君が僕の東京になる

Il m’arrive rarement de boire de l’alcool le midi le week-end (et encore moins les jours travaillés) car je ne sais jamais si l’occasion de conduire se présentera dans la journée et la tolérance est à zéro au Japon. Mais l’occasion se présente de temps en temps, comme ici à Kamata près de la station lors d’un festival appelé tout simplement Oishii Michi (おいしい道) avec tables et stands posés sur la rue avec diverses choses à manger et à boire. La météo était idéale pour passer quelques heures assis dehors sans compter les heures en se laissant emporter par une légère ivresse. Du coup, cette légère ivresse me fait voir des choses inattendues comme des camionnettes vendant des nikuman recouverts de filles à la mode manga poussant les esprits faibles à la consommation, ou comme ces étranges personnages colorés se faisant photographier avec une population enjouée. Sont-ils réels ou issus de mon imagination?

Les photographies suivantes sont prises à l’extérieur et intérieur du musée National Art Center Tokyo (NACT) conçu par Kisho Kurokawa et dont la construction a été terminée en Mai 2006. Kisho Kurokawa est mort l’année suivante, en 2007 au mois d’Octobre à l’âge de 73 ans. Je me souviens l’avoir aperçu plusieurs fois marchant lentement et même péniblement dans le couloir du 13ème étage du building Ark Mori à Tameike Sanno, car je travaillais à cette époque au même étage. J’y repense à chaque fois que je viens voir le building du musée NACT. J’étais venu pour voir l’exposition Interface of Being (真空のゆらぎ) de l’artiste Shinji Ohmaki (大巻伸嗣) qui s’y déroule jusqu’au 25 Décembre 2023 et qu’il serait dommage de manquer. Elle m’avait en tout cas beaucoup inspiré dans l’écriture de mon billet sur les fluctuations du vide qui nous entoure. Ce building est pour sûr très inspirant et nous donne plein d’images en tête. Il doit compter dans la liste des architectures les plus remarquables de Tokyo.

La dernière photographie du billet me fait revenir une nouvelle fois dans le parc central de Nishi-Shinjuku où ont été tournées de nombreuses scènes du film Kyrie no Uta (キリエのうた) du réalisateur Shunji Iwai (岩井俊二) dont une des scènes finales. Je garde encore maintenant de très bons souvenirs de ce film, que j’ai très envie de revoir, même si ça sera désormais sur les plateformes de streaming comme Netflix ou Amazon Prime. Je m’assois plusieurs dizaines de minutes à l’endroit où j’ai pris cette photo. Il y a quelques bancs posés dans la verdure depuis lesquels on peut observer au loin les buildings de Nishi-Shinjuku, notamment la très reconnaissable Mode Gakuen Cocoon Tower de Tange Associates.

J’ai mentionné dans un précédent billet qu’il fallait que je trouve un peu de temps pour aller voir l’exposition Revolution 9 du photographe Takashi Homma (ホンマタカシ) se déroulant jusqu’au 24 Janvier 2024 au Musée de la photographie à Yebisu Garden Place. L’exposition occupe plusieurs salles d’un étage du musée mais ne contient pas un nombre très conséquent d’oeuvres. Le prix du billet d’entrée plutôt réduit pour ce genre d’exposition me laissait en effet présager qu’on devait en faire assez vite le tour. Les photographies de Takashi Homma montrées lors de cette exposition sont toutes autant singulières qu’elles sont inspirantes. La plupart des œuvres sont composées de collages de plusieurs photographies prises au même endroit, mais sans soucis directs de faire des raccords parfaits entre les photographies, pour donner l’illusion d’une photographie gigantesque. Les décalages de tons et de couleurs sont souvent marqués entre deux photographies posées les unes à côté des autres. C’est une approche assez radicale de l’expression photographique, qui m’inspire dans le sens où j’aime de temps en temps également triturer mes photographies pour construire une nouvelle réalité. Du photographe, j’ai toujours en tête le photobook Tokyo and my Daughter que je ne possède pas dans ma librairie personnelle mais auquel je pense de temps en temps, car il m’avait inspiré à une certaine époque où je m’essaie d’une manière similaire à mélanger des photos de ville et d’architecture avec celles de mon fils étant tout petit. L’exposition Revolution 9 est très différente et est même déroutante, car de nombreuses photos sont par exemple positionnées en sens inverse. Le titre de cette exposition serait inspirée par la chanson des Beatles Revolution 9 qui est un collage d’une variété de sources sonores. L’association musicale à la photographie me parle beaucoup. En ce sens là, l’approche photographique de Takashi Homma m’attire toujours et m’interpèle. Elle ne cherche pas à atteindre la beauté esthétique. Une des salles de l’exposition a ses murs tapissés de grands pans photographiques que l’on peut observer à travers un système de miroirs. Je me prends moi-même en photo par inadvertance alors que je pensais plutôt saisir les murs photographiques. On pourra au moins remarquer mon t-shirt de Miyuna que j’aime beaucoup porter ces derniers temps. Au premier sous-sol du musée, on pouvait visiter gratuitement une galerie de photographies proposées par la Tokyo Polytechnic University (東京工芸大学). Cette exposition se déroulant jusqu’au 10 Décembre 2023 s’intitule Integrating Technology & Art through Photography. On peut y voir quelques photos connus comme certaines d’Eikoh Hosoe (細江英公) (dont une de Yukio Mishima de la série BA・RA・KEI / Ordeal by Roses). Cette exposition commémorative retrace l’histoire de l’Université polytechnique de Tokyo, dévoilant les origines de l’enseignement de la photographie au Japon et explorant les relations entre l’Université et le monde de la photographie japonaise à travers les époques. On a vite fait le tour de cette exposition mais elle vaut le détour. Les deux dernières photographies de la série ci-dessus proviennent de cette exposition. Je n’ai malheureusement pas eu la présence d’esprit de noter le nom du photographe de la photographie de droite que j’aime pourtant beaucoup. En fait, Google Lens m’apprend après coup qu’il s’agit d’une photographie prise en 1950 par Kiyoji Ohtsuji (大辻清司) de l’artiste Hideko Fukushima (福島秀子). Cette application Google Lens est assez pratique et elle est apparemment régulièrement utilisée par les visiteurs de ce blog sur mes photos.

