Tsuruoka House par Kiyoaki Takeda Architects

J’avais fait le déplacement exprès jusqu’au parc Shakujii dans l’arrondissement de Nerima pour aller voir de plus près la maison Tsuruoka House par l’atelier d’architecture Kiyoaki Takeda Architects. J’avais régulièrement vu cette maison sur Instagram et sur des sites web dédiées à l’architecture. Ses formes courbes cachées en partie par une végétation dense semblant grandir librement m’intriguaient beaucoup. Elle est idéalement placée au bord de l’étang Shakujii, séparée du bord de l’eau par une petite route. La fusion de la maison avec la nature environnante est renforcée par les larges vitrages sans discontinuité sur les façades des deux étages qui viennent brouiller la séparation entre l’intérieur et le parc à l’extérieur. La fragilité apparente de ces murs de verre viennent contraster avec l’aspect imposant de la toiture et de l’étage.

La particularité de ces grandes dalles voûtées irrégulièrement formant l’étage et le toit est qu’elles sont remplies de terre. Cela permet aux racines des plantes et arbres de s’implanter plus profondément et de faciliter leur développement. Le jardin fait ainsi pleinement partie de l’architecture, ce qui est particulièrement intéressant. Il est maintenant commun de voir les surfaces des toits d’immeubles couverts de verdure mais celles-ci demeurent en général superficielles composées d’un gazon et éventuellement de fleurs. On peut imaginer qu’une petite forêt pourra facilement se développer sur le toit et les balcons de Tsuruoka House effaçant en quelque sorte la présence architecturale au profit de cette végétation devenant ainsi une véritable extension du parc Shakujii. Tsuruoka House a été construite récemment en 2021, et on l’imagine bien devenir progressivement un petit écosystème à part entière. La composition des voûtes fait que l’eau de pluie peut s’y infiltrer. Les formes de ces voûtes permettent à cette eau de pluie d’être irriguée vers les parties basses des dalles qui sont connectées à des canaux intégrés à la structure de la maison pour dégager l’eau. Un des bénéfices de ces dalles épaisses est de conserver la chaleur mais j’imagine que les immenses baies vitrées doivent au contraire contribuer à grandement rafraîchir l’espace intérieur en hiver. Ces voûtes aux formes irrégulières donnent une grande qualité à l’espace intérieur. Je ne suis bien sûr pas entré à l’intérieur mais de nombreuses photographies sur internet donnent une bonne idée de l’agencement interne. Je montre également quelques autres photos extérieures prises cette fois-ci à l’iPhone sur mon compte Instagram.

C’est la deuxième fois que je viens au parc Shakujii. La première fois était en Juillet 2020 pour aller voir les Shakujii Apartments par SANAA, situés dans une zone résidentielle à quelques dizaines de mètres du parc. Ce parc est très agréable et on a naturellement envie d’y marcher. Je parlais récemment de la mangaka Rumiko Takahashi. Elle aurait été inspirée par ce parc pour certains scènes du manga Ranma ½. De retour du parc en direction de la station de train, je remarque une maison blanche entourée de bandes de verre que je pense avoir déjà vu quelque part sans pourtant en avoir un souvenir très précis.

時が過ぎて行くのが早すぎるから

Revenons maintenant à la couleur pour ce nouveau billet. On peut voir en ce moment à différents endroits de Tokyo des œuvres de l’artiste Kusama Yayoi, associées à la marque Louis Vuitton. La première photographie de ce billet est plutôt une composition photographique détournée montrant son visage, mais je montrerais un peu plus tard quelques installations artistiques à Marunouchi et dans le parc Shiba près de la Tour de Tokyo. Les photographies de ce billet ont été principalement prises dans le centre de Shibuya, à Udagawachō, et le long de la rue Meiji à Jingumae. Je ne devrais même plus le préciser tant ces lieux ont constitué mon « terrain de jeu » préféré cette année. Cette année 2022 a passé très vite mais le mois de Décembre, avant que mes vacances de fin d’année ne démarrent, m’a semblé se dérouler au ralenti. J’espère que les cinq prochains mois vont passer vite car j’ai hâte d’aller enfin voir Sheena Ringo en concert au Tokyo International Forum début Mai 2023. J’espère que rien ne pourra m’empêcher d’y aller comme ça avait été le cas en 2020 pour Tokyo Jihen alors que la crise sanitaire était pleine d’incertitudes.

