lakeside icecream fever

La Golden Week, qui semble déjà bien loin, nous a fait nous déplacer autour de Tokyo pour des courts voyages d’une journée, partant en général en fin de matinée pour revenir assez tard le soir. Partir en fin de matinée nous a évité la majorité des embouteillages mais revenir le soir reste pénible à toute heure de la journée et de la soirée. Au fur et à mesure des années, j’ai développé une résistance certaine à l’irritation des embouteillages, grâce notamment aux playlists préparées à l’avance qui rendent ces longs trajets un peu plus agréables.

Notre destination était la préfecture de Chiba. Après avoir traversé la baie de Tokyo en empruntant l’autoroute Aqualine, nous arrivons à Chiba par Kisarazu. Nous continuons un peu plus dans les terres sur l’autoroute Ken-O jusqu’au lac Takataki (高滝湖) à Ichihara. Nous avions repéré un restaurant établi dans le coin dans une ancienne maison en bois entièrement renouvelée. Nous avons cherché s’il y avait des hautes cascades autour du lac Takataki mais nous n’y avons trouvé qu’un barrage. Le nom des lieux semble donc être trompeur. Nous décidons d’aller visité l’Ichihara Lakeside Museum, que j’avais d’ailleurs déjà repéré alors que l’on passait dans le coin il y a plusieurs mois ou années. Le musée est placé au bord du lac Takataki, un peu perdu au milieu de la nature ce qui rend l’endroit particulièrement agréable. Le Ichihara Lakeside Museum a été inauguré en 2013 pour célébrer le 50e anniversaire de la ville d’Ichihara. Il s’agit en fait d’une rénovation d’un ancien site culturel nommé Ichihara City Water and Sculpture Hill qui avait ouvert ses portes en 1995. Kawaguchi Tei Architects (カワグチテイ建築計画), désignés suite à un concours d’architecture dirigé par Toyo Ito, a mené cette rénovation en dénudant le bâtiment d’origine de ses matériaux de finition pour ne conserver que la structure en béton. Les espaces de galeries ont été créés en utilisant notamment des plaques d’acier pliées. L’architecture brute du musée est très particulière et non-conventionnelle, comprenant de nombreuses pentes et escaliers, qui proposent un cheminement pour le visiteur. On y présente des expositions d’art contemporain, mais il y a également des ateliers pour les enfants et communautés locales. L’exposition du moment que nous avons donc été voir était dédiée à la ligne locale de chemin de fer Kominato Railway (小湊鉄道線). L’exposition est organisée à l’occasion du 100ème anniversaire de son inauguration en 1925. Cette petite ligne ferroviaire s’étend dans la ville d’Ichihara, de la côte Ouest de la péninsule de Bōsō jusqu’au terminus à Kazusa-Nakano dans la ville d’Ōtaki. L’exposition qui se déroule jusqu’au 15 Septembre 2025 montre les œuvres de divers artistes inspirés par cette ligne de chemin de fer qui est même considérée comme un trésor régional. On connaît l’amour des Japonais pour leurs trains et lignes de chemin de fer, et je peux très bien comprendre ce sentiment. Il se trouve que pendant que nous visitions cette exposition, le fiston empruntait lui cette même ligne pour rentrer plus tôt que nous, et éviter par la même occasion les embouteillages du retour. Outre l’exposition en cours, j’ai apprécié l’architecture qui était malheureusement assez difficile à prendre en photo. Dès l’entrée, on est accueilli par une étrange structure d’arbre à alvéoles appelée Heigh-ho par l’artiste KOSUGE1-16, de son vrai nom Takashi Tsuchiya. Sur le terrain devant l’entrée du musée, on ne peut que remarquer la structure de fer et de verre intitulée Just Landed (飛来) par l’artiste originaire de Sapporo, Katsuyuki Shinohara (篠原勝之). Il y a quelque chose qui m’impressionne dans cette structure datant de 1999, entre parallélisme, obliquité, fragilité du verre par rapport au fer, comme un équilibre fragile et éphémère, mais qui reste pourtant immuable depuis plus de vingt-cinq ans. Alternativement, on pourrait imaginer des blocs de glace censés nous rafraichir des fièvres estivales. Derrière cette structure, se trouve une grande pompe métallique témoignant de l’ancienne utilisation de cet espace.

