from daido to the railways

Passage rapide dans le centre de Aoyama pour y apercevoir aux hasards des rues une affiche géante avec une photographie noir et blanc de Daido Moriyama. Il y aurait-il une exposition du photographe en ce moment? L’affiche donne quelques addresses et on comprend vite qu’il s’agit plutôt de boutiques d’une marque appelée Kolor que je ne connaissais pas. Cette appellation Kolor m’avait d’abord fait penser qu’il s’agissait d’une exposition de photographies couleurs de Moriyama. Il s’avère en fait qu’il a plutôt pris des photos pour la collection Automne/Hiver 2021 de cette marque pour un projet appelé 撮 qui veut dire photographier. On peut voir toutes les photographies sur le site web de la marque Kolor et j’imagine que ces photographies sont montrées dans les boutiques à Minami Aoyama, à Omotesando Hills, à Dover Street Market Ginza, au PARCO de Shibuya et de Shinsaibashi à Osaka. Je trouve les photos dans le plus pur style Moriyama très réussies dans l’ensemble, ceci étant dû en partie au physique plutôt atypique des deux modèles photographiés. Certaines photographies utilisent parfois un effet de superposition qui fonctionne bien je trouve. En continuant à marcher, je prends une nouvelle fois en photo des autocollants de rue. On trouve souvent un ou deux autocollants de la marque Supreme dans l’abondance de stickers amoncelés à certains endroits de la ville. C’est le cas sur le petit camion d’un vendeur ambulant sur la troisième photographie, si on y regarde de très près. Je ne suis pas spécialement amateur de la marque Supreme, mais j’avoue que ces trois planches de skateboard posées les unes à côté des autres ont tout de suite attiré mon regard. Je pense bien que personne aurait l’idée de faire du skateboard avec des planches pareilles et qu’elles doivent plutôt être destinées à être accrochées en décoration sur un mur dans un salon. Éventuellement, on pourrait l’utiliser comme support pour poser une guitare, comme le font très habilement certaines. En fait, si je devais accrocher une planche de skateboard dans le salon, ce que Mari ne me laisserait pas faire de toute façon, je préférerais celle décorée des points rouges de Kusama Yayoi, vendue au MoMA Store à l’intérieur du Loft de Shibuya. Les deux dernières photographies du billet nous font sortir du centre nerveux de Tokyo, en partant de la station Fukutoshin de Shibuya dessinée par Tadao Ando en direction des arrondissements périphériques au Nord à la frontière de Saitama. Ce que j’y découvrirais sera le sujet d’un prochain billet.

cause I don’t belong to anywhere

Continuons en noir et blanc près de la baie de Tokyo, sur les terrains gagnés sur la mer d’Odaiba. Près du centre commercial Diver City envahi par la jeunesse, le robot Gundam est toujours là fidèle au poste à attendre je ne sais quoi. Il reste immobile contrairement à la version plus récente construite à Yokohama, mais impressionne toujours autant les passants (et les enfants) dont je fais partie. Il me semble qu’il est différent de la version que je connaissais car je n’avais pas remarqué auparavant les lumières qui apparaissent à certains endroits de sa carcasse. A quelques pas de là, se trouve la Flamme de la Liberté (自由の炎), une statue de 27 mètres de hauteur, créée par le sculpteur français Marc Couturier et inaugurée en 2001. Elle est faite de bronze et d’aluminium doré à la feuille d’or. Elle a été érigée pour matérialiser l’amitié Franco-japonaise qui a été ponctuée à cette époque par l’Année du Japon en France en 1997-1998 et par l’Année de la France au Japon en 1998-1999. En face de Diver City, de l’autre côté de l’autoroute, je suis aussi toujours impressionné par les bureaux de la chaîne de télévision Fuji conçus par Kenzo Tange. Le building date de 1997 mais reste encore maintenant un des bâtiments les plus uniques de Tokyo. Ce qui m’impressionne le plus peut-être, à part la sphère, c’est la quantité d’espaces vides entre les piliers de la structure. J’imagine mal une construction actuelle dont la surface exploitable ne soit pas exploitée au maximum. L’aspect futuriste du building s’accorde en fait très bien avec le robot Gundam. La dernière photographie du billet change complètement de lieu puisqu’elle est prise à Shibuya, mais les formes irrégulières du Department Store Parco lui donne également un aspect futuriste qui s’accorde à mon avis bien avec le reste des photographies du billet.

