お化けが見えないけど (1)

Nous sommes souvent allés à la frontière du quartier de Yanaka, jusqu’à la rue Kototoi au niveau du temple Jomeiin près de Uenosakuragi, et même entrés une ou deux fois dans le cimetière Yanaka Reien, mais je n’avais personnellement jamais eu l’occasion de visiter le quartier dans son ensemble. Je rattrape ce retard pendant ma semaine de congé à la fin du mois de Juin, qui me paraît bien éloignée maintenant. J’avais bien choisi mon timing car il n’y avait presque personne dans le quartier. Avec mon appareil photo en bandoulière, on a dû penser que j’étais le seul touriste dans le coin. Yanaka est un quartier de cimetières et de temples bouddhistes, établi pendant la période Edo. Le shogunat Tokugawa plaçait volontairement des groupes de temples à la périphérie d’Edo comme postes avancés en cas d’invasion ennemie. Je me souviens également de ce type de configuration à Kanazawa avec un ensemble similaire de temples dans le quartier de Teramachi. Le quartier de Yanaka est resté quasiment intact, et il reste peu ou pas de zones telles que celui-ci à Tokyo. En plus parsemé, je pense aussi à la zone de temples à Takanawa, car le grand temple Sengakuji date de l’époque Edo et est également entouré d’une multitude d’autres petits temples que j’avais parcouru autour de la petite rue aux fantômes Yūrei-zaka. Il doit y avoir 18 temples principaux dans le quartier de Yanaka desservi par la ligne Yamanote au niveau de la gare de Nippori. Avant de partir, j’avais sélectionné quatre ou cinq temples que j’avais l’intention de voir car je ne me sentais pas le courage de visiter les 18 temples du quartier. On ne peut pas dire que les temples de Yanaka soient grandioses comme ceux qu’on peut voir à Kamakura par exemple, mais l’ambiance générale du quartier est des plus paisibles et en fait un endroit idéal pour s’évader un peu loin des routines quotidiennes. Le premier temple que je vais voir, Tennōji, est en fait le plus ancien car il date de 1274, mais a subi des reconstructions car on voit maintenant des piliers de béton sur un des bâtiments principaux. Il se situe à quelques mètres seulement de la sortie de la gare de Nippori et on peut y accéder par une ruelle longeant la voie. Tennōji était initialement un des temples les plus importants du quartier et le grand cimetière Yanaka Reien lui était rattaché. Une grande statue de bronze datant de 1690 nous attend à l’entrée. Elle est placée dans un jardin intérieur très bien entretenu. On se croirait en dehors de Tokyo, si la vue n’était pas gâchée par des hauts immeubles d’habitation quelconques construits de l’autre côté de la gare. Je traverse ensuite le labyrinthe du cimetière en croisant un groupe de travailleurs faisant une pause devant une tombe. J’imagine qu’ils travaillent à remettre en état certains espaces du cimetière mais j’ai le sentiment en les regardant furtivement qu’ils prennent leur temps. Après tout, les habitants de ces lieux ont l’éternité devant eux. J’évite de prendre des photographies dans le cimetière car Mari me l’avait formellement interdit, au cas où, peut être, des esprits auraient la bonne idée de vouloir se montrer au moment où j’appuie sur le déclencheur. À ce moment là, je repense à l’album Yūrei Tachi de Moe and Ghosts, qui aurait été très adéquat avec l’atmosphère des lieux, mais je vais plutôt parler d’autre musique toujours dans le style hip-hop.

Ces derniers temps, je suis parti en exploration du hip-hop japonais et je continue un peu plus avec le EP Yumetaro par NENE de Yurufuwa Gang. On entre là dans un univers plus sombre où des présences fantomatiques se révèlent. C’est ce qu’elle chante dans le troisième morceau Jiai (慈愛) d’une voix se laissant porter par les nappes électroniques répétitives qui remplissent l’espace. « お化けが見える、ここ最近ずっと、気にしてないげ » (Je vois des fantômes, sans arrêt ici ces derniers temps, mais je ne m’en préoccupe pas). C’est un des morceaux les plus sensibles du EP. Le titre du premier morceau Yamabiko (山彦) fait également référence à un esprit ou créature surnaturelle vivant dans les montagnes. La moitié des morceaux se composent de collaboration avec d’autres artistes hip-hop. Sur le deuxième morceau 6969, NENE est accompagnée au chant rappé par Ryugo Ishida, l’autre moitié du groupe Yurufuwa Gang. La voix un peu étouffée de NENE, qui s’échappe devant des sons qu’on pourrait croire sorti d’un matsuri de quartier, s’accorde bien avec la présence forte de la voix d’Ishida, qui n’en reste pas moins inquiétante. Il y a une ambiance flottante dans ces morceaux et le quatrième morceau Make it avec une autre artiste hip-hop en duo, Awich, s’inscrit bien dans cette atmosphère. Les deux morceaux qui suivent changent de cap progressivement, avec Dilemma allant plutôt vers le registre rock avec la présence de sons de guitare, et le dernier morceau Inferno beaucoup plus brut dans ces sonorités et la manière de rapper du groupe. On y ressent une puissante brute et décapante, comme une colère, criée à plusieurs voix. L’ambiance de ce EP est une belle surprise, très différente du hip-hop japonais qui j’ai écouté jusqu’à maintenant.