J’ai finalement regardé sur NetFlix le film Ice cream Fever (アイスクリームフィーバー) que je voulais voir depuis longtemps, depuis la découverte du single Kōrigashi (氷菓子) de Kayoko Yoshizawa (吉澤嘉代子) qui sert de thème musical au film et après avoir aperçu quelques scènes du film lors d’une séance en plein air dans le parc Kitaya de Shibuya en présence du réalisateur. Le film a été réalisé par Tetsuya Chihara (千原徹也), directeur artistique et graphiste dont c’est le premier long-métrage, et est basé sur une nouvelle du même nom (アイスクリーム熱) de Mieko Kawakami (川上未映子). Je savais que j’allais aimé ce film car j’y devinais une grande liberté artistique et je n’ai pas été déçu, en constatant que le cinéaste a mis ses qualités de directeur artistique et de graphiste au profit de son cinéma, créant un objet cinématographique en dehors des conventions habituelles. L’histoire nous parle de personnes dont les destins s’entremêlent. Il y a Natsumi Tsuneda, interprétée par Riho Yoshioka (吉岡里帆), qui met de côté sa carrière dans le design pour devenir gérante d’une boutique de glace à Shibuya. La rencontre avec l’écrivaine Saho Hashimoto, jouée par Serena Motola (モトーラ世理奈) vient bouleverser son quotidien, ce qui laisse perplexe sa collègue Takako Kuwashima interprétée par Utaha (詩羽) de Wednesday Campanella. On suit également l’histoire de Yū Takashima, interprétée par Marika Matsumoto (松本まりか), qui voit également sa vie perturbée par l’arrivée de la fille de sa sœur Miwa, interprétée par Kotona Minami (南琴奈 ). Elle est venue jusqu’à sa tante pour y trouver une aide dans la recherche de son propre père disparu. On également le plaisir de voir à l’écran Kom-I et Kayoko Yoshizawa jouer des petits rôles dans le film. Les deux chanteuses de Wednesday Campanella sont donc réunies dans ce film mais n’ont pas de scène ensemble. Le film a été en grande partie tourné à Ebisu, ce qui fait pour moi partie du plaisir de visionnage car c’est un quartier que je connais très bien. La boutique de glace nommée dans le film SHIBUYA MILLION ICE CREAM près de la station d’Ebisu est en fait le petit café Sarutahiko Coffee, qui est le premier de cette chaîne établie en Juin 2011. On reconnaît également certains lieux comme le parc Tako (タコ公園) à quelques dizaines de mètres du café.

