Kioi Seidō par Hiroshi Naito

Avec le KAIT Plaza de Junya Ishigami, j’ai pu visiter des bâtiments vraiment remarquables ces dernières semaines. Cette fois-ci, il s’agit de le hall Kioi Seidō (紀尾井清堂) par l’architecte Hiroshi Naito, dont la construction s’est achevée en Décembre 2020. On trouve ce bâtiment à l’apparence extérieure étrange dans le quartier de Kioichō, à quelques dizaines de mètres du grand hôtel New Otani. J’en avais en fait déjà montré l’extérieur, se présentant comme un bloc de béton brut couvert d’une membrane de verre, dans un billet d’Avril 2022, alors que je passais par là en vélo. On ne pouvait pas visiter l’intérieur à mon premier passage, mais c’était possible cette fois-ci. Il faut en fait réserver à l’avance, mais on m’a laissé m’enregistrer après avoir gentiment demandé si c’était possible de visiter. Je pense que la possibilité de visiter ou pas sans réserver doit dépendre du nombre de visiteurs. Le point commun avec le bâtiment KAIT Plaza est que la fonction du Kioi Seidō n’est pas très claire. Hiroshi Naito dit lui-même que ce building n’a pas de fonction spécifique, mais qu’il peut être utilisé librement pour des projets de toutes sortes. Il est bien utilisé comme galerie mais une grande partie des étages n’est pas utilisée bien qu’accessible. On aurait l’impression que ce building a été construit pour le plaisir de l’architecture ou plutôt que l’exposition permanente de cette galerie est l’architecture du bâtiment en elle-même.

Il y a bien une exposition en cours intitulée « Roots of the Miracle Pine » (奇跡の一本松の根) à propos d’un grand pin resté debout après la dévastation d’une forêt de 70,000 pins par le grand tsunami suivant le tremblement de Mars 2011. Cet arbre de 173 ans avait été le seul à tenir bon face à la puissante et soudaine vague de 18 mètres du raz-de-marée et est donc vu comme un signe d’espoir par les habitants de la ville de Rikuzentakata (陸前高田市) dans la préfecture d’Iwate. L’arbre n’a malheureusement pas survécu très longtemps après la catastrophe et a été déclaré comme mort en Mai 2012. Un travail de préservation a été ensuite entrepris pour transformer cet arbre en un monument. Les racines de l’arbre ont été extraites et sont présentées au rez-de-chaussée du Kioi Seidō. Une vidéo d’un documentaire de la NHK est également visible à l’étage. Ces racines remplissent une grande partie du rez-de-chaussée, placées au centre de la pièce entre les quatre immenses piliers de béton brut portant la structure du Kioi Seidō. Par rapport aux étages, ce rez-de-chaussée, placé sous le bloc de béton formant les étages, est ouvert en quasi-totalité sur l’extérieur.

On peut accéder aux étages par un escalier extérieur. Dès que l’on entre à l’intérieur du grand hall, on est tout de suite saisi par la beauté et la qualité de cet espace. La totalité des murs, plafonds et planchers est couvert de bois. Tout comme Kengo Kuma, Hiroshi Naito est reconnu pour son utilisation du bois en architecture, comme par exemple pour les nouveaux quartiers généraux du confiseur japonais Toraya à proximité dans le quartier d’Akasaka. Le béton des piliers supportant la structure du Kioi Seidō reste apparent tout comme les neuf puits à lumière placés au plafond. Les formes rondes et angulaires de ces puits alignés sur un quadrillage sont vraiment fabuleuses. L’intérieur du building est principalement vide car chacun des quatre étages se limitent à un espace latéral longeant les murs comme un couloir. On peut apprécier l’intérieur vide du hall depuis ces couloirs délimités par des balustrades. L’emplacement des escaliers donnant accès aux étages est également intéressant. Ces escaliers ont le même style visuel que les balustrades des étages et semblent être placées aléatoirement, au point où on a l’impression qu’ils s’enchevêtrent et forment une structure impossible comme dans les compositions surréalistes de l’artiste néerlandais Escher. Cette impression s’atténue en observant la composition interne du building mais c’était l’idée immédiate qui m’était venu en tête en entrant dans le building. Il y a peu d’ouvertures vers l’extérieur sur les murs des étages et la lumière vient donc principalement du plafond. J’imagine que les murs des étages pourront être utilisés à l’avenir pour y accrocher des œuvres d’art pour des expositions. La luminosité de l’endroit me semble adaptée à ce genre d’exposition.