shibuya night color ray boiling pot

Je ne prends pas souvent de photographies la nuit, mais, lorsque je le fais, je préfère laisser l’appareil prendre les photos tout seul, ce qui en général accentue les mouvements jusqu’à l’extrême mais représente bien le brouhaha de Shibuya ici photographié. Les couleurs deviennent des rayons de lumières et les formes viennent se mélanger les unes avec les autres dans une masse anonyme se renouvelant sans cesse et ne se tarissant jamais. Le flux continu du mouvement des corps s’était presqu’éteint à cet endroit. Le maillage actuel reste moins serré que ce que l’on peut observer en temps normal, lorsque les craintes ne sont pas de mise dans cet extrait de ville souvent synonyme d’insouciance.

Après avoir découvert le hip-hop de Valknee que j’écoute d’ailleurs toujours en boucle, je découvre maintenant, de fil en aiguille, un mini-album intitulé TóquioBug par Baile Funky Kakeko sorti le 13 Juillet, sur lequel elle rappe sur le premier morceau Boasting Baby. Ce nom Baile Funky Kakeko (バイレファンキかけ子) désigne en fait un projet musical de la DJ japonaise DJののの, prenant pour influence la musique funk des dance floor brésiliens (controversée d’ailleurs sous certaines de ses formes). Je ne connais pas du tout le funk brésilien, mais j’imagine que ce mini-album TóquioBug en reprend l’exubérance des sons, notamment le collage d’une multitude de sonorités qu’on croirait parfois entendre dans les tribunes d’un stade de foot. Les sons électroniques partent dans tous les sens et dans l’excès, mais celui-ci est maîtrisé de telle manière que ces sons s’accordent bien avec les voix des artistes hip-hop invités sur chaque morceau. Outre Valknee, Haruko Tajima 田島ハルコ, qui participait également au morceau groupée Zoom dont je parlais auparavant, rappe avec une voix modifiée sur le troisième morceau KittySandal, au rythme arrachant tout sur son passage. Le deuxième morceau Icchoku=Senn est plus lent et fait intervenir un rappeur appelé PAKIN, qui a une manière de parler qui est volontairement agaçante mais qu’on a en même temps envie d’écouter tellement cette voix est particulière. Des cris soudains d’indiens viennent entrecouper cette voix qui laisse trainer les mots. Le dernier invité est AWAZARUKAS sur le quatrième morceau 俺は寄居町のラッパー (Ore ha Yoriichō no rappā) qui est peut être le plus dynamique et le plus typé brésilien de ce mini-album, mais TóquioBug dans son ensemble ne se repose jamais de toute façon. Le titre TóquioBug laisse à penser que cette interprétation tokyoïte du funk brésilien ressemble à un bug, car elle amène beaucoup d’interprétations locales (la langue japonaise notamment) qui altèrent complètement le style initial auquel le mini-album est censé s’inspirer. Cette accumulation de sons me fascine au point où j’écoute ce mini-album en boucle. Je rentre là dans un monde musical que je ne connais pas du tout, mais qui est extrêmement intéressant à découvrir car les influences se mélangent dans un ensemble hétéroclite qui chauffe comme une bouilloire. L’ensemble ne laisse pas la place au compromis et fonce tout droit sans regarder d’arrière. L’approche hétéroclite des sons et leur brutalité sonore me fait un peu penser aux quelques morceaux que je connais de l’album MΛYΛ de la rappeuse anglaise M.I.A. Pour terminer, Valknee revient sur le dernier morceau qui est un remix du premier par un certain Bruno Uesugi. Sa manière de chanter me rappelle très vaguement la manière saccadée de chanter de Uffie sur Steriods (remix), un des chefs d’oeuvre de Mr Oizo aka Quentin Dupieux (avec Positif).