Même si ce n’est pas systématique, j’écoute assez régulièrement les nouveaux morceaux de Kyary Pamyu Pamyu (きゃりーぱみゅぱみゅ) car j’y trouve assez souvent des choses que j’aime, que ça soit musicalement ou dans la manière par laquelle elle vient introduire dans son chant des petits quelques choses d’inattendu. Je pense m’être maintenant habitué à son ton de voix de telle manière qu’il ne devient pas un frein à mon écoute. Je n’aime pas toute sa musique mais j’avais beaucoup aimé son dernier album Japamyu et plusieurs morceaux plus anciens et emblématiques de son style musical. Je la trouve en fait authentique dans sa manière de dévier subtilement les symboles de la culture kawaii. Elle sort tout récemment un nouveau single intitulé Gentenkaihi (原点回避), comme toujours produit par Yasutaka Nakata (中田ヤスタカ), à l’occasion de ses dix années de carrière musicale. J’avais l’impression qu’elle était présente sur la scène musicale japonaise depuis plus longtemps que cela. C’est peut être sa voix inchangée, même si elle n’a plus les 18 ans de ses débuts, qui me donne l’impression d’un personnage immuable à l’abri des années qui passent et éternel symbole de la jeunesse de Harajuku et de l’image du Cool Japan que le pays a voulu mettre en valeur il y a plusieurs années. On ne peut pas nier que Kyary Pamyu Pamyu a fortement contribué à diffuser, comme une ambassadrice malgré elle, cette culture pop japonaise en dehors des frontières du pays. Ecouter ce nouveau morceau a soudainement nourri ces réflexions. Le titre du morceau fait référence à un retour aux sources mais la vidéo montre en contradiction, Kyary en train de courir pour fuir quelque chose. Elle est poursuivie par un immense noeud rouge qui a la particularité d’avoir une mâchoire et des dents de monstre. Là est le détail déviant que j’aime beaucoup. On a l’impression qu’elle essaie de fuir son passé qui finit toujours par la rattraper.

En écrivant ces lignes, je suis justement en train de regarder Kyary sur le streaming du festival Supersonic qui se déroule aujourd’hui (Dimanche 19 Septembre) et hier. Le streaming est exclusivement disponible sur l’application 17Live que j’ai installé pour l’occasion, mais la qualité vidéo est plus que moyenne, surtout quand on fait un mirroring de l’écran de l’iPhone sur une télévision HD. Le son est cependant acceptable avec quelques décrochages pas forcément très gênant. On apprécie en tout cas que la diffusion soit gratuite. Il s’agit en fait d’un live différé de quelques heures et certains groupes, comme Perfume ne sont bizarrement pas diffusés. Kyary a interprété sur la scène de Supersonic quelques uns de ses morceaux les plus connus, notamment les deux morceaux que je préfère, Invader Invader (2013) qui démarra le set et l’excellent Fashion Monster (2012) qui le conclut brillamment. A vrai dire, c’est la première fois que je vois un live en vidéo de Kyary. Le petit détail très mignon, c’est qu’elle ponctue chaque morceau d’un petit ‘Thank you’ dans un anglais légèrement japonisé. Elle interprète bien sûr son dernier single Gentenkaihi et une version remixée par Steve Aoki de Ninja Re Bang Bang, car Steve Aoki est également un des invités de Supersonic un peu plus tard dans la soirée. Ce qui est excellent d’ailleurs, c’est que Steve Aoki lui renvoie l’ascenseur en incluant lui aussi le remix de Ninja Re Bang Bang dans son set avec des images d’un concert de Kyary en arrière-plan. Le festival est dans l’ensemble très orienté EDM. Ce n’est pas le style musical que je préfère, mais je suis quand même très curieux. L’électronique de Steve Aoki est beaucoup trop poussive et directe pour moi, même si certains morceaux finissent par m’accrocher malgré moi. Par contre, l’imagerie qu’il construit autour de son personnage sur l’écran géant de la scène est très intéressant, et pousse même à sourire par moments. Il réutilise par exemple le passage du film Titanic où Leonardo De Caprio tient Kate Winslet par les bras pour faire l’oiseau à l’avant du navire. Dans cet extrait vidéo, Steve Aoki remplace les visages des acteurs par le sien, comme pouvait le faire Richard D. James sur les vidéos d’Aphex Twin a une certaine époque (celles réalisées par Chris Cunningham comme Come to Daddy ou Windowlicker). Je suis agréablement surpris de voir les allemands de Digitalism, sauf que Jens Moelle est seul à monter sur scène. Je n’ai pas écouté ce groupe électronique depuis plus de dix ans, mais j’avais énormément apprécié certains morceaux à l’époque. J’ai eu une larme à l’oeil en écoutant le morceau Blitz (sur le EP du même nom sorti en 2010) interprété sur la scène de Supersonic. Blitz est un morceau sublime alliant puissance (les basses) et subtilité (les légers tremblements de sons), comme j’en connais malheureusement peu dans le genre. J’en parlais brièvement il y a dix ans, mais je n’essayais pas beaucoup à l’époque de transmettre les émotions ressenties lors de l’écoute. Je n’ai malheureusement pas passé toute mon après-midi de dimanche devant l’écran de 17Live, mais ce que j’ai vu et entendu m’a pour sûr fait beaucoup de bien.