En fait je me suis souvenu qu’il fallait que je vois ce film sorti en 2023 après avoir finalement acheté le livre photographique BACON ICE CREAM du photographe Yoshiyuki Okuyama (奥山由之). C’est un photographe que j’apprécie depuis longtemps notamment pour son approche de la lumière et j’avais l’intention d’acheter ce livre en particulier sans pourtant me décider. J’ai trouvé une réédition récente (la première édition date de 2015) à la grande librairie Maruzen de Marunouchi en face de la gare de Tokyo. J’y passe régulièrement, souvent en coup de vent pour le plaisir de naviguer parmi les rayons. J’avais feuilleté ce livre mais je me suis décidé de l’acheter que le lendemain en revenant exprès dans cette librairie. Pour ce qui est des livres de photographies, j’ai à chaque fois le besoin de mûrir ma décision d’achat, ce qui peut parfois prendre plusieurs mois, mais je ne regrette ensuite pas (Pour Bacon Ice Cream, il m’aura fallu 6 ans). Ce livre est magnifique. Il y a assez peu de portraits mais j’aime beaucoup la manière par laquelle la lumière qu’il saisit vient leur voler la vedette. Les photographies sont parfois abstraites, empruntes d’un quotidien stylisé sans le vouloir. Avec Okuyama, un verre de lait à la fraise renversé dans un café devient magnifique. En fait, un peu comme pour certaines séries de photographies de Kotori Kawashima (川島小鳥), je trouve dans l’oeuvre photographique de Yoshiyuki Okuyama une grande musicalité. C’est très certainement ce qui me parle beaucoup. Cette recherche de la musicalité résumerait même presque tout ce qui m’attire dans diverses formes artistiques. Il y a quelques mois, j’avais découvert un autre livre dans cette même librairie Maruzen. Il s’agit d’un recueil d’illustrations intitulé Guinea Mate publié en Janvier 2025 par l’artiste Gakiya Isamu (我喜屋 位瑳務). Je connaissais en fait cet illustrateur à travers ses dessins pour le groupe PEDRO d’Ayuni D, et j’avais même failli acheter le t-shirt du concert auquel j’avais assisté l’année dernière. Le t-shirt montrait une de ses illustrations mais j’avais été découragé par la file d’attente. Guinea Mate est le premier recueil publié de l’auteur. Il est conçu comme une sorte de bible avec 24 commandements et conseils de vie très personnels. Chaque illustration montre une vision décalée entre fantaisie et étrange, avec l’intervention fréquentes de monstres à la fois mignons et inquiétants. Les illustrations sont pour la plupart basées sur une même jeune fille aux cheveux verts qui semble avoir appris à vivre avec ses tourments, certainement grâce aux conseils de son illustrateur. Gakiya Isamu nous montre un petit monde intime mystérieux qu’on s’amuse à explorer tout en s’interrogeant sur les maux de ce monde.

and if you dare to get hurt I will be there my friend

