une multitude de points lumineux

Cette fin d’année est arrivée tellement vite que j’ai du mal à réaliser que nous sommes déjà le matin de Noël. On n’a même pas eu le temps d’aller voir et photographier les feuilles colorées d’automne, ni aller faire le tour des décorations de rues pour les fêtes, ni même commencer à préparer les cartes de nouvel an. Les petites vacances de fin d’année commencent maintenant et même si j’ai l’intention de rattraper mon retard sur les photographies que je n’ai pas encore montré, les textes que je n’ai pas encore écrit et les billets que je n’ai pas encore publié, je sais pertinemment que le courage va me manquer.

Nous sommes quand même allé voir quelques décorations pour les fêtes, notamment celles sur l’avenue Omotesando sur les deux dernières photographies, décor qui a d’ailleurs servi pour mes compositions photographiques d’un billet précédent intitulé light waves. On voit également des décorations de fin d’année sur les autres photographies, quoique je suis moins sûr pour la troisième photo. Les deux premières photographies sont prises à Shinjuku, devant l’affiche du grand magasin Lumine que j’aime souvent prendre en photo avec la foule en premier plan (et cette fille dans un joli kimono prenant des airs festifs) et devant des décorations aux formes et couleurs de Tokyo Jihen sur le Department Store Flags, où se trouve le Tower Records, près de la gare de Shinjuku. Les autres photographies sont prises dans l’arrondissement de Shibuya à des moments divers. J’aime surtout le bonsaï occupé par le père Noël et ses amis. Ce qui me donne l’occasion de souhaiter de joyeuses fêtes de fin d’année aux visiteurs de Made in Tokyo.

今すぐ笑って

Les visiteurs les plus attentifs remarqueront peut-être les légers changements dans le traitement de l’image sur les photographies ci-dessus prises à Shibuya. Comme sur une série précédente prise à Ginza, je joue cette fois-ci un peu plus sur les niveaux de vibrance et de saturation des couleurs, en essayant de neutraliser l’effet de l’un sur l’autre. L’apparence très sombre des rebords bétonnés de la rivière de Shibuya à l’approche du building Stream n’est pourtant pas vraiment accentuée par le traitement de l’image. Je ne me souvenais pas que le béton était aussi sombre. Ces formes fuyantes s’accordent bien avec celles de la photographie suivante montrant les lignes de la voix ferrée nouvellement recouverte et la passerelle reliant le building Shibuya Scramble Square lié à la gare de Shibuya au building Hikarie de l’autre côté de l’avenue Meiji. Au grand carrefour de Shibuya, les grands écrans digitaux se multiplient. Celui légèrement incurvé au dessus d’un vieux building, qui diffuse régulièrement des publicités pour Yakult, est un des plus impressionnants car il montre souvent des visages en gros plan. Sur cette photographie, MISIA nous regarde de loin avec un air grave. On préfère quand même la voir sourire même de manière forcée. Ce visage m’inspire le titre du billet. En réalité, ce titre m’est également vaguement inspiré par la phrase 無理やり笑って お願い笑って (Forces toi à rire, s’il te plaît, ries) extraite des paroles d’un morceau du groupe rock japonais Quruli.