Depuis l’extérieur du building, on note l’existence d’un escalier dont l’utilité reste à démontrer car les escaliers intérieurs permettent d’accéder à tous les étages. Tout comme le building en lui-même, cet escalier n’a donc pas de fonction spécifique, d’autant plus qu’il n’était pas accessible depuis l’intérieur, fermé par des portes en bois à peine visibles car elles se confondent avec le bois des murs. C’est dommage qu’on ne puisse pas emprunter cet escalier, qui ressemble à un passage secret, du moins depuis l’intérieur car il n’a rien de secret depuis l’extérieur. Quelques visiteurs amateurs d’architecture, peut-être des étudiants en architecture, étaient également présents en même temps que moi. Tous semblaient absorbés dans leurs pensées en observant la structure intérieure du building. Ce endroit pousserait même à la méditation et c’est encore un point commun que je trouve ici avec le KAIT Plaza de Junya Ishigami. Après ces deux découvertes architecturales que je voulais voir depuis quelques temps, je ne suis pas certain de trouver prochainement d’autres bâtiments avec la même qualité spatiale et la même force d’évocation. Je montrais déjà sur mon compte Instagram quelques photos prises à l’iPhone du Kioi Seidō, notamment une vue en contre-plongée qui manque dans la série de photographies prises ci-dessus avec mon appareil photo reflex.

slipping on out my ordinary world, out my ordinary eyes

On marche autour de la station d’Ebisu le long de la voie ferrée qui monte jusqu’à l’entrée de Yebisu Garden Place, puis en direction du croisement de Yarigasaki à la limite de Daikanyama, puis dans une toute autre direction vers l’église de béton conçue par Tadao Ando dans une petite rue étroite proche de la rue commerçante principale d’Hiroo. Rien d’extraordinaire dans ces photographies qui montrent des lieux plutôt ordinaires. J’aimerais montrer des choses étonnantes et extraordinaires sur mes photos mais elles se contentent de l’ordinaire qui m’entoure. Enfin, de cet ordinaire, j’essaie principalement d’en saisir les pointes de couleurs: celles géométriques imprimées sur le muret d’un garage pour bus, celles des scooters stationnés méthodiquement sous le train de la ligne verte Yamanote, celles des petites bouteilles d’eau et de jus de fruits d’un distributeur automatique égaillant tant qu’il le peut une veille baraque semblant abandonnée, celles triangulaires inversées disposées sur le gris du béton de l’église mentionnée ci-dessus, celle d’une plante exotique semblant disproportionnée par rapport au pot bleu qui la porte, celle d’un passant en manteau jaune fluo contrastant avec d’autres manteaux verdâtres montrés de manière répétitive sur un mur d’immeuble du croisement de Yarigasaki. Les couleurs des choses sont un thème récurrent et une inspiration régulière de mes photographies, bien que je ne m’attarde pas souvent à en parler. J’aime par dessus tout le détachement des couleurs sur le gris des murs de la ville.