Je ne sais pas si c’est Chanmina (ちゃんみな), avec la vidéo de son single Biscuit, qui a provoqué le retour des groupes ou chanteurs et chanteuses improvisés près du grand carrefour et de la gare de Shibuya, mais j’ai le sentiment qu’ils sont plus présents depuis quelques temps, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Ce soir là à Shibuya, j’ai pu apercevoir un rocker guitariste avec une apparence qui m’a beaucoup rappelé Kurt Cobain, avec une même chevelure blonde et portant ce qui ressemble beaucoup à une copie de l’iconique sweater en mohair rouge et noir que Kurt portait dans la vidéo du morceau Sliver et lors de concerts, notamment à la Roseland Ballroom de New York en Juillet 1993 et à l’Aragon Ballroom de Chicago en Octobre 1993. L’histoire raconte que Courtney Love aurait acheté ce sweater pour 35 livres à un fan, nommé Chris Black, après un concert de Nirvana à Belfast en Irlande du Nord en 1992. Une coïncidence intéressante était d’écouter quelques jours plus tard l’émission spéciale de Very Good Trip de Michka Assayas consacrée à l’album MTV Unplugged in New York sous le format d’une Masterclass. Ce concert pratiquement acoustique a été enregistré en Novembre 1993, quelques mois avant la mort de Kurt Cobain le 5 Avril 1994. A quelques mètres de l’apprenti Kurt, un rappeur japonais attirait une petite foule autour de lui, mais j’ai peiné à y trouver une accroche qui m’aurait fait rester plus de deux minutes. Plus près de la gare, une autre chanteuse à guitare acoustique appelée Rin (りん) était installée devant un bloc de béton. Je l’ai écouté quelques minutes, un peu distraitement. Il y avait seulement quelques personnes devant elle, mais une de ces personnes la filmait avec une petite caméra installée sur un tripod. Il n’est pas rare que ces chanteurs et chanteuses de rue aient leurs fans de la toute première heure. Peut-être s’agit il d’un membre de sa famille, mais j’avais plutôt le sentiment qu’il s’agissait d’un amateur espérant peut-être saisir en images les premiers moments d’une potentielle reconnaissance future. A quelques mètres de son emplacement, je vois encore circuler les karts touristiques qui se font de plus en plus nombreux dans les rues de Tokyo. Les agences qui proposent ce genre d’attractions se sont beaucoup développées ces deux dernières années depuis le retour des touristes étrangers. Ce qui m’étonne toujours un peu, c’est de ne jamais voir de japonais conduire ces karts, comme s’ils étaient strictement réservés aux étrangers. Ils n’attirent en tout cas plus la curiosité des passants, ce qui était pourtant le cas au tout début où les passants et les conducteurs de kart se faisaient des bonjours de manière réciproque. Le sur-tourisme actuel ne me dérange personnellement pas beaucoup, car il se limite à certains quartiers, mais je vois sur les réseaux sociaux de plus en plus de résidents étrangers pointer ce problème. J’imagine que ces mêmes résidents ont également été touristes au Japon avant de venir y vivre. En fait, peut être pas car en y réfléchissant bien, je ne suis jamais venu en touriste au Japon. Mais comme on dit toujours, il y a le bon touriste et le mauvais touriste.