Après avoir écouté deux albums de Quruli (くるり), Zukan (図鑑) et Team Rock, sortis respectivement en Janvier 2000 et en Février 2001, j’avais bien l’intention de continuer mon écoute de la musique du groupe. Je continue donc avec l’album Sayonara Stranger (さよならストレンジャー) sorti en Avril 1999. C’est clairement un album que j’aurais aimé découvrir à mon arrivée à Tokyo en Février de cette même année 1999. J’y repense soudainement maintenant en écoutant une des émissions Etsuraku Patrol de Sheena Ringo de l’année 1999. Dans une des rubriques de son émission, elle mentionne cet album de Quruli en nous disant qu’elle l’aime tellement que Quruli vient même remplacer Blankey Jet City dans ses obsessions musicales actuelles. Il faut dire qu’elle expliquait juste avant dans cette même émission qu’elle essayait de mettre une halte à son obsession, jusqu’à la rendre malade, de Kenichi Asai et Blankey Jet City. Quruli semblait être un remède. Dans l’émission, elle n’explique pas vraiment clairement les raisons pour lesquelles elle aime tant cet album et dit même aux auditeurs que ce serait plus simple et rapide qu’ils écoutent eux-mêmes l’album pour se faire une idée. Elle passe pourtant à l’antenne deux morceaux, Kasa (傘) qui est le morceau le plus expérimental de l’album (et dont est tiré mon titre de billet) et le single Tokyo (東京) sorti l’année d’avant en 1998 mais intégré dans cet album Sayonara Stranger. Elle nous dit même qu’elle pleure à chaque fois qu’elle écoute ce morceau Tokyo, à un moment particulier vers la fin quand Shigeru Kishida chante でもすごくつらくなるんだろうな (mais ça va devenir extrêmement pénible). Quruli étant originaire de Kyoto et le titre de ce morceau étant Tokyo, je pense que les paroles écrites par Kishida abordent sa “montée” vers Tokyo (上京) pour y vivre, en laissant derrière lui une petite amie qu’il oubliera petit à petit, dont le souvenir réapparaîtra soudainement après quelques verres, mais avec qui il finira par avoir du mal à parler lorsqu’il l’appellera au téléphone. Je pense que ces paroles de Kishida parlaient à Sheena à cette époque car elle était pareillement “montée” vers Tokyo depuis sa ville de Fukuoka en laissant son petit ami de l’époque. Tokyo est certainement un des plus beaux morceaux de l’album mais ce n’est pas le seul.

L’ensemble de l’album est résolument rock avec une forte influence, dans le son des guitares, du rock alternatif américain du début des années 1990, celui qui a bercé une bonne partie de mon adolescence. Par exemple, sur le morceau Sayonara Stranger, qui donne son titre à l’album, une des sonorités de guitare me rappelle celle pleine d’écho qu’on peut trouver sur un morceau du premier album Gish des Smashing Pumpkins. Il n’y a par contre aucune ressemblance avec la musique des Smashing Pumpkins en tant que telle, car la voix de Kishida est beaucoup moins typée et forte que celle de Billy Corgan. Il y a une relative simplicité dans les paroles des morceaux, accentuées par la prononciation très distincte de Kishida, qui leur donnent une approche poétique. Il y a beaucoup de morceaux qui accrochent immédiatement par leur énergie rock comme le deuxième morceau Niji (虹) ou le suivant Old Timer (オールドタイマー). Sur ce dernier morceau, la manière de chanter plus agressive de Kishida me rappelle un peu celle Mukai Shutoku sur les morceaux de Number Girl. Le refrain se distingue ensuite assez vite du style de Number Girl, mais on remarque sur ce premier album majeur de Quruli, différentes influences rock. Sur des commentaires que j’ai pu lire au sujet de cet album, certains lui reprochaient un manque d’originalité. Moi, je trouve qu’il présage bien des albums qui vont suivre en mélangeant des passages plus folk, d’autres plus expérimentaux avec une atmosphère rock rapidement accrocheuse. Cet album est proche de l’ambiance rock que j’aimais tant avant mon arrivée à Tokyo et c’est par conséquent l’album que j’écoute le plus souvent parmi les trois que je connais de Quruli et celui vers lequel j’ai envie de revenir régulièrement. Au final, je ne regrette pas d’avoir écouté les conseils de Sheena sur son émission et son avis influence certainement un peu mon appréciation. La sortie de cette album l’année de ma « montée » personnelle vers Tokyo et le fait que j’ai le même âge que Kishida doivent également jouer sur le lien que je tisse avec cet album. J’aurais aimé le découvrir cette année là, plutôt que 22 ans plus tard.