Je mentionnais dans un billet précédent partir à la découverte de la musique rock indé de Yū après avoir écouté son album de 2004, Ten no Mikaku. Je continue donc avec le premier album de son groupe au nom bizarre Chirinuruwowaka (チリヌルヲワカ), intitulé Iroha (イロハ). L’album n’est pas vraiment facile à trouver car il n’est à priori pas vendu d’occasion au Disk Union de Shinjuku. Du moins, je ne l’ai pas trouvé en cherchant dans les catégories alphabétiques et sous le nom de l’autre groupe de Yū, GO!GO!7188. Dans ces cas là, il m’a fallu le chercher sur Mercari. L’album Iroha est sorti le 28 Septembre 2005, la même année que la formation du groupe qui est d’ailleurs toujours actif aujourd’hui avec 12 albums à leur actif. Leur dernier album intitulé Apocalypse (アポカリプス) vient d’ailleurs tout juste de sortir en Septembre. Sur Iroha, les amateurs de la musique de GO!GO!7188, dont je fais partie, ne seront pas dépaysés car la voix de Yū est tellement marquante qu’elle est immédiatement reconnaissable. L’ambiance reste également fortement empreinte de rock indépendant riche en guitares, mais avec un peu moins d’agressivité que GO!GO!7188. La voix de Yū me fait souvent penser aux chansons Enka sauf qu’elles seraient ici électrisées par les guitares très présentes. Le rythme général n’est pourtant pas apaisé, et même loin de l’être, et les morceaux s’enchaînent sans répit. Le groupe permet l’écoute de l’album dans son intégralité sur YouTube et je conseille fortement aux amateurs de rock indé japonais d’y jeter une oreille attentive. Les deux premiers morceaux de l’album, Kasugai (カスガイ) et Hanamuke (はなむけ), sont une très bonne entrée en matière. La voix de Yū y est tout en modulation et le rythme effréné. Par rapport à son album solo, Ten no Mikaku (てんのみかく), que je mentionnais précédemment, l’album Iroha reste dans le rock pur sans faire des écarts vers le jazz, par exemple. Musicalement, l’ensemble est très cohérent et parfaitement exécuté avec de nombreux riffs accrocheurs. Yū (中島優美, Yumi Nakashima de son vrai nom) joue de la guitare en plus de chanter et elle est accompagnée par Eikichi Iwai (イワイエイキチ) à la basse (je l’évoquais très rapidement de mon billet précédent), Kōsaku Abe (阿部耕作) à la batterie. Sur cet album, le deuxième guitariste était Haruhito Miyashita (宮下治人), mais il a quitté le groupe et Natsuki Sakamoto (坂本夏樹) a pris la relève en 2010 suite à un hiatus de 3 ans du groupe. Entre GO!GO!7188 que je continue a beaucoup écouter (j’en parlerais certainement plus tard) et les 11 autres albums de Chirinuruwowaka qu’il me reste à explorer (il faut d’abord que je les trouve), je vais certainement avoir beaucoup de rock dans les oreilles ces prochaines semaines ou mois. Mais, je ferais quelques passages un peu plus pop, ne serait ce que pour aller voir Miyuna (みゆな) en concert prochainement (si tout se passe bien). En faisant quelques recherches de revue des albums de Chirinuruwowaka sur internet, je trouve les avis d’un passionné francophone sur le site Rate Your Music (RYM), un amoureux du chant de Yū, et ça fait plaisir à lire car je partage complètement son avis, qu’il formule d’ailleurs mieux que moi.

KAIT Workshop par Junya Ishigami

Après avoir visité le plus longtemps possible la place semi-couverte KAIT Plaza, je me dirige ensuite vers l’autre bâtiment conçu par Junya Ishigami (石上純也) sur le même campus de l’université Kanagawa Institute of Technology (KAIT). Cet autre bâtiment appelé KAIT Workshop (KAIT 工房) est un immense bloc de 2000㎡ de surface et de 5m de hauteur entièrement entouré de verre et sans aucuns murs intérieurs. Le toit est porté par 305 piliers dont 42 plus épais supportant directement le poids de la structure. Cela donne un espace intérieur très ouvert propice à la collaboration entre les étudiants. Dans ce grand atelier, on y crée principalement des objets à base de bois. Des tables et des bureaux sont placées de manière apparemment aléatoire dans cet espace ouvert et libre. La plupart du mobilier est en bois sauf quelques tables basses et chaises de couleur blanche, tout comme les piliers et le plafond dont la surface métallique est couverte d’une peinture urethane blanche.