Je ne résiste pas à l’envie de montrer ci-dessus plusieurs extraits de la vidéo de Zutto, le nouveau et certainement dernier single de BiSH avant leur séparation à la fin de cette année. J’adore quand des parallèles se créent entre l’architecture et la musique que j’aime, ce qui est relativement rare, il faut bien l’avouer. J’étais en tout cas très satisfait de voir le groupe évoluer à l’intérieur du KAIT Plaza de Junya Ishigami, que j’ai découvert et montré sur ce blog le mois dernier (il faudra un jour que je fasse un mind-mapping de ce blog). Je peux très bien comprendre que ce lieu a inspiré le réalisateur de cette vidéo, Masaki Ohkita, qui a également réalisé plusieurs autres vidéos pour le groupe. Le morceau en lui-même a une composition très classique et fidèle à l’image que peut avoir quelqu’un ayant suivit BiSH depuis plusieurs années, ce qui est mon cas. Sans être pourtant fanatique du groupe, je dois quand même avoir tous les albums et une grande partie des singles sur mon iPod. Et j’en parle assez souvent sur ce blog, l’air de rien. Ce morceau Zutto est le douzième d’un éventuel dernier album qui pourrait s’appeler BiSH is Over. Je n’arrive pas à bien comprendre si un album regroupera les douze morceaux sortis en single pendant cette année ou si BiSH arrêtera réellement ses activités à la fin de cette année, car Wack, l’agence du groupe, vient d’annoncer un dernier concert le 29 Juin 2023 au Tokyo Dome. Je ne suis en général pas convaincu par les qualités vocales du groupe en live ou lors d’émissions télévisées, mais l’ambiance dans un espace aussi vaste que le Tokyo Dome doit être très particulière. Je garde toujours en tête cette vidéo du morceau GiANT KiLLERS en concert à Makuhari Messe. Ce nouveau single Zutto me plaît beaucoup, mais je me rends également compte avec cette dernière vidéo que la représentation visuelle du groupe a toujours été particulièrement réussie. Je pense au morceau Stereo Future dans les mines d’Oya, que l’on a également visité récemment, ou au cimetière d’avions américain pour la vidéo de My Landscape. Ces deux vidéos ont d’ailleurs été également réalisées par le même Masaki Ohkita.

once upon the street (3)

Ce troisième épisode en noir et blanc vient terminer cette petite série avant de revenir vers la couleur. Ces dernières semaines ont été particulièrement fatigantes pour une fin d’année et j’ai eu un peu de mal à trouver le temps d’écrire pendant les jours de semaine. Ça me manque car prendre le temps d’écrire, c’est s’extraire de tout ce qui m’entoure pendant quelques dizaines de minutes. Pour la série de photographies ci-dessus, je m’étais décidé à marcher jusqu’à Takadanobaba, au delà de Shinjuku. Un des objectifs que je m’étais donné était de trouver un immeuble dont la façade semble s’ouvrir comme un rideau. Ce bâtiment que je montre sur la première photographie se nomme Light house par Yamamura Sanz Lavina Architects (YSLA). Marcher ensuite de Takadanobaba jusqu’à Shinjuku me fait passer par le quartier coréen de Shin-Okubo, que je montre très brièvement sur l’avant dernière photo du billet. Les magasins vendant des photos et autres objets à l’effigie des stars de la K-pop sont nombreux, mais j’étais plutôt là pour acheter le déjeuner à emporter. J’imaginais très bien qu’il y aurait foule mais ça restait circulable même s’il fallait prendre son temps à l’approche de la station. Ce petit détour ne m’a pas particulièrement donné envie d’écouter de la K-pop. Je fais le curieux de temps en temps en écoutant par exemple un ou deux morceaux des deux groupes japano-coréens qui passeront à l’émission de NHK Kōhaku cette année, mais ça ne m’intéresse pas beaucoup. Je n’ai pour l’instant que deux morceaux de K-Pop sur mon iPod et j’aime beaucoup les réécouter de temps en temps: 내가 제일 잘 나가 et CAN’T NOBODY de 2NE1. A Shinjuku, les vitrines de la boutique Louis Vuitton du grand magasin Takashimaya montrent des photos en grand format de HoYeon Jung (정호연), modèle et actrice qui jouait le rôle de Kang Sae-byeok (강새벽) dans la série à succès Squid Game sur NetFlix. Beaucoup regretteront de ne plus la voir dans la deuxième saison de la série en préparation, car son personnage n’a pas survécu à la première saison, mais on peut souhaiter qu’elle apparaisse en flashback. Dans le même style d’histoire que Squid Game, je suis très curieux de voir la deuxième saison de la série japonaise Alice in Borderland qui commencera le 22 Décembre 2022 sur NetFlix, et de retrouver les personnages principaux interprétés par Kento Yamazaki (山﨑賢人) dans le rôle de Ryōhei Alice et Tao Tsuchiya (土屋太鳳) dans le rôle de Yuzuha Usagi. La deuxième photographie du billet a été prise à Sangenjaya. La moto de style café racer à gauche avec son drapeau anglais m’avait attiré le regard. La photo suivante montre un détail du petit bâtiment sur la rue Miyuki à Omotesando pour la marque Miu Miu. Cette boutique conçue par les architectes Herzog & De Meuron ressemble à une boîte prête à se refermer. La quatrième photo n’a rien de remarquable en apparence mais elle a la particularité de montrer une toute nouvelle rue à Shinjuku reliant la longue avenue Meiji au parc Shinjuku Gyoen. Je n’ai pas compté le nombre d’années nécessaires pour construire cette route, mais c’était un travail de très longue haleine. Je n’ai plus le souvenir de voir cette zone de Shinjuku sans travaux.