Musicalement maintenant, quelques nouveaux singles d’artistes que je suis avec une attention certaine et que j’ai déjà maintes fois évoqué sur ce blog. Je parlais de Miyuna un peu plus haut et elle vient justement de sortir un nouveau titre intitulé Oikakete (追いかけて). Il commence assez doucement puis monte progressivement en intensité comme souvent chez Miyuna. J’aime toujours autant sa voix sur laquelle repose beaucoup la qualité de ce nouveau morceau. C’est un peu similaire pour le nouveau single d’AiNA The End intitulé Diana (華奢な心). Elle est très active en ce moment après une tournée rapide à Londres, WACK in the UK, avec d’autres groupes de l’agence Wack (dont ExWHYZ) et la sortie récente de l’album du film Kyrie no Uta (キリエのうた) dont j’ai déjà parlé. Le collage servant de pochette à ce single a été créé par Ohzora Kimishima (君島大空) qui a décidément de nombreuses qualités artistiques. Le morceau d’AiNA est une ballade qui prend son temps mais s’imprègne très progressivement dans notre inconscient. Je n’aime pas toutes ses ballades mais celle-ci me plaît vraiment beaucoup. AiNA l’avait d’abord présenté dans une session live sur YouTube appelée Room Session (冬眠のない部屋). J’aime aussi beaucoup l’esprit rock indé du nouveau single de PEDRO intitulé Shunkashūtō (春夏秋冬) du nouvel album Omomuku mama ni, Inomuku mama ni (赴くままに、胃の向くままに) qui vient de sortir. Le morceau mise beaucoup sur la composition de guitare d’Hisako Tabuchi avec des parties en riff solo très marquantes. On a l’impression qu’Ayuni ne force pas son chant et chante même quand elle a envie car j’ai toujours l’impression qu’elle manque une partie des paroles d’un couplet à un moment du morceau. J’aime beaucoup ce genre de moments d’interrogation. Comme je le dis à chaque fois, il faut être réceptif à sa voix et à sa manière de chanter. Dans les voix particulières, il y a aussi celle d’a子 qui sort un nouveau single très immédiat et accrocheur intitulé Racy. Le morceau est excellent et rentrera facilement dans la liste de ses meilleurs morceaux. Je me dis parfois qu’il suffirait qu’un de ses morceaux soit utilisé comme thème d’un anime ou drama à succès pour que sa carrière décolle et devienne mainstream. Ce single sera présent sur un nouvel EP intitulé Steal your heart qui sortira le 6 Décembre 2023. Il y a beaucoup de sorties d’albums qui m’intéressent en cette fin d’année car Hitsuji Bungaku sort également son nouvel album 12 hugs (like butterflies) le 6 Décembre. Vaundy a sorti son double album Replica il y a quelques semaines, et vient de passer pour la première fois à Music Station, ce qui parait incroyable. King Gnu vient aussi de sortir son nouvel album The great Unknown cette semaine avec un excellent teaser. Bref, beaucoup d’idée de cadeaux pour Noël, sachant que je ne me suis pas encore procuré le Blu-ray du dernier concert (椎名林檎と彼奴等と知る諸⾏無常) de Sheena Ringo, celui que j’avais été voir cette année. Je suis un peu moins pressé car je l’ai en fait déjà vu et enregistré sur WOWOW.

Dans le billet précédent, je mentionnais que Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) de Hitsuji Bungaku avait inscrit un morceau du groupe rock indé americain Pavement dans la playlist de l’émission radio de Seji Kameda sur J-Wave dont elle était l’invité. Cela m’a donné l’envie irrésistible de revenir vers la musique du groupe, surtout que le morceau que Moeka mentionnait, Date with IKEA, est sur l’album Brighten the Corners de 1997 que je n’avais en fait jamais écouté en intégralité. J’écoute également l’album Wowee Zowee de 1995 qui est plus désorganisé mais qui doit être un de mes préférés du groupe. Deux excellents albums que j’aurais dû écouter il y a 25 ans à l’époque où je n’écoutais presque que ce style de rock alternatif américain. La manière de chanter de Stephen Malkmus est accidentée et n’a rien de conventionnel. Elle a ce petit quelque chose de naturel qui nous donne l’impression qu’il nous parle de son quotidien. Certains morceaux me rappellent un peu musicalement les premiers albums de Beck, notamment Mellow Gold et Odelay sortis à peu près à cette même époque. On y trouve un même bouillon créatif rock qui déborde d’idée mais reste très brut dans son approche. Les morceaux Stereo sur Brighten the Corners et Rattled by the Rush sur Wowee Zowee sont des bons points d’entrée. On peut ensuite se diriger vers des morceaux comme Fight This Generation ou Grounded et se plonger ensuite d’une manière nonchalante dans le discographie complète du groupe.

体験は無限

Je n’avais pas fait l’expérience de la marche entre Shibuya et Shinjuku depuis de nombreuses semaines. J’y trouve étonnamment à chaque fois des nouvelles choses à photographier comme si mon focus visuel changeait à chaque fois. Je n’avais par exemple par remarqué jusqu’à maintenant le faciès robotisé du building de la première photographie. Peut-être est-ce la lumière du soir qui change ma perception et me fait découvrir de nouvelles choses. Cette lumière du soir se reflétant sur les vitrages d’un nouveau building posé sur la nouvelle rue reliant l’avenue Meiji et le parc Shinjuku Gyōen m’attire également. Sur la dernière photographie, nous sommes dans le centre de Shinjuku devant le building MetLife Shinjuku Square décorée d’une grande illustration de l’artiste japonais originaire de Kanagawa, Hogalee. Cette œuvre a été créée en conjonction avec l’exposition de l’artiste intitulée Entanglement qui a lieu dans la galerie Kana Kawanishi dans le quartier de Koto. Le titre de l’exposition fait référence au ’quantum entanglement’, où intrication quantique en français, qui est un phénomène dans lequel deux particules forment un système lié et présentent des états quantiques dépendant l’un de l’autre quelle que soit la distance qui les sépare. Ce concept s’applique pour cette exposition dans le fait que des illustrations liées sont présentent dans deux espaces distants l’un de l’autre. Mais je ne pense pas que les illustrations en elles-mêmes se modifient les unes par rapport aux autres, car ce dessin sur le building de Shinjuku reste tout à fait statique.

Dans les rues de Shibuya, je suis toujours attiré par le personnage appelé Uyu (si je ne me trompe pas) dessiné par l’artiste Fuki Committee. Il faut dire que ces stickers sont vraiment nombreux dans les rues de Shibuya et il faut vraiment le vouloir pour ne pas les remarquer. Le message « ダメよ。ゼッタイ。 », faisant référence à une interdiction stricte, m’a toujours intrigué car on ne connaît pas la nature de cet interdit et on peut imaginer plein de choses. Ce message d’interdiction n’est en fait pas lié à un sujet précis mais fait plutôt référence à toutes les règles imposées dans le système social japonais. En ce sens, c’est un message assez similaire à celui de Wataboku dans ses illustrations de personnages féminins portant toutes sortes de panneaux d’interdiction sur leur visage. On peut soi-même imaginer de quel interdit Fuki fait référence sur ces autocollants de rue. En tout cas, un des interdits est celui de poser des autocollants sur les murs des espaces privés ou publics. J’imagine que l’artiste a dû avoir, de temps en temps, quelques problèmes avec les autorités locales. Je suis toujours surpris de voir ce genre d’artistes présenter leurs œuvres dans des galeries car c’est comme s’ils montraient à visage découvert, au grand jour. Une petite exposition intitulée Slap’n Run dans la galerie America Bashi près de Yebisu Garden Place présentait en fait des illustrations de Fuki Committee en collaboration avec deux autres artistes de rue: makersspace et VLOT. J’ai souvent vu leurs autocollants collés dans les rues de Tokyo. J’y suis passé très rapidement un soir de week-end pour apprécier leurs œuvres murales se mélanger les unes avec les autres. Le personnage aux oreilles de lapin de VLOT prenait par exemple le visage de la fille dessinée par Fuki. Les blocs pixelisés de makersspace venaient se mélanger avec les personnages des deux autres artistes.