windowed sky

Je termine ma petite série de photographies de la tour Shibuya Scramble Square par une partie de l’intérieur au dernier étage de la tour. On peut faire le tour de l’étage jusqu’à un café restaurant. Cet espace délimité par des murs peints en noir sert de galerie et on pouvait y voir quelques photographies de Naoki Ishikawa de sa série sur le mont Everest qu’il gravit plusieurs fois. Il y a assez peu de photos montrées et on se demande s’il s’agit vraiment d’une exposition, ce qui était un peu dommage car l’espace aurait pu être mieux utilisé. De Naoki Ishikawa, je me souviens d’une exposition intitulée Archipelago que nous avions vu à Nasu-Shiobara en Octobre 2010 et qui prenait pour sujet les îles au Sud et au Nord du Japon sans considération des frontières mais en montrant plutôt le folklore insulaire. Relire le petit texte que j’avais écrit à l’époque me donne envie de ressortir de notre bibliothèque le livre de photographies sur cette exposition, que j’avais acheté de retour à Tokyo. Plus que ses photographies de montagnes (il a également publié un livre de photographies sur le Mont Fuji), je préfère quand Naoki Ishikawa nous montre les îles et leurs habitants. Si une nouvelle exposition montrant les photographies d’Archipelago se montrait à Tokyo, j’irais très volontiers la revoir. Pour les photographies que je prends pour ce billet, je m’inspire d’un autre photographe japonais dont je parle aussi souvent ici, Masataka Nakano. Il a photographié une série intitulée Tokyo Windows, dont j’ai aussi le livre à la maison, montrant des vues de Tokyo à travers le cadre des fenêtres ou des portes vitrées. Je suis aussi très attiré par ce format que j’expérimente de temps en temps, ici à travers les baies vitrées de la tour cadrant une vue panoramique de Tokyo, que ça soit Shinjuku derrière la grand parc de Yoyogi ou Roppongi avec les tours de Tokyo Mid Town, Roppongi Hills et la tour de Tokyo. Je ne suis pas mécontent de ce résultat. La dernière photographie est prise au pied de Shibuya Scramble Square sur la nouvelle passerelle piétonne circulaire, en sandwich entre le carrefour de la route 246 avec l’avenue Meiji en dessous et l’autoroute intra-muros au dessus. J’aime beaucoup la manière dont le cadre tubulaire de la toiture vient projeter son ombre sur les surfaces blanches arrondies conservées de l’ancienne gare de Shibuya.

Je reviens maintenant vers la musique d’Iri que j’avais découvert l’année dernière avec son album Shade dont j’avais parlé dans un précèdent billet. Iri a réalisé un nouvel album au mois de Mars de cette année, intitulé Sparkle, dont j’écoute très souvent quelques morceaux, en particulier celui titre Sparkle et 24-25. Iri est une des plus belles voix pop japonaises et je m’étonne qu’elle ne soit pas plus présente dans les médias, comme LiSA par exemple dont je parlais dans le billet précédent. Ces deux morceaux sont immédiatement accrocheurs mais on ne se lasse pas de les écouter. J’y ressens une certaine énergie positive qui fait du bien et qui me fait y revenir très régulièrement. J’écoute d’ailleurs souvent ces deux morceaux à la suite du morceau I think I’m falling de Kohh dont je parlais également précédemment. C’est une petite playlist aux accents hip-hop, qui est un style m’attirant beaucoup ces derniers jours. La photo ci-dessus est extraite de la vidéo du morceau Sparkle. Le petit bémol, bien qu’il n’affecte pas la qualité du morceau, est qu’il faut faire abstraction du fait que cette vidéo joue aussi le rôle de publicité pour les écouteurs Bluetooth Sony qui sont par conséquent un peu trop présents dans la vidéo.