C’est un plaisir de revenir vers l’univers musical d’Etsuko Yakushimaru. Je n’avais pas réalisé qu’elle avait sorti un EP intitulé Existence of Us (僕の存在証明) le 26 Avril 2022 sous une formation appelée Yakushimaru Etsuko Metro Orchestra (やくしまるえつこメトロオーケストラ). Le EP se compose de deux morceaux, celui intitulé Existence of Us et un autre morceau intitulé Our ground zeroes, accompagnés des versions instrumentales. Le premier est plutôt pop avec les qualités mélodiques, symphoniques et un brin fantaisistes que j’aime beaucoup chez Etsuko Yakushimaru. Our ground zeroes est plus éthéré et rêveur. Ces deux morceaux assez différents se complémentent très bien pour créer deux mouvements d’un même ensemble. J’aime beaucoup son approche mélangeant une certaine légèreté dans son chant avec une composition musicale très maîtrisée et sophistiquée. Du coup, l’envie m’a pris de réécouter son EP AfterSchoolDi(e)stra(u)ction (放課後ディストラクション), l’album Radio Onsen Eutopia (2013) et l’excellent album Hi-Fi Anatomia (2009) de son groupe Sōtaisei Riron (相対性理論). Beaucoup de musique imaginative particulièrement réjouissante qu’il serait dommage de ne pas connaître.

不可欠歩行

Ces rues, plutôt inhabituelles pour moi, se trouvent près de Jiyūgaoka dans l’arrondissement de Meguro. Je reviens de la vallée de Todoroki (等々力渓谷) et je me rends compte que je n’ai pas encore montré de photos de cet endroit. Mes séries s’inscrivent la plupart du temps dans un ordre non chronologique car la séquence des billets est plus importante pour moi que la chronologie, vu que mes textes ne s’inscrivent pas dans l’actualité du moment. Quand je le peux, j’aime alterner les billets purement architecturaux avec ceux de paysages urbains, en général plus désordonnés et accompagnés de recommandations musicales. Après avoir aperçu une étrange maison de béton aux angles affûtés, je suis pendant quelques secondes une dame en noir avant de bifurquer rapidement vers une rue longeant la voie ferrée. Le centre de Jiyūgzoka n’est pas très loin et je le traverse rapidement pour m’en échapper après avoir retourné le bonjour à Arale placée sagement dans une vitrine à côté de bottes Louis Vuitton. La résidence d’acier et de verre sur la dernière photographie est intéressante car le balcon est traversé par endroits par un grand arbre. Un homme est assis sur un des balcons et je le vois déjeuner à côté de cet arbre traversant. Je l’envie quelques instants car ça doit être agréable de manger dehors avec une vue dégagée sur la rue.