Pour terminer en musique, je reviens vers la musique de macaroom avec deux morceaux, mugen (無限) et hong kong, sur un album sorti l’année dernière intitulé inter ice age 4. L’idée m’est venue d’écouter le morceau hong kong car je m’y suis justement déplacé quelques jours cette semaine. Le morceau mugen a cette beauté subtile typique de macaroom, qui n’exagère rien mais arrive à toucher à des sentiments profonds. Ces deux morceaux me font ensuite revenir vers d’autres plus anciens du groupe, comme celui intitulé Mother, dont j’avais déjà parlé sur ce blog. L’envie de réécouter la voix d’Emaru et les compositions d’Asahi me reviennent régulièrement, notamment le sublime morceau Tombi (sur l’album Swimming Classroom), qui reste inscrit dans ma liste, longue peut-être, des meilleurs morceaux de musique electro-pop japonaise. Je pense que la vidéo joue aussi sur l’appréciation que j’ai du morceau.

On pourrait écrire des pages et des pages sur l’importance des visuels et des vidéos. Je suis par exemple particulièrement déçu de voir Daoko utiliser une vidéo animée créée par Intelligence Artificielle pour le dernier morceau Mr. Sonic de son nouveau groupe QUBIT. On a déjà vu des centaines de fois ce type d’imageries génériques se transformant à l’infini. Il n’y a rien de spécifique à l’univers de Daoko ou de ce groupe, à part peut-être une vague ressemblance des visages. Le morceau en lui-même est loin d’être mauvais mais ne révolutionne rien. Ça ne m’empêchera pas d’aller découvrir l’album du groupe, mais je trouve que cette vidéo est un faux pas et j’ai l’impression qu’on lui a fait remarquer sur les réseaux sociaux. On est loin de la qualité de vidéos comme celle d’Onaji Yoru (同じ夜) et celle grandiose de Step Up Love (ステップアップLOVE) par Yuichi Kodama avec le génial Yasuyuki Okamura (岡村靖幸). Et en parlant de l’importance des visuels dans notre appréciation musicale, Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) de Hitsuji Bungaku (羊文学) en parlait justement dans une interview récente par Seiji Kameda (亀田誠治) sur la radio J-Wave. Elle disait qu’elle choisissait souvent la musique qu’elle allait écouter en fonction des couleurs des pochettes des albums. Je ne pouvait pas manquer cette interview, d’autant plus qu’elle a confirmé que Hitsuji Bungaku jouait bien des reprises de Tokyo Jihen, en particulier Gunjō Biyori (群青日和) à ses débuts. J’ai été particulièrement intéressé et satisfait par sa sélection musicale pour l’émission avec d’abord XTAL d’Aphex Twin (sur Selected Ambient Works 85-92), puis Date with IKEA de Pavement (sur Brighten the Corners), Amai Kaori (甘い香り) de Cocco (sur l’album きらきら), Pretender de Winter (sur Supreme Blue Dream) et finalement le morceau GO!!! du groupe qui sera présent sur le nouvel album. Ce sont des groupes et artistes que j’aime et écoute, à part Winter que je ne connaissais pas mais que je vais chercher à découvrir. La présence d’Aphex Twin me surprend mais Kameda y ressent une inspiration dans la musique de Hitsuji Bungaku, dans les chœurs peut-être ou dans cette inspiration de monde flottant. XTAL est en tout cas un superbe morceau que je me mets à réécouter maintenant. L’émission étant sponsorisée par une grande marque automobile, Moeka parle des morceaux qu’elle aime passer en voiture. Elle ne conduit pas mais c’est elle qui construit les playlists lors de virées avec ses amis. Il faudrait qu’elle les publie quelque part.

夜に溶けきれず星を飲んでる

La pleine lune majestueuse a refait son apparition ces dernières nuits au dessus de nos têtes dans le ciel de Tokyo. Celle-ci est irréelle car il s’agit d’une installation créée par l’artiste anglais Luke Jerram près de la gare de Shimo-Kitazawa. Je l’avais déjà montré l’année dernière à la même période mais en pleine journée. J’ai l’impression qu’elle va refaire son apparition tous les ans à la même période de l’année. Pendant ce temps là, la vraie lune était également majestueuse quand elle voulait bien se dévoiler en se dégageant des nuages omniprésents. Mari me dit qu’il est de bonne augure de boire un verre de saké sur le balcon en regardant la lune. Ça tombe bien, il en reste justement un peu au frais dans le frigo. Je prends un verre un peu plus grand que d’habitude pour faire durer ce moment sous le lune. L’alcool aidant un peu, je finis même par m’y perdre à force de la regarder fixement. J’aurais très bien pu m’endormir sur le balcon à côté du petit olivier en pot, comme ça m’est déjà arrivé quelques fois. J’ai hâte que le temps se rafraîchisse pour pouvoir profiter un peu plus du balcon, pour, par exemple, y écrire des billets pour ce blog avec le vieil iPad en mains. Je garde d’ailleurs un souvenir assez précis des textes que j’ai écris dehors sur le balcon. Pour chaque billet écrit, peut-être devrais-je annoter tous ces éléments participant à l’environnement d’écriture, comme le lieu et l’heure où j’ai écris le billet, la musique que j’écoutais au moment de l’écriture, bien qu’il s’agisse souvent de la musique dont je parle dans le même billet. C’est le cas cette fois-ci.

