夜に溶けきれず星を飲んでる

La pleine lune majestueuse a refait son apparition ces dernières nuits au dessus de nos têtes dans le ciel de Tokyo. Celle-ci est irréelle car il s’agit d’une installation créée par l’artiste anglais Luke Jerram près de la gare de Shimo-Kitazawa. Je l’avais déjà montré l’année dernière à la même période mais en pleine journée. J’ai l’impression qu’elle va refaire son apparition tous les ans à la même période de l’année. Pendant ce temps là, la vraie lune était également majestueuse quand elle voulait bien se dévoiler en se dégageant des nuages omniprésents. Mari me dit qu’il est de bonne augure de boire un verre de saké sur le balcon en regardant la lune. Ça tombe bien, il en reste justement un peu au frais dans le frigo. Je prends un verre un peu plus grand que d’habitude pour faire durer ce moment sous le lune. L’alcool aidant un peu, je finis même par m’y perdre à force de la regarder fixement. J’aurais très bien pu m’endormir sur le balcon à côté du petit olivier en pot, comme ça m’est déjà arrivé quelques fois. J’ai hâte que le temps se rafraîchisse pour pouvoir profiter un peu plus du balcon, pour, par exemple, y écrire des billets pour ce blog avec le vieil iPad en mains. Je garde d’ailleurs un souvenir assez précis des textes que j’ai écris dehors sur le balcon. Pour chaque billet écrit, peut-être devrais-je annoter tous ces éléments participant à l’environnement d’écriture, comme le lieu et l’heure où j’ai écris le billet, la musique que j’écoutais au moment de l’écriture, bien qu’il s’agisse souvent de la musique dont je parle dans le même billet. C’est le cas cette fois-ci.

Le nom du musicien Ohzora Kimishima (君島大空) m’était familier depuis quelques temps, mais je n’avais jamais écouté sa musique jusqu’à maintenant. Son deuxième album no public sounds sorti il y a quelques jours, le 27 Septembre 2023, est pour moi un des meilleurs albums de l’année (avec celui de Cero). Je me suis rappelé à écouter sa musique après un tweet que j’avais écrit pour un billet consacré en partie à l’exposition de la photographe Mana Hiraki (平木希奈) que je n’avais malheureusement pas pu voir. J’avais été très surpris de voir qu’il avait aimé ce tweet et je me suis rendu compte après coup que Mana Hiraki avait créé pour Ohzora Kimishima une courte bande annonce pour son deuxième album. Je découvre un peu plus tard le single intitulé c r a z y qui me plait immédiatement pour l’émotion qui s’en dégage et une grande liberté de style avec un son de batterie très présent contrastant avec la voix délicate de Kimishima. Ce sentiment de liberté stylistique se dégage sur tout l’album qui mélange les sons pour former des ensembles souvent hétéroclites mais qui fonctionnent étrangement bien par la magie de son compositeur. Ce type de compositions me rappelle un peu KSK de Sheena Ringo, dans le sens où l’album de Ohzora Kimishima est à fleur d’émotion et joue avec les ambiances jusqu’à l’expérimental. Bien que musicalement différent, certains moments particuliers de l’album comme le dernier passage en larsens du superbe cinquième morceau Eiga (映画) me ramènent à certaines sonorités de KSK, sans pourtant être en mesure de pointer du doigt de quel morceau il s’agit. Je pense que ça doit être le mélange d’instruments, en particulier de guitare et de violon aux sonorités languissantes. Ce morceau est tout simplement magnifique. On s’accroche sans bouger à la voix calme et parfois tremblotante du chant de Kimishima, aux notes de piano pleines de réverbération et par moments dissonantes et en suspension. On y trouve une ambiance mélancolique mais les notes du piano sont tout de même très lumineuses. Ce n’est pas facile d’arriver à transmettre ce genre de sensibilité et j’aime particulièrement quand cette sensibilité se dégage au dessus d’un univers musical à l’apparence chaotique. Le quatrième morceau Arashi (˖嵐₊˚ˑ༄) est un très bon exemple du mélange de musicalité qui ponctue régulièrement l’album, car le morceau mélange sons de guitares électriques et sons électroniques. Ce type d’association est relativement fréquent sauf quand le beat électronique nous surprend en prenant tout l’espace et l’attention, en devenant très marqué et même dansant. Mais toute cette excitation rythmique soudaine est ensuite balayée par un passage expérimental chaotique comme une onde électrique venant perturber tous les instruments de musique. Ohzora Kimishima le chante d’ailleurs dans le morceau dans l’unique refrain (ここは嵐), en annonçant l’arrivée de cette bourrasque, celle annoncée également dans le titre du morceau. L’album avait pourtant démarré sur une ambiance très différente avec une guitare particulièrement active qui pouvait laisser deviner une dynamique soutenu pendant tout l’album, mais celle-ci bifurque ensuite vers un chant beaucoup plus pop et accrocheur qui me fait d’ailleurs un peu penser aux Beatles. Les pistes se brouillent régulièrement et on a de ce fait du mal à s’ennuyer à l’écoute de l’album. Certains morceaux comme 16:28 sont tout de même plus classiques dans leur approche musicale, mais la complexité musicale est toujours là, latente, prête à prendre le dessus si on la laisse faire. De ce fait, la beauté de l’album se révèle un peu plus à chaque écoute, et les préférences changent. On écrivant ces lignes, je me dis maintenant que le neuvième morceau – – nps – – (pour no public sounds) est le plus sensible. Il me donne même des frissons lorsque je l’écoute. Un grand nombre des morceaux de l’album possèdent une ambiance intimiste comme celui-ci. C’est une atmosphère très belle et délicate, mais en même temps dense et complexe.

Par curiosité, je regarde la page dédiée à cet album sur le site web de Ohzora Kimishima et je suis très agréablement surpris d’y lire à la suite des commentaires donnés par des artistes que j’apprécie. Il y a d’abord un commentaire du réalisateur de films Shunji Iwai (岩井俊二), dont je parle décidément très régulièrement sur ces pages ces derniers temps, un autre de Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) du groupe Hitsuji Bungaku (羊文学) que j’aime aussi beaucoup (on finira par le savoir) et de Kayoko Yoshizawa (吉澤嘉代子) que j’ai découvert plus récemment avec son très bel album Akaboshi Aoboshi (赤星青星) et son dernier single Kōrigashi (氷菓子). Ohzora Kimishima joue en fait de la guitare sur ce morceau. Il a même composé certains morceaux de Akaboshi Aoboshi et il y a également joué de la guitare. Quand aux liens avec le groupe Hitsuji Bungaku, Ohzora Kimishima et Moeka Shiotsuka ont interprété ensemble l’année dernière le morceau Hikaru Toki (光るとき) pour la chaîne YouTube The First Take. Cette version en duo, très différente de la version originale de Hitsuji Bungaku, est d’ailleurs superbe. Ohzora Kimishima et Hitsuji Bungaku ont également partagé une affiche de concert un peu plus tôt cette année, et ont même participé à une interview croisée. Bref, j’avais des raisons évidentes de trouver sa musique sur mon chemin. Et alors que j’écris ces quelques lignes, je me rends compte qu’il accompagnait également AiNA The End (アイナ・ジ・エンド) et Aoi Yamada (ヤマダアオイ) sur un festival intitulé Tokyo Chemistry qui avait lieu le 30 Septembre 2023. En parlant d’AiNA The End, je ne peux m’empêcher d’évoquer son dernier single intitulé Awaremi no Sanka (憐れみの讃歌) tiré du film Kyrie no Uta (キリエのうた) de Shunji Iwai. Sans grande surprise, ce morceau écrit et composé par Takeshi Kobayashi (小林武史), est vraiment très beau. Takeshi Kobayashi est un habitué des films de Shunji Iwai car il avait également composé les morceaux de l’album accompagnant le film All About Lily Chou-Chou. Un point intéressant est qu’AiNA interprète ce morceau, et le futur album DEBUT accompagnant le film, sous le nom de Kyrie (キリエ) qui est le nom de son personnage dans le film, tout comme c’était le cas de Salyu prenant le nom de Lily Chou-Chou sur l’album du film.