Dans ses recommandations musicales, Sheena Ringo diffuse également dans son émission Etsuraku Patrol, des morceaux de Radiohead et de Beck. De Radiohead, elle nous dit beaucoup aimé le morceau Creep qu’elle a d’ailleurs déjà repris sur scène en concert (Kyoei Buranko 虚栄ブランコ le 30 Novembre 1999), mais elle diffuse plutôt un autre morceau, Anyone can play guitar, également sur le premier album du groupe, Pablo Honey, sorti en 1993. Elle évoque aussi l’album Odelay de Beck, en diffusant dans l’émission le morceau Where it’s at. Elle décrit Odelay comme étant l’album avec un gros chien poilu sautant sur la pochette. C’est vrai que ce chien était tout à fait remarquable et représente bien toute la bizarrerie de la musique de Beck de cette époque. Je me suis remis à écouter Beck. Je connaissais depuis de nombreuses années son album Mellow Gold, avec le single immanquable Loser, mais j’avais fait beaucoup plus récemment (il y a quelques années) une fixation sur sa musique en écoutant presque tous ses albums les uns après les autres. Mellow Gold et Odelay sont certainement les meilleurs albums de Beck, mais j’apprécie également énormément l’album Sea Change sorti en 2002 qui marquait un tournant folk dans sa carrière. Le folk a toujours été présent dans la musique de Beck mais trituré par des samples, tandis que sur Sea Change, l’approche est beaucoup plus apaisée et contemplative. J’avais trouvé dans cet album un compagnon idéal à mes promenades urbaines. Je me souviens d’ailleurs très bien des lieux près de Shinagawa que je parcourais dans le froid en écoutant cette musique. Le morceau Round the Bend reste par exemple gravé dans ma mémoire comme étant associé à ces lieux. J’hésiterais même à l’écouter dans d’autres circonstances pour éviter d’altérer ce souvenir. Mais je l’écoute quand même récemment dans la voiture, jusqu’à ce que Mari me conseille de changer de disques car je risquerais de m’endormir au volant. Le morceau Round the Bend passait justement à ce moment. J’étais très loin de m’endormir au volant, mais c’est vrai que cette musique est tellement apaisée qu’elle pourrait nous accompagner jusqu’au sommeil (Il ne s’agit pas là d’une critique). Beck cite la rupture avec sa compagne comme étant l’influence principale de cet album et il en ressort une plénitude réparatrice plutôt qu’une agressivité vaine.

J’écoute aussi de nouveau l’album Guero, sorti à la suite de Sea Change mais 3 années plus tard en 2005. Guero reprend un style plus proche de celui d’Odelay sans pour autant être aussi percutant. En réécoutant cet album, je remarque maintenant le morceau Hell Yes, qui était un des singles de l’album. Il y a une voix féminine accompagnant Beck que je crois d’abord être japonaise. Cette voix parle en anglais sans accent particulier mais avec un petit air juvénile et prononce ensuite les mots d’approbation japonais « Hai » qui sonnent vraiment japonais dans le ton et la manière d’aspirer les « h ». Il fallait donc que je fasse des recherches pour savoir qu’elle était cette voix japonaise. A ma grande surprise, il s’agit en fait de la voix de l’actrice américaine Christina Ricci, qui a connu la célébrité mondiale suite à son rôle dans le film The Addams Family en 1991. Il s’avère en fait que mon intuition n’était pas tout à fait incorrecte car Beck a d’abord cherché une voix de fille japonaise pour l’accompagner sur ce morceau. Alors qu’il était en tournée au Japon, Beck s’était mis en tête de trouver une voix de serveuse (les paroles disent des choses comme « please enjoy ») en allant dans divers restaurants japonais, mais sans trouver une voix qui lui convenait. Christina Ricci prit finalement ce rôle et est créditée en tant que “Kurisuti-na” pour garder à peu près des consonances japonaises. Mais, il faut noter que Beck a bien collaboré avec une voix japonaise quelques albums plus tard. C’était une collaboration improbable avec Daoko sur le morceau Up All Night. On ne trouve pas la version avec Daoko sur l’album Colors de 2017, mais en single séparé. Elle a également interprété ce morceau sur scène avec Beck lors du festival Summer Sonic de 2018.