Ces petites chaises blanches, la finesse délicate de bâtiment, l’extrême transparence utilisant les vitrages et les petits pots de plantes végétales posées aléatoirement dans cet espace me font tout de suite penser à l’architecture de Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa de SANAA. Ce n’est pas une surprise de lire que Junya Ishigami, après avoir obtenu son master en architecture à l’Ecole des Beaux Arts en 2000, a passé quatre ans de 2000 à 2004 aux côtés de Kazuyo Sejima dans l’agence SANAA. On ressent tout de suite cette influence dans l’architecture du KAIT Workshop, conçu en 2008, quatre après avoir établi sa propre agence junya.ishigami+associates. On peut marcher librement dans le bâtiment mais il est indiqué qu’il ne faut pas prendre les étudiants en photo. Ils étaient assez peu nombreux à mon passage. L’endroit est calme et légèrement doux, comme dans une véranda. Des hauts parleurs au milieu du bloc de verre et de fer joue une musique diffuse. On se sent bien dans cet espace. J’envie les étudiants. Ce genre d’endroits sans limites visibles doit pousser à être créatif.

En sortant du bâtiment, il faut regarder les grandes baies vitrées. Elles reflètent par endroits les arbres plantés tout autour et ces images viennent se confondre avec les véritables plantes posées à l’intérieur. La multitude de piliers à l’intérieur font d’ailleurs également penser à des troncs d’arbres dans une forêt. Ces images contribuent à rendre floues les limites entre l’espace intérieur et extérieur. Il me faut malheureusement bientôt prendre le bus du retour vers la station de Hon-Atsugi. J’attends à l’arrêt de bus interne à l’université tout comme les autres étudiants, après avoir déposé à l’entrée la carte d’accès temporaire. J’ai vu de bien belles choses aujourd’hui qui valait bien ce long déplacement.

always have to go back to real lives where we belong

Sur la première photographie, la construction du nouveau bâtiment commercial au carrefour de Jingūmae dans la diagonale du Tokyu Plaza semble avancer bon train même si on ne parvient pas à avoir une idée très précise de la forme qu’il va prendre. L’architecture d’Akihisa Hirata (平田晃久) est en général remarquable, donc je suis assez impatient de découvrir à quoi va ressembler l’ensemble une fois terminé. Quelques images donnent en fait une représentation d’ensemble de ce redéveloppement urbain du bloc Jingūmae 6-Chōme. À la manière du Tokyu Plaza, on peut voir que les zones de terrasses vertes seront nombreuses, s’étendant sur plusieurs strates. Les informations que j’ai pu lire sur internet annonçaient une ouverture en 2022 mais j’ai un peu de mal à imaginer qu’il va ouvrir ses portes en si peu de temps avant la fin Décembre.

