祭りがない間に

Je continue tranquillement mais plus intensément ces deux derniers jours, comme vous l’aurez peut-être remarqué, l’alternance entre les photographies prises pendant quelques journées d’été en dehors de Tokyo et d’autres journées du même été dans le centre de Tokyo. Dans l’ordre de bas en haut: la façade arrière grillagée avec des formes de fleurs du Department Store PARCO d’Ueno, un graffiti bleu montrant un animal ressemblant à une pieuvre sur une avenue de Meguro mais on en trouve des similaires dans d’autres quartiers, la tour Octagon avec des yeux noirs de créatures maritimes par l’architecte Shin Takamatsu, une grande fresque intitulée Art in The Park par l’artiste Shun Sudo autour du Ginza Sony Park (銀座ソニーパーク), des constructions d’immeubles au niveau de la sortie Sud de la gare de Shibuya et les formes blanches réminiscentes de l’ancienne gare de Shibuya situées sur la grande passerelle reliant la gare à la tour Shibuya Stream que l’on peut traverser comme un coup de vent. Ces photographies ne sont pas prises lors des mêmes journées. Ce sont des photographies que je n’ai pas pu intégrer dans d’autres séries déjà publiées pour des raisons qui peuvent être, même pour moi, assez floues. Le choix des photographies que je retiendrais dans une série relève souvent d’un ressenti qui n’a pas toujours d’explications très logiques.

Suite à un concours de circonstances, je me retrouve avec un billet en main pour aller voir l’entrainement de l’équipe de football masculine du Paris Saint Germain au stade Chichibu no Miya à Kita Aoyama. Je ne suis pas particulièrement fanatique de football ni du PSG en particulier, mais j’étais tout à fait partant pour aller voir les stars Kylian Mbappé, Lionel Messi et Neymar toucher le ballon sous la chaleur tokyoïte. Le PSG était en fait pendant quelques journées du mois de Juillet en tournée japonaise pour disputer trois matches contre des équipes japonaises dont les Urawa Reds de Saitama, une équipe de Kawasaki et une autre d’Osaka. La photo ci-dessus est prise avant le début de l’entrainement et on constate que le stade est plein. Je n’ai malheureusement pas de photos montrant les joueurs stars car mon zoom ne permettait pas de bien saisir les joueurs. Le fan club japonais du PSG était également présent dans les tribunes. J’étais d’abord surpris d’apprendre l’existence d’un fan club au Japon mais pourquoi pas après tout, on trouve bien à Tokyo plusieurs magasins vendant des t-shirts et autres vêtements aux couleurs du club. Le moment le plus intéressant pour moi, néophyte que je suis, était de constater la vitesse de course de Mbappé. Je n’ai pas beaucoup vu Messi sur le terrain, peut-être parce qu’il s’entraînait plutôt de l’autre côté des tribunes où je me trouvais, mais j’ai vu Neymar particulièrement actif. Le moment le plus amusant était à la toute fin quand quelques enfants tentaient chacun à leur tour une échappée sur le terrain pour faire signer leur maillot par un des joueurs, avant de se faire gentiment rattraper par les personnes de la sécurité. Tout ceci était bon enfant et particulièrement rare, à mon avis, au Japon. Mais parfois, les passions sont plus fortes que tout et j’imagine bien les pères de ces enfants les pousser gentiment à enfreindre les règles pour courir à toute vitesse sur le terrain pour une signature. Je les ai envié pendant quelques instants, car rien que le fait de courir sur ce terrain doit être un plaisir en soit.