Je reviens vers le groupe rock alternatif GO!GO!7188 avec les deux premiers albums Dasoku Hokō (蛇足歩行) et Gyotaku (魚磔), que j’écoute déjà depuis quelques semaines. Ils sont sortis en Novembre 2000 et Décembre 2001 respectivement. J’y reviens ces derniers jours et me replonge volontiers dans l’intensité inarrêtable et pleine d’urgence de cette musique rock indé. Rappelons que GO!GO!7188 est un trio, formé en 1998, originaire de Kagoshima dans le Kyūshū, qui a malheureusement arrêté ses activités en 2012 après huit albums studio. Avec Sheena Ringo originaire de Fukuoka, Miyuna de Miyazaki et GO!GO!7188 de Kagoshima, je me rends compte tout d’un coup que j’écoute beaucoup de musique des filles du Kyūshū. Yumi Nakashima (中島優美), surnommée Yū (ユウ) que j’évoque souvent ces derniers temps est accompagnée par Akiko Noma (野間亜紀子) qui se fait appeler Akko (アッコ) et par Takayuki Hosokawa (細川央行) se faisant lui appeler Turkey (ターキー). Akko est à la guitare basse et écrit les paroles, tandis que Yū écrit les musiques, joue de la guitare et chante sur tous les morceaux. Turkey est lui le batteur du groupe et la seule présence masculine à bord. Ils chantent tous les trois, mais c’est surtout la voix très distinctive et parfois haut perchée de Yū que l’on entend et qui nous entraîne dans les méandres des riffs de guitare. Le premier album Dasoku Hokō (蛇足歩行) est plein de fougue, qui va même crescendo jusqu’au morceau intitulé tout simplement Punk (パンク) ondulant en des phases lentes et d’autres soudainement rapides me laissant extatique. On y trouve l’instinctivité et l’énergie de la jeunesse, et une certaine légèreté malgré la densité des guitares. Chaque morceau est extrêmement efficace et ne laisse pas beaucoup de répit, à part le morceau central de l’album Koi no Uta (こいのうた) qui vient marquer une petit pause bien méritée. Écouter les onze morceaux de Dasoku Hokō (蛇足歩行) me donnent envie de continuer avec l’album suivant Gyotaku (魚磔) qui semble démarrer dans la continuité du précédent. On est dans la même atmosphère faite de guitares déferlantes et de batterie martelante sur ce deuxième album, même il me semble un peu plus mâture, ne serait-ce que par la présence d’un morceau comme Sakurajima (桜島). Il s’agit du morceau central de l’album prenant pour titre le nom du volcan encore actif à Kagoshima. C’est le morceau le plus étrange, ressemblant à un ancien compte sombre qui ferait peur aux enfants. « Ne vas pas nager dans cette mer noire » (海が黒いから泳ぐのをやめて) nous dit par exemple les paroles du morceau. Sur ce morceau comme sur les autres, on y trouve un grand sens mélodique qui rend cette musique très addictive. Je l’ai déjà dit auparavant, mais la voix et la manière de chanter de Yū, parfois empreinte de tonalités Enka, me fait revenir sur les albums de GO!GO!7188, que ça soit quand elle pousse sa voix jusqu’à ses propres limites ou qu’elle roule de temps en temps les « r » comme une ’mauvaise fille’. Il y a beaucoup de spontanéité dans cette musique qui reste dans l’ensemble beaucoup plus directe que le rock compliqué de Tricot par exemple. Le petit détail qui m’amuse est l’utilisation du mot « corn potage » dans un des meilleurs morceaux de l’album Gyotaku, A.M.7:30, me rappelant Tricot utilisant ce mot « potage » comme titre de morceau sur un de leurs albums. Je vais en tout cas continuer encore un peu la découverte progressive des autres albums, car j’ai besoin de ce rock là dans les oreilles en ce moment.

余韻から抜け出したくない

未完成のまま、今日をゆく。Cette courte phrase énigmatique que j’essaie de traduire en « Même inachevée en tant qu’être, je vais de l’avant aujourd’hui » provient de l’affiche publicitaire du grand magasin LUMINE pour la saison Hiver 2022. Cette affiche est montrée au dessus de la sortie Sud de la gare de Shinjuku. Je ne sais pas qui en est le publicitaire mais je suis toujours très curieux de ces affiches montrant des messages qui ne sont pas facilement compréhensibles. J’aime aussi leur qualité photographique et les couleurs vives qui s’en dégagent. Le photographe s’appelle Toshio Ohno (大野隼男), et bien que je ne le connaissais pas de nom, je connaissais au moins certaines de ses photographies, notamment celles des pochettes de couverture des albums de Fuji Kaze, certaines photos d’Aimyon ou la photo du dernier album de Yama. La jeune modèle qui pose sur cette affiche s’appelle Karen Amano (天野翔愛). Sur la photo que le photographe montre sur son compte Instagram, il s’était en fait trompé en donnant le nom de Rina Komiyama (小宮山莉渚) dans les credits pour cette photo. Rina Komiyama avait en fait posée pour l’affiche de la saison Automne 2022 de LUMINE également prise en photo par Toshio Ohno. Le photographe a apparemment fait l’erreur de recopier les crédits d’une photo à l’autre sur Instagram. Je lui ai fait remarquer dans les commentaires de sa photo sur Instagram et il a gentiment corrigé. Bref, tout cela pour dire que j’aurais préféré que ça soit Rina Komiyama car j’y aurais vu un lien très intéressant avec la musique qui va suivre. En effet, Rina Komiyama a joué dans un film intitulé Shōjo ha Sotsugyō shinai (少女は卒業しない) du réalisateur Shun Nakagawa (中川駿) qui sortira le 23 Février 2023 et pour lequel Miyuna (みゆな) a composé et écrit le morceau thème.