Et en écoutant Beck, je pense maintenant aux Beastie Boys. Le style est différent mais Beck et les Beastie Boys partagent l’utilisation intensive des samples et des mélanges musicaux hétéroclites. Ils ont cette même folie créative et je trouve que certains sons se rejoignent, bien que les tonalités des voix soient très différentes. En fait, je me remets à écouter l’album Hello Nasty des Beastie Boys, sorti en 1998, car je découvre une reprise du morceau Intergalactic de cet album par le groupe de filles Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ) dont j’ai parlé récemment. Atarashii Gakko! pousse le mimétisme jusqu’à reprendre le même uniforme que les trois Beastie Boys. Les scènes sont également tournées dans des lieux similaires, comme devant la mairie de Tokyo à Nishi-Shinjuku. J’avais acheté l’album Hello Nasty au moment de sa sortie, peu de temps avant de venir à Tokyo, mais je ne me souviens pas l’avoir autant apprécié que maintenant. Je pense que j’avais eu à l’époque la déception que la version du morceau de Body Movin présente sur l’album était différente de celle du single mixée par Fatboy Slim. Il s’avère que je préfère maintenant la version originale sur l’album. Hello Nasty, dans son ensemble, est percutant. L’urgence et la puissance de leurs voix et l’humour omniprésent qui se dégage de l’album me plait beaucoup. Je n’écoute pas beaucoup de hip-hop, mais j’ai l’impression que le son des Beastie Boys venait à l’époque casser les codes du genre. Je ne me souvenais plus que l’album contenait autant de titres (22) et qu’il était aussi varié. Le quinzième morceau intitulé I Don’t Know semble par exemple avoir été inscrit sur la playlist par erreur. Il vient en quelque sorte apporter une petite bouffée d’air dans l’album, comme une petite promenade en campagne Upstate (si on associe le hip-hop des Beastie Boys à l’univers urbain new-yorkais). Ce morceau assez court est d’ailleurs accompagné par Miho Hatori (羽鳥 美保) du groupe rock alternatif new-yorkais Cibo Matto. Cibo Matto Comme les Beastie Boys ne sont plus actuellement en activité (depuis la mort d’Adam « MCA » Yauch d’un cancer en 2012). Miho Hatori compose toujours et j’aimais d’ailleurs beaucoup son morceau Tokyo Story sur son album sorti au début de l’année Between Isekai and Slice of Life 〜異世界と日常の間に〜.

ネタバレしてる人生

Ce billet est un mélange de photographies sans grandes relations les unes avec les autres, prises dans le centre de Shibuya, à Chidorichō dans l’arrondissement de Ōta et à Higashi Azabu. Lorsque j’entre dans le centre de Shibuya, je passe la plupart du temps par le magasin Disk Union situé tout près du petit poste de police Koban aux formes futuristes dessinées par Edward Suzuki. C’est presque devenu une routine. Je suis pourtant loin d’acheter un album à chaque fois que je m’y rends. J’y vais beaucoup pour l’ambiance. Je tiens certainement cela de mon adolescence et au souvenir d’avoir acheter mes premiers CDs. J’ai toujours conservé cet intérêt pour les magasins de disques et c’est dommage qu’ils disparaissent ou se rétrécissent petit à petit. En chemin, je fais souvent un détour par l’arrière du grand magasin PARCO car on y trouve en général une affiche géante posée de manière très éphémères, qui correspond souvent à une exposition en cours ou à un événement particulier (par exemple, un événement de l’agence Wack). Cette fois-ci, on pouvait y voir une affiche façon manga semblant représenter la marque Nissin de nouilles en boîte Cup Noodles. Je passe également souvent devant le parc en hauteur de Miyashita, histoire de voir si les plantes grimpantes ont avancées dans leur conquête des lieux. J’imagine qu’il faudra bien des années avant que ces plantes forment un toit végétal au dessus du parc.