Le billet précédent montrant une collection d’affiches de films de Shinya Tsukamoto (塚本晋也) dans un petit cinéma indépendant de Meguro m’a ramené vers sa filmographie. J’ai regardé trois de ses films quasiment à la suite en commençant par Hiruko the Goblin (妖怪ハンター ヒルコ) sorti en 1991, puis Bullet Ballet (バレット・バレエ) sorti en 1998 et A Snake of June (六月の蛇) sorti en 2002. Hiruko the Goblin est son deuxième film après Tetsuo: The Iron Man (鉄男) sorti en 1989, et est un peu à part dans sa filmographie car il s’agit d’un film d’horreur faisant intervenir des monstres Yōkai. On suit l’archéologue un peu excentrique Reijiro Hieda, interprété par Kenji Sawada (沢田研二), sur les traces d’un ancien ami ayant eu la mauvaise idée de libérer le monstre ancestral Hiruko d’une tombe enfouie sous une école perdue en pleine campagne. Il s’agit d’un film d’horreur qui n’est pas dénié d’un certain humour, mais l’épouvante monte en intensité et le final est particulièrement étrange. De Tsukamoto, on retrouve les plans rapides qui nous font perdre l’équilibre et une imagination débordante, parfois à la limite de l’acceptable, mais qui m’accroche à chaque fois à ses films. Il y a une ambiance un peu absurde et exagérée dans ce film qui participe à son charme. Bien sûr, il ne faut pas être repoussé par les têtes coupées et les monstres constitués de ces mêmes têtes posées sur des pattes d’araignée. Je pense que cette dernière phrase donne une bonne idée de l’ambiance du film. J’ai revu ensuite Bullet Ballet. Je l’avais vu une première fois il y a vingt ans, après Tokyo Fist. On revient ici vers un style urbain qui est plus fidèle à ce que je connais du réalisateur. Bullet Ballet se vit comme une expérience cinématographique et je comprends tout à fait le statut de cinéaste culte auquel est porté Shinya Tsukamoto. Ce n’est pas un film pour tous les yeux, car la violence y est omniprésente, mais le film n’est pas dénié d’une poésie urbaine cachée derrière ses images fortes. L’histoire est tournée autour de Goda, un publicitaire joué par Shinya Tsukamoto, dont la compagne vient de se suicider avec un revolver. Il devient fasciné par cette arme car il ne comprend pas comment elle a pu l’obtenir et se décide à en construire une pièce par pièce. Il rencontre rapidement dans les quartiers sombres de Tokyo, la jeune Chisato, jouée par Kirina Mano (真野きりな) et son gang aux prises avec un autre gang rival. Une relation particulière se crée entre eux, platonique peut-être. Goda et Chisato n’ont en tout cas pas peur de la mort et n’ont rien à perdre. Je ne sais pas s’il y a une influence, mais je revois en Chisato, aux cheveux très courts et à la personnalité mystérieuse, le personnage de Faye dans Chungking Express dont je parlais très récemment. Je ne suis apparemment pas le seul à y penser (ce blog a décidément une logique impeccable dans l’agencement de ses billets). Esthétiquement, le film entièrement en noir et blanc est très beau, tout comme les membres du gang exagérément stylisés. J’aime aussi beaucoup ce film pour sa musique composée par le fidèle Chu Ishikawa (石川忠) dans un style entre rock industriel et passages électroniques plus apaisés. Ces compositions musicales s’accordent parfaitement aux images souvent iconiques du film. J’écoute beaucoup cette bande originale aussi variée qu’excellente de bout en bout. De nombreux plans nous montrent Nishi-Shinjuku au loin, donc j’imagine que cette histoire se déroule dans les bas-fonds de la banlieue de Shinjuku, ayant disparus depuis longtemps. Comme dans Tokyo Fist, on y retrouve le thème de la ville qui écrase les individus et celui du besoin de libération par la violence et la douleur. Ce dernier point est une composante essentielle de la filmographie de Shinya Tsukamoto et on retrouve ce thème dans le film A snake of June, que je regarde ensuite. Je le dis encore, mais les films de Tsukamoto ne sont pas pour tous. Ils sont en tout cas très marquants et c’est le cas également de ce film là. On remarque tout de suite l’image, d’un monochrome bleuté superbe, et la malaisante générale qui nous suit pendant tout le film. L’histoire tourne autour du personnage de Rinko Tatsumi, interprétée Asuka Kurosawa (黒沢あすか), aide sociale sauvant des vies au téléphone en essayant de convaincre ceux qui l’appellent de tenir bon à la vie. C’est le cas du suicidaire Iguchi, également interprété par Shinya Tsukamoto, qui se voit sauver par les paroles de Rinko et qui se sent ensuite redevable. La personnalité décalée et extrême d’Iguchi amènera Rinko dans une spirale malsaine qui la fera sortir malgré elle et au prix d’une grande souffrance de sa vie monotone. De nombreuses scènes montrent sa vie de couple avec Shigehiko, interprété par Yuji Kohtari (神足裕司), dans une demeure en béton brut que l’on imaginerait très bien avoir été conçue par Tadao Ando. Mais Shigehiko fuit le foyer pour sa vie de bureau, en plus d’être un maniaque obsessionnel de l’hygiène. Les interventions d’Iguchi dans cette vie de couple dysfonctionnelle se teintent de voyeurisme sexuel et de manipulations. Il s’agit là encore d’un film décalé qui nous amène vers les parts sombres des individus pour accéder finalement à une forme de libération qui passe par la douleur. Ces deux films Bullet Ballet et A snake of June ne sont pourtant pas complètement noirs et désespérés car une redemption pointe à l’horizon, provoquée en partie par les personnages interprétés par Tsukamoto lui-même. Les films de Tsukamoto montre souvent un cheminement souvent destructeur, mais de cette destruction nait une nouvelle réalité. Ces films ne sont pas disponibles sur les plateformes de streaming mais on peut assez facilement les trouver sur Internet du côté d’archive.org, qui nous donne malgré tout accès à des films qui seraient malheureusement assez difficiles à trouver autrement.