Après l’intermède végétal rouge aperçu au bord d’une rue tokyoïte, je montre une photographie du petit bâtiment de béton de la galerie TOM (ギャラリーTOM) dans le quartier de Shōtō à Shibuya. D’après Wikipedia, cette galerie date de 1984 et serait la première réalisation de l’architecte Hiroshi Naito (内藤廣) dont je parlais justement dans le billet précédent pour son sublime hall Kioi Seidō. J’aime beaucoup les halos de lumière qui se dégagent de cette photographie. Il faudrait que je fasse une série de photos avec ce genre de lumière car je vois quelque chose de très revivifiant à saisir des extraits de soleil en photo.

Le concert de Miyuna (みゆな) était tout simplement inoubliable! Je m’excuse par avance auprès de mes lecteurs (qui ne se plaignent jamais de toute façon) car je vais très certainement à l’avenir souvent parler de Miyuna sur ces pages. Son tour appelé TOUR 2022 GUIDANCE (みゆな TOUR 2022 -ガイダンス-) pour la sortie de son premier album Guidance (ガイダンス), que j’évoquais déjà dans un précédent billet, se composait de deux dates, une à Osaka le 4 Novembre et une à Tokyo le 15 Novembre 2022. Je suis donc allé voir Miyuna et son groupe pour ce concert à Tokyo, qui se déroulait dans la Live House Shibuya Club Quattro. Cette salle se trouve dans le prolongement de Center Gai dans le quartier d’Udagawachō que je connais très bien car le magasin Disk Union se trouve juste à côté. La salle se trouve au quatrième et cinquième étages d’un immeuble assez récent. Le nom Club Quattro vient du fait qu’il s’agissait de la quatrième annexe du Department Store PARCO. Il y a quatre autres Club Quattro au Japon: deux à Osaka, un à Nagoya et un à Hiroshima. Le Club Quattro de Shibuya était le premier à ouvrir ses portes en Juin 1988. Je suis souvent passé devant l’entrée de cette salle pour faire le curieux en regardant le programme affiché à l’extérieur, mais je n’avais jamais assisté à un concert. La salle, de taille moyenne, peut accueillir 750 personnes débout, mais en cette période de crise sanitaire qui n’en finit pas, je pense que la capacité réelle est plus limitée. La salle était pleine mais on pouvait apparemment encore acheter un billet le soir même.

J’ai beaucoup écouté l’album Guidance de Miyuna ces dernières semaines car je ne m’en lasse pas et je pense qu’il s’agit de l’album que je préfère de cette année. Certainement parce qu’il mélange une atmosphère rock familière avec des terrains plus pop extrêmement rafraîchissants, tout en ayant une capacité forte à émouvoir. La voix et la manière de chanter de Miyuna y sont pour beaucoup mais elle était très bien entourée lors de cette petite tournée par des musiciens qui n’hésitaient pas à se laisser emporter par l’enthousiasme des morceaux. C’était notamment le cas du guitariste Tetsu Kinoshita (木下哲) qui terminait volontiers certains morceaux du live par des solo tumultueux à tendance bruitiste. Miyuna était également accompagnée par Keisaku Nakamura (中村圭作) aux claviers, Shige Murata (村田シゲ) à la basse et Takashi Kashikura (柏倉隆史) à la batterie. Il s’agissait d’une formation rock très axée sur les guitares, car Miyuna en jouait également sur certains morceaux. Avant d’entrer dans la salle, je me suis demandé quel genre de public venait voir Miyuna, et j’ai été assez surpris par la diversité. J’arrive juste à l’heure pour l’ouverture à 18h15, ce qui était bienvenu car l’entrée dans la salle de concert est très organisée pour éviter les bousculades éventuelles. On attend sagement son numéro au quatrième étage pour pouvoir ensuite passer à l’étage au dessus pour entrer dans la salle de concert. La grande majorité du public est debout bien qu’il y ait quelques places assises sur une zone périphérique légèrement surélevée. Boire une bière en regardant la scène encore vide m’a fait patienter jusqu’à l’entrée des musiciens sur scène à 19h. Miyuna entre ensuite en scène, et j’ai eu à ce moment là l’impression particulière de voir une figure familière. Il faut dire que j’écoute beaucoup sa musique ces derniers temps et suit son compte Twitter et Instagram pour en quelque sorte me préparer pour ce concert. J’ai pourtant un peu hésité à y aller car c’était un jour de semaine et il m’a fallu prendre un après-midi de congé. Je pense qu’elle aurait plus facilement fait salle comble un jour de week-end.