A Chidorichō dans l’arrondissement de Ōta, des bouteilles d’eau méthodiquement posées autour d’un poteau électrique relance mes interrogations sur l’objectif de ce genre d’installation. On en avait déjà discuté dans un billet précédent. On trouve en général ce genre de bouteilles le long des murs d’une maison pour soit-disant éviter que les chats ou plutôt les chiens viennent y faire leurs besoins. Mais dans le cas ci-dessus, les bouteilles sont posées autour de poteaux électriques étant à priori une propriété de la ville ou de l’arrondissement plutôt que de l’habitant. La disposition parfaite sans laisser un espace libre est également très intriguante. Sans aucunes explications supplémentaires, on pense qu’une douce folie a poussé un des habitants de ce quartier à mettre en place cette installation. En regardant bien, ce n’est pas le seul poteau électrique du quartier à être entouré des mêmes bouteilles d’eau dépourvues d’étiquettes et fermées d’un même bouchon vert pomme. On ne peut pas dénier une certaine esthétique de la chose et ça en deviendrait presque de l’art. Comme on l’évoquait sur le blog de mahl, il y a beaucoup de détails étranges de ce genre dans le décor urbain des villes japonaises, comme l’agencement inattendu de pots de fleurs. On s’ennuierait s’ils n’existaient pas.

Les deux dernières photographies du billet montrent deux hôtels juxtaposés dans le quartier de Higashi Azabu. J’avais déjà montré le deuxième bâtiment, privé de fenêtres sur les façades, dans un billet récent. J’ai déjà montré les deux sur mon compte Instagram. Je publie en fait mes photos d’architecture beaucoup plus rapidement sur ce Instagram que sur ce blog mais les commentaires que j’apporte sur Instagram sont volontairement très limités. Ces deux hôtels s’appellent respectivement Hotel azabu ten et 2269 Azavu.

Je ne sais pas par quel ’miracle’ Kirinji arrive à construire des singles aussi différents et aussi bons les uns que les autres. Son dernier morceau intitulé Hakumei (薄明) en collaboration avec la compositrice et interprète franco-japonaise Maika Loubté (マイカ・ルブテ) est une pure merveille. Ce morceau est très différent de son précédent avec Awich qui était également excellent. Ce nouveau morceau a une ambiance de vieux films que j’aurais du mal à vraiment définir. Takaki Horigome (堀込 高樹), désormais seul aux commandes de Kirinji, chante en japonais et Maika Loubté alterne entre le japonais et le français. Je trouve que leurs voix se conjuguent très bien et l’alternance entre le français et le japonais est très fluide. La composition musicale est parfaite, et également d’une grande fluidité qui nous accroche dès la première écoute sans pourtant qu’on se fatigue du morceau après plusieurs écoutes. Je l’ai écouté au moins une vingtaine de fois et ce n’est pourtant pas mon style musical privilégié. Ce morceau apparaîtra sur le prochain album de Kirinji intitulé Crepuscular. Je ne connais pas beaucoup Kirinji à part trois morceaux dont j’ai déjà parlé ici, notamment Killer Tune Kills Me avec YonYon, mais il m’intéresse beaucoup pour ses collaborations. J’avais déjà repéré le nom de Maika Loubté en pensant écouter un jour ou l’autre la musique qu’elle compose. Ce morceau me motive à aller écouter d’un peu plus prés sa musique électronique, en commençant par Zenbu Dreaming sur son album Lucid Dreaming sorti le 20 Octobre 2021. Elle était d’ailleurs invitée de Chris Peppler sur l’émission Tokio Hot 100, il y a quelques semaines. Il nous expliquait lors de l’émission de Dimanche dernier que Takaki Horigome avait remarqué Maika Loubté lors de son passage dans cette émission.

Je suis toujours très attentif aux nouvelles compositions de Samayuzame et ce nouveau morceau intitulé Chronic Clinic est très bon, dans le style de ce qu’elle a composé sur son album précédent mais avec un rythme électronique un peu plus présent lors des refrains. Je trouve qu’introduire ces pointes un peu plus pop est une très bonne direction. Samayuzame a un don pour créer des sons qui nous enveloppent. Ils s’accordent bien à sa voix et nous pousse au rêve. La vidéo, graphiquement simple et belle, évoque l’univers d’une clinique qu’on retrouve dans le titre du morceau et une douleur qu’on ne voit pas chanté dans les paroles du morceau.