J’aime énormément et par dessus tout les découvertes musicales inattendues. Je connais la compositrice et interprète Reol depuis un petit moment et j’ai plusieurs fois essayé d’écouter ses morceaux sans y trouver une accroche. Je tente une nouvelle fois ma chance avec son nouveau morceau sorti il y a 10 jours, Aogeya Tōtoshi (煽げや尊し) et son énergie me surprend tout de suite beaucoup. Ce morceau est une excellente surprise notamment le refrain très accrocheur par sa manière de chanter très marquée. Ce morceau est comme un matsuri et ce sont certainement les danses qui accompagnent la vidéo prise en grande partie dans un bain sento de Chiba qui me font penser ça. Il y a également les « Sore Sore » qui agrémentent par moment les paroles, une référence au Mikoshi et au Hyakki Yagyō (百鬼夜行) et une certaine intonation occasionnelle de voix de Reol me rappelant cette ambiance de matsuri. Le morceau a déjà largement dépassé le million de vues sur YouTube et ça ne m’étonne pas du tout tant l’énergie positive qui s’en dégage est communicative. Du coup, je m’en vais écouter quelques uns de ses morceaux récents, ce qui tombe très bien car je suis plutôt en ce moment dans une période musicale un peu éloignée du rock alternatif. Et mentionner le Hyakki Yagyō me rappelle qu’il faut que j’aille voir l’exposition de Shigeru Mizuki à Roppongi Hills avant qu’elle ne se termine le 4 Septembre 2022.

quelques journées d’été (4)

Un téléphérique nous amène en haut du Mont Kinka pour visiter le château de Gifu. Cette montagne s’appelait auparavant Inabayama et le château était donc autrefois celui d’Inabayama mais Oda Nobunaga décida de changer son nom, ainsi que la ville où il se trouve, en Gifu. Ce nom serait inspiré par le nom d’une montagne chinoise, Qishan (岐山), qui aurait été le point de départ de l’unification d’une grande partie de la Chine ancienne. On voit le parallèle qu’Oda Nobunaga voulut donner avec l’unification du Japon déchiré par les guerres continuelles de la période Sengoku. Ce château idéalement placé sur la plus haute montagne des alentours (à 329m de hauteur) lui donne une importance stratégique. Suite à la prise de ce château, Oda Nobunaga y installa son commandement pendant les neuf années où il œuvra à l’unification du Japon. La construction initiale du château remonte à l’année 1201, par la famille Nikaido pendant la période Kamakura, mais le château que l’on peut visiter maintenant est beaucoup plus récent car il date de 1956. La construction actuelle de ciment n’a par conséquent rien d’historique ou d’authentique comme peut l’être le château d’Inuyama. Il n’empêche que le point de vue depuis le dernier étage du donjon est tout particulièrement impressionnant. Il donne une vue imprenable sur les anciennes provinces de Mino (actuellement la préfecture de Gifu) et d’Owari (actuellement Aichi) dont Oda Nobunaga est originaire. On imagine très bien que les hommes d’Oda Nobunaga pouvaient voir de très loin les attaques ennemies. Ça doit être une des vues les plus impressionnantes que j’ai pu voir jusqu’à maintenant depuis un château japonais. Les étages à l’intérieur du château servent de musée montrant notamment des images de la grande résidence d’Oda Nobunaga dont je parlais dans le billet précédent et insistant sur le fait qu’il rendit volontairement ces lieux plus impressionnants qu’ils n’étaient au moment de son arrivée pour donner une impression de puissance. On nous évoque également assez longuement la visite d’un missionnaire jésuite portugais, Luis Frois, qui aurait été particulièrement impressionné par les lieux et aurait contribué à diffuser cette image de puissance. Oda Nobunaga agissait d’ailleurs habillement en ce sens. Le chemin qui mène vers le château depuis le téléphérique demande une dizaine de minutes de marche, mais la chaleur rend tout mouvement plus difficile qu’à la normale. Il souffle heureusement un petit vent frais tout en haut de la montagne Kinka et c’est particulièrement agréable. Au début de l’après-midi, nous reprenons ensuite la route vers la préfecture de Shizuoka qui est la troisième étape de nos petites vacances.