Le nom du musicien Ohzora Kimishima (君島大空) m’était familier depuis quelques temps, mais je n’avais jamais écouté sa musique jusqu’à maintenant. Son deuxième album no public sounds sorti il y a quelques jours, le 27 Septembre 2023, est pour moi un des meilleurs albums de l’année (avec celui de Cero). Je me suis rappelé à écouter sa musique après un tweet que j’avais écrit pour un billet consacré en partie à l’exposition de la photographe Mana Hiraki (平木希奈) que je n’avais malheureusement pas pu voir. J’avais été très surpris de voir qu’il avait aimé ce tweet et je me suis rendu compte après coup que Mana Hiraki avait créé pour Ohzora Kimishima une courte bande annonce pour son deuxième album. Je découvre un peu plus tard le single intitulé c r a z y qui me plait immédiatement pour l’émotion qui s’en dégage et une grande liberté de style avec un son de batterie très présent contrastant avec la voix délicate de Kimishima. Ce sentiment de liberté stylistique se dégage sur tout l’album qui mélange les sons pour former des ensembles souvent hétéroclites mais qui fonctionnent étrangement bien par la magie de son compositeur. Ce type de compositions me rappelle un peu KSK de Sheena Ringo, dans le sens où l’album de Ohzora Kimishima est à fleur d’émotion et joue avec les ambiances jusqu’à l’expérimental. Bien que musicalement différent, certains moments particuliers de l’album comme le dernier passage en larsens du superbe cinquième morceau Eiga (映画) me ramènent à certaines sonorités de KSK, sans pourtant être en mesure de pointer du doigt de quel morceau il s’agit. Je pense que ça doit être le mélange d’instruments, en particulier de guitare et de violon aux sonorités languissantes. Ce morceau est tout simplement magnifique. On s’accroche sans bouger à la voix calme et parfois tremblotante du chant de Kimishima, aux notes de piano pleines de réverbération et par moments dissonantes et en suspension. On y trouve une ambiance mélancolique mais les notes du piano sont tout de même très lumineuses. Ce n’est pas facile d’arriver à transmettre ce genre de sensibilité et j’aime particulièrement quand cette sensibilité se dégage au dessus d’un univers musical à l’apparence chaotique. Le quatrième morceau Arashi (˖嵐₊˚ˑ༄) est un très bon exemple du mélange de musicalité qui ponctue régulièrement l’album, car le morceau mélange sons de guitares électriques et sons électroniques. Ce type d’association est relativement fréquent sauf quand le beat électronique nous surprend en prenant tout l’espace et l’attention, en devenant très marqué et même dansant. Mais toute cette excitation rythmique soudaine est ensuite balayée par un passage expérimental chaotique comme une onde électrique venant perturber tous les instruments de musique. Ohzora Kimishima le chante d’ailleurs dans le morceau dans l’unique refrain (ここは嵐), en annonçant l’arrivée de cette bourrasque, celle annoncée également dans le titre du morceau. L’album avait pourtant démarré sur une ambiance très différente avec une guitare particulièrement active qui pouvait laisser deviner une dynamique soutenu pendant tout l’album, mais celle-ci bifurque ensuite vers un chant beaucoup plus pop et accrocheur qui me fait d’ailleurs un peu penser aux Beatles. Les pistes se brouillent régulièrement et on a de ce fait du mal à s’ennuyer à l’écoute de l’album. Certains morceaux comme 16:28 sont tout de même plus classiques dans leur approche musicale, mais la complexité musicale est toujours là, latente, prête à prendre le dessus si on la laisse faire. De ce fait, la beauté de l’album se révèle un peu plus à chaque écoute, et les préférences changent. On écrivant ces lignes, je me dis maintenant que le neuvième morceau – – nps – – (pour no public sounds) est le plus sensible. Il me donne même des frissons lorsque je l’écoute. Un grand nombre des morceaux de l’album possèdent une ambiance intimiste comme celui-ci. C’est une atmosphère très belle et délicate, mais en même temps dense et complexe.

Par curiosité, je regarde la page dédiée à cet album sur le site web de Ohzora Kimishima et je suis très agréablement surpris d’y lire à la suite des commentaires donnés par des artistes que j’apprécie. Il y a d’abord un commentaire du réalisateur de films Shunji Iwai (岩井俊二), dont je parle décidément très régulièrement sur ces pages ces derniers temps, un autre de Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) du groupe Hitsuji Bungaku (羊文学) que j’aime aussi beaucoup (on finira par le savoir) et de Kayoko Yoshizawa (吉澤嘉代子) que j’ai découvert plus récemment avec son très bel album Akaboshi Aoboshi (赤星青星) et son dernier single Kōrigashi (氷菓子). Ohzora Kimishima joue en fait de la guitare sur ce morceau. Il a même composé certains morceaux de Akaboshi Aoboshi et il y a également joué de la guitare. Quand aux liens avec le groupe Hitsuji Bungaku, Ohzora Kimishima et Moeka Shiotsuka ont interprété ensemble l’année dernière le morceau Hikaru Toki (光るとき) pour la chaîne YouTube The First Take. Cette version en duo, très différente de la version originale de Hitsuji Bungaku, est d’ailleurs superbe. Ohzora Kimishima et Hitsuji Bungaku ont également partagé une affiche de concert un peu plus tôt cette année, et ont même participé à une interview croisée. Bref, j’avais des raisons évidentes de trouver sa musique sur mon chemin. Et alors que j’écris ces quelques lignes, je me rends compte qu’il accompagnait également AiNA The End (アイナ・ジ・エンド) et Aoi Yamada (ヤマダアオイ) sur un festival intitulé Tokyo Chemistry qui avait lieu le 30 Septembre 2023. En parlant d’AiNA The End, je ne peux m’empêcher d’évoquer son dernier single intitulé Awaremi no Sanka (憐れみの讃歌) tiré du film Kyrie no Uta (キリエのうた) de Shunji Iwai. Sans grande surprise, ce morceau écrit et composé par Takeshi Kobayashi (小林武史), est vraiment très beau. Takeshi Kobayashi est un habitué des films de Shunji Iwai car il avait également composé les morceaux de l’album accompagnant le film All About Lily Chou-Chou. Un point intéressant est qu’AiNA interprète ce morceau, et le futur album DEBUT accompagnant le film, sous le nom de Kyrie (キリエ) qui est le nom de son personnage dans le film, tout comme c’était le cas de Salyu prenant le nom de Lily Chou-Chou sur l’album du film.