Le compte Twitter Mikiki, lié à Tower Records et spécialisé dans les revues et critiques musicales, me fait régulièrement découvrir de belles choses musicales. Cette fois-ci, c’est la compositrice et interprète (SSW comme on dit, pour Singer Song Writer) RöE (ロイ) que je découvre à travers un morceau très enthousiasmant intitulé YY. J’aime beaucoup la dynamique et l’intensité pop du morceau. La voix particulièrement engageante de RöE me plaît en fait vraiment beaucoup. Elle est très marquée et possède une puissance et une assurance qui nous entraînent sans faiblir. On a même beaucoup de mal à se sortir le morceau de la tête après l’avoir écouté, et on a sans cesse envie d’y revenir. Le morceau est utilisé comme thème d’ouverture du drama Hakojime (ハコヅメ〜たたかう!交番女子〜) avec Tsuyoshi Muro (ムロツヨシ), Erika Toda (戸田恵梨香) et Mei Nagano (永野芽郁), actuellement diffusé sur Nippon TV et basé sur un manga de Miko Yasu (泰三子). On regarde parfois ce drama d’un œil distrait mais comme on le prend en général en cours de route, je n’ai jamais entendu le morceau YY au générique de début des épisodes. RöE a en fait sorti un EP de six titres intitulé Warusa (ワルサ) contenant ce morceau YY. La qualité du EP me paraît plus inégale mais j’ai quand même envie de voir si d’autres morceaux m’accrochent. En écrivant ces lignes, je me rends compte que j’aime aussi beaucoup le quatrième morceau intitulé Violation dont la vidéo me rappelle un peu l’ambiance dérangée qu’on pourrait voir sur certaines vidéos de AiNA The End. L’ambiance y est beaucoup plus rock et agressive que YY qui est résolument pop. Ce morceau était également utilisé pour le thème d’ouverture d’un drama (décidément). Il s’agissait de Strawberry Night Saga (ストロベリーナイト・サーガ) sur Fuji TV avec Fumi Nikaidō (décidément) et Kazuya Kamenashi. RöE est définitivement une artiste à suivre, en espérant qu’elle continue à sortir des nouveaux morceaux dans l’esprit, certes très différents, de ces deux là.