En ce moment, je vais régulièrement à Shimo-Kitazawa soit à pieds soit en vélo, et les deux photographies suivantes ont été prises là bas. J’aime l’ambiance du quartier même si elle change petit à petit. La gentrification de Shimo-Kitazawa prend en fait son temps. Le renouvellement de la station n’a pas encore vraiment affecté les petites rues alentours qui n’ont pas beaucoup évolué, sauf les espaces situés au niveau de la ligne de train Odakyu Odawara qui a été enterrée. Une partie de cette ancienne voie ferrée s’est transformée en zone commerciale avec restaurants et même un hôtel. Une partie de cet espace prend le nom de Bonus Track, comme sur la version japonaise d’un CD d’artiste ou de groupe étranger. Une autre zone longiligne de restaurants a été placée sous la ligne ferroviaire surélevée de Keio Inokashira. Cette zone commerciale appelée Mikan Shimokitazawa est située immédiatement à la sortie de la station. Ces espaces attirent une population plutôt jeune, tout comme la place devant la gare qui avait accueilli la lune accrochée que je montrais récemment. Le week-end dernier, cet espace était occupé par un bar extérieur, ce qu’on appelle un Beer Garden, avec une petite scène sur laquelle jouait un guitariste plutôt doué. La photographie suivante montre un petit immeuble ultra-futuriste de Shin Takamatsu à Yoyogi-Uehara, qu’on ne présente plus tant je l’ai déjà souvent montré sur ce blog. Et ensuite, je pars vers Yotsuya et Ichigaya. On pourrait croire que j’essaie de répertorier en photo les affiches du single d’Ado écrit par Sheena Ringo, mais ce n’est qu’une coïncidence.

Les hasards de YouTube me voulaient du bien en me dirigeant vers la vidéo d’un long morceau live de 10 mins de The Cure. N’ayant pas ėcouté les albums du groupe de Robert Smith depuis quelques temps, je me lance dans le visionnage du morceau enregistré au smartphone par un spectateur lors d’un concert en Croatie datant du 27 Octobre 2022. Je me rends compte rapidement qu’il s’agit d’un morceau que je ne connais pas, ce qui m’étonne un peu car je pense avoir écouté tous les albums à part peut-être un ou deux. Les commentaires sur la vidéo donne un titre Endsong qui serait présent sur un album appelé Songs of a Lost World, que je ne connais pas. The Cure auraient sorti un nouvel album sans que je m’en rende compte? Et d’autant plus avec un morceau comme Endsong qui nous rappelle l’émotion des meilleurs morceaux du groupe (Robert Smith a les larmes aux yeux sur scène). En fait, ce nouvel album (le 14ème) intitulé Songs of a Lost World était censé sortir avant leur tournée démarrant en Octobre 2002, mais il n’a malheureusement pas encore vu le jour. Le dernier album du groupe était 4:13 Dream sorti en 2008, il y a donc 14 ans. La sortie d’un nouvel album paraît inespérée. Du coup, je me suis mis à réécouter ces derniers jours des albums de The Cure, Bloodflowers (2000) et Wish (1992). Bien que les meilleurs albums restent Disintegration (1989) et Pornography (1982), ces des autres sont également excellents. Le titre de ce billet est tiré des paroles du morceau Out of This World sur l’album Bloodflowers.

KAIT Plaza par Junya Ishigami

Quel espace magnifique ! C’est la première impression qui m’est venu à l’esprit en entrant à l’intérieur de cette place couverte appelée KAIT Plaza et conçue par Junya Ishigami. Elle est située dans l’enceinte de l’université Kanagawa Institute of Technology (KAIT) et on ne peut donc la visiter qu’en faisant une réservation préalable pour une journée et une plage horaire données. Les jours d’ouverture au public et les places sont en fait assez limités et j’ai eu du mal à trouver une journée avec des places encore disponibles. L’occasion s’est présentée un jour de semaine ce qui m’a obligé à prendre une journée de congé. L’université est située dans la banlieue d’Atsugi, à 60kms du centre de Tokyo dans la préfecture de Kanagawa. Son accès n’est pas particulièrement compliqué mais il faut compter presque deux heures de transport pour s’y rendre. J’ai préféré le train à la voiture cette fois-ci. La ligne Odakyu m’amène de Shinjuku jusqu’à Hon-Atsugi. De là, il faut prendre un bus pendant une vingtaine de minutes jusqu’au campus de l’université. À noter qu’il y a deux campus et il faut donc éviter l’erreur grossière de se rendre au mauvais endroit. Ma visite était planifiée à 14h et j’arrive en avance. Les minutes sont longues avant de pouvoir entrer car il n’y a pas grand chose à voir dans cette banlieue quelconque principalement résidentielle. De l’extérieur, l’université ne laisse pas penser qu’on puisse y trouver une architecture aussi remarquable. La visite programmée donne en fait accès à deux bâtiments conçus par Shinya Ishigami. Le KAIT Workshop, que je montrerais dans un prochain billet, et le KAIT Plaza dont je montre quelques photographies ci-dessus. Les deux bâtiments sont placés l’un à côté de l’autre.