東京パッチ「ア」

Je me demandais ce que je pouvais bien faire de toutes les photos prises à l’iPhone que je ne montre en général pas sur ce blog. Dans le passé, je consacrais de temps en temps un billet ne montrant que des photos prises au smartphone, en format normal tout comme les autres photographies prises avec mon appareil photo reflex, mais dans un billet séparé ne se mélangeant pas avec les photographies prises au reflex. J’ai tendance à penser que les photos prises à l’iPhone ne sont pas digne d’être montrées sur ce blog. C’est une des raisons pour lesquelles j’utilise volontairement le mot ‘photographie’ pour désigner ce que je prends avec l’appareil reflex et ‘photo’ pour ce qui est pris avec l’iPhone (ce n’est pas une règle systématique, ceci étant dit). Je considère les photos de l’iPhone comme des ‘snapshots’ plutôt que des photographies en tant que telles. On nous dit que la qualité photographique des smartphones s’améliore sans cesse et est même excellente, mais je n’en suis pas convaincu. Il manque une chaleur qui nous fait percevoir la consistance des choses. Je prends tout de même très souvent des photos à l’iPhone et je me force de temps en temps à les montrer sur Instagram, mais il y en a beaucoup qui restent sur le disque dur de l’ordinateur sans jamais être confrontées à l’éternité spatiale d’internet. Un des billets précédents montrant la pochette du EP de SAI me donne l’idée de montrer ces photos comme des petites vignettes de tailles égales. J’utilise seulement le noir et blanc, même si je sais que certaines photos fonctionnent mieux en couleur. Je suis attiré par le noir et blanc en photographie, mais la couleur a souvent plus d’impact lorsqu’on l’accentue un peu de manière sélective. Je commence donc une série suivant ce format et le prochain episode verra le jour dans plusieurs mois (cet épisode ア couvre six mois). Les photos ci-dessus sont prises aux quatre coins de Tokyo mais une majorité provient de Shibuya. Je ne me lancerais pas dans une description de chacune des photos montrées ci-dessus. Je me contenterais de mentionner la photo qui montre une image grandeur nature de LiSA dans un magasin Tsutaya pour faire le lien avec la suite du billet.

Je découvre par hasard sur YouTube une série de vidéos titrées The First Take où des artistes sont invités à chanter un de leurs morceaux les plus emblématiques accompagnés d’un piano comme seul instrument. Cette version des morceaux met donc l’accent sur la voix et la version du morceau Gurenge (紅蓮華) qui a fait connaitre LiSA, est particulièrement réussie dans son dépouillement. J’ai tendance à penser que la version originale est un peu trop dense, alors que la voix de LiSA est le véritable intérêt du morceau. Comme elle le dit elle même a la fin de la vidéo, cette version quasi a capella du morceau qu’elle interprète devient très émotionnel. Il faut dire qu’on s’accroche à sa voix quand on écoute le morceau et on aura du mal à s’en séparer tant elle met de ferveur dans son interprétation. La vidéo a été apparemment tournée en Décembre l’année dernière avant son premier passage à l’émission Kōhaku du réveillon du premier de l’an, qu’elle voit comme récompense d’une année bien chargée. Je me souviens avoir parlé de ce morceau lors de mon long billet du début d’année, et c’est extrêmement agréable de le retrouver dans cette version là. En relisant d’ailleurs le passage de mon billet du début d’année, je me rends compte que j’utilise involontairement les mêmes mots pour qualifier le chant de LiSA, comme quoi mes avis ne sont pas très changeants.

nakamebucks

En y réfléchissant bien, il y a quand même beaucoup de bâtiments de toutes tailles et fonctions conçus par l’architecte Kengo Kuma à Tokyo. Il a pris depuis quelques années le statut d’architecte incontournable au Japon et même à l’étranger. Il construit beaucoup au Japon et notamment à Tokyo, que ça soit le nouveau stade olympique, la nouvelle gare de Takanawa Gateway que je n’ai pas encore été voir, la tour Shibuya Scramble Square dont je parlais dans le billet précédent ou le vaste bâtiment en photos ci-dessus pour une modeste chaîne de cafés appelée Starbucks. Je suis déjà passé devant plusieurs fois, notamment en mars 2019 peu de temps après son ouverture. Je me souviens qu’à l’époque, je m’étais naïvement présenté à l’entrée pour y acheter un café à emporter tout en voulant faire un petit tour de l’intérieur, mais on m’avait gentiment dit qu’il fallait d’abord acheter un ticket dans le bâtiment annexe pour avoir le droit d’entrer à l’intérieur deux ou trois heures après. J’avais finalement fait demi-tour après avoir quand même pris quelques photos de l’extérieur. La situation a bien changé maintenant, car il n’était pas nécessaire d’acheter un ticket en avance ou d’attendre dans une file pour entrer à l’intérieur. Et comme j’y suis allé un jour de semaine pendant mes congés, il n’y avait pas foule. Le bâtiment a plusieurs étages avec des grandes terrasses donnant sur la rivière Meguro. J’imagine que la vue doit être superbe ici pendant la période des cerisiers en fleurs. J’évite quand même de m’asseoir en terrasse car il faisait chaud et humide cette journée. Je préfère m’asseoir le long des baies vitrées sur une chaise basse pour m’obliger à regarder en hauteur. Une chose est sûre, ces grands espaces s’apprécient mieux quand il y a peu de monde. Les deux rives de la rivière Meguro changent petit à petit avec des nouvelles constructions voyant le jour, comme celle de ce café ou un autre grand bloc de béton superbe juste en face sur l’autre rive. Naka Meguro est un quartier prisé depuis déjà un petit moment et ça ne va aller qu’en s’accentuant.