渋谷ウォーク❺

Lorsque le mois d’août démarre, je me demande à chaque fois comment je vais l’aborder sur ce blog. Les chaleurs estivales actuelles font qu’il est très difficile de marcher dans les rues pendant la journée même en se levant très tôt. Je plains parfois les sportifs olympiques qui doivent faire des exploits sous une chaleur pareille. Nous avons beaucoup aimé regarder les épreuves de skateboard street et de BMX free style. Ce sont des nouvelles disciplines olympiques qui valent le coup d’oeil. On souffre à leur place quand ils ou elles tombent brusquement au sol après une acrobatie ou quand on les voit sous la chaleur d’Ariake sans aucune ombre pour les protéger. Mais à l’écran, ils ne semblent pas montrer de désagréments envers ces conditions météorologiques. Ils sont certainement trop concentrés sur l’acte à accomplir. 1 minute de compétition est pour certains et certaines la concrétisation d’années d’entrainement intensif. Hier soir, nous sommes retournés dans la nuit faire le tour en vélo du stade olympique. On ne peut que difficilement approcher le stade en voiture à cause des barrages de police, donc le vélo est une bonne option. Je connais maintenant assez bien le trajet qui nous permet de longer au plus près le stade, mais il est gardé comme une zone militaire. On voit d’ailleurs des forces d’auto défense à l’intérieur de l’enceinte. L’année dernière au mois d’août, nous avions passé une nuit dans le nouvel hôtel proche du grand stade, ce qui m’avait permis de prendre quelques photos. Il y a maintenant une grande grille qui sépare l’hôtel du stade. On ne peut entendre que les sons des compétitions d’athlétisme qui se déroulent ce soir là. Le bruit du pistolet nous indique le démarrage d’une course et nous incite à reprendre le chemin du retour. Devant le musée olympique, une longue file d’attente s’est formée devant les anneaux olympiques. Ils sont pourtant installés là depuis longtemps, mais la foule ne s’y presse que maintenant pour les prendre en photo, même tard le soir. Je ressens moi-même cette attirance soudaine car je suis venu voir ces anneaux olympiques à vélo au moins trois fois depuis le début des compétitions. Je pense qu’on essaie du mieux qu’on peut de s’imprégner de l’ambiance olympique, mais l’événement donne tout de même le sentiment d’être un peu lointain, comme s’il se passait dans un Tokyo parallèle. Je pense qu’il y aurait là matière pour une histoire à la Murakami Haruki. Sans prétention aucune, ceci me rappelle que je devrais utiliser ce mois d’août pour essayer d’écrire des textes de fiction en continuant avec un nouvel épisode de l’histoire de Kei ou en imaginant un autre Tokyo parallèle comme je l’avais fait il y a quelques mois. L’inspiration ne se commande malheureusement pas. L’année dernière au mois d’août, j’avais fait une série photographique en dix épisodes intitulée Manatsu (真夏), le plein été. Il y avait autant de photos que de katakana dans l’alphabet japonais et chaque billet était accompagné d’une note musicale. Peut-être devrais-je reprendre un modèle similaire cet été. Ou peut-être devrais-je simplement continuer cette série appelée Walk (ウォーク) dont j’ai déjà écrit quelques épisodes.

Sur les photographies de ce billet, nous sommes dans le centre de Shibuya. Les trois premières photographies sont prises dans le quartier Udagawachō, qui a gardé un désordre ambiant qui se fait de plus en plus rare dans Shibuya. Les choses vont changer très certainement et je viens ici régulièrement pour voir à quelle rythme le décor urbain se modifie. Les priorités de changement sont pour l’instant axées sur la gare, mais on note déjà des tentatives de normalisation à Udagawachō depuis l’installation de la grande tour Abema. Le grand mur de graffiti à l’arrière que je prends souvent en photo a par exemple été entièrement repeint en blanc. Comme il est un peu à l’écart de la rue principale, je pressens qu’il serra de nouveau pris d’assaut par les graffeurs à moins qu’il ne soit maintenant surveillé par des caméras vidéo. Dans le quartier, je remarque des petits tableaux posés à la sauvette. Ils montrent des visages et des corps en noir et blanc mais marqués de quelques couleurs. J’imagine qu’il s’agit d’une exposition de rue en mode guérilla comme on peut le voir régulièrement à Shibuya. L’agence d’idoles alternatives Wack s’était d’ailleurs fait une spécialité d’envahir les rues de photographies des membres de l’agence à l’occasion de la sortie d’un nouvel album ou à l’occasion d’événements particuliers. BiSH, le groupe le plus populaire de l’agence, sort d’ailleurs un nouvel album dans quelques jours le 4 août. Ce sera peut être l’occasion de nouveaux affichages, il faut que je surveille les rues de Shibuya.