Shibaura no Kenban

L’objectif de ma visite mentionnée dans mon billet d’hier était de visiter un ancien grand bâtiment de bois rénové pour devenir le Minato City Center for Traditional Culture à Shibaura. Le bâtiment original a été construit en 1936 et servait de Kenban, c’est à dire de bureau d’affectation pour les geisha de ce quartier de Shibaura. A partir de 1945, après l’évacuation de ces professions artistiques de Shibaura pendant la seconde guerre mondiale, le bâtiment est devenu un logement pour les travailleurs du port tout proche. Il prendra le nom de Kyodo-Kaidan jusqu’à sa fermeture en 2000. Le bâtiment restera fermé pendant de nombreuses années jusqu’au début des travaux de rénovation en 2017. La rénovation prendra 3 ans pour s’achever en 2020 et devenir le centre culturel actuel. On trouve à l’intérieur une petite salle d’exposition dédiée au changements successifs du quartier de Shibaura gagné sur la mer. On peut également visiter la grande salle à l’étage qui doit servir pour des spectacles et autres représentations culturelles. Je montre quelques photos de l’intérieur sur mon compte Instagram. Une vidéo nous montre également le travail de rénovation du bâtiment. On apprend d’ailleurs qu’il a été déplacé de quelques mètres du site initial, sans démonter la structure.

Mes nouvelles découvertes musicales sont plus lentes en ce moment mais j’en parlerais certainement un peu plus dans des prochains billets. Je suis en tout cas fortement impressionné par le nouveau morceau de Noah intitulé gemini – mysterious lot qui sortira sur son nouvel album Noire à la fin du mois d’Août. La voix parlée de Noah dans une langue qui n’est pas compréhensible clairement se mélange à une boucle électronique entêtante et à des nappes vaporeuses. Cette musique a quelque chose de magique et invite à l’introspection. L’idée d’y mettre un beat continuel et quelques autres rythmiques est particulièrement brillante. On aimerait que le morceau ne s’arrête jamais. Il pourrait en fait continuer sans cesse car il n’y a pas de refrain ou de moments différenciés à l’intérieur, seulement une longue trame qui se répète. Je suis Noah depuis quelques temps et j’aime beaucoup la direction qu’elle poursuit depuis son EP Étoile dont j’avais déjà parlé ici.

Même si je n’en parle pas systématiquement, je continue à mettre à jour la playlist musicale sur YouTube avec une sélection de morceaux que j’apprécie, liste qui commence à être particulièrement longue d’ailleurs. Et puisqu’on parle des liens situés en haut de ce blog, j’ai remis celui de l’Enquête pour les visiteurs de Made in Tokyo. Je l’avais enlevé suite à un spam et je referais certainement de même si ça se reproduit. Pour ceux et celles qui visitent et apprécient ce blog, je vous invite grandement à répondre aux quelques questions qui me permettront d’un peu mieux connaître mes visiteurs habitués ou occasionnels.

quelques journées d’été (3)