Le style change complètement avec le morceau suivant d’un groupe de quatre filles de 20 ans, ou à peine, appelé Atarashii Gakkō no Leaders (新しい学校のリーダーズ), souvent raccourci en Atarashii Gakko! Leur style musical se rapproche du hip-hop mais avec une bonne dose d’humour dans leur manière de chanter et dans les paroles. Les vidéos sont amusantes à regarder car pleine de folie. Il y a un dynamisme contagieux dans cette musique très bien retransmis par les mouvements hyper expressifs des quatre filles, Mizyu, Rin, Suzuka et Kanon, toujours habillées en tenue d’écolière. J’écoute pour le moment deux morceaux NaiNaiNai et Free Your Mind. Ce dernier morceau a été tourné près de la rivière à Naka Meguro, et j’aime beaucoup les voir exagérer leurs mouvements, accompagnées de skaters, dans des lieux qui me sont très familiers. Il y a quelque chose de très spontané dans cette musique et ça me plaît beaucoup.

On change encore de style avec un nouveau morceau du groupe rock Boris. Cette sélection de morceaux musicaux est très éclectiques mais correspond à ce que j’écoute en boucle en ce moment. On passe donc aux guitares de Boris avec un nouveau morceau intitulé Reincarnation Rose, qui n‘apparaîtra pas sur leur prochain album W. Le groupe a sorti beaucoup d’albums, parfois très sombres et lourds en guitares, et on ne sait jamais trop à quoi s’attendre. Je ne connais que deux albums du groupe, Pink et Dear, mais je les suis depuis longtemps sur Twitter et Bandcamp pour guetter les morceaux qui vont me plaire. Celui-ci est excellent, toujours très pointu musicalement et mettant en avant la voix de Wata. Enfin, les guitares sont tellement présentes que la voix de Wata intervient plutôt comme un accompagnement. La surprise est de voir TOKIE accompagner le groupe à la basse. TOKIE est bassiste sur le groupe Ajico avec Kenichi Asai et UA. Elle sera apparemment présente sur le futur album. J’aime aussi beaucoup la vidéo car le groupe est habillé à la mode Visual Kei des années 90. Vont ils relancer une mode? J’ai en fait l’impression que seules Wata et TOKIE sont présentes dans la vidéo, sans Atsuo et Takeshi qui ont pourtant des éclats de voix dans le morceau. suGar Yoshinaga et Yuka Yoshimura sont plutôt créditées à la fin de la vidéo. C’est un mystère à résoudre. Boris vient d’ailleurs de sortir un autre tout nouveau morceau il y a quelques jours, intitulé Drowning by Numbers. Il est beaucoup plus expérimental et profond dans son approche, très différent de Reincarnation Rose, mais quelle ambiance!

Rurikōin Byakurengedō par Kiyoshi-Sei Takeyama

Un des objectifs de mon passage récent dans le quartier de Nishi-Shinjuku était d’abord de passer une nouvelle fois devant le hall bouddhiste futuriste près de la sortie Sud de la gare de Shinjuku. Il s’agit du Rurikōin Byakurengendō (新宿瑠璃光院白蓮華堂) conçu en 2014 par Kiyoshi-Sei Takeyama (Amorphe). Ce building de couleur blanche craie est un hall bouddhiste comprenant un cimetière intérieur où sont déposées les cendres des défunts et où ont lieu des cérémonies. Il s’agit d’un établissement de la branche bouddhiste Jōdō Shinshū. Le temple Komyoji (光明寺) se trouvant à Kyoto est le temple principal gérant le Rurikōin Byakurengendō. Sa forme très particulière évoque une fleur de lotus blanc sur le point d’éclore. Une autre particularité est la présence aléatoire d’ouverture sur les façades courbes laissant traverser la lumière à certains endroits. Le bâtiment de béton blanc mélange une image de délicatesse et de solidité. La structure anti-sismique assure qu’il peut résister à un tremblement de terre important d’une intensité sismique de 7 ou plus, et que la durée de vie du bâtiment est estimée à plus de 300 ans. C’est ce qu’indique du moins le site web du temple, mais on peut bien comprendre que pour un cimetière, la longévité est un point primordial.