Le nouvel album de BiSH s’appelle GOiNG TO DESTRUCTION et se composera de quatorze morceaux dont plusieurs sont déjà sortis. Je ne suis pas sûr d’acheter l’album en entier mais je reste assez curieux d’écouter ce que va donner l’ensemble. Je me suis en fait déjà procurer sur iTunes trois morceaux de ce nouvel album: STAR qui est déjà sorti il y a plusieurs mois mais dont je n’avais pas encore parlé ici, STACKiNG et in case… qui sont sortis plus récemment. Ce sont loin d’être les meilleurs morceaux du groupe mais ils n’en restent pas moins très efficaces. Ils n’ont en fait pas énormément d’originalité et sont très fidèles au style de composition musicale de Kenta Matsukuma (松隈ケンタ) au point où on se demande si on ne connaît pas déjà ces morceaux. Comme pour AiNA avec son album solo qui faisait intervenir Kameda Seiji aux arrangements, le groupe aurait intérêt à inclure un peu de sang neuf dans le processus créatif. Après plusieurs écoutes de ces morceaux, je suis surpris moi-même d’y revenir. Il reste au groupe cette ferveur vocale immuable qui finit par être communicative et par me convaincre. Le chant est comme toujours principalement mené par AiNA, Chichi et Ayuni qui ont les voix les plus fortes et remarquables. Ayuni a comme toujours la voix la plus disruptive mais j’aime beaucoup sa manière agressive de chanter qui vient à chaque fois bousculer la dynamique des morceaux. Le groupe est beaucoup plus convaincant sur leurs albums que lors de leurs interventions télévisées où j’ai l’impression qu’elles hésitent à pousser leur excentricité vocale. C’est pourtant ce qui fait tout l’interêt de leur musique. Les quatre captures d’écran ci-dessus proviennent d’une petite vidéo introductive de ce nouvel album. J’aime beaucoup le fait que cette vidéo est clairement inspirée de la vidéo du morceau Honnō (本能) de Sheena Ringo. Bien que les six membres de BiSH ne soient pas habillées en infirmières comme dans Honnō, elles sont tout de même habillées de blanc et on les voit casser des vitres à mains nues comme Sheena pouvait le faire sur Honnō. Il n’y a absolument aucune ressemblance entre les premiers morceaux que je connais de leur nouvel album et la musique de Sheena Ringo, mais on sait que AiNA est influencée par Sheena et qu’elle a d’ailleurs déjà repris quelques morceaux d’elle. Comme AiNA est souvent en charge des chorégraphies du groupe, elle est peut-être également à l’origine de cette vidéo inspirée de Honnō. C’est seulement une supposition de ma part. Comme je le dis souvent, ce type de liens d’influence m’intéressent beaucoup.

Pour revenir aux photographies de ce billet et sans pour autant toutes les décrire une à une, je veux quand même mentionner que la quatrième correspond à des toilettes publiques dont le design est conçu par Kengo Kuma. Elles font partie du projet Tokyo Toilet remplaçant une à une les vielles toilettes publiques de l’arrondissement de Shibuya par des nouvelles toutes conçues par des architectes ou designers différents. J’avais déjà montré celles transparentes par Shigeru Ban ou celles dans les jardins publics près de la gare d’Ebisu par Fumihiko Maki ou Masamichi Katayama. Celles conçues par Kengo Kuma se nomment A Walk in the Woods et on peut les trouver dans le parc Nabeshima dans le quartier résidentiel huppé de Shoto. L’utilisation du bois est très distinctif du style actuel de Kengo Kuma. On reconnaît son style au premier coup d’oeil. La photographie suivante dans ce billet montrant une façade bleutée est également prise dans ce même quartier de Shoto. Cette photographie m’amuse car on y voit à la fois un élégant et discret petit dessin de papillon avec une signature et une mention en anglais seulement « We call Police ». Il n’est pas rare de voir ce genre d’avertissement dans un anglais pas forcément incorrect grammaticalement mais plutôt flou ou approximatif. J’imagine que le message signifie qu’il est interdit de faire des graffiti sur le mur, comme en général un premier graffiti en appelle d’autres.

誰も知らない青

Les deux premières photos de ce billet sont prises le soir sous la pluie dans les rues de Daikanyama. Les jours de la semaine où je travaille à la maison, je marche systématiquement le soir entre une demi-heure et une heure, suivant l’heure où je termine le travail. Il m’arrive rarement de me laisser influencer sur les choix musicaux que je vais faire pour cette marche du soir dans la nuit, mais le conseil de Smany pour son propre album Illuminate était très adapté. Sur le court message qu’elle laisse et que je retweete, elle propose d’écouter son album les jours de pluie froide. Rappelons que nous sommes encore pendant la saison des pluies lorsque ce message est publié et au moment où j’ai pris ces quelques photos. Illuminate est un très bel album dont je parlais déjà l’année dernière en Octobre. Marcher la nuit dans des rues peu éclairées sous la pluie est une expérience d’écoute particulière.