言葉以上・現実以上

Le retour au rythme tokyoïte sur Made in Tokyo n’est pas aussi facile que je l’imaginais. Le sentiment de fatigue post-Covid m’a poursuivi plusieurs semaines et j’ai par conséquent eu un manque de volonté et d’énergie pour me lancer dans l’écriture de longs billets comme j‘ai pu en écrire jusqu’à présent avant nos vacances en France ou comme je le fais maintenant. Et pourtant, le niveau de fréquentation particulièrement haut du blog pendant le mois d’Août aurait dû me motiver un peu plus. La chaleur estivale infernale avec ces 35 degrés tous les jours de la semaine est peut propice aux promenades photographiques, mais j’ai tout de même marcher près du gymnase de Yoyogi, où des danses Yosakoi (よさこい) ont attiré mon attention. Le Yosakoi est une interprétation moderne de la danse traditionnelle Awa-Odori que l’on peut souvent voir dans les festivals d’été. Plusieurs groupes habillés de tenues différentes dansaient les uns après les autres, d’une manière très dynamique caractéristique du genre, le long de la large allée piétonne séparant le Hall de la NHK du gymnase de Yoyogi. La musique qui accompagne les danses a un côté un peu kitsch mais l’énergie communicative des danseurs et danseuses faisaient plaisir à voir. Ils m’ont en quelque sorte transmis un peu de leur énergie. Bien que je n’ai pas publié de billets pendant ces vacances françaises, ça ne m’a pas empêché de réfléchir à la direction que je devrais donner à ce blog. Je me suis dit que ça n’avait pas beaucoup de sens de montrer des photos de choses et d’endroits que j’ai déjà maintes fois montré et qu’il faudrait que j’y apporte une touche un peu plus personnelle et spécifique à mon style visuel. Il faudrait aussi que je travaille un peu plus la sensibilité des textes qui accompagnent mes photographies pour éviter le descriptif.

Mais cette sensibilité est de toute façon grandement et principalement influencée par la musique que j’écoute. Je me remets lentement mais sûrement à écouter de nouvelles très belles choses musicalement. Quand je me perds dans la direction de ce que je veux écouter, je reviens souvent vers LUNA SEA et cette fois-ci, j’écoute beaucoup l’album Lunacy de 2000. Je l’avais acheté en CD à l’époque et ce n’est pas l’album vers lequel je reviens le plus souvent, ce qui est une erreur car le morceau Gravity est un de leurs meilleurs. J’avais aussi oublié que certains morceaux étaient des collaborations avec DJ KRUSH, comme celui intitulé KISS. Quelques morceaux au milieu de l’album sont particulièrement inspirés, notamment le sublime Virgin Mary. C’est un long morceau de plus de 9 minutes placé exactement au centre de l’album. Ce morceau me rappelle que Ryuchi Kawamura utilise régulièrement des références religieuses, en particulier chrétiennes, dans les paroles de ses morceaux. Il m’est d’ailleurs arrivé plusieurs fois d’être assis à côté de sa femme et de son fils à l’église avec mon grand lorsqu’ils étaient petits dans la même école maternelle. Ryuchi Kawamura ne venait bien évidemment pas. Je n’ai malheureusement jamais pu dire à sa femme toute l’admiration que j’avais pour lui. LUNA SEA est le seul groupe qui fait le lien entre la musique japonaise que j’écoutais en France et celle que j’écoute encore maintenant. Écouter LUNA SEA remet en quelque sorte les pendules à l’heure, pour me permettre de repartir vers d’autres horizons.

Dans ces belles découvertes récentes, il y a le morceau Kikikaikai (器器回回) de Nagisa Kuroki (黒木渚) sorti le 23 Août 2023. Je ne connaissais pas cette compositrice et interprète originaire de la préfecture de Miyazaki dans le Kyūshū. Je la découvre par l’intermédiaire de la photographe et vidéaste Mana Hiraki (平木希奈), que j’ai déjà évoqué plusieurs fois sur ce blog, car elle a réalisé la vidéo de ce morceau. Cette vidéo est très inspirée d’ailleurs, comme peut l’être le morceau. Nagisa Kuroki a fait ses études à Fukuoka, ce qui peut expliquer qu’Hisako Tabuchi (田渕ひさ子) ait joué de la guitare sur certains enregistrements de ses morceaux. Mais Hisako Tabuchi ne joue pas sur le morceau que j’écoute en ce moment. Kikikaikai a une composition brillante, très méthodique avec un flot verbal en escalade. La dynamique du morceau est très prenante et laisse peu de temps au répit sans pourtant être poussive. La dernière minute de Kikikaikai est particulièrement excellente car la densité et la tension vocale deviennent débordantes. C’est un excellent morceau qui se savoure d’autant plus après plusieurs écoutes.

Le morceau asphyxia de Cö shu Nie sur l’album PURE n’est pas récent car il date de 2019, mais l’idée m’est venu de revenir un peu vers la musique de ce groupe après avoir vu plusieurs fois la compositrice et interprète Miku Nakamura (中村未来) sur mon flux Twitter (on dit maintenant X mais je préfère l’ignorer pour l’instant) ou Instagram. Le morceau asphyxia est une sorte d’objet musical non identifié car la voix de Miku et la composition musicale ont toutes les caractéristiques de déconstruction du math rock. On y trouve une grande élégance et inventivité. Le morceau nous trimballe sur différentes voies comme si le train musical déraillait soudainement pour se rattraper de justesse vers une nouvelle direction. Mais le morceau n’en reste pas moins très construit. On peut se demander ce qui passe par la tête de la compositrice pour en arriver à de telles envolées. Sur le même album, j’écoute également Zettai Zetsumei (絶体絶命), car je suis attiré par le titre me rappelant un morceau de Tokyo Jihen. Ce morceau est un peu plus conventionnel et calme qu’asphyxia, mais juste un peu car l’escalade instrumentale est toujours bien présente, pour mon plus grand bonheur, il faut bien le dire. C’est un style musical, un peu comme celui de Ling Toshite Sigure, qui me paraît tout à fait unique au Japon.

L’émission radio du dimanche soir What’s New FUN? de Teppei Hayashi (林哲平) sur InterFm me fait découvrir le rappeur originaire d’Oita Skaai qui y était invité pour une interview. Quelques morceaux de Skaai étaient diffusés, notamment celui intitulé Scene! en collaboration avec Bonbero. Ce morceau de hip-hop en duo est vraiment excellent pour son ambiance sombre et atmosphérique, comme on pourrait en trouver chez DJ KRUSH, et pour les talents vocaux multiples de Skaai. J’adore le hip-hop lorsqu’il part vocalement vers ce genre de terrains mouvants. Je découvre plus tard un autre excellent morceau hip-hop de Skaai intitulé FLOOR IS MINE (featuring BIM, UIN). La voix de Skaai chantant en anglais le refrain me rappelle vaguement un morceau de Red Hot Chili Pepper mais je n’arriverais pas à vraiment dire lequel. Le compte Twitter de Skaai m’indique également une collaboration avec le rappeur coréen nommé 27RING (이칠링) sur un morceau énorme intitulé Brainwashing (세뇌) Ultra Remix tiré de son album 27LIT. Le morceau est énorme car il fait plus de 8 minutes et fait collaborer pas moins de 12 rappeurs prenant la parole les uns à la suite des autres sur une trame commune dense et anxiogène. Je ne connais pas tous ces noms (TAK, Moosoo, DON FVBIO, Ted Park, maddoaeji, Boi B, DAMINI, New Champ, Lee Hyun Jun, Skaai, Asol) qui semblent principalement coréens à part Skaai (qui est en fait moitié coréen, parlant la langue). La puissance de l’ensemble et son agressivité conservant un bon contrôle des phrasés parfois ultra-rapides, m’impressionnent vraiment. Chaque intervention des rappeurs invités est entrecoupée d’exclamations proche du cri de 27RING scandant en coréen dans le texte « Mon cerveau a subi un lavage de cerveau » (세뇌 당했지 나의 뇌). La vidéo très graphique est viscérale et correspond bien à l’ambiance du morceau. Il faut d’ailleurs l’écouter fort dans les écouteurs en regardant la vidéo pour bien s’immerger. Je me sens parfois reconnaissant, envers je ne sais qui ou quoi, de tomber sur ce genre de morceaux qui réveillent mon émerveillement musical.