J’avais déjà montré ce bâtiment dans un billet d’Avril 2018, mais je voulais y revenir pour essayer de mieux le saisir en photo. Le problème est que l’allée pavée qui le dessert est plutôt étroite et on n’a pas beaucoup de recul pour pouvoir le saisir dans sa totalité d’une manière correcte. Ce grand hall futuriste est vraiment encastré dans le milieu urbain et, en y repensant maintenant, les ouvertures des façades ressemblent à des meurtrières de forteresse, comme s’il fallait absolument protéger les cendres des défunts d’un environnement extérieur hostile. C’est la remarque que Wakametamago m’avait fait sur la photo que je montrais sur mon compte Instagram qui m’a donné cette image.

à la recherche d’un reflet du ciel

Les trois premières photographies sont prises dans un quartier près de la station de Akabane dans l’arrondissement de Itabashi, tandis que les deux suivantes sont prises à Meguro. Les barres d’appartements Danchi (団地) sont nombreuses dans ce quartier de Itabashi tandis qu’on trouve plutôt une accumulation de petites maisons individuelles à Meguro. Certains, comme le photographe Cody Ellingham, trouvent une grande inspiration dans ces complexes uniformes Danchi mais aux formes parfois particulières. Je préfère personnellement les maisons individuelles, surtout celles qui sont cachées et qu’on n’aperçoit pas complètement de loin. J’aime scruter du regard une nouvelle rue et y découvrir au loin des formes inhabituelles qui m’interpellent. On se sent attirer vers elles, même si elles peuvent être parfois trompeuses. Une arête de béton au découpage particulier vue de loin ne donne pas une garantie que le bâtiment dans sa totalité sera intéressant ou novateur. Il faut s’approcher plus près et observer.

Après la maison à Meguro sur laquelle se reflète un ciel nuageux, on passe avec la photographie de feuille morte sur une série prise à Shibuya. Les septième et huitième photographies montrent le parc surélevé de Miyashita qui longe les lignes de trains entrant et sortant de la gare de Shibuya. Pendant l’état d’urgence pendant l’été, j’étais venu une ou deux fois marcher le soir dans ce parc et j’avais été surpris de voir la foule qui s’y trouvait comme si une partie de la jeunesse de Shibuya se retrouvait ici le soir, faute de pouvoir aller ailleurs. On pouvait voir cette jeunesse regroupée par petits groupes de deux à quatre personnes assis sur les bancs qui n’étaient étonnamment pas condamnés ou sur une partie de la pelouse. Tout le monde portait des masques dans une ambiance calme et disciplinée. En pleine journée par contre, il n’y avait presque personne assis sur les bancs du parc. Comme sur l’ancienne version du parc, il y a une zone réservée aux skateurs. Avec les récentes performances des skateurs et skateuses japonais aux Jeux Olympiques de Tokyo, j’imagine que cet endroit va être de plus en plus prisé. Et sur les deux dernières photos, des affiches, celle d’un nouvel album de Keisuke Kuwata et celle d’une publicité avec Kiko Mizuhara en tenue de science fiction. Shibuya 別世界.

J’ai déjà parlé de la musique d’Utena Kobayashi, notamment de son dernier album 6 roads que j’avais beaucoup aimé. J’écoute plus récemment trois EPs sortis à la suite à la fin de l’année 2020: Fenghuang, Darkest Era et Pylon. Chaque EP est composé de trois morceaux et je les écoute dans l’ordre de leur sortie. On se laisse envouter par la beauté délicate de cette musique (la harpe sur The Garden of Harps sur le deuxième EP), dans l’ensemble plus apaisée que sur l’album 6 roads, mais pas moins mystérieuse et mystique. Je ne sais pas exactement dans quelle langue Utena chante les différents morceaux sur ces trois EPs, mais je pense qu’il y a des mélanges. J’écoute ces trois EPs comme un album et ils tournent souvent sur ma playlist en ce moment. Les deux derniers morceaux du troisième EP, Pylon et Rose sont en quelque sorte la culmination de cette oeuvre. On est comme forcer à rester concentrer sur ce qu’on écoute. La musique d’Utena Kobayashi tend vers une forme de méditation que j’ai bien du mal à expliciter clairement.