Les autres photos du billet, également prises à l’iPhone, correspondent à d’autres journées mais toujours pendant la saison des pluies. L’architecture est celle de l’immeuble Iceberg et du Shibuya Scramble Square, tous deux plantés au bord de l’avenue Meiji. Il y a quelques similitudes dans la deconstruction architecturale des façades de ces deux buildings. Lorsque je prends des photos avec mon iPhone, je retravaille souvent le contraste et la luminosité avec l’application Snapseed, mais je montre plutôt ces photos sur Instagram. Une fois n’est pas coutume, j’utilise un filtre sur Snapseed pour les photos de cette série (Noir C02). J’aime beaucoup le rendu peu contrasté de ce noir et blanc, qui donne l’impression que ces photos sont datées. Je ne montre pas souvent de photos prises à l’iPhone sur ce blog. La qualité d’image est loin d’être mauvaise mais les photos prises au téléphone portable me donnent en général l’impression d’avoir été aplaties, sans le relief que l’on peut avoir à travers l’objectif d’un appareil reflex.

Je parle assez peu de musique sur mes derniers billets, même si j’écoute de belles choses en ce moment, notamment le dernier album de Yuragi (揺らぎ) intitulé For you, Adroit it but soft, sorti le 30 Juin 2021. Il s’agit en fait du premier album du groupe, mais Yuragi a déjà sorti deux EPs que j’aime beaucoup: Nightlife et Still Dreaming, Still Deafening, sortis respectivement en 2016 et 2018. Le premier EP Nightlife ne contenait que quatre morceaux mais m’avait laissé une très forte impression au point de considérer Yuragi comme une des meilleures formations Shoegaze japonaises. Je pense à des morceaux comme Night is Young et AO (dont je tire le titre de ce billet) qui sont excellents. Je me souviens du billet que j’avais écrit lorsque je découvrais ce EP et de mon incapacité à écrire dessus. Le nouvel album ne surpasse pas la force mélancolique de ce premier EP, mais s’en approche et part vers d’autres ambiances. On retrouve la voix frêle de Mirai Akita, que je vois nommée Miraco sur la page web du groupe, et les partitions parfaites de guitares envahissant l’espace. La voix de Miraco prend en fait plus d’ampleur et de présence sur le nouvel album, sur des morceaux comme Sunlight’s Everywhere. L’album part également brièvement dans de nouvelles directions loin du shoegazing sur certains morceaux comme le quatrième Dark Blue, peut-être parce qu’il s’agit ici d’une collaboration. C’est la seule de l’album, avec un beat producer japonais basé en Angleterre dont on ne connaît pas le nom mais qui se fzit appeler Big Animal Theory. Mais les meilleurs morceaux de l’album à mon avis sont ceux qui sont fidèles à l’esprit musical initial du groupe, comme par exemple le sixième morceau While My Waves Wonder et le dernier morceau I Want You By My Side. Ce dernier morceau est mon préféré de l’album, certainement en raison de la partition de batterie de Yusei Yoshida, pas spécialement complexe mais je réalise que sa présence a une grande influence sur la beauté et l’interêt de certains morceaux. Je le remarque maintenant sur le morceau Night is Young de EP Nightlife lorsque le rythme soudain de batterie vient donner un nouveau souffle au morceau. A noter que dans ce morceau Night is Young, je remarque en réécoutant le EP à la suite du nouvel album que les paroles mentionnent les mots Onaji Yoru (同じ夜), que je ne peux m’empêcher d’associer au morceau de Muzai Moratorium (無罪モラトリアム). La voix de Miraco sur le dernier morceau I Want You By My Side est magnifique, mais pas d’une manière conventionnelle. La puissance des guitares est omniprésente sur la plupart des morceaux mais laisse assez de place à la voix qui n’est pas complètement noyée par rapport à ce qu’on peut entendre chez d’autres groupes de shoegazing. La voix de Miraco a même une certaine clarté, sur un morceau comme Underneath it All par exemple, qui donnerait presque par moments une approche pop à cet album. Un nouvel aspect dans la musique du groupe est la présence de morceaux beaucoup plus calmes qui viennent se placer comme de courts interludes dans l’album. Le septième morceau The Memorable Track est un de ces morceaux mémorables, qui nous fait dire que le groupe pourrait partir à l’avenir vers d’autres horizons. Une chose est sûre, le rock indé n’est pas mort au Japon et ses meilleurs albums sont en train d’être composés en ce moment.