Je reviens ensuite vers des terrains rock plus connus en écoutant le nouveau single du groupe Hitsuji Bungaku (羊文学) intitulé More than Words. J’aime la voix de Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) qui a un petit quelque chose de particulier et que je trouve très mature sur ce morceau. Dès les premières notes, le son des guitares est très présent, rempli de réverbération, et le rythme de la batterie est extrêmement soutenu. Je suis toujours surpris par la qualité du son qu’il et elles arrivent à sortir à trois. Le son des guitares est ici très spacieux. Ce single est utilisé comme thème de fin de l’anime à succès Jujutsu Kaisen (呪術廻戦), du mangaka Gege Akutami (芥見下々), pour une série intitulée Shibuya Jihen (渋谷事変), à ne pas confondre avec Tokyo Jihen (東京事変). Le thème d’ouverture de ce même anime est un morceau de King Gnu intitulé Specialz (スペシャルズ) qu’il me faudra écouter un peu plus (en tout cas la vidéo est impressionnante). En ce moment, j’écoute aussi deux EPs de Hitsuji Bungaku, à savoir Kirameki (きらめき) sorti en 2019 et Zawameki (ざわめき) sorti en 2020. Je ne connaissais en fait pas ces EPs en entier. En les écoutant, je me prépare en quelque sorte pour le concert à Tokyo Haneda le mois prochain, en Octobre 2023. J’ai très hâte d’aller les voir en live. Je sais déjà que ça rendra bien, pour les avoir vu et entendu en streaming lors de leur passage au festival Fuji Rock, il y a quelques années.

Shinichi Osawa (大沢伸一) de MONDO GROSSO produit le nouveau morceau d’Hikari Mitsushima (満島ひかり) intitulé Shadow Dance. C’est à ma connaissance la troisième collaboration entre les deux artistes. Ce morceau est très beau. L’élégance naturelle d’Hikari Mitsushima déteint forcément sur ce morceau, qui est très délicat, notamment dans ses moments parlés. Ce morceau fait apparemment référence au court métrage publicitaire Kaguya by Gucci, réalisé par Makoto Nagahisa dans lequel Hikari Mitsushima jouait déjà. Pour les plus attentifs, j’en ai déjà parlé plusieurs fois. La qualité de la production musicale de MONDO GROSSO n’est plus à démontrer et je suis toujours très satisfait qu’il travaille avec des artistes que j’aime, comme Daoko, Sheena Ringo, AiNA entre autres. J’aimerais d’ailleurs beaucoup que Sheena Ringo écrive un morceau pour Hikari Mitsushima. Il y a déjà des liens entre les deux. J’ignore par contre complètement le morceau que Sheena Ringo a écrit et composé récemment pour Sexy Zone. Faisons comme si il n’avait jamais existé car il n’est de toute façon pas brillant. Je suis également assez déçu par le nouveau single d’Utada Hikaru (宇多田ヒカル) intitulé Gold (~また逢う日まで~). Le morceau est loin d’être mauvais mais il n’a absolument rien d’original, par rapport à ses morceaux précédents. Je l’ai bien écouté plusieurs fois, mais j’ai beaucoup de mal à m’en souvenir. Elle aurait besoin d’un nouveau souffle et je ne doute pas qu’elle le trouvera, comme ça avait été le cas pour l’album Fantôme. Cet album ne semble d’ailleurs pas être le préféré des amateurs d’Utada Hikaru. C’est pourtant pour moi un des plus intéressants et celui qui m’a fait revenir vers sa musique. Et pour revenir à MONDO GROSSO, quelle plaisir de voir une collaboration avec KAF (花譜) dont je parle aussi assez souvent sur ces pages. Le morceau qui vient juste de sortir s’intitule My Voice (わたしの声). Il mélange habilement des sons classiques de piano et de cordes avec un rythme électronique particulièrement intéressant et la voix immédiatement reconnaissable de la chanteuse virtuelle KAF (qui est une vraie personne représentée par son avatar). Comme je le disais un peu plus haut, les choix artistiques de Shinichi Osawa m’épatent vraiment car ils sont quasiment en adéquation avec les artistes que j’apprécie.

Je ne vous obligerais pas à me suivre sur le dernier morceau sélectionné sur cette petite playlist de fin d’été, car la voix d’Ayuni D n’est pas la plus évidente à apprécier. Mais le nouveau morceau Tondeyuke (飛んでゆけ) de son groupe PEDRO qu’elle forme avec Hisako Tabuchi est vraiment enthousiasmant. En fait, j’aime beaucoup l’ambiance bucolique de la vidéo accompagnant le morceau, et le sentiment de nonchalance estivale qui l’accompagne. La manière de chanter d’Ayuni sur ce morceau, en chuchotant presque la fin de chaque phrase, me plait aussi beaucoup. Et il y a un petit passage de guitare vers la fin du morceau où les sons que dégage Hisako me rappellent Sonic Youth. Ce single et la musique de PEDRO ont apparemment un certain succès. J’étais plutôt surpris d’entendre que Tondeyuke était placé à la 54ème place du classement hebdomadaire Tokio Hot 100 de la radio J-Wave, que j’écoute très régulièrement le dimanche après-midi (de 13h à 17h) lorsque nous sommes en voiture. Après la dissolution de BISH, ça fait plaisir de voir chacune des anciennes membres trouver une nouvelle voix. C’est aussi le cas de CENTCHiHiRO CHiTTiii qui s’est lancé dans une carrière solo sous le diminutif de CENT. Son nouveau single Kesshin (決心) est un rock plutôt classique et j’étais assez surpris de voir que la musique a été composée par Kazunobu Mineta (峯田和伸) de Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ).