Pour continuer encore un peu dans les ambiances underground, j’écoute l’excellent nouveau single de Yeule intitulé Evangelic Girl is a Gun, qui sera inclus dans son futur album prenant le même nom. L’ambiance y est sombre mélangeant un rock bruitiste à tendance industriel avec des glitches électroniques caractéristiques de sa musique. Je n’ai jamais été déçu jusqu’à maintenant par la musique de Yeule, et je trouve même que ce morceau passe une nouvelle étape qui laisse présager le meilleur pour son nouvel album. L’accroche y est immédiate et la densité nous fait y revenir. J’espère qu’elle prévoira dans le futur une tournée passant par le Japon et Tokyo, car je serais très curieux de voir l’atmosphère de ses concerts, tout en me demandant quel public pourrait bien y assister. Je suis sûr que son public japonais est nombreux dans les milieux underground.

Le titre du billet « and if you dare to get hurt I will be there my friend » est extrait des paroles du morceau Yzobel composé par l’artiste français Gyeongsu et chanté par Croché. J’avais découvert ce morceau il y a plusieurs mois dans un episode de Liquid Mirror de NTS Radio, celui de Février 2023 que je réécoute maintenant. Cet extrait des paroles me semblait tout d’un coup correspondre à l’ambiance qui se dégage de manière diffuse dans ce billet. Pour revenir ensuite à l’épisode d’Avril 2025 de Liquid Mirror que je mentionnais récemment, je retiens particulièrement l’excellent morceau instrumental intitulé Weaver par K-MPS & Finn Kraft qui me transporte à chaque écoute. Je réalise assez vite que ce morceau est basé assez amplement sur un sample du morceau Crazy for You de Slowdive sur leur troisième album studio Pygmalion sorti en 1995 (le moins Shoegaze de leurs albums). Pour être plus précis, Weaver est en fait basé sur une version démo alternative de Crazy for You disponible sur le deuxième CD de la réédition de Pygmalion en 2010. K-MPS & Finn Kraft en maintiennent le rythme initial mais rajoute de nombreuses nappes électroniques donnant une dimension plus aérienne par rapport aux morceaux originaux de Slowdive.

des cerisiers mais également autres choses (4)

Lorsque j’approche de la station de Meguro, j’aime passer devant le Meguro Cinema (目黒シネマ). C’est un petit cinéma opéré par Okura Eiga Co. (大蔵映画株式会社) proposant des films indépendants et des classiques plus anciens du cinéma japonais et étranger. Ce cinéma de 100 places a été fondé en 1955 et a pris son nom actuel en 1976. J’aime entrer dans son hall composé d’un grand escalier pour y voir les affiches. L’affiche du film Tetsuo de Shinya Tsukamoto (塚本晋也) avait en fait attiré mon attention. A l’intérieur, une collection de posters des films de Shinya Tsukamoto est affichée. J’en ai déjà vu quatre: Tokyo Fist, Bullet Ballet, Tetsuo, Kotoko, et j’en avais parlé pour certains sur les pages de ce blog. Ce ne sont pas des films que l’on regarde à la légère pour se divertir. Tetsuo (The Iron Man) est certainement son film le plus réputé et a un statut de film culte. On ne ressort jamais complètement indemne d’un film de Tsukamoto. J’avais montré une photo de cette collection d’affiches sur X Twitter et j’ai été surpris de recevoir autant de « likes » (plus de 80). En fait, le réalisateur lui-même a été le premier a re-poster ma photo sur X Twitter, ce qui lui a forcément donné une visibilité certaine. Ce type de films sans concession attire admiration et haine, et X Twitter est très fort pour exacerber ces sentiments. Parmi les affiches du Meguro Cinema, j’aperçois également Paprika de Satoshi Kon et Ghost in the Shell de Mamoru Oshii, deux classiques incontournables du cinéma d’animation. Je reviendrais bientôt sur le monde de Ghost in the Shell et de son auteur Masamune Shirow dans un prochain billet.

Les derniers Sakura de cette petite série se trouvent au parc Tako (タコ公園) d’Ebisu. Nous avons vu très peu de cerisiers cette année. Nous aurons peut-être encore le temps d’en apercevoir si nous voyageons un peu plus au Nord, mais rien n’est prévu pour l’instant. En écrivant ces quatre courts billets, j’écoute à nouveau l’émission Liquid Mirror d’Olive Kimoto sur la radio web NTS. L’épisode du 1er Avril 2025 propose comme toujours un mélange de Trip-hop, d’Ambiant et de Dream Pop, et le mix est à chaque très inspiré.

