki Satō de Kinoko Teikoku vient de la préfecture d’Iwate. Ayuni D de PEDRO est originaire de Sapporo tandis qu’Hisako Tabuchi vient de Fukuoka, tout comme Sheena Ringo. Keisuke Kuwata est né à Chigasaki dans la préfecture de Kanagawa, tandis que Yazawa Eikichi (矢沢永吉) est originaire d’Hiroshima. Je n’ai pas encore évoqué Yazawa Eikichi dont le morceau Tokyo, datant de 1993, fait également partie de ma petite playlist. Yazawa Eikichi est un monstre sacré au Japon fêtant tout récemment ces 50 années de carrière musicale. Il n’est pas rare d’apercevoir dans tout le Japon des voitures ou des camions décorés d’autocollants du logo de Yazawa. A vrai dire, je n’ai pas l’habitude d’écouter sa musique, mais j’ai tout de suite été saisi par celle-ci. Comme pour le morceau de Keisuke Kuwata, on y ressent une atmosphère cinématographique. Le Tokyo de Yazawa Eikichi a en fait été utilisé pour un drama policier. Je ne suis pas sûr de poursuivre l’écoute avec d’autres morceaux de Yazawa Eikichi, mais j’aime beaucoup le fait que cette petite série prenant pour titre Tokyo, m’a ouvert quelques nouveaux horizons.