AiNA The End a une carrière musicale pour l’instant très dense et on pourra la voir bientôt au cinéma sur le nouveau film du réalisateur Shunji Iwai (岩井俊二), Kyrie no Uta (キリエのうた). J’ai très récemment trouvé au Disk Union de Shimokitazawa le CD de la bande originale du film All About Lily Chou Chou (リリイ・シュシュのすべて) sorti en 2001, du même Shunji Iwai. J’avais déjà parlé sur ce blog de la musique du film chantée par Salyu. Le premier morceau intitulé Arabesque (アラベスク), qui accompagne les premières images du film dans les herbes hautes près d’Ashikaga (足利駅) dans la préfecture de Tochigi, est tellement sublime que je le compte volontiers dans la liste des morceaux que je préfère. La force d’évocation émotionnelle de cette musique et de la voix extrêmement sensible de Salyu me donnent à chaque fois des frissons. C’est proche du divin, sans trop exagérer. J’ai du coup revu le film qui m’avait beaucoup marqué la première fois que je l’avais vu. Je suis très curieux des films de Shunji Iwai mais ils ne sont pas disponibles sur Netflix ou Amazon Prime. J’ai quand même vu récemment le film Last Letter (ラストレター) sorti en 2020 basé sur un roman qu’il à écrit lui-même. Beaucoup d’actrices et d’acteurs reconnus jouent dans ce film, comme Takako Matsu, Suzu Hirose, Nana Mori et Masaharu Fukuyama entre autres. La surprise était de voir le réalisateur Hideaki Anno (de Neon Genesis Evangelion) joué un second rôle, celui du mari du personnage joué par Takako Matsu. Que ça soit sur des films ou des drama télévisés, je croise souvent la route de Takako Matsu (松たか子) en ce moment. La dernière fois était sur le drama Quartet (カルテット), dans lequel jouait également Hikari Mitsushima. Tout finit par se reboucler dans mes billets.

まだ始まらないふりにして

Avant d’écrire mon premier billet pour la nouvelle année qui démarre, j’ai pris l’habitude de jeter un œil sur les billets que j’ai écrit les années précédentes. Ils sont en général longs et détaillés en commençant par un passage en revue de l’émission de la NHK Kōhaku Uta Gassen. Je fais le même genre de long billet depuis Janvier 2017 et j’ai même tendance à répéter les mêmes choses. Ce début d’année est plus calme que d’habitude et la principale différence est que nous ne l’avons pas passé près de Kamakura suite au déménagement de la mère de Mari à Tokyo. Nous restons donc à Tokyo cette année et nous ne nous déplacerons pas beaucoup. Au début de l’année, je me pose toujours la question de ce que je devrais changer dans ma manière d’écrire ce blog. J’ai l’impression que les marches de manœuvre sont de toute façon assez limitées, donc je ne me formalise plus beaucoup sur ce genre de réflexion. J’aimerais quand même reprendre la création de morceaux électroniques, reprendre mes illustrations ou écrire de nouveaux épisodes de ma série sur l’histoire de Kei. Je suis d’ailleurs en train d’écrire le sixième épisode de cette histoire depuis un petit moment. L’écriture d’une fiction me prend beaucoup de temps, mais j’adore passer ce temps à imaginer petit à petit le déroulement de cette histoire. Parfois, j’aimerais transformer ce blog entier en une œuvre de fiction. Sans aller aussi loin, je vais quand même essayer de regrouper ces textes que j’ai commencé à écrire en 2017 sur une page du blog pour qu’ils puissent être lus dans la continuité.

Je vais aussi continuer ma revue des concerts de Sheena Ringo et Tokyo Jihen, le prochain sera Just Can’t Help It. Sur la vingtaine qu’il existe en tout, j’ai déjà écrit un billet sur plus de la moitié d’entre eux et il me reste huit concerts à couvrir sur ce blog. Parmi ces huit concerts, il y en a trois que je ne possède pas encore en DVD ou Blu-ray. Je ne sais pas s’il existe un autre groupe ou artiste qui a sorti autant de concerts en vidéo. J’éprouve en tout cas toujours le même plaisir à les regarder et les commenter ensuite. Je ne pense pas, par contre, m’étendre autant que j’ai pu le faire sur Electric Mole, dans mon dernier billet sur ce sujet. Tokyo Jihen a également été très actif ces derniers mois avec des nouveaux morceaux et des passages dans les émissions musicales télévisées de fin d’année, pour mon plus grand plaisir, que ça soit sur les émissions FNS ou Music Station que j’ai déjà brièvement mentionné ou lors de l’émission Kōhaku du 31 Décembre. Comme je le mentionnais dans un billet précédent, ils ont joué une version modifiée du morceau Uru Uru Urū (うるうるうるう) sous le nom de Uru Uru Urū ~ Nōdōteki Urū Shime Hen (うるうるうるう~能動的閏〆篇~ ). Le groupe était habillé en yukata avec logo de paon et jouait dans un studio séparé, entouré d’écrans similaires à ceux qu’on pouvait voir pendant les concerts de la tournée News Flash. On peut d’ailleurs acheter ces yukata sur la boutique de Ringohan, mais il faut à priori aimer se faire remarquer. Leur prestation était beaucoup plus posée que celle de Music Station où Sheena était habillée en boxeur, mais pas pour autant moins mémorable. La mise en scène était travaillée avec des danseuses Awaodori intervenant à la fin du morceau et une chorégraphie de MIKIKO. L’émission Kōhaku semblait plus courte que d’habitude, peut être parce qu’elle se passait sans public dans la salle du NHK Hall. La nouvelle année arrive enfin et on est bien content de faire notre adieu à l’année précédente bien qu’elle n’a pas été aussi mauvaise que cela sur de nombreux points, au moins pour ce blog. J’ai quand même pu prendre beaucoup (trop) de photos l’année dernière et on a démarré des activités que nous n’avions pas fait auparavant. J’aurais un certain nombre de photographies de la fin Décembre à montrer un peu plus tard, mais j’hésite un peu. Ou alors, il me faudra être plus sélectif dans les photographies que je montre. Celles de la série ci-dessus sont prises dans le quartier de Naka-Meguro et Ebisu dans les tous premiers jours de cette année (hier en fait). Les troisième et quatrième montre une maison aux formes très intéressantes. Il s’agit de SRK par ARTechnic Architects.

Le premier jour de cette année, je surveillais également ma boîte email, car je m’entendais à recevoir une annonce de Tokyo Jihen. L’année dernière, ils avaient annoncé leur réformation le 1er Janvier. Je me suis donc dit qu’il pourrait également y avoir une annonce le 1er Janvier 2021, peut être une nouvelle tournée ou un nouvel album. C’est certainement beaucoup trop tôt pour lancer sereinement une nouvelle tournée. Tokyo Jihen a plutôt annoncé un nouvel album en préparation sans donner de date précise, sous le nom de code 2O2O+X. Le court teaser pourra difficilement nous faire patienter et j’espère qu’une date sera bientôt annoncée. Toujours pour nous faire attendre, le groupe partage une photo, celle ci-dessus, toujours avec un brin d’extravagance dans leur accoutrement (apparemment totalement en Gucci).