スローに流れてく光

La fenêtre est entrouverte et seule la lumière du quart de lune éclaire son cadre. Elle donne sur un toit légèrement en pente qui est relié à celui de l’immeuble voisin. Je tente cette fois-ci de traverser cette fenêtre en posant d’abord un pied pour tester la solidité de la structure. Les ardoises du toit sont plus résistantes que je ne l’imaginais. Alors que je pensais qu’elles craqueraient sous mon poids, elles semblent beaucoup plus résistantes que prévues. Le toit soutient maintenant tout mon corps et les mouvements qui l’accompagnent. J’espère que le toit de cet immeuble voisin après la gouttière sera de facture identique. Je l’ai souvent regardé, pendant de longues heures, depuis ma chambre au dernier étage sous les toits. J’ai étudié cette toiture sous ses moindres détails et craquelures avant de finalement me décider à franchir le pas. Le toit est un peu plus oblique sur cette partie de l’immeuble en face. Il devait y avoir autrefois un grillage de fer séparant les deux immeubles mais celui-ci est devenu tellement lâche qu’il tombe presque de lui-même. On peut le franchir très facilement. En s’aidant des blocs cimentés formant plusieurs cheminées, il n’est pas très difficile d’atteindre le haut du toit de l’immeuble voisin. Une des fenêtres donnant sur l’escalier reste souvent ouverte lors des jours de chaleur excessive. J’attendais cette journée avec impatience car je savais qu’elle m’ouvrirait les portes de l’immeuble voisin. Je ne sais pas encore ce que je vais y trouver, mais ça fait maintenant plusieurs mois que je suis persuadée qu’il me donnera des réponses. Je suis déjà bien engagée et il est de toute façon trop tard pour faire demi-tour car le grillage s’est relevé et est maintenant infranchissable. La lumière de la lune me montre l’emplacement de la petite fenêtre qui me donnera accès à l’immeuble voisin. Une veilleuse tremblotante est installée dans la cage d’escalier à chaque étage. Je suis au quatrième et dernier étage. Une flèche noire inscrite sur le mur m’indique qu’il faut descendre. Chaque étage est similaire aux autres mais devient de plus en plus sombre alors que je descends les étages. Il y a des portes d’acier à chaque étage. Je suis persuadée qu’elles sont fermées de l’intérieur. L’escalier descend jusqu’au premier sous-sol. La veilleuse y est éteinte ou peut-être l’ampoule est-elle grillée. L’immeuble est ancien, mais la peinture a certainement été refaite il y a quelques années malgré les nombreuses craquelures faisant déjà leur apparition. Il y a une autre porte au premier sous-sol. Je la devine à peine, mais sa couleur rouge foncée entourée d’un cadre noir en surimpression la rend tout à fait remarquable. Que se passe t’il derrière cette porte? Il me suffit d’ouvrir pour voir. J’hésite pourtant car une peur soudaine me gagne. Il ne s’agit pas d’effroi mais d’une crainte d’y trouver des choses que je ne saurais comprendre. Elle semble complètement étanche mais un bruit sourd s’en échappe tout de même. Une musique peut-être, un chant de femme. La porte épaisse, lorsque je l’ouvre doucement, donne sur un couloir sombre entouré de draperies de velours de couleur rouge bordeaux. La musique d’un style jazz de cabaret est désormais distincte et la voix de femme très puissante et assurée m’interpelle immédiatement car elle me semble tout à fait familière. Je m’approche de l’épais rideau délimitant l’accès à la salle où se déroule ce concert. En entrouvrant le rideau, j’aperçois cette salle remplie de tables, de chaises et d’un public assis en silence, les yeux rivés sur la petite scène. L’ambiance figée semble provenir d’une autre époque. Sur la scène, une batterie et une contrebasse accompagnent les notes de piano et la voix de la chanteuse. Elle est habillée d’une robe noire avec des tissus de satin, mais son visage n’est pas clair. Je l’entends maintenant chanter d’une manière maîtrisée tout en nuances en anglais. « One of these mornings you’re going to rise up singing, then you’ll spread your wings and you’ll take to the sky ». Je reconnais rapidement une reprise de Summertime d’Ella Fitzgerald. On se laisserait facilement hypnotiser par cette voix et ça semble être le cas des spectateurs et spectatrices dans la salle. Les visages sont figés comme s’il s’agissait de mannequins de cire. Je ne distingue toujours pas le visage de cette chanteuse plongée dans la pénombre, tout comme ceux de l’audience que je vois de l’arrière et légèrement de profil. Le morceau suivant est un autre standard du jazz américain, The Lady Is A Tramp, toujours chanté par Ella Fitzgerald mais avec Frank Sinatra. L’homme qui est monté sur scène n’a certes pas le charisme de Sinatra mais reste assez convaincant face à cette mystérieuse chanteuse qui ne montre pas son visage. Il faudrait s’approcher un peu plus pour découvrir ce visage, mais traverser l’épais rideau de velours et entrer à l’intérieur de la petite salle du cabaret ne pourra se faire discrètement même si cette salle est très sombre. Je me contente donc d’écouter cette voix qui me transmet une passion palpable. Je connais bien sûr cette voix depuis ma tendre enfance, j’ai souvent essayé de l’imiter lorsque j’étais très jeune car elle m’a inspiré. Pourquoi cette voix n’est elle plus maintenant? Pourquoi un tel don est il voué à disparaître? Une masse sombre devant moi me surprend soudainement en pleine réflexion et me saisit par le cou au point où il m’est rendu difficile de respirer. Je n’ai pas la force de me débattre. La voix d’Ella sur Blue Moon interprétée par Ayako Imamura m’entraine dans d’autres songes. Le noir se propage et la voix se dissipe petit à petit jusqu’au réveil soudain.