Je commence ma visite par KAIT Plaza. Sa taille basse nous laisse penser qu’il est enfoui dans le sol car il se trouve sur un terrain à deux mètres de dénivelé par rapport au reste du site du campus. De l’extérieur, le bâtiment se présente comme un large bloc blanc perforé de hauteur basse à moitié enfoui dans les herbes tout autour. Cet espace a été construit en 2020 et conserve toute sa blancheur. Il s’agit d’un espace semi-extérieur car les 59 ouvertures composant le toit du bâtiment sont ouvertes, sans vitrages. Le toit flottant métallique est porté par les quatre murs de la structure composé de 83 piliers ancrés dans les fondations. Le toit de 12mm d’épaisseur est incurvé et n’est porté par aucun pilier à l’intérieur. Cela donne un espace continu et on aurait l’impression par endroits que cet espace est infini car le sol et le toit finissent par se confondre. Le sol, également incliné comme une bassine, est couvert d’asphalte blanc perméable à l’eau qui permet l’infiltration et l’absorption des eaux de pluie. Cela permet de garder le sol sec. La hauteur du toit va de de 2.2m à 2.8m. Ce bâtiment n’a pas de fonction particulière car il n’est pas conçu comme une zone d’étude qu’on s’attendrait à trouver dans une université. Il s’agit plutôt d’un espace de relaxation pour les étudiants. Pendant la visite, deux étudiants étaient d’ailleurs allongés, endormis sur des tapis disponibles à l’entrée. J’aurais bien fait de même, mais je me suis contenté de m’asseoir pendant quelques instants sur le sol incurvé près d’un des murs en regardant vers le centre de la structure. Le jeu des lumières à travers les ouvertures est très délicat. Le ciel était couvert à mon passage et les inscriptions de la lumière sur le sol étaient diffuses. J’imagine qu’elles doivent être beaucoup plus marquées lorsque le ciel est très ensoleillé et sans nuages. Les jours de pluie doivent être particulièrement intéressants à observer depuis l’intérieur car l’eau doit tomber comme des cascades à travers chaque ouverture. Entrer dans cet espace relève de l’experience. Celle-ci est unique et c’est une émotion, une sorte de plénitude, qu’on voudrait faire durer. On ne peut passer que trente minutes à l’intérieur bien que je ne pense pas que le gardien à l’entrée contrôle vraiment les heures d’entrée et de sortie. On ne se lasse pas de marcher sous ce toit incurvé, en observant les formes géométriques des ouvertures et la lumière que les traversent. À certains endroits plus élevés près des murs, on parvient à saisir du regard la courbure extérieure du toit dans son ensemble. Je ne me lasse pas non plus de prendre cet espace en photo ce qui a rendu difficile le choix des photographies que j’allais montrer sur ce blog. J’en montre d’ailleurs quelques autres sur mon compte Instagram, mais je ne pense pas que les photographies arrivent réellement à retranscrire l’atmosphère des lieux. KAIT Plaza compte dans les plus belles architectures que j’ai pu voir et visiter. Le fait que son utilisation principale reste assez floue en fait même une œuvre d’art, et on y passe un moment privilégié qui vaut grandement le long déplacement. J’ai dû mal à franchir la porte de sortie, mais il faut également visiter l’autre bâtiment de Junya Ishigami sur ce même campus, le KAIT Workshop que je montrerais très certainement sur un prochain billet.