L’étape suivante et finale de notre première journée était la ville de Gifu, dans la préfecture du même nom, située à seulement une quarantaine de minutes en voiture d’Inuyama. Nous passerons la nuit dans un ryokan au bord du fleuve Nagara et à quelques mètres du Mont Kinka en haut duquel se trouve le château de Gifu. Nous le visiterons le lendemain matin. Tout comme à Inuyama, on pratique sur le fleuve Nagara la pêche au cormoran, appelée Ukai (鵜飼), qui est une pêche traditionnelle ancestrale ayant lieu presque toutes les nuits. Cette pêche est pratiquée depuis 1 300 ans sans interruption, du 11 Mai au 15 Octobre. Les touristes peuvent assister à cette pêche, de nombreuses barques sont prévues à cet effet, mais les heures de départ ne correspondaient malheureusement pas à celles de notre repas du soir. Nous en profitons plutôt pour marcher le long de l’ancienne rue Kawaramachi. Chaque maison de cette rue est ornée d’une lampe représentant une image de cette pêche Ukai. Je ne sais pas si elles sont accrochées en permanence aux portes des maisons ou s’il s’agit de la période actuelle proche du Obon qui le demande. Le lendemain matin, nous embarquons dans une visite guidée des abords du château où on trouve les vestiges de la luxueuse résidence du seigneur de guerre unificateur du Japon, Oda Nobunaga. Il ne reste rien de cette résidence mais des images nous donnent une idée générale de son apparence extérieure. On nous apprend qu’un petit étang se trouvait également sur ce site et que l’eau de l’ancienne cascade suinte toujours à travers les roches. Un projet dans les quelques années qui viennent est de reconstituer cet étang. Il n’y a malheureusement pas de projet pour reconstruire la résidence d’Oda Nobunaga, ce qui est dommage vu l’importance historique du personnage. Cette visite guidée est assez particulière. Il n’y a en fait pas grand chose à voir car il s’agit de ruines dont il ne reste que peu de choses, seulement des morceaux de murs de pierre, des monticules de terre ou des renfoncements dans le sol indiquant l’emplacement d’anciens bâtiments, ou des cascades d’eau qui ne coulent presque plus. Mari fait la remarque que cette visite ressemble à l’émission de la NHK, Bura Tamori (ブラタモリ) qui s’attarde souvent sur la géologie des terrains ou à d’autres aspects que toute personne lambda ne remarquerait certainement pas. Le guide nous entend en souriant car Tamori est en fait bien venu ici pour cette émission et avait même été particulièrement intéressé par les roches de l’ancienne cascade qui formera dans quelques années la reconstitution de l’étang. Je montre cette roche sur la sixième photographie du billet. Notre visite se termine au pied du téléphérique qui nous invite à une visite du château sous les chaleurs estivales infernales approchant les 39 degrés.

TRAIN-TRAIN

Le titre de ce billet m’est inspiré par le titre d’un morceau du groupe rock japonais The Blue Hearts. Ce titre me vient en tête alors que j’aperçois le Tokyo Monorail passer au dessus de ma tête et que je m’empresse de le prendre en photo avant qu’il ne disparaisse derrière les buildings comme un serpent s’échapperait derrière un rocher. Je n’ai que très peu d’intérêt pour la musique de The Blue Hearts bien que j’ai souvent chanté en groupe au karaoke le morceau Linda Linda (je parle souvent de karaoke ces derniers temps alors que je n’y suis pas allé depuis une éternité). Nous sommes ici dans le quartier gagné sur la mer de Shibaura. J’étais venu jusque là pour voir une ancienne maison rénovée il y a quelques années, et que j’ai déjà montré sur mon compte Instagram. J’en parlerais un peu plus tard dans un prochain billet. Je suis à pieds le canal Shinshiba (je ne savais pas que les nombreux canaux de Tokyo avaient des noms) sur quelques mètres avant de bifurquer sur la route 15 après la station de Tamachi. Marcher en direction de Sengakuji m’amène jusqu’à la station de Takanawa Gateway conçue par Kengo Kuma. Le rez-de-chaussée a l’air d’être en construction, ce qui est plutôt étrange vu que la station est très récente. Tout le quartier est en fait en plein redéveloppement sous le nom de projet de Tokyo Yard. La compagnie JR East a annoncé en Avril de cette année les grandes lignes du projet. Cinq buildings dont quatre tours (comme si on en manquait) pousseront sur ces espaces. Un des buildings sera dessiné par Kengo Kuma (décidément) et sera un centre culturel sous le nom de Cultural Creation Building. Les formes de ce bâtiment en particulier semblent très intéressantes.