Kei se réveille en sursaut dans la chambre de son petit appartement près du parc Inokashira. Sans avoir vu son visage dans la pénombre, elle a reconnu dans son rêve la voix de sa mère disparue. Il est 5h moins le quart de l’après-midi. Il est rare que Kei s’assoupisse en fin d’après-midi un samedi. Elle a certes vécu une semaine riche en événements avec la découverte de son amie Rikako dans les montagnes de Nagano et son rapatriement dans un hôpital de Tokyo. Toutes ces émotions soudaines l’ont beaucoup fatigué et lui ont donné à réfléchir plus qu’il ne faudrait. Il était de toute façon l’heure de se réveiller car Ruka doit bientôt arriver à moto pour l’amener jusqu’au centre médical de l’Université Toho à Ōmori, dans l’arrondissement d’Ōta, où se trouve Rikako en observation. Ruka est toujours à l’heure, en toutes circonstances, ce qui contraste avec l’esprit rock and roll qui le caractérise par ailleurs. Kei apprécie cette ponctualité. Elle arrive même à prévoir son arrivée exacte au pied de son vieil immeuble de brique rouge, comme si elle entendait au loin ronronner le bi-cylindre en V de sa nouvelle moto. Ça lui laisse en général quelques minutes pour sortir à l’avance, descendre l’escalier et s’assoir deux ou trois minutes sur les barres métalliques de protection au bord de la rue, le casque à la main, prête à arçonner la moto à l’arrière de Ruka. La voilà qui arrive. Kei ne connaît pas le modèle de cette moto qui a remplacé la vieille CB400 de couleur Bordeaux. Celle-ci a une couleur plus claire, presque jaunâtre. Ruka y a fait inscrire à l’arrière les mots en anglais « the end », comme pour signifier à ses éventuels suiveurs qu’ils n’arriveront pas à le rattraper. « Leave them all behind » comme chantait Ride. Ruka a parfois ce côté puéril d’adolescent qui amuse Kei et est souvent sujet à de gentilles moqueries. Si la disparition de Rikako n’eut ne serait ce qu’un point positif, c’est bien le rapprochement entre Kei et Ruka. L’adversité a en quelque sorte obligé Kei à s’ouvrir et à sortir de sa réserve naturelle. Ruka n’est pas d’un naturel très bavard, disons qu’il ne parle pas à tord et à travers et n’a pas peur des moments de silence. Peut-être trouve t’il d’ailleurs dans ces moments de silence le ressourcement nécessaire lui permettant ensuite d’exploser sur scène pendant les concerts de son groupe. Kei comprend tout à fait cette dualité et la ressent elle-même souvent. Sa bête intérieure ne demande parfois qu’à crier de toutes ses forces, comme pourrait le faire Atsushi Sakurai dans ses morceaux les plus violents. Elle envie Ruka de pouvoir s’exprimer ainsi sur scène. « Tu devrais venir chanter sur scène avec moi et le groupe, un duo de nos voix serait extraordinaire, j’en suis certain ». Kei a toujours refusé son offre mais elle est maintenant prête à l’accepter. Ce changement soudain d’opinion est peut-être dû à la voix qu’elle a entendu il y a quelques dizaines de minutes dans son rêve.

Kei a à peine le temps de toucher la main de Ruka en signe de bonjour qu’elle est déjà assise à l’arrière de la moto prête à partir. Il faut environ une quarantaine de minutes jusqu’au centre médical en empruntant la rue Inokashira puis le grand arc circulaire de voies rapides Kanana. Elle s’accroche à la moto grâce aux deux poignets arrières. Plutôt que de regarder la route droit devant elle en se penchant légèrement la tête sur la droite ou la gauche, Kei préfère divaguer parmi les fils électriques. Elle suit des yeux ce réseau filaire sans fin s’emmêler dans les poteaux puis se démêler ensuite comme par magie pour filer en hauteur le long de la rue. Mais ils partent parfois dans des rues perpendiculaires le long d’immeubles en béton et elle les perd vite de vue. On ne s’ennuie pas à les regarder. Le trajet semble moins long lorsqu’on rêve la tête en l’air, mais lorsqu’on entre sur la voie plus rapide Kanana, une certaine attention est nécessaire pour ne pas se laisser surprendre par les accélérations subites. Kei chante souvent dans sa tête pendant ces trajets. Les morceaux suivent son humeur mais aujourd’hui, elle ne pense qu’à Ella et à Summertime.

Il faudra finalement un peu plus de trente minutes pour arriver à Ōmori. Kei est déjà venu une fois il y a deux jours dans cet hôpital rendre visite à Rikako au même moment que sa mère. Cette fois-là, Rikako dormait à son arrivée mais a ensuite ouvert les yeux. Ils étaient ouverts dans le vide comme si Rikako ne voyait pas les personnes et les choses qui l’entouraient. On la sentait perdue dans un espace infini sans points sur lesquels s’accrocher. Kei imagine que Rikako se trouve dans un espace d’un noir profond où le moindre son qu’elle voudrait émettre est absorbé. Peut-être m’entend elle, se demande t’elle. Les infirmières lui recommande de lui parler, d’évoquer des souvenirs d’enfance à Nagoya ou plus récents à Tokyo. Après une heure de monologue dans la petite chambre de repos de l’hôpital accompagnée de Ruka et de la mère de Rikako, Kei n’avait pourtant pas réussi à susciter la moindre réaction sur le visage figé de son amie. Kei s’est pourtant donné comme objectif de ramener Rikako, elle qui l’avait laissé seule dans les songes de la salle de concert de Kabukichō. Plus qu’un désir profond d’aider son amie, c’était une obligation non-négociable qu’elle s’imposait à elle-même.

En ce samedi en fin d’après-midi, Rikako est endormie sur le lit de sa chambre sans personne autour d’elle. La télévision placée dans un coin en hauteur est allumée et diffuse une émission de sketchs comiques, qui ne correspond pas beaucoup à l’ambiance générale de la pièce. En tant normal, Kei aurait aimé s’asseoir devant cette télévision et rire de bon cœur devant les pitreries poussives de ces jeunes comédiens en devenir. Pourtant, les rires incessants et mécaniques sont aujourd’hui insupportable. Plutôt que d’essayer d’ignorer le bruit de cette télévision au son monté trop fort, elle préfère l’éteindre de suite pour trouver un calme qui lui permettra de ressentir le rythme de la respiration de Rikako. Kei s’assoit sur un tabouret métallique tout près du lit et du visage de Rikako. Elle hésite à lui passer la main dans les cheveux pour lui dégager le visage. Il est beaucoup plus pâle que d’habitude, d’un teint similaire au jour où on l’a retrouvé dans la station thermale de Bessho Onsen un peu plus tôt cette semaine. Son visage est également amaigri mais ses traits restent inchangés. Kei la regarde intensément. Ruka est lui derrière, debout près de la fenêtre donnant sur une terrasse de gazon et d’arbustes. Ce jardin est bien entretenu. Les positions de chacune des branches semblent maintenues et contrôlées par des fils invisibles. Cette immobilité du jardin donne le sentiment que le temps s’est arrêté. Il est vrai que le temps doit sembler long et même interminable lorsqu’on est emprisonné dans une chambre d’hôpital. Rikako ne doit pas ressentir le temps qui passe se dit il à ce moment là. Kei semble également avoir oublié les heures qui passent, restant immobile à regarder Rikako. « Veux tu un café ? » lui demande Ruka pour la sortir de son hypnose volontaire. Kei accepte volontiers mais elle le boira sur place dans la chambre. En sortant de la chambre en direction du bloc de distributeurs automatiques de boissons, Ruka croise Hikari qui avait également fait le déplacement au centre médical à la demande de Kei. Hikari et Kei se regardent sans échanger un mot. Que dire dans cette situation ? Si on ne peut rien dire, peut-être faut il chanter. « Tu devrais lui chanter quelque chose, elle devrait l’entendre et ça la fera peut-être réagir ». Kei imagine d’abord fredonner une des chansons qu’elles écoutaient toutes les trois quand elles étaient en école primaire, comme celles du groupe SPEED qu’elles avaient été voir au Nagoya Dome en Août 1998. Kei se souvient très bien de l’excitation de ce moment et ça la fait sourire sous le regard interrogatif d’Hikari. Pourtant, elle a envie de chanter autre chose. Le morceau Summertime d’Ella Fitzgerald lui vient comme une évidence. Elle n’a pas l’habitude de chanter Summertime mais les paroles s’enchainent automatiquement dès qu’elle commence à le fredonner. Au fur et à mesure qu’elle chante, sa voix devient plus claire, plus puissante et assurée. Ruka reste figé, fixant les cheveux bruns de Kei, droits comme des tiges. C’est lui qui est maintenant hypnotisé. Hikari ne peut s’empêcher de saisir la main de Kei car elle ressent que quelque chose de spécial est en train de se dérouler. Ça peut paraître impensable mais Rikako ouvrit soudain les yeux. Elle ne regarde plus dans le vide comme il y a deux jours mais fixe maintenant Kei dans les yeux avec un regard tendre et expressif. Ses lèvres sont tremblotantes comme si elle tentait de parler. Cette réaction soudaine de Rikako ne perturbe cependant pas Kei qui continue à chanter. Elle comprend l’effet que son chant a sur les autres. C’est la première fois qu’elle s’en rend compte et ça lui procure un sentiment profond de satisfaction. Le mot n’est en fait pas assez fort pour traduire le sentiment qui traverse le cœur de Kei à ce moment là. On pourrait presque ressentir de manière physique ce sentiment comme une aura dépassant le corps des êtres, comme une subtile lumière qui lui éclaire le visage et les cheveux au point où on aurait l’impression qu’ils perdent petit à petit de leur noirceur. Hikari entrevoit cette lumière car elle aide parfois Kei à la catalyser dans les moments d’émotion intense. « Summertime » dit soudainement Rikako d’une voix frêle. « Summertime » répète elle d’une voix plus prononcée. « J’ai beaucoup écouté cette chanson ces derniers jours… ». « Tous les jours peut-être, dans ce petit cabaret à la lumière tamisée ». Rikako fait une pause pour reprendre son souffle court. Kei ne chante plus maintenant. Tout comme Hikari et Ruka, elle écoute attentivement Rikako. « C’était la chanson qu’elle préférait chanter, elle la chantait tous les soirs et le public devenait immobile. Elle disait à chaque fois qu’elle dédiait cette chanson à sa fille, Kei, pour qu’elle passe des jours heureux et qu’elle se dépasse d’elle-même ». Rikako continue « One of these mornings, you’re going to rise up singing, then you’ll spread your wings and you’ll take to the sky. » « Kei, ces paroles en particulier résonnaient parfaitement avec le message de ta mère. Je le ressentais très fortement à chaque écoute ». Beaucoup d’images et de sentiments traversent le cœur de Kei et ne sachant réagir, elle préfère prendre Rikako dans ses bras. Hikari soudainement prise d’une émotion difficilement contrôlable, laisse échapper quelques larmes. Quelques dizaines de secondes plus tard, les infirmières entrent dans la chambre d’un pas rapide suite aux signes de mains démonstratifs de Ruka à travers la porte entrouverte. Les deux infirmières écartent doucement les bras de Kei et la dégage, car il faut vérifier l’état de santé de Rikako. On leur demande de sortir quelques instants de la pièce.