dans le calme de Kuhonbutsu

Je retenais du temple Kuhonbutsu Jōshinji (九品仏浄真寺) une image de verdure abondante qui rendait l’endroit presque sauvage, mais en y revenant en hiver, je me suis bien évidemment rendu compte que l’abondance du vert était en pause saisonnière. J’aurais dû m’en douter, mais ça ne m’a pas empêché d’apprécier ces lieux. Malgré les saisons, on trouve des personnes assises sur les bancs à l’intérieur de l’enceinte du temple. L’abondance de personnes assises par deux comme dans un café pour discuter m’avait surpris la première fois. Il y avait cette fois-ci un groupe de photographes d’un certain âge. Je les suis avec un hall de retard. Un autre photographe avec appareil photo en bandoulière, indépendant au groupe, me suit également avec un hall de retard. Il y a plusieurs halls alignés contenant chacun des grandes statues bouddhistes avec d’étranges couleurs bleues vives. Ils me saluent de la main droite, je m’incline doucement en retour et je continue mon chemin vers le grand hall qui leur fait face. Je me procure le sceau goshuin du temple puis repars me perdre dans les rues des quartiers résidentiels vers la colline des libertés (Jiyugaoka), que je connais assez peu. Depuis la station de Jiyugaoka, je longe la voie ferrée qui m’amène jusqu’à Gakugei Daigaku. En chemin, on peut traverser le petit parc Himonya en très grande partie composé d’un étang avec une petite île sur laquelle a été déposé le sanctuaire Itsukushima. Je ne traverse pas le pont qui y mène mais j’aurais peut-être dû. J’ai eu un peu peur que traverser ce pont m’amène encore vers des histoires imaginaires.

En revenant ensuite vers Ebisu, les toilettes en béton conçues par le designer Masamichi Katayama (片山正通) et sa société Wonderwall me rappelle le film Perfect Days de Wim Wenders que j’ai vu pendant les premiers jours de cette année. Le film franco-allemand suit la vie routinière d’Hirayama, un nettoyeur de toilettes publiques, magnifiquement interprété par Kōji Yakusho (橋本広司), dans les quartiers de Shibuya-ku (où se trouvent toutes les toilettes d’architectes et designers reconnus). Aoi Yamada (アオイヤマダ) y joue également un petit rôle. Je n’étais pas surpris car je savais qu’elle y jouait. Un certain nombre de scènes du film se passent dans et près des toilettes conçues par Toyo Ito (伊東豊雄) à Yoyogi Hachiman. Après leur nettoyage, on imagine qu’Hirayama prend ses pauses déjeuner dans le parc du sanctuaire Yoyogi Hachimangu situé juste à côté. Hirayama a choisi une vie simple, ce qui fait réfléchir. Il prend tous les jours des photos argentiques de ce qui l’entoure et les classe dans une boîte en ne les regardant que très rapidement. Il a choisi une vie simple, mais est-ce que ça lui suffit pleinement?

Nous sommes ici dans d’autres lieux et un autre jour. Cette petite colline se trouve près d’Hachiōji. Il s’agit d’une ferme qui a eu l’idée de se diversifier et de créer un café en faut de ses terres. On peut voir les vaches et les chèvres puis boire un chocolat chaud dans la café. Ce café attire la jeunesse car de nombreuses choses y sont instagrammables. Ça me rappelle d’ailleurs que je n’ai pas publié de nouvelles photos sur Instagram depuis début Décembre 2024, même si j’avais matière pour le faire. Je n’ai pas publié de tweets sur X Twitter depuis Septembre 2024. Je me suis en quelques sortes un peu lassé des réseaux sociaux même si je continue à les parcourir régulièrement. Viendra peut-être un jour où je me lasserais de Made in Tokyo. Ce blog va bientôt atteindre les 2500 billets publiés, et je n’ose pas me demander combien de photos j’y ai montré et combien de mots j’y ai écrits. Je réfléchis en ce moment à changer le thème du blog car celui actuellement en place n’a pas changé depuis 2017, à part le titrage qui est plus récent. Je me dis à chaque fois que celui existant est plus simple et immédiat que tous les autres thèmes que j’ai pu essayer ces derniers mois.