Miyuna n’a que 20 ans depuis le mois de Juin et a démarré sa carrière musicale avec un premier mini-album intitulé Me (眼) sorti en 2019 alors qu’elle n’avait que 17 ans. Elle était d’ailleurs passée à cette époque dans l’émission matinale Zip! de la chaîne de télévision NihonTV (日テレ) qui avait une rubrique appelée Hakkutsu (ハックツ) présentant brièvement les talents en devenir. L’émission la qualifiait comme étant la deuxième génération de Sheena Ringo (椎名林檎2世), tout en diffusant quelques extraits de morceaux venant appuyer cette ressemblance, comme celui intitulé Fuwa Fuwa (ふわふわ) du mini-album Me (眼) et Yurareru (ユラレル) de son deuxième mini-album du même nom. On lui demande même ce que ça lui fait d’être comparée à Sheena Ringo et elle répond qu’elle en est honorée, tout en se demandant si ça la désolerait ou si elle en serait heureuse. Elle n’a apparement pas eu l’occasion de lui demander. Dans le même style, les ressemblances de Sheena Ringo avec Jun Togawa avaient apparemment été notées à ses débuts et certains considéraient Sheena Ringo comme étant le retour de Jun Togawa (戸川純の再来). Il n’y a rien de bien étonnant dans ces comparaisons, mais je ne suis pas sûr ça soit vraiment faire un cadeau à un ou une artiste que de les comparer à d’autres artistes. Les médias aiment faire ce genre de correspondances et c’est assez naturel de se chercher des références existantes (je le fais bien aussi de temps en temps). Ceci étant dit, Miyuna a une approche musicale qui est la sienne. On trouve quand même quelques points communs dans sa voix très mature qu’elle arrive à moduler sur une large plage vocale, comme pourrait le faire Sheena Ringo.

Miyuna a aussi cette capacité à chanter comme si elle allait en mourir (今日死んでもいいって思うように歌ってます), comme elle le disait elle-même dans l’interview de cette émission. Elle nous dit aussi qu’elle veut exprimer par sa voix des choses qui proviennent du plus profond d’elle-même, de la même manière qu’une souffrance amène les gens à pleurer, en espérant ensuite amener du réconfort. (苦しくなったとき、人って叫ぶんですね。体の底から出てくる物を 声で表現したい。きっと聴いてくれている人がスッキリしてくれる). J’écoute beaucoup en ce moment les deux premiers mini-albums de Miyuna, Me (眼) et Yurareru (ユラレル). Sur Yurareru, le dernier morceau intitulé Ikinakya (生きなきゃ) est particulièrement poignant et sa voix lorsqu’elle se fait puissante nous prend tout d’un coup d’une émotion qui donne les larmes aux yeux. Ce morceau était le dernier qu’elle a interprété lors du concert, dans les rappels. Je n’étais pas sûr qu’elle allait l’interpréter car les mots sont particulièrement forts, mais je le souhaitais inconsciemment. Avant de l’interpréter, elle nous parle des moments difficiles au pire de la crise sanitaire qui était particulièrement difficile pour les artistes ne pouvant plus se produire devant un public. On lui devinait des larmes aux yeux à ce moment là et tout le monde dans la salle a ensuite écouté ce morceau presque religieusement. On sentait l’émotion s’échapper de sa voix, d’abord seulement accompagnée de sa guitare acoustique jusqu’à ce que le son des guitares électriques prennent la relève. Ce morceau final a dû également la marquer car elle l’a mis en ligne en écoute sur son compte SoundCloud après le concert. Un petit message ci-dessous accompagne également ce morceau.

死にたい時に作ったこの歌が 私を救って誰かを救って 泣いてくれて、精一杯音を出してくれたバンドメンバー。 気づいたら手から血が流れてて ギターの弦に血がついて それでも歌った私。 全力でぶつかった。 人生で一番生きててよかったって心から思ったよ! スタッフ、家族、バンドメンバー、友人、そしてファンのみんなのおかげだよ ありがとう 誰かの孤独に届いてくれ!