Le titre de ce billet me revient aussi en tête car j’ai vu dernièrement sur Netflix un film japonais intitulé Alps Stand no Hashi no Kata (アルプススタンドのはしの方) dans lequel ce morceau était joué plusieurs fois par une fanfare de supporters lors d’un match de baseball de lycéens (Koshien), pour encourager le joueur vedette d’une des équipes. Il s’agit d’un film assez court de 1h15 réalisé par Hideo Jōjō (城定秀夫) et adapté d’une pièce de théâtre primée. Le film se passe dans un lieu unique, les stands d’un stade de baseball, dans lequel des lycéens viennent encourager leur équipe, un peu obligés d’ailleurs par le personnel du lycée. C’est le cas des deux protagonistes principales Yasuda (interprétée par Rina Ono) et Tamiya (Marin Nishimoto), membres du club de théâtre et plutôt néophytes quant aux règles du baseball. Un ancien membre de l’équipe de baseball, Fujino (Amon Hirai), vient s’asseoir à côté d’elles et une discussion se met en place, révélant les rapports parfois compliqués entre les élèves. L’histoire est simple et nous ramène aux émotions de la fin de l’adolescence. Tout l’interêt du film, qu’il serait difficile de vraiment résumer, vient du talent des jeunes actrices et acteur et du fait que le film ne nous laisse pas deviner le déroulement de l’histoire. On se laisse simplement entraîner dans ces discussions, dans ces moments de malaises parfois et dans ces petites histoires d’amour qui se révèlent ou qu’on imagine se révéleront peut-être un jour. Je ne connaissais pas le réalisateur ni les jeunes acteurs et actrices de ce film sorti en 2020, mais c’est une belle découverte.

J’ai aussi beaucoup apprécié le film Kazane (累) du réalisateur Yuichi Satō (佐藤祐市), inspiré d’un manga du même nom. Ce film sorti en 2018 est centré sur deux comédiennes jouées par Tao Tsuchiya et Kyokō Yoshine dont l’agent est interprété par Tadanobu Asano. L’histoire fait intervenir du fantastique. Kazane (interprétée par Kyokō Yoshine) est une excellente actrice mais a malheureusement le visage balafré d’une horrible cicatrice, tandis que Nina Tanzawa a la beauté pour elle mais se révèle être une actrice sans grande envergure. Un étrange rouge à lèvres légué peu avant sa mort par la mère de Kazane, également actrice exceptionnelle, a le pouvoir d’interchanger les apparences lorsque les personnes s’embrassent. Commence alors un jeu de manipulation, orchestré par l’agent (Tadanobu Asano), pour faire en sorte que le talent de Kazane s’additionne à la beauté de Nina dans le but de décrocher des rôles rappelant le prestige passé de la mère de Kazane. Ce jeu fonctionne un temps mais tout se complique forcément et rien ne se déroule comme prévu. Pour apprécier le film, il faut accepter le parti pris du fantastique qui peut surprendre aux premiers abords, mais les actrices Tao Tsuchiya et Kyokō Yoshine, ainsi que Tadanobu Asano, sont très convaincants dans leurs rôles respectifs. Je ne connaissais pas du tout l’actrice Kyokō Yoshine, par contre Tao Tsuchiya est plus souvent présente dans les médias, notamment dans des publicités. Je ne soupçonnais pas qu’elle avait cette capacité de jeu. Quand à Tadanobu Asano, c’est un acteur reconnu et je me souviens très bien de son rôle de tueur dans le film complètement cinglé Koroshiya 1 (殺し屋1) de Takashi Miike (三池崇史), dont j’avais déjà parlé sur ce blog.