渋谷ウォーク❷

En s’éloignant du centre de Shibuya au delà de l’imposante autoroute surélevée survolant une partie de la route 246, on trouve quelques zones vertes autour des sanctuaires. Le sanctuaire Konnō Hachiman-gū, où se trouvait autrefois le château de Shibuya, et celui de Hikawa se situent tous les deux à proximité de petites rues parallèles à l’avenue Meiji. Depuis l’extérieur, en dehors de l’enceinte de ces sanctuaires, on a l’impression d’être devant des petites forêts denses. Seule une porte torii nous laisse comprendre qu’il s’agit d’un sanctuaire. J’aime beaucoup traverser ces deux sanctuaires qui permettent de s’extraire de l’environnement urbain pendant quelques minutes revigorantes. Je montre souvent le sanctuaire Hikawa en photo car j’aime beaucoup sa configuration spatiale en haut d’une petite colline. On y accède par une route pavée et un escalier de pierre. C’est dommage que l’endroit soit aussi sombre le soir. Même s’il n’y a pas grand chose à y craindre, j’aurais aimé qu’on y ajoute des lampes à la lumière chaude. Le sanctuaire de Konnō Hachiman-gū est au contraire toujours très éclairé et ses lumières mettent le bâtiment principal en valeur. À chaque fois que je passe devant sa porte, je me sens invité à y pénétrer. J’aime entrer dans ces sanctuaires en plein été car on a l’impression qu’on y trouvera un peu de fraîcheur sous les arbres. Ce n’est malheureusement pas le cas même si on y pense très fort. On peut simplement supplier les dieux pour qu’ils nous accordent une période estivale supportable. L’été japonais qui approche très bientôt a quelque chose d’à la fois très attirant et insoutenable. Quand je repense à mes toutes premières années au Japon, j’ai le sentiment qu’il ne me reste en tête que des images d’été, peut-être parce que le premier contact s’est passé pendant un mois de Juillet. C’est peut-être tout simplement parce que je suis le fils d’un été chaud, d’une canicule même qui me poursuit encore maintenant jusqu’à Tokyo. J’ai l’impression d’avoir été préparé depuis toujours à affronter ces chaleurs estivales.

Le nouvel album Ethernity du groupe rock indé japonais For Tracy Hyde est sorti un peu plus tôt cette année en Février mais je ne me décide à le découvrir que maintenant. Comme sur les albums précédents, tous les morceaux du groupe ne me plaisent pas forcément mais il y en a toujours quelques uns qui me touchent plus particulièrement. C’est le cas du troisième morceau de l’album Interdependence Day, Pt. I qui me plait beaucoup. Les morceaux de For Tracy Hyde fonctionnent particulièrement bien lorsque la voix assez haut perchée d’Eureka vient se confronter à des marées de guitares bruyantes façon shoegazing. Le morceau garde un côté pop intervenant dans le refrain procurant toute l’accroche. Musicalement, c’est très beau et travaillé comme toujours d’ailleurs chez For Tracy Hyde, qu’on peut considérer comme un des groupes importants de la scène rock indé japonaise. Dans un style complètement différent car plus apaisé mais très rythmé, je découvre avec plaisir la musique de Samayuzame, dont je n’avais pour l’instant jamais entendu parlé. Sur un un rythme electro, elle chante sur le morceau intitulé Nenashigusa (根無草) d’un parlé quasi rappé et murmuré qui me rappelle un peu par moment la voix de Daoko (sans le côté kawaii qu’on peut entendre chez Daoko). J’aime particulièrement les passages où elle répète d’une voix faible en murmure le titre du morceau au dessus d’ondes électroniques mouvantes. Cette composition est vraiment très belle. Sa manière de chanter prenant un rythme découpant les syllabes est également très intéressante et accrocheuse à l’écoute. Je n’ai pas l’impression que l’ensemble de son album Yadorigi sorti l’année dernière soit dans le même esprit, mais l’ambiance de ce morceau me donne envie de découvrir un peu plus ses autres morceaux.