Cette chanson que j’ai créé quand je voulais mourir, elle m’a sauvé, elle a sauvé quelqu’un, elle a fait pleuré, elle a fait que les membres du groupe ont donné le meilleur d’eux même. Avant que je m’en rende compte, mes mains saignaient, les cordes de la guitare étaient tachées de sang, mais j’ai quand même continué à chanter. J’ai frappé les cordes de toutes mes forces. J’ai pensé du fond du cœur que c’était le meilleur moment de ma vie ! C’est grâce au personnel qui m’accompagne, à ma famille, aux membres du groupe, aux amis et aux fans, Merci, en espérant que cela atteigne la solitude de quelqu’un !

Son message peut paraitre parfois énigmatique ou peut être que ma compréhension est un peu approximative, mais on la ressent très honnête sur son approche musicale et très sincère vis à vis de son public. A cette toute fin de concert, on comprenait que c’était des larmes de joie de pouvoir enfin partager sa musique sur scène devant un public. Elle n’hésite pas à parler de ses fragilités dans ses morceaux et il est clair que ce morceau en particulier est particulièrement poignant. J’aime beaucoup la version du mini-album Yurareru mais celle en concert m’a laissé immobile les oreilles grandes ouvertes et des frissons traversant le corps. Je n’avais pas remarqué qu’elle frappait les cordes au point de saigner de la main, mais elle a montré une photo sur son compte Instagram alors qu’elle était de retour dans sa ville natale de Miyazaki dans le Kyushu. Quelques jours après le concert, elle écrivait sur Twitter qu’elle n’était pas sortie de chez elle pour ne pas altérer et faire continuer la sensation intense du concert. Je comprends assez bien cette sensation et je n’ai personnellement pas écouter d’autres musiques que celle de Miyuna pendant toute cette semaine, pour en quelque sorte garder en tête les images du concert.

Je démarre mon récit de ce concert par la fin, ce qui est plutôt inhabituel, mais je ne vais pas non plus passer en revue tous les morceaux. Il faut aussi noter que le morceau Ikinakya (生きなきゃ) n’est pas représentatif de l’ensemble du concert, car les moments entraînant la foule étaient très nombreux et même majoritaires. Miyuna et le groupe ont joué en entier l’album Guidance (ガイダンス) entrecoupé par quelques morceaux des mini-albums précédents, à savoir Reply (dont je parlais déjà auparavant), Me (眼) et Yurareru (ユラレル). J’ai retrouvé en concert cette voix que j’aime tant sur les albums, sauf qu’elle me paraissait ici plus puissante, au point où j’avais un peu peur qu’elle finisse par la perdre en plein vol. Elle démarre le set par le morceau Kyōai (狂愛), qui est un de ceux qui m’a le plus rappelé Sheena Ringo lors de mes premières écoutes de Guidance. Les guitares sont très fortes et on est tout de suite plongé dans un univers dense. Comme sur l’album, les morceaux plus pop viennent se mélanger à l’ensemble d’une manière étonnamment homogène, mais ils sont tout de même plus ou moins regroupés. Le nouveau morceau Aiaidana (愛愛だな) qui vient de sortir en Octobre 2022 est par exemple immédiatement suivi de Chōdai (頂戴) qui est le morceau le plus up-tempo de Guidance, puis par Soleil (ソレイユ) du mini-album Reply. Chōdai et Soleil sont dans les meilleurs morceaux de leurs albums respectifs. J’attendais bien entendu beaucoup le morceau Maisō (埋葬) qui est mon préféré de l’année et celui par lequel j’ai découvert Miyuna sur YouTube. Elle a eu la bonne idée de l’associer au morceau Fuwa Fuwa (ふわふわ) qui est particulièrement versatile et dense en ondulations vocales. Ces deux morceaux sont très caractéristiques de son univers musical. L’ensemble du set faisait un peu plus de deux heures, ce qui est extrêmement appréciable étant donné que sa carrière reste encore jeune. Il n’y avait pas de temps morts et une très bonne maîtrise de la scène, car elle bouge beaucoup quand elle n’a pas sa guitare en mains. Le premier moment de messages au public (MC) est intervenu après plusieurs morceaux. Elle nous dit qu’elle n’est pas très douée pour parler et qu’elle limitera ses passages de messages, mais en réalité, elle n’a pas pu s’empêcher de parler au public à plusieurs reprises, ce qui est une très bonne chose. Le problème est que le public ne peut pas répondre en raison des normes sanitaires toujours en cours. Elle prenait assez souvent à partie les membres du groupe pour les taquiner, en leur demandant par exemple en rigolant s’ils s’étaient bien reposés pendant qu’elle jouait seule à la guitare acoustique quelques uns des morceaux. Ce genre de petites remarques montraient la proximité qu’elle a avec son groupe et on imagine une très bonne entente, ce qui faisait rire le public. Avant le concert, elle avait d’ailleurs maquillé en rouge les ongles de chacun des musiciens et ils étaient tous assez fiers de montrer leurs doigts sur scène. J’ai trouvé ce détail assez ringo-esque car il m’a rappelé Sheena tondant Seji Kameda pour lui donner une coupe iroquois, comme si on ne pouvait rien lui refuser. Ce genre de détails est important.