Kei avait oublié le café que lui avait acheté Ruka mais il est maintenant bienvenu. « C’est extraordinaire ! » répète Hikari en ce parlant à elle-même. Rikako est une messagère et Kei a bien compris le message qu’on lui transmettait. Il lui faudra chanter pour apaiser ses propres démons et ceux des autres, comme sa mère autrefois qui chantait dans des cabarets jusqu’au jour où son père lui interdise sous prétexte que ce n’était pas le lieu pour une mère. Ayako Imamura arrêta complètement de chanter à ce moment là et disparu des affiches. Certains fans ont bien cherché à la retrouver mais elle avait déjà fait un trait sur sa carrière de chanteuse. Avec son groupe de jazz, elle connut pourtant un certain succès qui lui avait permis de jouer en Europe. Elle garda un souvenir particulier de Paris où elle s’est produite plusieurs fois. Arrêter de chanter l’avait profondément changé et cela avait beaucoup affecté le comportement de Kei. L’infirmière Nakamura en charge de Rikako vient interrompre Kei dans ses pensées en annonçant que celle-ci vient à nouveau de s’endormir. Son état est stable et elle a même repris quelques couleurs. Cette reemergence l’a pourtant beaucoup fatigué. « Pouvez-vous revenir la voir demain? Ça serait préférable », demande l’infirmière au groupe. Il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’ils reviendront demain avec l’espoir d’en apprendre un peu plus sur ce que Rikako a vu et entendu pendant sa mystérieuse disparition. Il est déjà presque 20h30. « On va manger près de la gare d’Ōmorimachi? » propose Hikari. « J’ai vu un restaurant Denny’s juste à côté ». L’ambiance légère et familiale de ce genre d’établissements conviendra très bien. Sur le chemin qui mène à la gare, Hikari engage la conversation sur le groupe de Ruka, plutôt que de se lancer dans un récapitulatif des événements qui ont eu lieu à l’hôpital. « Tu as des concerts prévus prochainement? » demande t’elle. « Non… mais j’ai au moins trouvé une nouvelle chanteuse pour m’accompagner », rétorque Ruka en regardant Kei avec une grande insistance. Sans dire un mot, Kei répond aussitôt d’un signe négatif de la main tout en souriant, comme s’il elle voulait se faire prier. Hikari attrape cette main à la volée et les voilà marchant la main dans la main en rigolant au devant de Ruka. « Tu chanteras comme Moeka… ? ou comme Ringo…? Oui, je sais… comme Akina, ou Momoe peut-être ? ». « Oui, Momoe Yamaguchi, j’adore Yokosuka Story », s’exclame Kei avec un enthousiasme certain. Dans un fou-rire partagé, elles se mettent toutes les deux à chanter quelques paroles du morceau « Korekkiri Korekkiri mou… Korekkiri desu ka? » (Est-ce fini? Est-ce fini? Est-ce fini une fois pour toutes?). Elles se répètent plusieurs fois ces paroles si marquantes en éclatant de rire pour un rien. « Kei, je ne te l’avais jamais dit, mais tu ressembles un peu à Momoe avec tes cheveux coupés au carré ». « Ah oui ? », interroge Kei tout en posant ses deux mains en arrière pour soulever légèrement le dessous de ses cheveux, afin d’imiter une photographie de Momoe Yamaguchi sur la pochette d’un de ses albums. Elles éclatent à nouveau de rire. Ruka les suit en gardant une courte distance. Il ne voudrait pas interrompre leur complicité. Kei est radieuse en compagnie d’Hikari. Elle est belle et lumineuse. Ce soir, elle éclairerait même les nuits les plus sombres.

Le texte de fiction ci-dessus correspond au huitième chapitre de mon histoire au long cours Du Songe à la Lumière – l’histoire de Kei Imamura – que l’on trouve en intégralité sur une page dédiée incluant ce chapitre. Je continue cette histoire à mon rythme et elle prend pour moi de plus en plus d’importance. J’aimerais m’y pencher un peu plus fréquemment.


J’écoute beaucoup de musique japonaise en ce moment comme si je me devais de rattraper un retard imaginaire pris pendant les vacances d’été où je n’avais écouté que très peu de nouvelles choses. Je n’ai pas fait, ces derniers jours, de nouvelles découvertes d’artistes ou de groupes, car j’ai plutôt cherché à approfondir la discographie d’artistes que j’écoute déjà. Regarder à la suite les concerts de Buck-Tick disponible sur WOWOW m’a fait revenir en force sur les albums du groupe notamment leur avant-dernier Abracadabra, comme je l’évoquais dans mon billet précédent, qui s’avère être vraiment très bon. Voir les concerts en vidéo apporte un plus à l’écoute ultérieure des albums car des images restent en tête. Je serais à deux doigts de devenir un fish-tanker, tel est le nom des membres du fan club, mais je n’irais pas jusqu’à la souscription, qui est plus onéreuse que celle de Ringohan pour comparaison. Ça ferait trop. Mais je reviens également vers la musique de Nagisa Kuroki (黒木渚) dont j’ai déjà parlé dans un billet récent pour l’excellent morceau intitulé Kikikaikai (器器回回). J’écoute toujours beaucoup ce morceau dont le titre correspond en fait à celui du EP le contenant, sorti le 6 Septembre 2023. J’aime vraiment beaucoup les deux premiers morceaux du EP: Rakurai (落雷) et Gatsby. L’approche est pop mais avec suffisamment d’éléments rock dissonants et inventifs pour m’intéresser. J’aime beaucoup son approche musicale, notamment le morceau Gatsby qui a une construction tout à fait inhabituelle. En fait, la voix de Nagisa Kuroki nous amène d’emblée vers la pop, mais les arrangements musicaux nous désarçonnent pour rendre l’ensemble particulièrement enthousiasmant. La photo ci-dessus est tirée de la vidéo du morceau Rakurai qui semble avoir été tournée à New York.