dans la tranquillité de Yoshimi Kannon

Nous sommes déjà passés par la petite ville de Yoshimi dans la préfecture de Saitama pour aller voir les tombes creusées à flanc de collines de Yoshimi Hyakuana (吉見百穴), mais notre passage cette fois-ci était principalement pour acheter des fraises de Saitama appelées Amarin (あまりん). Nous les trouvons dans une station routière (道の駅) qui est bien nommée Ichigo no Sato (いちごの里吉見). Nous en profitons pour regarder autour à la recherche de lieux intéressants à visiter et nous découvrons le temple Anrakuji (安楽寺), également nommé Yoshimi Kannon (吉見観音). Le temple est paisible avec seulement quelques visiteurs en fin d’après-midi. Nous arrivons un peu avant 16h et le moine du temple referme déjà les portes du hall principal au moment de notre départ. Une des particularités de ce temple fondé à l’ère de Nara est d’avoir une pagode à trois étages (三重塔). Anrakuji évoque pour moi un autre temple portant le même nom dans la petite station thermale de Bessho Onsen (別所温泉) dans la préfecture de Nagano. Cet autre temple que nous avions visité en 2022 possède une étrange pagode en bois de forme octogonale, qui possède une sorte de magnétisme qui m’avait inspiré le septième chapitre de l’histoire de Kei, Du songe à la lumière. C’est un lieu qui reste pour moi tout à fait spécial, notamment parce que la petite station thermale était quasiment déserte, juste à la fin de la crise sanitaire.

Je viens de terminer les dix épisodes de la série Shōgun disponible sur la chaine Disney+. On s’est en fait abonné à Disney+ pour regarder cette série américaine qui a été acclamée à juste titre par la critique. La série a été créée par Rachel Kondo et Justin Marks et est basée sur le roman du même nom de James Clavell publié en 1975. Je n’avais que de très vagues souvenirs de la première adaptation télévisée qui en avait été faite dans les années 80 avec Richard Chamberlain et Toshirō Mifune (三船 敏郎), car je devais être trop jeune. Cette nouvelle série est grandiose par sa mise en scène mais ne montre pourtant pas de grandes batailles car l’essentiel de l’histoire se joue dans le petit village d’Ajiro à Izu et dans les palais d’Osaka et d’Edo. On apprécie le fait que la série n’a pas été américanisée ni adaptée pour satisfaire les goûts du plus grand nombre. La grande majorité des dialogues sont en japonais sous-titré et l’ensemble de ces dialogues, les états d’être complexes des personnages et les situations ont gardé une authenticité vraiment surprenante. Je ne suis pas spécialiste de ces époques anciennes mais c’est du moins l’impression très nette que donne cette adaptation. À part le pilote maritime protestant anglais John Blackthorne, interprété par Cosmo Jarvis, débarqué par bateau sur les terres japonaises près d’Izu, la grande majorité des acteurs et actrices sont japonais. Anna Sawai (アンナ・サワイ) joue un des personnages clés de l’histoire autour du seigneur Toranaga interprété brillamment par Hiroyuki Sanada (真田広之). L’histoire se construit principalement autour de la relation entre le seigneur Toranaga, qui pourrait devenir le futur shōgun réunifiant le Japon, et l’étranger anglais, le Anjin, mais certains personnages secondaires sont particulièrement intéressants, en particulier Kashigi Yabushige, seigneur d’Izu au service de Toranaga. Il est interprété par Tadanobu Asano (佐藤忠信). J’aime aussi beaucoup certains rôles féminins comme la Dame Fuji, interprétée par Moeka Hoshi (穂志もえか), contrainte d’être la consort de l’anglais Anjin. J’aime ces deux personnages en particulier car ils laissent parfois transparaître leur soi profond derrière les codes rigides du système féodal et societal de cette époque.