Le groupe jouait en permanence sur scène sauf pour quelques ballades où Miyuna était seule à la guitare acoustique, ou seulement accompagnée de Keisaku Nakamura aux claviers. C’était le cas des morceaux my life et Himitsu (秘密). Sa voix sur my life m’impressionne à chaque fois. Je pense que c’est la passion qu’elle met dans son chant que j’aime particulièrement. Je connaissais tous les morceaux du set, sauf un nouveau intitulé Yume demo (夢でも), qu’elle a interprété dans les rappels. Il s’agit de son prochain single qui sera le thème du film Shōjo ha Sotsugyō shinai (少女は卒業しない) dont je parlais un peu plus haut. C’est également un très beau morceau riche en guitares, dans un style très différent de son dernier single actuel Aiaidana. Je ne mentionnerai pas tous les morceaux qu’elle a interprété mais le fait est qu’il n’y avait pas de baisse d’attention et de tension, au point où le concert a passé vite. Et à la fin du concert vers 21h15, alors qu’on hésite à sortir de la salle, je n’ai pas pu m’empêcher d’acheter un t-shirt en souvenir. Certaines des photographies ci-dessus sont de Yūna Yoshimori (ヨシモリユウナ), d’autres proviennent du compte Instagram de Miyuna. Certaines sont les miennes sachant qu’on ne peut heureusement pas prendre de photos ou de vidéos en concert. Un DVD ou Blu-ray sortira peut-être car j’ai vu qu’une caméra tournait à l’arrière de la salle. En sortant du Shibuya Club Quattro, je me suis aussi dit qu’elle mériterait d’être beaucoup plus reconnue, ce qui viendra certainement rapidement. C’est en tout cas tout ce qu’on peut lui souhaiter. Il n’est pas très tard à Shibuya mais les rues sont presque vides. Il fait froid ce soir mais j’ai le cœur réchauffé par la musique que je viens d’entendre.

Pour référence ultérieure, je note ci-dessous la playlist du concert de Miyuna au Shibuya Club Quattro le 15 Novembre 2022 lors de sa tournée TOUR 2022 GUIDANCE:

1. Kyōai (狂愛), de l’album Guidance (ガイダンス)
2. Kanku (甘苦), de l’album Guidance (ガイダンス)
3. Saisiki(彩色), de l’album Guidance (ガイダンス)
4. Guru Guru (グルグル), du mini-album Yurareru (ユラレル)
5. Gyōshi (凝視), de l’album Guidance (ガイダンス)
6. Kizyutsu (奇術), de l’album Guidance (ガイダンス)
7. Donyoku (貪欲), de l’album Guidance (ガイダンス)
8. my life, du mini-album Reply
9. Himitsu (秘密), de l’album Guidance (ガイダンス)
10. Kuchinashi no Kotoba (くちなしの言葉), du mini-album Yurareru (ユラレル)
11. Kamisama (神様), de l’album Guidance (ガイダンス)
12. Fuwa Fuwa (ふわふわ), du mini-album Me (眼)
13. Maisō (埋葬), de l’album Guidance (ガイダンス)
14. Asagumori (朝曇), de l’album Guidance (ガイダンス)
15. Aiaidana (愛愛だな), nouveau single sorti le 11 Octobre 2022
16. Chōdai (頂戴), de l’album Guidance (ガイダンス)
17. Soleil (ソレイユ), du mini-album Reply
18. Negai (願い), de l’album Guidance (ガイダンス)
19. (encore) Yume demo (夢でも), prochain single qui sera le thème du film Shōjo ha Sotsugyō shinai (少女は卒業しない) du réalisateur Shun Nakagawa (中川駿) qui sortira en salles le 23 Février 2023
20. (encore) Kan Beer (缶ビール), du mini-album Yurareru (ユラレル)
21. (encore) Ikinakya (生きなきゃ), du mini-album Yurareru (ユラレル)