Chirinuruwowaka (チリヌルヲワカ) est un groupe dont j’ai également parlé quelques fois, car il s’agit du groupe rock indé de Yuu, de feu GO!GO!7188 et du projet récent YAYYAY. Ça fait un moment que je me dis que je devrais attaquer la discographie de Chirinuruwowaka, car je ne connais que leur premier album Iroha (イロハ) sorti en 2005, mais je suis en quelque sorte un peu intimidé car le groupe a déjà quatorze albums au compteur. Ils ont sorti exactement un album par an depuis 2011. Je ne doute pas du tout de la qualité de l’ensemble, mais je me demande un peu par lequel commencer, après Iroha. En attendant, je pioche plutôt par hasard en utilisant les recommandations ciblées de YouTube qui m’indique le morceau Bakenokawa (化ケノ皮), inclu dans le quatorzième album Nanatsu no mujitsu (七ツノ無実) sorti le 13 Septembre 2023. Le morceau ne diverge pas beaucoup du rock dont Yuu nous a habitué, avec une voix tout en nuances proche d’une version rock du Enka.

Je vais bien entendu évoquer le nouveau single de a子 intitulé Trank et sorti le 13 Septembre 2023. Les habitués de la compositrice et interprète ne seront pas dépaysés, car on retrouve un esprit similaire à ses titres récents. La composition n’est certes pas particulièrement originale par rapport à ses autres morceaux mais a子 a un don certain pour l’accroche musicale qui ne laisse pas indifférent. Dans la vidéo, elle tient un main un sabre. Lorsqu’on la voit ensuite à bord d’une voiture étrangère vintage, l’idée me vient en tête qu’elle va peut-être la découper en deux comme Sheena Ringo dans Tsumi to Batsu (罪と罰) ou plus récemment dans la vidéo du morceau W●RK en collaboration avec le Millenium Parade de Daiki Tsuneta. Il n’en est malheureusement rien. Elle a dû se retenir très fort. Le budget de la vidéo ne permettait peut-être pas non plus de couper une voiture en deux.

Autre continuation de découverte, je reviens vers Skaai avec deux morceaux sortis sur son dernier EP: Pro et We’ll Die This Way. J’aime beaucoup ces deux morceaux pour la fluidité de son flot verbal à l’articulation très marquée. Sur Pro, j’adore la manière dont il vient narguer ses collègues du hip-hop japonais: « Oh my God, Look at what I have done, I have just let 90% of JP rappers behind. No offense though… ». Le morceau We’ll Die This Way n’est pas aussi joueur et est beaucoup plus atmosphérique. Je ne cacherais pas que la composition du morceau me rappelle par moment Frank Ocean sur l’album Blonde de 2016, dans sa manière de varier les ambiances. Tout en étant très bon, il n’arrive tout de même pas à la cheville des quelques meilleurs titres de Blonde comme Nikes, Ivy ou Nights. J’ai d’ailleurs à chaque fois envie d’ėcouter ces quelques morceaux après We’ll Die This Way.

Et je continue à écouter le rock de Hitsuji Bungaku (羊文学), notamment leur premier EP Tonneru wo Nuketara (トンネルを抜けたら) sorti en 2017, suivi d’un autre EP intitulé A short Trip to the Orange-Chocolate House (オレンジチョコレートハウスまでの道のり) sorti l’année suivante en 2018. Le premier album du groupe Dear Youths (若者たちへ) est sorti cette même année. Parmi les singles, on trouve celui intitulé Step dont la vidéo a été produite par un certain Shunji Iwai. Et puis, il y a également un morceau plus récent, Eien no Blue (永遠のブルー). Il y a une grande consistance et une qualité constante dans tous les morceaux du groupe. Je mets tous ces albums et EPs à la suite dans une playlist sur mon iPod et je me lance dans une écoute continue qu’il me suivra pendant tout un parcours piéton du week-end. Cette petite préparation est nécessaire avant le concert qui se fait désormais très proche.

言葉以上・現実以上

Le retour au rythme tokyoïte sur Made in Tokyo n’est pas aussi facile que je l’imaginais. Le sentiment de fatigue post-Covid m’a poursuivi plusieurs semaines et j’ai par conséquent eu un manque de volonté et d’énergie pour me lancer dans l’écriture de longs billets comme j‘ai pu en écrire jusqu’à présent avant nos vacances en France ou comme je le fais maintenant. Et pourtant, le niveau de fréquentation particulièrement haut du blog pendant le mois d’Août aurait dû me motiver un peu plus. La chaleur estivale infernale avec ces 35 degrés tous les jours de la semaine est peut propice aux promenades photographiques, mais j’ai tout de même marcher près du gymnase de Yoyogi, où des danses Yosakoi (よさこい) ont attiré mon attention. Le Yosakoi est une interprétation moderne de la danse traditionnelle Awa-Odori que l’on peut souvent voir dans les festivals d’été. Plusieurs groupes habillés de tenues différentes dansaient les uns après les autres, d’une manière très dynamique caractéristique du genre, le long de la large allée piétonne séparant le Hall de la NHK du gymnase de Yoyogi. La musique qui accompagne les danses a un côté un peu kitsch mais l’énergie communicative des danseurs et danseuses faisaient plaisir à voir. Ils m’ont en quelque sorte transmis un peu de leur énergie. Bien que je n’ai pas publié de billets pendant ces vacances françaises, ça ne m’a pas empêché de réfléchir à la direction que je devrais donner à ce blog. Je me suis dit que ça n’avait pas beaucoup de sens de montrer des photos de choses et d’endroits que j’ai déjà maintes fois montré et qu’il faudrait que j’y apporte une touche un peu plus personnelle et spécifique à mon style visuel. Il faudrait aussi que je travaille un peu plus la sensibilité des textes qui accompagnent mes photographies pour éviter le descriptif.

Mais cette sensibilité est de toute façon grandement et principalement influencée par la musique que j’écoute. Je me remets lentement mais sûrement à écouter de nouvelles très belles choses musicalement. Quand je me perds dans la direction de ce que je veux écouter, je reviens souvent vers LUNA SEA et cette fois-ci, j’écoute beaucoup l’album Lunacy de 2000. Je l’avais acheté en CD à l’époque et ce n’est pas l’album vers lequel je reviens le plus souvent, ce qui est une erreur car le morceau Gravity est un de leurs meilleurs. J’avais aussi oublié que certains morceaux étaient des collaborations avec DJ KRUSH, comme celui intitulé KISS. Quelques morceaux au milieu de l’album sont particulièrement inspirés, notamment le sublime Virgin Mary. C’est un long morceau de plus de 9 minutes placé exactement au centre de l’album. Ce morceau me rappelle que Ryuchi Kawamura utilise régulièrement des références religieuses, en particulier chrétiennes, dans les paroles de ses morceaux. Il m’est d’ailleurs arrivé plusieurs fois d’être assis à côté de sa femme et de son fils à l’église avec mon grand lorsqu’ils étaient petits dans la même école maternelle. Ryuchi Kawamura ne venait bien évidemment pas. Je n’ai malheureusement jamais pu dire à sa femme toute l’admiration que j’avais pour lui. LUNA SEA est le seul groupe qui fait le lien entre la musique japonaise que j’écoutais en France et celle que j’écoute encore maintenant. Écouter LUNA SEA remet en quelque sorte les pendules à l’heure, pour me permettre de repartir vers d’autres horizons.