Ces dernières semaines, j’ai un peu moins parlé des découvertes musicales que j’ai pu faire mais j’ai quand même écouté de très belles choses. Avec le début d’année, de nombreux blogs ou sites musicaux que je suis attentivement font leur top 10 ou 100 des meilleurs albums de l’année 2020. Je ne me lancerais pas à lister le mien car il donnerait une vue très partielle de l’année 2020, mais j’aime beaucoup lire ceux des autres en gardant un regard critique, voire très critique parfois, ce qui fait partie du plaisir de découvrir ces classements. Je me questionne souvent sur la justesse des goûts musicaux des personnes faisant ces classements, mais je me rends compte aussi qu’il est très difficile d’avoir une influence sur son public. Je me pose souvent la question du nombre de personnes qui ont découvert un nouveau groupe ou un/une artiste grâce à mon blog. Je pense qu’on a tendance à s’aventurer vers des noms que l’on connaît déjà mais qu’il est plus difficile, à travers la simple recommandation d’un blogger ou d’un tweet, de se plonger naturellement dans la découverte d’un nouvel artiste dont on n’a jamais entendu parler. C’est certainement une question de temps disponible. Quand un blogger nous donne une liste de 100 albums, on a guère le temps ou le courage de se mettre à les écouter un à un. En ce qui me concerne, la couverture d’un album peut être un déclencheur. Il est rare que j’apprécie un album si je déteste la couverture. Cela fait partie d’un tout et si la couverture du disque me déplaît, c’est souvent parce que l’univers de l’artiste ne correspond pas exactement à ce que je recherche. Il y a de nombreuses exceptions et beaucoup de couvertures d’albums qui sont beaucoup plus fades que leur contenu. Mais le mauvais goût graphique est souvent synonyme pour moi d’une insuffisance qualitative de la musique. Dans les listes de fin d’année, je suis en général très attentif à celle de Pitchfork, sauf cette année. En fait, j’ai inconsciemment pratiquement tourné le dos à la musique occidentale pendant toute l’année dernière. Dans les 20 premiers albums du classement 2020 de Pitchfork, je n’en ai écouté aucun et aucun de ces albums ne me fait vraiment envie. J’ai certainement tord mais je me suis un peu déconnecté de la musique occidentale en 2020, un peu de la même manière qu’en 1999/2000 à mon arrivée à Tokyo où je n’écoutais également que de la J-Pop (terminologie qui ne veut rien dire). Je suis persuadé que les goûts fonctionnent par cycles, d’où parfois la difficulté de conseiller un artiste ou un album à quelqu’un. La découverte doit se faire au bon moment, qui correspond à une situation personnelle adaptée. En 2020, j’ai tout de même eu le plaisir de découvrir les nouveaux albums de Grimes, Autechre ou encore Thurston Moore.

Quant aux quatre découvertes musicales ci-dessus, ce ne sont pas des artistes ou des groupes que je ne connaissais pas mais plutôt des nouveaux morceaux ou albums d’artistes que je suis déjà depuis un petit moment et dont j’ai déjà parlé sur made in tokyo. 4s4ki sort le 16 Décembre 2020 un nouvel album intitulé Hyper Angry Cat qui s’avère en fait être une compilation incluant son album précédent Your Dreamland (おまえのドリームランド) sorti en Avril 2020 et d’autres morceaux, nouveaux ou inclus dans des EPs précédents. Je réécoute assez régulièrement Your Dreamland, dont je parlais ici l’année dernière et qui est un des albums que je préfère de l’année 2020. De Hyper Angry Cat, je n’écoute pour l’instant que trois morceaux dont le morceau titre de l’album Hyper Angry Cat (超怒猫仔) en collaboration au chant avec Mega Shinnosuke et Nakamura Minami. On retrouve le style hip-hop et les sons électroniques que l’on connaît sur Your Dreamland mais en beaucoup plus agressif et détonnant. Il y une multitude de sons 8bits, de glitches, de voix qui partent dans tous les sens et c’est particulièrement inspiré. Les associations de voix fonctionnent très bien, et c’est un plaisir d’écouter ce morceau en boucle. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai le sentiment que 4s4ki est en avance sur son temps musicalement, pas spécialement pour la nouveauté des sons, mais pour sa mise en forme qui donne un ensemble extrêmement cohérent alors qu’il se base sur une cacophonie apparente de sons. Je pense que sa voix plus douce vient lier tous ces éléments d’une manière cohérente. J’écoute ensuite le troisième morceau Cat Jesus Cat (猫Jesus猫) qui a des apparences plus calmes, jusqu’à ce que les machines électroniques se réveillent. J’écoute aussi depuis plusieurs semaines le morceau 35.5, au rythme très soutenu, proche de l’EDM. C’est un morceau particulièrement prenant, et dès qu’on met une oreille dedans, il est difficile de s’en échapper. Le reste des morceaux de cette petite playlist peut paraître un peu fade par rapport à la musique de 4s4ki qui provoque une certaine addiction, mais continuons quand même car il faut bien varier les styles. Revenons vers le rock avec le morceau I want to touch you and be sure (触れたい 確かめたい) de Asian Kung-Fu Generation en duo avec Moeka Shiozuka (塩塚モエカ) de Hitsuji Bungaku. Je ne suis pas sûr d’avoir déjà parlé ici de Ajikan (diminutif indispensable pour les groupes de rock alternatif japonais qui ont l’idée saugrenue d’avoir des noms à rallonge) mais j’aime beaucoup leur album de 2004, Sol-fa (ソルファ). Ce morceau en duo de voix ne révolutionne pas le genre mais reste très accrocheur. Cela me rappelle que Hitsuji Bungaku a également sorti un nouvel album récemment et il faut que j’y jette une oreille. Ensuite, je reviens encore sur l’album de AiNA The End qui sortira le 3 Février 2021 et qui s’annonce comme un très bel album, du moins à l’écoute des deux premiers morceaux disponibles. Osmanthus (金木犀), qui vient juste de sortir, n’est pas aussi prenant et viscéral que le précédent Niji (虹) mais reste un très beau morceau surtout lorsque AiNA laisse filer sa voix légèrement voilée. Pour terminer cette petite série, on change encore de registre en passant à l’electro de Utae sur un nouveau morceau intitulé Just a Dream? (夢だとおもうの?). Elle crée ses nouveaux morceaux au compte-gouttes et j’en parle presqu’à chaque fois ici, car j’y trouve une certaine sérénité et un apaisement qui fait du bien. La voix de Utae joue dans ce sens, ainsi que les nappes électroniques qui évoluent doucement en changeant légèrement de rythme en cours de route. Je me rends compte en écrivant ces lignes que je couvre des styles très opposés dans cette playlist… Et au fait, une très bonne et heureuse année 2021 aux fidèles lecteurs de made in tokyo ainsi qu’aux plus occasionnels. Espérons que je maintienne le même rythme pour cette nouvelle année.