Le film suivant, Hoshi no Ko (星の子), était également une agréable surprise. Le film sorti en 2020 est réalisé par Tatsushi Ōmori (大森立嗣) et fait intervenir la jeune actrice Mana Ashida. Elle est célèbre au Japon depuis son plus jeune âge suite à une chanson pour enfants qui a eu beaucoup de succès et qu’elle chantait en dansant avec le petit garçon Fuku Suzuki. Elle a fait du chemin depuis et je la trouve très convaincante dans ce rôle. A vrai dire, je ne l’avais d’abord pas vraiment reconnue même si son visage m’était tout de suite familier. Elle interprète Chihiro, une collégienne un peu rêveuse prise d’un amour platonique pour son jeune professeur. Mais l’histoire ne se passe pas principalement là. Lorsqu’elle était bébé, Chihiro avait une maladie qui ressemble beaucoup à l’écran à de l’eczéma. Les parents, très inquiets et aimants, se voient conseillés par un collègue du bureau du père d’appliquer une eau aux vertus miraculeuses. Les parents se retrouvent embarqués dans une secte religieuse, fournissant cette fameuse eau qui guérit. La croyance qui leur accapare l’esprit les incitent à s’imbiber en permanence de cette eau, qu’ils pensent capable de leur éviter toutes maladies, en portant une serviette mouillée sur la tête. La soeur de Chihiro (interprétée par Aju Makita) ne supporte plus cette situation et quitte rapidement le foyer familial. Chihiro se trouve seule devant un dilemme alors qu’elle réalise petit à petit la situation de ses parents. Elle n’est pas dupe et est consciente de ce qui se passe, mais n’entend pas pour autant abandonner ses parents à leur sort, même s’ils ne semblent pas malheureux du tout. Le problème des sectes et du lavage de cerveaux qui en découle, abordé dans ce film, est bien réel au Japon et revient même sur le devant de la scène avec l’actualité récente. Cette histoire est touchante car elle ne surjoue pas le pathos. Le jeu de Mana Ashida est d’ailleurs en ce sens très subtil.

Le dernier film japonais que j’ai vu dernièrement ne joue pas, par contre, dans la finesse. Il s’agit du film Real Onigokko (リアル鬼ごっこ) du réalisateur Shion Sono (園子温). Je ne sais pas vraiment pour quelle raison je reviens sans cesse vers les films de ce réalisateur. J’avais en fait beaucoup aimé le film Himizu (ヒミズ) avec Fumi Nikaido, et je ne désespère pas de trouver un autre film avec des émotions aussi fortes que je pourrais également apprécier. Le problème de Shion Sono est qu’il tombe rapidement dans l’excès malgré des idées de départ intéressantes. C’était le cas du film Love Exposure, et c’est aussi le cas de ce film là sorti en 2015. Il est par contre relativement court (1h25), par rapport à des films comme Love Exposure, ce qui est de meilleure augure. J’étais en fait intrigué de voir l’actrice Reina Torindoru joué le rôle principal de cette histoire car son image de talento à la télévision japonaise ne correspond pas du tout à celle des films de Shion Sono. Comme le titre nous l’apprend, l’histoire du film prend la forme d’une course effrénée contre des démons qui viennent poursuivre inlassablement trois lycéennes: Mitsuko (interprétée par Reina Torindoru), Keiko (Mariko Shinoda) et Izumi (Erina Mano). Pour donner une idée de l’ambiance du film, la première scène prend place dans un bus scolaire amenant les lycéennes pour ce qu’on imagine être un voyage scolaire. Un des démons du titre prend la forme d’un vent soudain et puissant qui vient découper en deux le bus et par conséquent toutes les personnes qui y étaient assises, sauf Mitsuko qui a eu le bonheur de se pencher à ce moment précis pour ramasser son stylo. Effrayée par cette scène dans laquelle toutes ses amies sont découpées en deux, elle s’enfuit continuellement, poursuivie par ce vent mystérieux. Elle finit par rejoindre son école où se trouvent toutes ses amies, comme s’il s’agissait d’un mauvais rêve. La course poursuite continue ensuite et n’hésite pas à faire intervenir le mauvais goût que l’on trouve régulièrement chez ce réalisateur. On reste cependant intrigué par cette histoire des plus étranges. J’ai failli arrêter en route mais ma curiosité a été plus forte. Ce n’est pas une film que je conseillerais aux âmes sensibles. Il y a des idées intéressantes, comme souvent chez Sono, si seulement il arrivait à mieux les canaliser pour éviter de tomber dans l’excès. Le film n’a cependant rien d’irregardable, malgré la scène du bus mentionnée au début car on se trouve d’entrée de jeu dans le domaine du fantastique.