Dans ces belles découvertes récentes, il y a le morceau Kikikaikai (器器回回) de Nagisa Kuroki (黒木渚) sorti le 23 Août 2023. Je ne connaissais pas cette compositrice et interprète originaire de la préfecture de Miyazaki dans le Kyūshū. Je la découvre par l’intermédiaire de la photographe et vidéaste Mana Hiraki (平木希奈), que j’ai déjà évoqué plusieurs fois sur ce blog, car elle a réalisé la vidéo de ce morceau. Cette vidéo est très inspirée d’ailleurs, comme peut l’être le morceau. Nagisa Kuroki a fait ses études à Fukuoka, ce qui peut expliquer qu’Hisako Tabuchi (田渕ひさ子) ait joué de la guitare sur certains enregistrements de ses morceaux. Mais Hisako Tabuchi ne joue pas sur le morceau que j’écoute en ce moment. Kikikaikai a une composition brillante, très méthodique avec un flot verbal en escalade. La dynamique du morceau est très prenante et laisse peu de temps au répit sans pourtant être poussive. La dernière minute de Kikikaikai est particulièrement excellente car la densité et la tension vocale deviennent débordantes. C’est un excellent morceau qui se savoure d’autant plus après plusieurs écoutes.

Le morceau asphyxia de Cö shu Nie sur l’album PURE n’est pas récent car il date de 2019, mais l’idée m’est venu de revenir un peu vers la musique de ce groupe après avoir vu plusieurs fois la compositrice et interprète Miku Nakamura (中村未来) sur mon flux Twitter (on dit maintenant X mais je préfère l’ignorer pour l’instant) ou Instagram. Le morceau asphyxia est une sorte d’objet musical non identifié car la voix de Miku et la composition musicale ont toutes les caractéristiques de déconstruction du math rock. On y trouve une grande élégance et inventivité. Le morceau nous trimballe sur différentes voies comme si le train musical déraillait soudainement pour se rattraper de justesse vers une nouvelle direction. Mais le morceau n’en reste pas moins très construit. On peut se demander ce qui passe par la tête de la compositrice pour en arriver à de telles envolées. Sur le même album, j’écoute également Zettai Zetsumei (絶体絶命), car je suis attiré par le titre me rappelant un morceau de Tokyo Jihen. Ce morceau est un peu plus conventionnel et calme qu’asphyxia, mais juste un peu car l’escalade instrumentale est toujours bien présente, pour mon plus grand bonheur, il faut bien le dire. C’est un style musical, un peu comme celui de Ling Toshite Sigure, qui me paraît tout à fait unique au Japon.

L’émission radio du dimanche soir What’s New FUN? de Teppei Hayashi (林哲平) sur InterFm me fait découvrir le rappeur originaire d’Oita Skaai qui y était invité pour une interview. Quelques morceaux de Skaai étaient diffusés, notamment celui intitulé Scene! en collaboration avec Bonbero. Ce morceau de hip-hop en duo est vraiment excellent pour son ambiance sombre et atmosphérique, comme on pourrait en trouver chez DJ KRUSH, et pour les talents vocaux multiples de Skaai. J’adore le hip-hop lorsqu’il part vocalement vers ce genre de terrains mouvants. Je découvre plus tard un autre excellent morceau hip-hop de Skaai intitulé FLOOR IS MINE (featuring BIM, UIN). La voix de Skaai chantant en anglais le refrain me rappelle vaguement un morceau de Red Hot Chili Pepper mais je n’arriverais pas à vraiment dire lequel. Le compte Twitter de Skaai m’indique également une collaboration avec le rappeur coréen nommé 27RING (이칠링) sur un morceau énorme intitulé Brainwashing (세뇌) Ultra Remix tiré de son album 27LIT. Le morceau est énorme car il fait plus de 8 minutes et fait collaborer pas moins de 12 rappeurs prenant la parole les uns à la suite des autres sur une trame commune dense et anxiogène. Je ne connais pas tous ces noms (TAK, Moosoo, DON FVBIO, Ted Park, maddoaeji, Boi B, DAMINI, New Champ, Lee Hyun Jun, Skaai, Asol) qui semblent principalement coréens à part Skaai (qui est en fait moitié coréen, parlant la langue). La puissance de l’ensemble et son agressivité conservant un bon contrôle des phrasés parfois ultra-rapides, m’impressionnent vraiment. Chaque intervention des rappeurs invités est entrecoupée d’exclamations proche du cri de 27RING scandant en coréen dans le texte « Mon cerveau a subi un lavage de cerveau » (세뇌 당했지 나의 뇌). La vidéo très graphique est viscérale et correspond bien à l’ambiance du morceau. Il faut d’ailleurs l’écouter fort dans les écouteurs en regardant la vidéo pour bien s’immerger. Je me sens parfois reconnaissant, envers je ne sais qui ou quoi, de tomber sur ce genre de morceaux qui réveillent mon émerveillement musical.

Je reviens ensuite vers des terrains rock plus connus en écoutant le nouveau single du groupe Hitsuji Bungaku (羊文学) intitulé More than Words. J’aime la voix de Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) qui a un petit quelque chose de particulier et que je trouve très mature sur ce morceau. Dès les premières notes, le son des guitares est très présent, rempli de réverbération, et le rythme de la batterie est extrêmement soutenu. Je suis toujours surpris par la qualité du son qu’il et elles arrivent à sortir à trois. Le son des guitares est ici très spacieux. Ce single est utilisé comme thème de fin de l’anime à succès Jujutsu Kaisen (呪術廻戦), du mangaka Gege Akutami (芥見下々), pour une série intitulée Shibuya Jihen (渋谷事変), à ne pas confondre avec Tokyo Jihen (東京事変). Le thème d’ouverture de ce même anime est un morceau de King Gnu intitulé Specialz (スペシャルズ) qu’il me faudra écouter un peu plus (en tout cas la vidéo est impressionnante). En ce moment, j’écoute aussi deux EPs de Hitsuji Bungaku, à savoir Kirameki (きらめき) sorti en 2019 et Zawameki (ざわめき) sorti en 2020. Je ne connaissais en fait pas ces EPs en entier. En les écoutant, je me prépare en quelque sorte pour le concert à Tokyo Haneda le mois prochain, en Octobre 2023. J’ai très hâte d’aller les voir en live. Je sais déjà que ça rendra bien, pour les avoir vu et entendu en streaming lors de leur passage au festival Fuji Rock, il y a quelques années.

Shinichi Osawa (大沢伸一) de MONDO GROSSO produit le nouveau morceau d’Hikari Mitsushima (満島ひかり) intitulé Shadow Dance. C’est à ma connaissance la troisième collaboration entre les deux artistes. Ce morceau est très beau. L’élégance naturelle d’Hikari Mitsushima déteint forcément sur ce morceau, qui est très délicat, notamment dans ses moments parlés. Ce morceau fait apparemment référence au court métrage publicitaire Kaguya by Gucci, réalisé par Makoto Nagahisa dans lequel Hikari Mitsushima jouait déjà. Pour les plus attentifs, j’en ai déjà parlé plusieurs fois. La qualité de la production musicale de MONDO GROSSO n’est plus à démontrer et je suis toujours très satisfait qu’il travaille avec des artistes que j’aime, comme Daoko, Sheena Ringo, AiNA entre autres. J’aimerais d’ailleurs beaucoup que Sheena Ringo écrive un morceau pour Hikari Mitsushima. Il y a déjà des liens entre les deux. J’ignore par contre complètement le morceau que Sheena Ringo a écrit et composé récemment pour Sexy Zone. Faisons comme si il n’avait jamais existé car il n’est de toute façon pas brillant. Je suis également assez déçu par le nouveau single d’Utada Hikaru (宇多田ヒカル) intitulé Gold (~また逢う日まで~). Le morceau est loin d’être mauvais mais il n’a absolument rien d’original, par rapport à ses morceaux précédents. Je l’ai bien écouté plusieurs fois, mais j’ai beaucoup de mal à m’en souvenir. Elle aurait besoin d’un nouveau souffle et je ne doute pas qu’elle le trouvera, comme ça avait été le cas pour l’album Fantôme. Cet album ne semble d’ailleurs pas être le préféré des amateurs d’Utada Hikaru. C’est pourtant pour moi un des plus intéressants et celui qui m’a fait revenir vers sa musique. Et pour revenir à MONDO GROSSO, quelle plaisir de voir une collaboration avec KAF (花譜) dont je parle aussi assez souvent sur ces pages. Le morceau qui vient juste de sortir s’intitule My Voice (わたしの声). Il mélange habilement des sons classiques de piano et de cordes avec un rythme électronique particulièrement intéressant et la voix immédiatement reconnaissable de la chanteuse virtuelle KAF (qui est une vraie personne représentée par son avatar). Comme je le disais un peu plus haut, les choix artistiques de Shinichi Osawa m’épatent vraiment car ils sont quasiment en adéquation avec les artistes que j’apprécie.

Je ne vous obligerais pas à me suivre sur le dernier morceau sélectionné sur cette petite playlist de fin d’été, car la voix d’Ayuni D n’est pas la plus évidente à apprécier. Mais le nouveau morceau Tondeyuke (飛んでゆけ) de son groupe PEDRO qu’elle forme avec Hisako Tabuchi est vraiment enthousiasmant. En fait, j’aime beaucoup l’ambiance bucolique de la vidéo accompagnant le morceau, et le sentiment de nonchalance estivale qui l’accompagne. La manière de chanter d’Ayuni sur ce morceau, en chuchotant presque la fin de chaque phrase, me plait aussi beaucoup. Et il y a un petit passage de guitare vers la fin du morceau où les sons que dégage Hisako me rappellent Sonic Youth. Ce single et la musique de PEDRO ont apparemment un certain succès. J’étais plutôt surpris d’entendre que Tondeyuke était placé à la 54ème place du classement hebdomadaire Tokio Hot 100 de la radio J-Wave, que j’écoute très régulièrement le dimanche après-midi (de 13h à 17h) lorsque nous sommes en voiture. Après la dissolution de BISH, ça fait plaisir de voir chacune des anciennes membres trouver une nouvelle voix. C’est aussi le cas de CENTCHiHiRO CHiTTiii qui s’est lancé dans une carrière solo sous le diminutif de CENT. Son nouveau single Kesshin (決心) est un rock plutôt classique et j’étais assez surpris de voir que la musique a été composée par Kazunobu Mineta (峯田和伸) de Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ).

AiNA The End a une carrière musicale pour l’instant très dense et on pourra la voir bientôt au cinéma sur le nouveau film du réalisateur Shunji Iwai (岩井俊二), Kyrie no Uta (キリエのうた). J’ai très récemment trouvé au Disk Union de Shimokitazawa le CD de la bande originale du film All About Lily Chou Chou (リリイ・シュシュのすべて) sorti en 2001, du même Shunji Iwai. J’avais déjà parlé sur ce blog de la musique du film chantée par Salyu. Le premier morceau intitulé Arabesque (アラベスク), qui accompagne les premières images du film dans les herbes hautes près d’Ashikaga (足利駅) dans la préfecture de Tochigi, est tellement sublime que je le compte volontiers dans la liste des morceaux que je préfère. La force d’évocation émotionnelle de cette musique et de la voix extrêmement sensible de Salyu me donnent à chaque fois des frissons. C’est proche du divin, sans trop exagérer. J’ai du coup revu le film qui m’avait beaucoup marqué la première fois que je l’avais vu. Je suis très curieux des films de Shunji Iwai mais ils ne sont pas disponibles sur Netflix ou Amazon Prime. J’ai quand même vu récemment le film Last Letter (ラストレター) sorti en 2020 basé sur un roman qu’il à écrit lui-même. Beaucoup d’actrices et d’acteurs reconnus jouent dans ce film, comme Takako Matsu, Suzu Hirose, Nana Mori et Masaharu Fukuyama entre autres. La surprise était de voir le réalisateur Hideaki Anno (de Neon Genesis Evangelion) joué un second rôle, celui du mari du personnage joué par Takako Matsu. Que ça soit sur des films ou des drama télévisés, je croise souvent la route de Takako Matsu (松たか子) en ce moment. La dernière fois était sur le drama Quartet (カルテット), dans lequel jouait également Hikari Mitsushima. Tout finit par se reboucler dans mes billets.

街の空虚も愛せない

Je découvre par hasard un nouvel immeuble de l’architecte japonais Von Jour Caux alors que je marchais de Zoshigaya (雑司ヶ谷) jusqu’à la station d’Ikebukuro (池袋). Ce building appelé Le bois Hiraki Minamiikebukuro Building est en fait situé près de la station. On reconnaît tout de suite et de loin le style Von Jour Caux, proche de l’architecture d’Antoni Gaudi. Je l’avais de toute façon déjà vu de nombreuses fois sur internet. Sa construction en 1979 est antérieure à son bâtiment le plus connu, Rythms of Vision, Waseda El Dorado que j’ai déjà montré plusieurs fois sur les pages de Made in Tokyo. J’aurais dû essayer de voir l’intérieur qui est encore plus mystérieux que l’extérieur. Il y a quelques autres bâtiments de Von Jour Caux à Tokyo qu’il faudrait que j’explore un jour ou l’autre. En passant à Zoshigaya, je suis retourné au temple Kishimojindō (鬼子母神堂) pour récupérer cette fois-ci le sceau goshuin que je n’avais pas collecté la première fois. J’en profite pour refaire un petit tour parmi les Torii rouges où on été tournées certaines scènes de Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王).

La musique rock à l’esprit indé d’Hitsuji Bungaku (羊文学) est toujours un bonheur, ici avec un nouveau single intitulé FOOL sorti le 25 Avril 2023. Le style musical est dans la lignée de ce qu’on connaît déjà du groupe et l’accroche est immédiate. La formule rock dans lequel s’inscrit la musique du groupe fonctionne vraiment très bien. J’aimerais vraiment les voir en concert un jour, mais le groupe est en fait maintenant assez populaire. Il est donc plus difficile d’acheter des billets et j’avais manqué mon coup lors de leur dernière tournée. Je parle également régulièrement de la compositrice et interprète Samayuzame qui vient de sortir un nouveau morceau intitulé City of Romantica. Il s’agit en fait d’une reprise retravaillée d’un de ses morceaux plus anciens. L’ambiance électronique y est comme toujours très fouillée, délicate et apaisante. La photographie qui sert de couverture au single a été prise par Mana Hiraki (平木希奈) dont je parle souvent en ce moment. a子 vient également de sortir un excellent nouveau single intitulé All to Myself (あたしの全部を愛せない) le 20 Juin 2023. Elle fait pour moi un sans faute depuis le début de sa carrière. Elle a trouvé une voie très intéressante entre le côté indé (sa voix et sa manière de chanter y contribuent) et le côté pop qu’elle a développé au fur et à mesure des morceaux. Dès la première phrase des paroles (あたしの空虚も愛せない), j’aime beaucoup la vidéo où on la voit jouer avec son groupe, les cheveux plus rouges que jamais et le visage taché de château Margaux. J’ai hâte d’aller la voir la semaine prochaine, si tout va bien, à Shibuya. J’imagine que le groupe de la vidéo sera le même en concert. Je reconnais certaines têtes comme le guitariste à la coupe rasta Masumi Saito et le bassiste à la coupe punk Gaku Usui. Le nouveau groupe de DAOKO appelé QUBIT (キュービット) sort son premier morceau intitulé G.A.D. en ce même jour du 20 Juin 2023. J’avais déjà un peu parlé de QUBIT en indiquant que DAOKO était accompagnée de Seiichi Nagai (永井聖一) à la guitare, Makoto Suzuki (鈴木正人) à la basse, Shōhei Amimori (網守将平) aux claviers et Kazuya Ōi (大井一彌) à la batterie. Je me demandais vraiment vers quel style allait tendre la musique du groupe sachant que le guitariste Seiichi Nagai officie également au sein du groupe Sōtaisei Riron (相対性理論) d’Etsuko Yakushimaru. Le style est en fait assez proche de la musique de Daoko. Ce premier single était pour moi un peu déroutant à la première écoute dans sa première partie mais m’a complètement convaincu dans sa deuxième partie. Le phrasé hip hop accentué de DAOKO est toujours excellent car sa voix change sans cesse de tonalité. Au final, le morceau est très original et changeant, et ne semble pas vouloir plonger dans le mainstream que DAOKO connaissait pourtant bien à une certaine période de sa carrière. Tout ceci me plaît vraiment beaucoup.

suivre les signes de la rue

Made in Tokyo a tout juste 19 ans. A l’état civil, sa naissance est enregistrée le 22 Mai 2003. Si on regarde la page des archives du blog, on voit que des billets sont publiés dès Mars 1999, mais il s’agit des entrées du journal de bord de ce site web alors qu’il ne s’appelait pas encore Made in Tokyo, mais Okaeri. J’avais longtemps hésité avant d’intégrer dans Made in Tokyo ces anciens messages de Mars 1999 jusqu’à Mai 2003, car je pensais qu’ils viendraient brouiller l’historique du blog. Mais comme ils étaient tous datés, j’ai trouvé une certaine logique à faire coïncider ces anciens messages avec les dates réelles auxquelles je les avais écrit. J’ai aussi tendance à utiliser ce blog comme une aide mémoire, ce qui me permet ainsi de revenir jusqu’à mes premières années à Tokyo. Ces premières années sont bien sûr loin d’être complètes car il me reste quelques pages à intégrer. Je me suis souvent demandé si j’aurais le courage de continuer aussi longtemps. Je me posais la question sur le premier billet de Made in Tokyo si j’allais trouver des choses intéressantes à dire et si j’allais trouver le temps de publier régulièrement des nouveaux billets. Force est de constater que j’ai dû trouver des choses intéressantes à raconter pour continuer jusqu’à maintenant à suivre sans discontinuer les signes que me font la rue.

Depuis que j’utilise mon objectif fixe 40mm sur mon Canon 50D, je me concentre sur les affiches (notamment celles des abribus), sur les illustrations et les stickers de toutes sortes ornant les murs. Le traitement de l’image est volontairement un peu différent des photographies que je prends avec mon grand-angle. Le contraste y est légèrement plus accentué, assez pour que ces photographies m’apparaissent comme différentes, mais certainement pas assez pour qu’on le remarque franchement. Nous sommes ici et là dans différents quartiers de Shibuya à la périphérie du centre, devant les grandes barres d’immeubles d’habitation en phase de déconstruction au delà d’Ikejiri, derrière la tour Hikarie, dans la zone des Love Hotels à Maruyamachō ou dans les quartiers autour du grand stade olympique à Sendagaya. J’aime beaucoup prendre en photo ce brouhaha visuel mélangeant couleurs et noir et blanc et tous ces signes que me font la rue.

La première photo est extraite de la présentation en directe sur YouTube du nouvel album our hope de Hitsuji Bungaku par les trois membres du groupe, de gauche à droite: le très chevelu Hiroa Fukuda (フクダヒロア) à la batterie et aux chœurs, Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) au chant et à la guitare et Yurika Kasai (河西ゆりか) à la basse et aux chœurs. Cette vidéo n’a pas été conservée dans les archives de YouTube, il n’y a donc pas de lien disponible. La deuxième photo est extraite de la session The First Take du morceau Aimai de iiyo (あいまいでいいよ). Les deux dernières photos sont extraite de la vidéo du morceau OOPARTS présent sur l’album our hope.

Côté musique, j’écoute beaucoup en ce moment le dernier album du groupe rock Hitsuji Bungaku (羊文学) intitulé our hope. Il s’agit de leur troisième album. J’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog de la musique rock indé de ce groupe, mais c’est la première que j’écoute un de leurs albums en entier. En fait, je l’aime tellement que j’ai eu envie d’aller les voir en concert sur une de leurs deux dates de Tokyo (à Odaiba DiverCity, tout près du grand Gundam). Je m’étais même préparé pour essayer de réserver une place dès l’ouverture du guichet sur le site web de Pia, un samedi à 10h du matin. Mais entre le site qui ne répond pas et les demandes qui semblaient être nombreuses, je n’ai pas réussi à acheter un billet malgré de nombreux essais successifs. Tous les billets ont été réservés en moins de 30 minutes (le guichet était fermé un peu avant 10h30). Je ne me doutais pas que Hitsuji Bungaku était aussi populaire, mais j’ai bien l’impression que le groupe a gagné une certaine notoriété car ils vont passer le lundi 23 Mai dans l’émission musicale télévisée CDTV Live Live (CountDown TV ライブライブ), au côté de groupes comme King Gnu. J’ai toujours pensé qu’il était compliqué d’acheter des places de concert au Japon pour un groupe connu lorsqu’on ne fait pas partie du fan club (c’est la raison pour laquelle je suis membre de Ringohan bien que comme par hasard, il n’y ait toujours pas de concerts annoncés). La relative facilité avec laquelle j’avais pu obtenir une place pour le concert de Tricot m’avait pourtant donné un peu d’optimisme. Tout ça me rappelle un peu la raison pour laquelle je n’ai jamais vraiment eu en tête d’aller voir des concerts ces dernières années. Mais la crise sanitaire m’a aussi fait prendre conscience d’un manque que je n’avais pourtant pas jusqu’à maintenant. Pour revenir à ce nouvel album de Hitsuji Bungaku, je trouve tous les morceaux très bons avec quelques pépites comme par exemple OOPARTS ou Hikaru Toki (光る時). D’autres morceaux comme Kudaranai (くだらない) se révèlent vraiment après plusieurs écoutes. Mais dans l’ensemble, les morceaux de l’album nous accrochent dès la première écoute et ne nous lâchent pas de sitôt. A vrai dire, c’est difficile à expliquer mais je ressens un respect certain pour la compositrice et chanteuse du groupe, Moeka Shiotsuka, car elle n’est pas démonstrative en interview mais montre beaucoup de passion et de conviction dans son chant lors des morceaux et concerts que j’ai pu voir sur internet. Je me souviens en particulier de leur prestation lors du festival Fuji Rock et plus récemment pour le morceau Aimai de iiyo (あいまいでいいよ) sur la chaîne YouTube The First Take. J’avais déjà parlé de ce morceau dans un précédent billet mais il n’est pas présent sur ce nouvel album, mais sur le précédent Powers. Le rock japonais est très loin d’être mort et est même très présent sur la scène musicale japonaise, par rapport aux scènes internationales. Ce n’est pas pour me déplaire bien entendu, même s’il ne s’agit pas du seul style qui m’intéresse.